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Les relations entre l’État et les gestionnaires de structures d’hébergement

COUR DES COMPTES

Depuis le début des années 2000, l’hébergement des sans-abris a fortement augmenté en réponse à la croissance des besoins. En dix ans, les crédits de l’État pour ce secteur ont triplé, atteignant 3,2 milliards d'euros en 2023, finançant un parc de 334 000 places.
La politique d’hébergement de l’État intègre d’une part l’hébergement d’urgence de droit commun « pour toute personne en détresse médicale, psychique ou sociale » (deux tiers des 334 000 places, pilotés par la délégation à l’hébergement et à l’accès au logement), et d’autre part l’hébergement des demandeurs d’asile (un tiers des places, piloté par la direction générale des étrangers en France).
Quel que soit le type d’hébergement, les établissements d’accueil sont en pratique gérés essentiellement par des associations financées par l’État.

La présente enquête fait suite à la réalisation par la Cour des comptes de plusieurs contrôles d’associations œuvrant dans ce champ. Elle vise à analyser, depuis 2017, le pilotage par l’État de la politique d’hébergement qu’il finance, mais qui est mise en place par les organismes gestionnaires de structures d’hébergement. Il appartient en effet à l’Etat de définir la stratégie qu’il entend mener en la matière, puis de piloter ces partenaires pour s’assurer de sa bonne mise en œuvre, et de la qualité de la prestation rendue.

Or, la Cour des comptes constate que l’État ne s’acquitte pas correctement de cette mission, à ses différents niveaux.

Tout d’abord, cette politique a jusqu’à ce jour été conçue sur le mode de la gestion d’urgences temporaires, comme si les flux pouvaient s’inverser ou se tarir, alors qu’ils n’ont fait que se consolider et s’intensifier. Le mode de pilotage par l’État de cette politique repose en effet sur un large recours au subventionnement annuel qui, s’il présente l’avantage d’afficher une dépense aisément réversible, ne permet juridiquement pas de définir précisément la prestation attendue et d’en contrôler étroitement l’exécution. Il ne correspond plus aux exigences d’une politique inscrite dans la durée. L’État a de plus eu recours, dans le cadre de ce subventionnement annuel, à des pratiques de sous-évaluation et de gel de crédits, systématiquement corrigées en fin de gestion, et qui ont eu pour seul résultat d’insécuriser les partenaires associatifs.
Les limites du cadre subventionné nécessitent en conséquence une conversion plus fréquente des places d’hébergement d'urgence en places d’établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), pérennes, tout en maîtrisant les coûts associés. Le recours aux nuitées hôtelières doit par ailleurs s’inscrire, dès lors qu’il est récurrent, dans le cadre de la commande publique.

En corollaire, l’État n'a pas mis en place le cadre et les moyens nécessaires pour contrôler la réalité et la qualité des prestations. Le cloisonnement administratif entre l’hébergement des demandeurs d’asile et celui de droit commun a de plus entravé la construction d’une vision transversale et le partage d’informations.

Enfin, l’État n’a pas suffisamment évalué la solidité des grands organismes auxquels il faisait appel et dont il a alimenté la forte croissance. Les contrôles organiques menés par la Cour des comptes révèlent, parmi ces grandes associations, un degré de maturité variable quant au pilotage de leur réseau d’établissements (budgets et comptabilité, ressources humaines, qualité de service). L’État s’est ainsi mis en risque d’avoir à organiser leur sauvetage le cas échéant, car ceux-ci ont acquis une dimension systémique qui rend le donneur d’ordres captif de son prestataire.

De premiers efforts d’amélioration ont été réalisés ou sont en cours sur ces différents sujets : dialogue renforcé entre administrations et avec les associations, création d’outils de suivi et de contrôle des prestations, volonté de limiter les subventions et de réserver les nuitées hôtelières aux situations d’urgence liée à des flux temporaires.

« L’État a choisi de faire comme si la croissance des besoins en matière d’hébergement d’urgence était temporaire ; ce faisant, il s’est privé des outils qui lui auraient permis de bien encadrer et contrôler la mise en œuvre de sa politique par les associations financées à cet effet » , souligne Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.

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