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LE TÉLÉTRAVAIL
DANS LA FONCTION
PUBLIQUE APRÈS
LA CRISE SANITAIRE
Premier bilan
Rapport public thématique
Novembre 2022
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
Procédures et méthodes
................................................................................
5
Synthèse
.........................................................................................................
9
Récapitulatif des recommandations
...........................................................
15
Introduction
..................................................................................................
17
Chapitre I Une pratique en rapide expansion à vocation
cependant minoritaire
.................................................................................
21
I - Une fonction publique davantage ouverte au télétravail
...........................
22
A - La volonté des pouvoirs publics de faciliter le recours au télétravail
.............
23
B - Une hausse soutenue mais disparate
...............................................................
26
II -
Une dynamique limitée à certains types d’emplois
..................................
31
A - Une forte demande de télétravail des agents, une réponse positive
des employeurs publics
.........................................................................................
32
B - Une pratique essentiellement circonscrite aux activités administratives
sans contact avec le public
....................................................................................
35
Chapitre II Un défi à relever pour les employeurs publics
.....................
39
I -
Un effort d’investissement encore nécessaire pour ancrer
le télétravail dans le fonctionnement des services
.........................................
40
A - Une mise à niveau informatique à parachever
................................................
40
B -
La nécessité d’un effort de formation
.............................................................
48
C -
Une réflexion inaboutie pour adapter l’immobilier public
au développement du télétravail
...........................................................................
51
II - Une pratique collective et individuelle à mieux encadrer
........................
60
A - Préserver la bonne organisation du service
dans la mise en œuvre
du télétravail
..........................................................................................................
60
B - Prévenir les risques psychosociaux par la régulation des horaires
de télétravail
.........................................................................................................
64
C -
Veiller aux conditions concrètes d’exercice du télétravail au domicile
..........
65
Chapitre III Un levier à saisir pour améliorer la qualité
du service public
...........................................................................................
71
I - Utiliser le télétravail pour améliorer la qualité du service rendu
aux usagers
.....................................................................................................
72
A - Renforcer la résilience des administrations face aux crises
............................
72
B -
Se saisir d’un nouveau
levier pour le service aux usagers
..............................
80
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4
II - Insérer le télétravail dans la transformation numérique des services
publics
............................................................................................................
86
A - Coupler dématérialisation des procédures et télétravail
..................................
87
B -
Se servir du télétravail pour diversifier l’accueil des usagers
.........................
88
Conclusion générale
.....................................................................................
93
Liste des abréviations
..................................................................................
95
Annexe
..........................................................................................................
97
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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Procédures et méthodes
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des
six chambres thématiques
1
que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou
territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
do
nc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’
indépendance
institutionnelle des juridictions financières et
l’indépendance
statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors
d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
pris
e en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié
à un ou plusieur
s rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets
ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives,
sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistr
ats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, l
a publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses
sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour.
1
La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
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6
Le présent rapp
ort est issu d’une enquête conduite sur le fondement
de l’article L.
143-6 du code des juridictions financières, qui permet à la
Cour de mener des enquêtes thématiques.
Cette enquête a été conduite par la formation inter-juridictions (FIJ)
« Fonction publique », qui comprend des membres des six chambres
thématiques de la Cour des comptes et de plusieurs chambres régionales des
comptes métropolitaines.
Elle porte sur les trois versants de la fonction publique : fonction
publique d’État, fonc
tion publique hospitalière et fonction publique
territoriale. Le périmètre retenu comprend l’ensemble des agents publics, y
compris les agents contractuels, hors personnels militaires.
Le
présent
rapport
fait
la
synthèse
de
nombreuses
informations comprenant notamment :
-
les données de synthèse disponibles auprès des administrations,
notamment la
direction générale de l’administration et de la fonction
publique (DGAFP), la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et la
direction générale des collectivités locales (DGCL), ainsi que divers
organismes d’employeurs publics
, syndicats représentatifs et associations
de cadres dirigeants, qui ont été rencontrés (cf.
l’
annexe présentant la liste
des personnes rencontrées) ;
-
les données recueillies par la Cour et les CRC dans le cadre de la présente
enquête, par voie de questionnaires, complétés dans certains cas
d’entretiens,
auprès
d’une
sélection
d’administrations
de
l’État,
d’établissements publics nationaux et locaux,
de collectivités territoriales
et d’hôpit
aux ;
-
les observations faites lors de leurs enquêtes antérieures par les chambres
régionales des comptes et les chambres de la Cour s’agissant d
u
télétravail, le cas échant.
Au total, plus de soixante-dix entités publiques ont ainsi été
sollicitées pour les besoins du présent rapport.
Tout en faisant la part, dans ses analyses, des spécificités de chaque
secteur, la Cour a choisi de porter un regard transversal sur les trois versants de
la fonction publique, tels que définis par le statut général de la fonction publique.
Ils sont en effet tous trois affectés, à des degrés divers, par
l’essor du télétravail
.
En l’absence de données de synthèse contemporaine
s
, l’enquête
s’appuie sur les
dernières informations collectées pour objectiver ses constats.
Compte tenu d’une dynamique rapide et toujours en cours, les
constats de la Cour portent particulièrement sur les conditions de mise en
œuvre du télétravail
de droit commun par les employeurs publics dans le
contexte de sortie de la crise sanitaire liée à la Covid-19
, c’est
-à-dire de
l’automne 2021 à juin 2022
.
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PROCÉDURES ET MÉTHODES
7
Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré, le 8 juillet 2022, par
la formation inter-juridictions précitée, présidée par M. Barbé, conseiller
maître, et composée de M. Guibert, Mmes Soussia et Coudurier, M. Homé,
conseillers maîtres, M. Caïani, conseiller référendaire, vice-président de
chambre régionale des comptes, MM. Magnino et Vidal, présidents de
section de chambre régionale des comptes ainsi que, en tant que rapporteurs
généraux, MM. Véronneau, conseiller référendaire et Le Bris, premier
conseiller, en tant que rapporteur, M. Delmas, conseiller maître et, en tant
que contre-rapporteur, M. Soubeyran, conseiller maître.
Il a ensuite été examiné et approuvé le 19 septembre 2022 par le
comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes,
composé de M. Moscovici, Premier président, Mme Camby, rapporteure
générale du comité, M. Andréani, Mme Podeur, M. Charpy, Mme Démier,
M. Bertucci, Mme Hamayon, présidents de chambre, M. Tournier,
conseiller maître, doyen des présidents de section de la troisième chambre,
MM. Martin, Meddah, Lejeune, Advielle, Mme Renet, présidents de
chambre régionale des comptes et M. Gautier, Procureur général, entendu
en ses avis.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes.
