Une accélération très volontariste de la mise en place du télétravail
Si le télétravail a connu, essentiellement dans la fonction publique de l’État (FPE), un développement sensible au début des années 2010, il constituait un mode de travail peu usité. Le besoin impérieux d’assurer la continuité des services publics lors des confinements a profondément modifié cette situation. Pour autant, si dans la FPE, du moins pour les ministères, les négociations collectives ont eu lieu, la situation est révélée beaucoup plus contrastée dans la fonction publique territoriale (FPT) et dans la fonction publique hospitalière (FPH) où le déploiement du télétravail n’a pas constitué une priorité. Malgré tout, la période récente se caractérise par une progression importante du nombre de télétravailleurs : il est désormais fréquent que plus d’un agent sur deux télétravaillent en administration centrale pour une quotité moyenne de deux jours par semaine dans un champ pouvant aller jusqu’deux jours et demi. Le télétravail reste en outre cantonné aux fonctions administratives sans contact avec le public.
Concilier avec vigilance le déploiement du travail avec l’intérêt du service et les charges immobilières.
La place nouvelle du télétravail constitue un défi stratégique et opérationnel pour les employeurs publics. À l’heure actuelle, en raison de son déploiement rapide à la sortie de la crise sanitaire, la réflexion d’ensemble a été et demeure insuffisante. Sur le plan des missions, l’augmentation des quotités de télétravail jusqu’à trois jours hebdomadaires, dont la possibilité a été rappelée par l’accord du 13 juillet 2021, n’est envisageable que si les employeurs publics s’assurent préalablement avec une grande vigilance du maintien du niveau de service, voire de son amélioration. De même sur le plan immobilier, la Cour constate que si le lien a été fréquemment établi entre le télétravail à grande échelle et la réduction des surfaces de bureaux dans le secteur privé, la réflexion au sein de la sphère publique est juste amorcée. La Cour considère que les employeurs publics devront, à partir d’un certain seuil de télétravail dans leurs services, enclencher une dynamique similaire à celle du secteur privé.
S’assurer de la productivité du télétravail et de l’efficacité des modalités de contrôle des agents en télétravail
La massification du télétravail dans la fonction publique soulève deux écueils : d’une part, les employeurs publics doivent s’assurer que le télétravail ne dégrade pas la productivité globale de leurs services - sujet en débat en l’absence d’études faisant consensus - et n’altère pas l’existence indispensable des collectifs de travail. D’autre part, ils doivent mettre en place des modalités de contrôle opérantes des agents en télétravail pour garantir la productivité des télétravailleurs, mais aussi l’équité avec les non télétravailleurs. Le défi managérial est donc important et reste souvent à relever, surtout si les plages ouvertes devaient s’étendre. Au total, le développement réussi du télétravail implique que désormais, les employeurs publics s’inscrivent davantage dans une approche globale et systémique.
Le télétravail : une chance à saisir pour rénover l’offre publique de services aux usagers
Le télétravail constitue également un outil de rénovation de l’offre de services aux usagers, cette dimension a été insuffisamment prise en compte. La Cour identifie deux voies permettant au télétravail d’améliorer le service à l’usager : il pourrait être utilisé comme un levier pour élargir les plages de contact des usagers avec l’administration - ce qui répond à une forte demande de ces derniers ; par ailleurs, il constitue une réelle opportunité pour développer une offre de contact par visioconférence, qui deviendrait alors un quatrième canal de contact avec l’usager, limitant les effets parfois dénoncés de la dématérialisation des procédures. Ces avantages, avérés ou potentiels, militent pour que les employeurs publics s’emparent de ces chantiers, afin que le télétravail s’impose comme un axe majeur de la modernisation des services publics, au bénéfice des agents et des usagers.