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L’Institut de France et les cinq académies

COUR DES COMPTES

L’Institut et les académies s’administrent librement et bénéficient de l’autonomie financière sous le seul contrôle de la Cour des comptes. Honorant pour la seconde fois le mandat que lui fixe la loi, la Cour a de nouveau examiné la gestion des institutions du quai de Conti et l’utilisation de leur patrimoine pendant les années 2014 à 2020.
Dans son précédent rapport, rendu public en 2015, la Cour dressait le constat d’une situation préoccupante à bien des égards. Depuis lors, des progrès sont intervenus dans certains domaines. Ces progrès demeurent cependant limités et le mouvement de remise en ordre est récent. Les institutions du quai de Conti se trouvent aujourd’hui confrontées à une situation financière déséquilibrée. La Cour formule 19 recommandations.

 

Une gouvernance éclatée

L’Institut et les académies forment un ensemble institutionnel singulier, au service de hautes missions scientifiques, culturelles, philanthropiques et de conseil. L’Institut et les académies sont des personnes morales distinctes, mais liées entre elles. Cette interdépendance est matérialisée par le rôle de l’Institut de France qui est chargé, outre la gestion de ses biens propres, de gérer un certain nombre de fonctions support pour l’ensemble (finances, gestion des ressources humaines, etc.). Cette intégration des fonctions de gestion au niveau de l’Institut demeure cependant insuffisante en raison des réticences des académies, attachées à leur autonomie. L’organisation collective de cet ensemble apparait, par ailleurs, confuse et datée, avec une multiplicité d’acteurs et d’instances, aux fonctions parfois mal définies, et un empilement de strates apparues au fil du temps dans le processus de décision. Déjà réclamée par la Cour lors de ses précédents contrôles, une plus forte intégration et mutualisation des fonctions support est nécessaire afin de professionnaliser la gestion des institutions du quai de Conti.

Une gestion insuffisamment professionnalisée

Malgré des efforts récents de remise en ordre, qui n’ont pas encore produit tous leurs effets, la Cour relève des faiblesses de tous ordres dans la manière dont les institutions du quai de Conti gèrent les dons et legs et s’administrent elles-mêmes. Cette gestion au fil de l’eau est préoccupante. Parmi les fondations abritées par l’Institut et les académies, qui seraient en 2019 un peu plus de mille, nombre des plus anciennes sont aujourd’hui en déshérence. Un travail de clarification est nécessaire ainsi qu’une plus grande sélectivité dans l’acceptation des libéralités.
La gestion de l’exceptionnel patrimoine immobilier de l’Institut et des académies pâtit également d’une administration encore insuffisamment qualifiée et outillée. Deux opérations de prestige, l’acquisition d’un immeuble 17 quai de Conti et la construction de l’auditorium, ont été effectuées pour un montant de 46 M€ environ, dont près de 25 M€ à la charge de l’Institut, alors que, dans le même temps, des travaux de restauration du palais Conti (d’un coût prévisionnel de l’ordre de 25 M€) n’étaient pas réalisés. Un récent rapport de l’inspection du patrimoine du ministère de la culture, conduit à la demande de l’Institut, a souligné la gestion déficiente de l’archivage et les risques d’incendie des zones d’entreposage du palais Conti.

Un patrimoine artistique et culturel exceptionnel, en partie laissé à l’abandon

L’Institut et les académies détiennent un patrimoine culturel d’exception, essentiellement rassemblé dans dix-huit sites ouverts au public ou présentant un intérêt patrimonial.  Certains sites, comme la maison et les jardins de Giverny ou le musée Marmottan Monet, sont entretenus et exploités de manière exemplaire. Une large partie du patrimoine culturel de l’Institut et des académies, faute de moyens ou d’attention, est en revanche laissée à l’abandon depuis plusieurs décennies, comme c’est le cas notamment de la Villa Éphrussi à Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes), du manoir de Kerazan (Finistère) ou du domaine de Chaalis (Oise). Les enjeux de conservation et de valorisation des collections et, plus généralement, ceux liés aux musées et autres lieux de mémoire sont très diversement pris en compte selon leur organisme de rattachement. Il est indispensable qu’à l’avenir, les normes professionnelles et les obligations scientifiques de conservation qui devraient s’attacher au patrimoine de l’Institut et des académies soient plus systématiquement respectées.

Une situation financière déséquilibrée

Faute d’avoir réalisé en temps nécessaire des travaux d’entretien et de restauration de leur patrimoine historique, l’Institut et les académies se trouvent aujourd’hui confrontés à un « mur d’investissement ».
L’absence de véritable solidarité financière entre les institutions du quai de Conti fausse l’appréciation que chacune peut avoir de sa situation et de celle de l’Institut. En effet, l’Institut doit assumer les charges de fonctionnement des fonctions support qu’il gère au profit des académies et que les remboursements effectués par les académies sont loin de couvrir. Il doit également faire face seul aux dépenses à engager sur ses nombreux musées ainsi que sur le palais Conti, alors même que celui-ci héberge non seulement l’Institut mais aussi les académies. L’impasse de financement peut être évaluée, pour l’Institut, à environ 54 M€ sur les cinq ans à venir, dont 25 M€ au titre des travaux de rénovation à engager sur le palais Conti. Il serait illusoire de considérer que cette impasse ne concerne que l’Institut, du fait de l’interdépendance des institutions du quai de Conti entre elles.
L’Institut et les académies doivent reconsidérer en profondeur leur stratégie financière afin de dégager les moyens nécessaires à la professionnalisation de leur gestion et à l’entretien de leur patrimoine artistique et culturel.
L’État vient d’apporter un soutien exceptionnel et notable au domaine de Chantilly (au minimum 4,5 M€) pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire et du retrait de l’Aga Khan. Un tel soutien constitue un changement majeur par rapport à la règle selon laquelle l’Institut et les académies, très richement dotés, sont supposés faire face à leurs besoins de financement grâce aux revenus de leur patrimoine. Le soutien exceptionnel de l’État met en évidence, s’il en était besoin, l’impérieuse nécessité où se trouvent l’Institut et les académies de réformer leur gestion.

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