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Synthèse
Le télétravail de droit commun, apparu de manière informelle dans
les années 1990, a été instauré en 2012 dans la fonction publique par la loi
dite Sauvadet
2
, en reprenant la définition retenue par le code du travail.
Marginal avant le déclenchement de la crise sanitaire, le télétravail
a récemment connu deux évolutions significatives. Sur le plan juridique, le
décret du 5 mai 2020 a élargi et assoupli le recours au télétravail et l’accord
collectif du
13 juillet 2021 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la
fonction publique a imposé aux employeurs de la fonction publique de
négocier ou renégocier leur dispositif de télétravail. Sur un plan pratique,
le recours, certes contraint, au télétravail durant la pandémie liée à la
Covid-19, a ouvert la voie à sa banalisation.
Une accélération très volontariste
de la mise en place du télétravail
Le télétravail avait connu, essentiellement dans la fonction
publique
de l’
État (FPE), un développement sensible au début des années
2010. Pour autant, au déclenchement de la crise sanitaire, il restait un mode
de travail peu usité. L
e besoin impérieux d’assurer la continuité des
services publics lors des confinements a profondément modifié cette
situation.
Si le décret du 5 mai 2020 a laissé
des marges de manœuvre
importantes aux employeurs publics pour organiser
le télétravail, l’accord
du 13 juillet 2021 a bousculé cette approche en leur
imposant d’ouvrir la
possibilité de télétravailler, sauf à
justifier d’une impossibilité. Ce
changement de paradigme est intervenu alors même que les enseignements
de la massification du télétravail durant la crise sanitaire
n’
ont pas encore
été tirés.
2
Loi n° 2012-347 du 12
mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à
l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction
publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives
à la fonction publique.
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COUR DES COMPTES
10
La première réunion du comité d
e suivi de l’accord national, tenu
e
en mars 2022, a montré que si, dans la FPE, du moins pour les ministères,
les négociations collectives ont eu lieu, la situation est en revanche très
contrastée dans la fonction publique territoriale (FPT) et la fonction
publique hospitalière (FPH), où le déploiement du télétravail
n’est
pas une
priorité. Malgré tout, la période récente se caractérise par une progression
importante du nombre de télétravailleurs, cantonnée cependant aux
fonctions administratives sans contact avec le public.
Cette progression s’est imposée
au dernier trimestre 2021 aux
décideurs publics dans des délais très brefs sans avoir été sous-tendue par
une réflexion d’ensemble
et prospective sur la gestion des services publics.
Concilier avec v
igilance l’intérêt du service
et les charges immobilières avec le déploiement du télétravail
La place nouvelle du télétravail constitue un défi stratégique et
opérationnel pour les employeurs publics, tant sur un plan matériel que
d’un point de vue
managérial. Ils
ont d’ores et déjà fourni un effort
budgétaire important pour doter leurs agents en matériels nomades et les
services en solutions d’audioconférence
s et de visioconférences, mais aussi
pour dispenser des formations, nécessaires à une pratique et des outils
inconnus de nombreux agents. De même, il a été déterminant de vite
adapter les infrastructures informatiques.
Si l’effort d’équipement individuel des agents paraît achevé
(il sera néanmoins indispensable de réaliser des investissements de
renouvellement d’autant plus importants qu’ils seront à effectuer
simultanément dans beaucoup d’administrations), il est à parachever pour
les infrastructures informatiques. À court terme, il importe aussi
d’améliorer rapidement le
fonctionnement technique des visioconférences,
consubstantielles de la pratique du télétravail et sujet de crispation, compte
tenu des difficultés d’usages rencontrées.
Par ailleurs, la pratique accrue du télétravail pose la question de
l’utilisation de l’immobilier et de son coût.
Alors que, dans le secteur privé,
le lien a été fréquemment établi entre mise en œuvre du télétravail à grande
échelle et réduction des surfaces de bureaux, la
réflexion est loin d’être
achevée au sein de la sphère publique.
La Cour considère que les employeurs publics devraient à partir
d’un certain seuil (par exemple pour les agents durablement en télétravail
pour plus de 50 % de leur temps de travail hebdomadaire ou lorsque la
quotité de télétravail retenue pour le service est de trois jours) enclencher
une dynamique similaire.
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SYNTHÈSE
11
Surtout, le développement du télétravail dans la fonction publique
ne devrait se poursuivre qu’en prenant nettement en compte l’intérêt du
service.
Cet impératif s’impose dans un cont
exte où, en pratique, coexistent
deux approches du télétravail
: l’une dans laquelle celui
-ci résulte des
demandes individuelles des agents, que la hiérarchie accepte largement
dans une optique d’amélioration de la qualité de vie au travail, l’autre, plus
ambitieuse, dans laquelle il constitue un mode d’organisation élaboré par
l’employeur dans l’intérêt du service et des agents.
Or, faute
d’une phase lente de montée en charge du télétravail, les
employeurs publics ont répondu aux défis, partagés avec les organisations
syndicales, du maintien du collectif de travail
et d’une o
rganisation efficace
du service, essentiellement en contingentant la quotité de jours de
télétravail accordée, ce qui paraît adapté eu égard au contexte.
Si l’augmentation des quotités de télétravail jusqu’à trois jours
hebdomadaires, dont la possibilité a été rappelée
par l’accord du 13
juillet
2021, devait se généraliser, il conviendrait que les employeurs publics
s’assurent
a minima
préalablement, avec une grande vigilance, du maintien
du niveau de service.
Au total, le développement réussi du télétravail implique que
désormais, les
employeurs publics s’inscrivent
davantage dans une
approche systémique.
S’a
ssurer de la productivité du télétravail et de
l’efficacité
des modalités de contrôle des agents en télétravail
Une fois le déploiement du télétravail achevé, la massification de
celui-ci dans la fonction publique soulève deux écueils auxquels les
employeurs publics doivent se confronter.
Indépendamment du fait que certaines pratiques doivent être
proscrites (par exemple la transformation des périodes de temps partiel en
plages de temps télétravaillés), les employeurs doivent
d’une part
s’assurer
que le télétravail ne dégrade pas la productivité globale de leurs services,
sujet en débat en l’absence d’études faisant consensus
. Ils doivent
d’autre
part, mettre en place des modalités de contrôle opérantes des agents en
télétravail en apportant un cadre et un appui au management de proximité,
à
la fois pour des raisons de productivité mais aussi d’équité entre
les
agents.
Si la mise en place récente et toujours en cours du télétravail de
droit commun a limité la capacité des juridictions financières à formuler
des constats sur ces thématiques, celles-ci feront
l’objet de leur vigi
lance
dans les contrôles futurs.
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COUR DES COMPTES
12
Le télétravail : une chance à saisir pour améliorer
et rénover l’offre publique de services aux usagers
Même si le télétravail demeure essentiellement un outil
d’amélioration de la
qualité de vie au travail, un nombre croissant
d’employeurs publics
estiment (et formalisent dans leur règlement
intérieur, charte, etc.) que le télétravail a aussi pour objectif de construire
de nouveaux collectifs de travail centrés sur les résultats et la qualité du
service
. Pour autant, en pratique, la Cour constate qu’un nombre
significatif d’employeurs publics se satisfont à l’heure actuelle
de ce que
la mise en place du télétravail n’ait pas dégradé le fonctionnement des
services.
Cette attitude doit être dépassée car le télétravail offre un riche
potentiel d’amélioration du service public.
En incitant au développement du télétravail dans les secteurs
public et privé, la crise sanitaire a permis de familiariser une part croissante
de la population
avec les nouvelles technologies de l’information et de la
communication. Cette évolution est de nature à favoriser
l’essor
de
modalités de réalisation du service public distinctes mais assez proches du
télétravail, tels que le téléenseignement ou la téléconsultation médicale. Si
le téléenseignement n’a
a priori
pas vocation à être mis en œuvre
de façon
généralisée hors période de crise, il offre de nouvelles perspectives pour
dispenser certains enseignements ou répondre à certaines situations
géographiques.
L’essor de la téléconsultation dans le secteur de la
médecine libérale pourrait, par effet d’entra
înement, contribuer à son
développement à
l’hôpital
.
Outre la gestion encore actuelle des « cas contact », le télétravail
permet de mieux mobiliser les agents et de les faire participer au service
public dans les cas où les déplacements physiques sont difficiles. Le
télétravail peut aussi être utilisé à titre pérenne
pour renforcer l’attractivité
de fonctions délaissées par les agents, à titre transitoire
quand il s’agit d
e
déménagements de services ou de de mutations géographiques.
Surtout, la Cour identifie deux voies permettant au télétravail de
contribuer directement à améliorer le service à l’usager.
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SYNTHÈSE
13
D’une part,
il serait très profitable de l
’utilis
er comme un levier
pour élargir les plages de contact des usagers avec l’administration
, ce qui
répond à une forte demande de ces derniers
; d’autre part
, il constitue une
opportunité pour développer une offre de contact par visioconférence, qui
deviendrait alors un quatrième canal de contact
3
avec l’usager
, limitant
alors les effets parfois dénoncés de la dématérialisation des procédures.
Tous ces avantages, avérés ou potentiels, militent pour que les
employeurs publics s’emparent de ces chantiers,
afin que le télétravail
s’impose comme un axe majeur de la modernisation des services publics,
au bénéfice des agents et des usagers.
3
Les trois autres canaux étant l’accueil physique, le téléphone et l’Internet.
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Récapitulatif des recommandations
1.
Promouvoir la diffusion
d’un outil de
visioconférence souverain
utilisable par tous les
services de l’État et offrant u
n confort
d’utilisation équivalent aux outils
accessibles au grand public
(Services de la Première ministre
(
Dinum
)
, Ministère de la
transformation et de la fonction publiques
(
DITP))
.
2.
Tenir à jour la liste des outils numériques répondant aux normes de
sécurité requises et en promouvoir l’usage
(Services de la Première
ministre
(
Dinum
et Anssi))
.
3.
Tirer les conséquences immobilières du télétravail dans toutes ses
dimensions et recourir aux tiers-lieux administratifs en se fondant sur
des besoins dûment identifiés
(Ministère de l'économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique
(DIE
)
, tous employeurs
publics)
.
4.
Assurer la diffusion,
via
le comité de suivi de l’accord du 13 juillet
2021, des bonnes pratiques rendant effectif le droit à la déconnexion
(Ministère de la transformation et de la fonction publiques
(DGAFP),
Ministère de l’intérieur et des outre
-mer, Ministère de la transition
écologique et de la cohésion des territoires
(DGCL), Ministère de la
santé et de la prévention
(
DGOS))
.
5.
Mentionner, dans les accords collectifs, l
’emploi du télétravail
pour
accompagner transitoirement les mobilités professionnelles et les
réorganisations de services impliquant des mutations géographiques
(Ministère de la transformation et de la fonction publiques
(
DGAFP)
,
Ministère de l’intérieur et des outre
-mer, Ministère de la transition
écologique et de la cohésion des territoires
(DGCL
),
Ministère de la
santé et de la prévention
(DGOS
)).
6.
Prévoir, dans les accords de mise en
œuvre
du télétravail, le recours au
télétravail pour élargir les plages horaires de contact des services avec
les usagers
(Ministère de la transformation et de la fonction publiques
(DGAFP)
,
Ministère de l’intérieur et des outre
-mer, Ministère de la
transition écologique et de la cohésion des territoires
(DGCL)
,
Ministère de la santé et de la prévention
(DGOS
)).
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16
7.
Amplifier le développement du recours à la visioconférence en
complément de l’accueil physique et téléphonique des usagers
(Ministère de la transformation et de la fonction publiques
(
DITP))
.
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Introduction
Apparu de manière informelle dans les années 1990, le télétravail
a été instauré en 2012 dans la fonction publique par la loi dite Sauvadet
4
,
avec une définition identique à celle du code du travail
5
. Ses modalités
d’application, pour les trois versants de la fonction publique,
ont été
précisées par un décret du 11 février 2016
6
, complété notamment par un
décret du 5 mai 2020
7
.
Jusqu’à la crise sanitaire, la fonction publique était
« en retard »
sur le monde de l’entreprise, où le télétravail s’était développé plus
précocement et plus intensément, sans être généralisé pour autant.
Le télétravail de droit commun, objet du présent rapport, renvoie
à une modalité spécifique et formalisée de travail à distance utilisant les
technologies de l’information et de la communication, effectuée en dehors
des locaux professionnels, et non à toutes les formes de travail à distance.
Le télétravail de droit commun dans la fonction publique suppose en effet
la réunion de trois critères cumulatifs
: le volontariat formalisé de l’agent,
la réversibilité de l’autorisation de télétravail, l’alternanc
e entre travail sur
site et hors site.
Dès lors, ne sont pas des télétravailleurs les agents dits
« nomades » ou « mobiles », normalement amenés, dans le cadre de leurs
fonctions, à effectuer leurs tâches en dehors de leur lieu de travail
(par exemple, dan
s le cadre d’activités de contrôle), les agents qui exercent
dans un service où se pratique le travail en réseau ou en site distant, quand
4
Article 133 de la loi n° 2012-
347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emplo
i titulaire
et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction
publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives
à la fonction publique. Ces dispositions sont désormais codifiées à
l’
article L. 430-1 du
code général de la fonction publique.
5
Cf. son article L. 1229-9 :
«
le télétravail désigne toute forme d’organisation du
travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de
l’employeur est effect
ué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en
utilisant les technologies de l’information et de la communication
»
.
6
Décret n° 216-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en
œuvre du télétravail dans la fonction pu
blique et la magistrature.
7
D
écret du 5 mai 2020 pris en application des dispositions de l’article 49 de la loi du
6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
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18
bien même l’agent a demandé à travailler dans ce service dans le cadre
d’une mobilité
, ou encore les agents travaillant en dehors du lieu et du
temps de travail rémunéré (cas, par exemple, d’un agent emportant du
travail ou traitant des messages électroniques professionnels à son
domicile).
Par
ailleurs,
le
télétravail
en
cas
de
circonstances
exceptionnelles (pandémie ou catastrophe naturelle, par exemple) se
distingue du télétravail de droit commun en ce qu’il est imposé par
l’employeur pour permettre de concilier la protection des agents et la
continuité du service public.
Les différentes modalités de télétravail de droit commun
Aux termes de l’article 2
-1 du décret du 11 février 2016,
l’autorisation de télétravail est délivrée pour un recours régulier ou ponctuel
au télétravail.
En pratique, la quotité de travail pouvant être exercées sous la forme
de télétravail régulier ou ponctuel ne peut être supérieure, sauf exceptions,
à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d’affectation ne
peut être inférieur à deux jours par semaine.
L’autorisation de l’employeur doit prévoir la quotité de jours de
télé
travail et les modalités de leur mise en œuvre
. Les jours télétravaillés
peuvent être fixes (formule dite des « jours fixes ») et donc planifiés par semaine
ou par mois et / ou flottants par semaine, mois ou
sur l’ensemble de l’année
(formule dite des « jours flottants »). Un agent peut, au titre d
une même
autorisation, bénéficier de ces deux modalités, et donc combiner des jours fixes
et des jours flottants de télétravail, selon une formule dite « mixte ».
Le développement du télétravail donne lieu à une nouvelle
organisation du travail, qualifiée « de travail hybride
», dans laquelle l’agent
travaille alternativement sur site et à son domicile.
Le présent rapport intervient à un moment où le recours au
télétravail, marginal dans la fonction publique avant le déclenchement de
la crise sanitaire, vient de connaitre deux changements significatifs.
Sur le plan juridique, tout d’abord, le décret du 5 mai 2020 a élargi
et assoupli le recours au télétravail puis l’accord du 13 juillet 2021 relatif à
la mise en œu
vre du télétravail dans la fonction publique (ci-
après l’accord
du 13 juillet 2021), signé par la ministre de la transformation et de la fonction
publiques, les neuf organisations syndicales représentatives des trois versants
de la fonction publique, et les employeurs territoriaux et hospitaliers, a défini
le socle commun de mise en œuvre
du télétravail « post-covid ». Sur un plan
pratique, ensuite, le télétravail contraint s’est imposé comme un outil de
gestion de la pandémie, permettant, dans les temps les plus forts de la crise,
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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INTRODUCTION
19
à la fois de limiter la propagation du coronavirus et
d’assurer
la poursuite de
l’activité à distance des activités
dites « non essentielles ». La banalisation
du télétravail de droit commun au sortir de la crise, portée par les pouvoirs
publics, est intervenue rapide
ment. Elle n’a pas fait l’objet
de mesures
préparatoires, alors même que les impacts structurels de ce mode de travail
récent sur les services restent à découvrir.
Aussi les emplo
yeurs publics, pour beaucoup d’entre eux, doivent
-
ils faire face dans un délai court à une triple exigence : répondre à une
demande immédiate et importante de télétravail, négocier ses modalités de
mise en œuvre, tenter d’en estimer les effets sur la quali
té du service rendu
et son organisation.
La réponse des employeurs est d’autant plus complexe que la
réglementation autorise deux approches du télétravail
: l’une dans laquelle
celui-
ci résulte d’une demande de l’agent que la hiérarchie peut refuser,
l’autre dans laquelle il constitue un mode d’organisation élaboré par
l’employeur dans l’intérêt du service.
Dans ce contexte, la Cour s’est plus spécialement attachée à
mesurer l’intensité du recours au télétravail de droit commun dans les
services publics au sortir de la crise sanitaire. Les modalités concrètes de
sa mise en œuvre ont par ailleurs été étudiées, tant du point de vue des
employeurs que de celui des agents. L’enquête a enfin examiné l’impact
du recours au télétravail sur le fonctionnement des services. En particulier,
elle a veillé à prendre en compte les conséquences, pour les usagers, de
l’extension du recours au télétravail.
Compte tenu d
’un
e mise en place récente, rapide et toujours en
cours du télétravail de droit commun, le sujet de sa productivité, qui
nécessite une prise de distance, et celui des modalités de contrôle des
agents en télétravail, du ressort du management de proximité, encore
embryonnaire dans le contexte particulier de la crise sanitaire liée à la
Covid-
19, n’ont pas
pu être approfondis. Les juridictions financières y
seront particulièrement attentives dans leurs contrôles ultérieurs.
Pour rendre compte de ces travaux, le présent rapport décrit et
explique dans un premier temps les grandes tendances observables dans
l’évolution du recours au télétravail (chapitre
I). Il analyse ensuite les défis
que pose la mise en place du télétravail pour les employeurs publics
(chapitre II). Il propose enfin des pistes pour faire du télétravail un outil
d’amélioration
du service public (chapitre III).
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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Chapitre I
Une pratique en rapide expansion
à vocation cependant minoritaire
Le télétravail de droit commun a connu une première phase de
développement au début des années 2010, rendue possible par l’usage
croissant des outils numériques
8
. Cette croissance a été plus marquée dans
la fonction publiqu
e de l’
État
9
(FPE). Dans la fonction publique territoriale
(FPT) et surtout dans la fonction publique hospitalière (FPH), le télétravail,
bien qu’en augmentation, demeurait confidentiel.
Ainsi, au déclenchement de la crise sanitaire, quatre ans après la
publication du décret du 11 février 2016 qui en précisait les modalités
pratiques, le télétravail demeurait en phase d’appropriation, tant du côté
des agents que des employeurs publics. La possibilité de télétravailler était
alors accordée principalement à des agents résidant loin de leur lieu de
travail, afin de leur permettre de mieux concilier vie personnelle et vie
professionnelle.
À défaut de données nationales disponibles sur le télétravail, la
plupart des chiffres mentionnés dans ce chapitre sont issus du panel
d’employeurs publics des trois versants de la fonction publique interrogés
8
Selon les données de l’enquête
« Conditions de travail »
réalisée par l’Institut
national
de la statistique et des études économiques (Insee), en 2016, 1,6 % des agents de la
fonction publique télétravaillaient au moins une fois par semaine contre 0,4 % en 2013,
soit une multiplication par quatre des effectifs concernés.
9
Selon la même enquête, 3,6
% des agents de l’
État pratiquaient le télétravail en 2016,
contre 0,7 % en 2013.
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22
par la Cour dans le cadre de son enquête. Si ces données ne sont pas
statistiquement représentatives,
elles sont néanmoins issues d’un nombre
suffisamment diversifié d’employeurs publics (de l’ordre
de soixante-dix)
pour qu’il soit possible
de les considérer comme rendant compte des
tendances en cours au sein de la fonction publique. Dans un avenir proche,
l’exploitation des données liées à l’exercice du télétravail dans les trois
versants de la fonction publique sera facilitée par la mise en œuvre du
rapport social unique (RSU)
10
.
La crise sanitaire, caractérisée entre autres par le recours massif et
inédit au télétravail contraint a opéré un renversement de perspectives.
L
’accord du 13 juillet 2021 l’
a confirmé, faisant du télétravail
« un mode
d’organisation du travail parmi d’autres
»
. Un an avant, le décret du
5 mai 2020, pris en application de la loi du 6 août 2019 de transformation
de la fonction publique, avait élargi et assoupli le recours au télétravail,
ouvrant la voie à un changement de la pratique du télétravail dans la
fonction publique.
Résultat d’un choix des pouvoirs publics, la fonction pub
lique est
désormais davantage ouverte au télétravail (I). Pour autant, son usage est
appelé à rester circonscrit à certains types d’emplois au demeurant
minoritaires dans le secteur public (II).
I -
Une fonction publique davantage ouverte
au télétravail
Aux termes des dispositions du décret du 11 février 2016, il appartient
à chaque employeur public d’identifier des critères pour différencier les
activités éligibles au télétravail de celles non éligibles
11
, en fonction de son
organisation du travail et de la nature des missions exercées.
Dans ce cadre, la volonté des pouvoirs publics de faciliter le recours
au télétravail de droit commun (A), matérialisée à la fois par un nouveau
cadre réglementaire (le décret du 5
mai 2020) et négocié (l’accord du
13 juillet
2021), s’est traduite par une croissance forte mais disparate de
celui-ci (B).
10
Avant même le RSU, les employeurs publics étaient supposés indiquer chaque année,
dans leur bilan social, le nombre d’agents exerçant leurs fonctions dans le
cadre du
télétravail par catégorie hiérarchique au 31 décembre, ce qui était cependant rarement le
cas. Pour autant, les données relatives au télétravail seront plus nombreuses dans le RSU.
11
Cf. son article 7.
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UNE PRATIQUE EN RAPIDE EXPANSION À VOCATION
CEPENDANT MINORITAIRE
23
A -
La volonté des pouvoirs publics de faciliter
le recours au télétravail
Alors que le télétravail de droit commun connaissait une dynamique
de croissance réelle mais limitée (1), les pouvoirs publics ont affirmé, à
compter de 2021, à la fois comme conséquence de la crise sanitaire mais
aussi comme levier de modernisation de l’organisation du travail dans la
fonction publique, leur volonté de banaliser l’usage du télétravail (2).
1 -
Une appropriation initialement limitée
Le décret du 11 févier 2016 est venu préciser les modalités pratiques
d’un droit instauré par le législateur en 2012, essentiellement pour
améliorer la qualité de vie au travail des agents. La publication, près de
quatre ans après la promulgation de la loi dite Sauvadet du décret du
11 février 2016, peut être perçue
ex post
comme témoignant d’une
hésitation à promouvoir le télétravail.
Le décret définit le cadre commun applicable aux trois versants de
la fonction publique en instaurant notamment une quotité de jours de
télétravail plafonnée à trois par semaine, un temps de présence sur le lieu
d’affectation qui ne peut être inférieur à deux jours par semaine et une
procédure normée d’autorisation pour y recourir. La publi
cation du décret
sera suivie par celle, en mai 2016, d’un guide d’accompagnement de la
mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique, rédigé par la
DGAFP
12
. Conformément au décret du 11 février 2016, les modalités de
mise en œuvre du télétravail, notamment l’établissement de critères
d’éligibilité, ont fait l’objet d’un cadrage général
ex ante
par chaque
employeur
(ministères,
collectivités
territoriales,
établissements
hospitaliers), après consultation des représentants du personnel
13
.
12
D
irection générale de l’administration et
de la fonction publique.
13
L’article 7 du décret du 11 février 2016 dispose en effet que la mise en œuvre du
télétravail suppose un arrêté ministériel pour la FPE, une délibération de l
organe
délibérant pour la FPT, une décision de l
autorité investie du pouvoir de nomination
pour la FPH, chacun pris après avis du comité technique ou du comité consultatif
national compétent.
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24
Dans la FPE, la quasi-totalité des arrêtés ministériels requis ont été
pris entre 2016 et 2017. Dans la FPT, selon une enquête publiée en mai
2021
14
, si 79 % des départements
et des régions disposaient d’un accord sur
le télétravail avant la crise sanitaire, ce taux n’était que de 48
% pour les
communes employant plus de 1 000 agents et de 20 % pour celles comptant
entre 100 et 1
000 agents. Aucune donnée n’est disponible pour
la FPH.
Sans être particulièrement restrictives, les conditions posées par
chaque employeur pour pouvoir télétravailler, ainsi que, souvent, une
culture professionnelle peu familière du télétravail, ont conduit à maintenir
ce dernier à un niveau modeste.
Là où le télétravail
s’
était développé, essentiellement les
« administrations de siège »
15
ou ne recevant pas de public, le nombre
somme toute limité de télétravailleurs et la quotité de jours télétravaillés,
de l’ordre
de 1,5 jour en moyenne par semaine, atténuaien
t l’impact du
télétravail sur l’organisation des services.
La mise en œuvre du télétravail visait, pour les employeurs
interrogés, selon les cas, à mettre en place un dispositif prévu par la
réglementation (se conformer au droit), à améliorer les conditions de travail
de leurs agents (principalement en réduisant les temps de trajet et en
prenant, également, en compte des contraintes familiales et des raisons de
santé), et à donner une image moderne de leur gestion des ressources
humaines (à la fois
comme marque employeur et levier d’attractivité).
2 -
Un changement de paradigme en pleine crise sanitaire
Comme le décret du 11 février 2016, le décret du 5 mai 2020, qui a
élargi et assoupli les possibilités de télétravailler (notamment en instaurant
la formule des « jours flottants »), a laissé
des marges de manœuvre
importantes aux employeurs publics
pour mettre en œuvre le télétravail
.
L
’accord du 13 juillet 2021 relève d’une approche plus prescriptive
(voir
l’
encadré ci-après, présentant
le contenu de l’accord)
.
En effet, l’accord, qui reprend pour partie des dispositions d’ores et
déjà prévues dans les textes réglementaires, impose une obligation formelle
aux employeurs publics : ceux-ci devaient avoir ouvert des négociations
avant le 31 décembre 2021 en vue, soit de signer un accord sur le
télétravail, soit de mettre à niveau un accord préalable existant.
14
Cf.
La crise sanitaire et ses impacts en matière de gestion des ressources humaines,
enquête AMF, ADF, CNFPT, FNCDG et Régions de France (mai 2021). Cette enquête,
menée auprès de 4
022 collectivités, est la seule source d’information globale
disponible sur le recours au télétravail dans la FPT.
15
Telles que les administrations centrales de ministères ou les régions.
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UNE PRATIQUE EN RAPIDE EXPANSION À VOCATION
CEPENDANT MINORITAIRE
25
L’accord du 13 juillet 2021 sur la mise en œuvre du télétravail
dans la fonction publique
L’accord, qui constitue la première application des nouvelles
modalités de négociation collective dans la fonction publique introduites par
l’ordonnance du 17 février 2021
16
, définit un cadre commun aux trois
versants de la fonction publique.
Signé à l’unanimité, par la ministre de la transformation et de la
fonction publiques, les neuf organisations syndicales représentatives et les
employeurs territoriaux (AMF
17
, ADF
18
, Régions de France et France
urbaine) et hospitaliers (FHF
19
),
l’accord a force réglementaire
20
.
Il pose le principe selon lequel le télétravail est un mode
d’organisation du travail parmi d’autres, réversible et qui repose sur le
volontariat de l’agent. L’accord apporte des garanties aux agents publics
,
dont le droit à la déconnexion, la formation des encadrants et des agents
publics aux impacts du télétravail et la reconnaissance de risques
professionnels spécifiques qu’il induit. Il instaure l’indemnisation des jours
télétravaillés à titre obligatoire dans la FPE et la FPH, à titre facultatif dans
la FPT, tenant compte du principe de libre administration des collectivités
locales.
L
es accords locaux déclinant l’accord
-cadre du 13 juillet 2021 ne
peuvent que préciser ce dernier «
ou en améliorer l’économie générale da
ns
le respect de ses stipulations essentielles
» (principe de faveur). Dans le
même temps, l’accord rappelle que chaque employeur adapte la mise en
œuvre du télétravail à son contexte local.
L’accord instaure en outre un comité ayant notamment pour
fonctio
n de suivre l’avancement des mesures de l’accord. Il a également
pour mission d’établir un état des lieux de l’évolution des pratiques,
d’analyser
l’impact
du
télétravail
sur
le
fonctionnement
des
administrations et d’évaluer la mise en œuvre des dispositions de l’accord.
16
Cf. l’ordonnance n°
2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux
accords collectifs dans la fonction publique
pris en application de l’article 14 de la loi
n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
17
Association des maires de France.
18
Assemblée des départements de France.
19
Fédération hospitalière de France.
20
À ce titre, il a été publié au Journal Officiel (JO) du 3 avril 2022. Le délai entre la
signature de l’accord et sa publication au JO résulte du délai tec
hnique nécessaire à la
création d’une rubrique
Accords collectifs dans la fonction publique
, l’accord du
13 juillet 2021 étant le premier dans son genre.
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26
La première réunion du
comité de suivi, qui s’est tenu
e le
18 mars
2022, a permis de faire le point sur l’état d’avancement de la
signature des nouveaux accords
de mise en œuvre du
télétravail. Dans la
FPE, tous les ministères interrogés (13) ont ouvert des négociations sur le
télétravail. Dans la FPT, plus des deux-tiers des collectivités locales et
établissements publics ayant répondu
à l’enquête dispos
ai
ent d’un accord
ou avaient entamé des négociations dans ce but. Dans la FPH, 26 % des
établissements de santé
ayant répondu à l’enquête de la direction générale
de l’offre des soins (DGOS)
ont indiqué avoir ouvert des négociations qui,
dans 54 % des cas, ont
abouti à la signature d’un accord (soit 139 accords).
La Cour relève que l’accor
d du 13 juillet 2021 recommande une
phase d’expérimentation suivie d’un bilan,
mais
ne l’impose pas
21
.
L’obligation d’engager rapidement des négociations et l’ambition affichée,
au moins pour la FPE, d’ouvrir au plus grand nombre et au plus vite la
possibilité de télétravailler, rendait en tout état de cause complexe la mise
en place d’une phase expérimentale. De fait, l’accord et les obligations qui
en découlent ont contraint les employeurs publics à ouvrir les négociations
sur les modalités de mise en œuvr
e du télétravail, alors même que la crise
sanitaire n’était pas terminée et que les enseignements de la massification
du télétravail sur le fonctionnement du service n’étaient pas encore tirés.
D’une manière générale, les employeurs publics ont dû agir vit
e sur un
sujet complexe, modifiant structurellement leur organisation du travail.
B -
Une hausse soutenue mais disparate
Dans la FPE, la pratique du télétravail a atteint un « pic historique »
en janvier 2022. 74
% des agents pouvant télétravailler l’ont fait au moins
un jour par semaine. La part des agents ayant au moins travaillé trois jours
par semaine était de 44 %
22
. La période ouverte en février 2022 avec la fin
du télétravail contraint au moins trois jours par semaine, marque cependant
un reflux du télétravail, en ce qui concerne tant le nombre de
télétravailleurs et que celui des jours télétravaillés.
21
L’article 9 du décret du 11 février 2016 dispose que
«
le télétravail fait l’objet d’un
bilan annuel
présenté aux comités techniques et aux comités d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail compétents »
. Les bilans transmis par les employeurs dans le cadre
de cette enquête retracent les données quantitatives mais demeurent peu documentés et ne
comportent pas d’analyse précise des effets du déploiement du télétravail sur
l’organisation des services et la situation individuelle des agents en télétravail.
22
Si les données précises pour la FPT et la FPH ne sont pas disponibles, un pic y a
également été enregistré, sans être de la même ampleur.
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UNE PRATIQUE EN RAPIDE EXPANSION À VOCATION
CEPENDANT MINORITAIRE
27
La première « interruption » du télétravail obligatoire, en octobre
2021, avait déjà eu pour conséquence une baisse du nombre de
télétravailleurs. Selon certains employeurs, ce reflux s’expliquerait au
premier chef par l’abandon immédiat du télétravail par les
agents n’y
adhérant pas, les employeurs étant, de leur côté, soucieux de reconstruire le
collectif
de travail. De plus, l’arrêt du télétravail obligatoire a pu mettre fin à
des situations où, bien qu’
exercé en « mode dégradé », le télétravail avait pu
être préféré aux autorisations spéciales d’absence. Une dernière explication
pourrait tenir au fait que, dans un certain nombre de cas, les agents
attendraient la mise en place des nouvelles règles de télétravail découlant de
l’accord du 13 juillet 2021 pour formuler leur demande de télétravail.
Dès lors, si la hausse du télétravail dans la fonction publique est un
des marqueurs de la crise sanitaire, les données propres au télétravail de
droit commun préfigurent une stabilisation du télétravail à un niveau
moindre. Ce niveau est toutefois
significativement plus élevé qu’en 2019,
année marquée par un écar
t important entre la FPE d’une part
(1) et la FPT
et surtout la FPH d’autre part (2).
1 -
D
ans la fonction publique de l’
État,
une pratique désormais fréquente
Selon les données recueillies par la Cour, le télétravail concerne
désormais trois quarts des
effectifs de l’administration centrale du MAA
23
et des MSS
24
et près de 60 % au MEFR
25
. Si l’administration centrale du
MEJSESR
26
se situe en retrait, il n’en demeure pas moins que l’effectif des
télétravailleurs a doublé.
Cette dynamique s’accompagne d’une
hausse de la quotité de jours
de télétravail : dans les ministères sanitaires et sociaux, par exemple, la
proportion des agents télétravaillant trois jours (16 %) dépasse celle des
agents télétravaillant un jour (13 %), 43 % des agents télétravaillant deux
jours par semaine
27
. La crise sanitaire a ainsi acclimaté les agents au
télétravail et à des quotités de jours de télétravail importantes
28
.
23
Ministère de l’agriculture et de l’alimentation.
24
Ministères sanitaires et sociaux.
25
Ministère de l’économie, des finances et de la relance (MEFR), devenu le 20
mai 2022
ministère de l’économie, des finance
s et de la souveraineté industrielle et numérique.
26
M
inistère de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports, de l’enseignement
supérieur et de la recherche.
27
1 % télétravaillant quatre jours / semaine, et 1 % cinq jours / semaine.
28
D’après les di
fférentes études menées par les employeurs auprès de leurs agents,
malgré des conditions parfois difficiles et un télétravail à distance pratiqué jusqu’à
cinq jours par semaine, la grande majorité des agents se déclare satisfaits de
l’expérience vécue. Seule une minorité d’entre eux indique avoir souffert de la situation.
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28
Au sein d’un même périmètre ministériel, l’application des accords
sur le télétravail en administration centrale se
traduit par des taux d’agents
en télétravail variables d’une direction à l’autre, alors que les activités qui
peuvent être télétravaillées demeurent sensiblement les mêmes. Ainsi les
taux de télétravail en 2021 des directions des MSS vont de 44 % à la
direction générale de la cohésion sociale à 93 % pour la DGOS.
Les services déconcentrés de l’
État connaissent une tendance
similaire. Près de quatre agents sur 10 sont désormais en télétravail (voir
graphique ci-
après), la taille de l’effectif concerné n’apparaissant pas jouer
un rôle particulier (contrairement à la FPT notamment). Bien que les taux
observés soient en moyenne inférieurs à ceux des administrations centrales,
le télétravail y concerne un nombre d’agents nettement plus important
(37 000 télétravailleurs supplémentaires à la DGFiP
29
entre 2019 et 2021
ou encore 5 000 agents à la DGDDI
30
).
Graphique n° 1 :
t
aux d’agents en télétravail
dans les services
déconcentrés
exemples (2019-2021)
Source
: Cour des comptes d’après données services
Le taux de télétravail représente la part des agents physiques sur emploi permanent relevant
d’une situation de télétravail quelles que soient les modalités et quotités de temps
.
29
Direction générale des finances publiques.
30
Direction générale des douanes et droits indirects.
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UNE PRATIQUE EN RAPIDE EXPANSION À VOCATION
CEPENDANT MINORITAIRE
29
Par ailleurs, la formule des « jours flottants » tend à se substituer à
la formule des « jours fixes » de télétravail, cette dernière donnant
cependant lieu à davantage de jours télétravaillés. Les données transmises
par le MEFR montrent, en effet, que les agents ayant choisi la formule des
« jours flottants » réalisent en moyenne 12 jours de télétravail par an,
contre 24 pour ceux ayant opté pour la formule des « jours fixes ».
Cette différence pourrait tenir au fait que la formule « jours flottants »
est davantage utilisée par les agents de catégorie A qui, en pratique, ont
moins d’opportunités d’y recourir, notamment lorsqu’ils sont encadrants.
Une autre explication, qui demande toutefois à être confirmée, pourrait être
qu’un grand nombre d’agents de catégorie A demandent à bénéficier du
télétravail sans volonté ou possibilité d’y recourir à hauteur des jours
prévisionnels fixés. De ce fait, le taux des télétravailleurs réels pourrait être
inférieur au taux enregistré sur la base des autorisations accordées.
Enfin, ces taux de télétravailleurs en très nette hausse ne
s’accompagnent pas nécessairement d’une hausse aussi dynamique du
nombre de jours télétravaillés. Ainsi, à la DGFiP, les 3 539 agents en
télétravail (soit 3,2 % des effectifs) en 2019 télétravaillaient 29 jours en
moyenne, alors qu’en 2021, les 41
054 agents en télétravail (soit 42,3 %
des effectifs) ont télétravaillés 15 jours en moyenne.
2 -
Une situation très contrastée dans les fonctions publiques
territoriale et hospitalière
Si le télétravail s’installe dans l
a FPT, on y constate une disparité du
taux d’agents en télétravail plus prononcée que dans la FPE. Comme pour
les services de l’État, le télétravail contraint a
pu conforter les collectivités
territoriales dans le déploiement du télétravail engagé depuis 2019,
cependant, à la différence de l’État
, où le déploiement du télétravail relève
d’une directive unifiée, dans le secteur public local, sa mise en œuvre et
son intensité relèvent des effets de structures propres à chaque catégorie de
collectivités, se combinant à des choix locaux.
Selon
les
données
recueillies,
les
communes
de
Vélizy-
Villacoublay, Versailles
31
ou Chelles connaissent ainsi des taux d’agents
en télétravail compris entre 7 % et 14 %, légèrement inférieurs à ceux des
31
La Ville de Versailles relève que si la part de ses emplois non télétravaillables (79 %
du total des emplois) restera stable à court terme du fait du grand nombre de métiers en
contact avec le public, la proportion de télétravailleurs parmi les agents occupant des
emplois télétravaillables augmente de manière continue.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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COUR DES COMPTES
30
EPCI
32
dont les taux oscillent autour de 20 %, les départements se situant
autour de 30 %
33
(Vaucluse, Creuse, Val-de-Marne). Les régions
Bourgogne-Franche-Comté et Île-de-France
34
se démarquent avec des taux
supérieurs à 70 %, proches de ceux des administrations centrales.
Graphique n° 2 :
t
aux d’agents en télétravail dans les collectivités
territoriales et leurs établissements publics
exemples
(2019-2021)
Source
: Cour des comptes d’après données services
Le taux de télétravail représente la part des agents physiques sur emploi permanent relevant
d’une situation de télétravail quelles que soient les modalités et quotités de temps
télétravaillé.
Enfin, corollaire du principe de libre administration des collectivités,
la mise en place du télétravail contraint ne s’est pas systématiquement
traduite par la pérennisation du télétravail de droit commun. En effet, parmi
les collectivités
interrogées dans le cadre de l’enquête,
une sur quatre
n’a pas
reconduit le dispositif après la crise sanitaire.
32
Établissement public de coopération intercommunale.
33
Hors prise en compte des personnels techniques des collèges.
34
Hors prise en compte des personnels techniques des lycées.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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UNE PRATIQUE EN RAPIDE EXPANSION À VOCATION
CEPENDANT MINORITAIRE
31
En dehors des cas où l’exécutif local a fait le choix de ne pas
déployer le télétravail de droit commun, le développement de ce dernier
reste tributaire de la taille de la collectivité selon une enquête conduite par
la FNCDG
35
auprès de ses adhérents.
S’agissant de la FPH, faute d’enquête régulière sur le sujet, il est, à
ce stade, difficile de tirer des enseignements de la période récente.
Toutefois, selon les données transmises par la DGOS
36
,
un peu plus d’un
tiers des établissements hospitaliers et sociaux et médico- sociaux (36 %)
ont octroyé des jours de télétravail à au moins un agent (dans le détail, 56 %
des établissements hospitaliers et 20 % des établissements sociaux et
médico-sociaux).
Sur la base des données collectées par la Cour auprès de quatre
établissements hospitaliers, les trois plus petits ont renoncé (centre
hospitalier (CH) de Clermont-sur-Oise
37
) ou quasi-renoncé au télétravail
(le CH départemental La Candélie compte trois agents en télétravail de
droit commun, la direction du CH intercommunal de Montdidier-Roye
précise que «
le télétravail est resté très marginal et n’a pas été
encouragé »
). Au CHU
38
de Bordeaux, le nombre de télétravailleurs a été
divisée par deux (il est passé de 1 583 à 729 agents) par rapport au pic de
la crise, pour représenter 6,4
% de l’effectif.
II -
Une dynamique limitée
à certains types d’emplois
Les agents en télétravail contraint ont majoritairement indiqué, dans
le cadre des nombreux «
retours d’expérience
» réalisés, leur envie de
pouvoir continuer à télétravailler. Cette appétence marquée pour le
télétravail, qui demandera cependant à être confirmée dans la durée, a
conduit les employeurs publics à reconsidérer son usage (A). Pour autant,
le télétravail reste limité, pour l’essentiel, aux activités administratives sa
ns
contact avec le public (B).
35
Fédération nationale des centres de gestion.
36
Cf. enquête de la DGOS précitée.
37
Si la direction de cet hôpital
a engagé les négociations prévues par l’accord du
13 juillet 2021, elle souligne que le télétravail a vocation à demeurer une exception.
38
Centre hospitalier universitaire.
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COUR DES COMPTES
32
A -
Une forte demande de télétravail des agents,
une réponse positive des employeurs publics
Sans attendre la finalisation des négociations entamées dans le cadre
de l’accord du 13
juillet 2021, les employeurs publics ont globalement
donné une suite favorable à la demande accrue de télétravail (1) et ce
d’autant plus que, suite à la publication du décret du 5 ma
i 2020, sa mise
en œuvre pratique présente une part accrue de flexibilité (2) permettant de
mieux concilier organisation du service et demandes individuelles des
agents.
1 -
Un nombre croissant de demandes de télétravail,
un faible taux de refus
La progression du nombre de télétravailleurs sur la période 2019-
2021 montre
l’attrait du télétravail auprès des agents. Même si le
phénomène est encore récent, la rareté des agents y renonçant souligne
l’ancrage du télétravail dans leurs pratiques profess
ionnelles. En 2021,
moins de 6
% des employeurs publics interrogés dans le cadre de l’enquête
ont eu à gérer des demandes d’agents renonçant au télétravail, par ailleurs
en faible nombre.
Au sortir du plus fort de la crise sanitaire, les agents placés en
télétravail contraint ont majoritairement indiqué leur intérêt pour le
télétravail de droit commun. Ainsi, une enquête réalisée par le MEFR,
courant juin 2020, a fait apparaître
que près d’un répondant sur deux (45
%)
envisageait de poursuivre le télétrava
il de manière régulière à l’issue de la
crise et que 34 % souhaitaient le faire de façon occasionnelle. Seuls 21 %
des agents ont déclaré ne pas souhaiter poursuivre cette expérience.
Les refus formalisés opposés aux demandes annuelles de télétravail
demeurent exceptionnels, avec des taux inférieurs à 2 % en administration
centrale et à 1
% pour les services déconcentrés, les opérateurs de l’État et
les collectivités territoriales.
Cependant, les données exploitées ne comprennent pas les refus
informels, n
on retranscrits dans les systèmes d’information des ressources
humaines,
qui peuvent intervenir lorsque l’agent et son responsable
étudient cette éventualité. Potentiellement nombreux, ce qui réduit la
portée des chiffres énoncés ci-avant, ces refus
informels mériteraient d’être
suivis pour mieux mesurer le phénomène. Ils empêchent les agents de
formuler le recours prévu par l’article 3 de l’accord du 13 juillet 2021, qui
ne peut porter que sur un refus formalisé.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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UNE PRATIQUE EN RAPIDE EXPANSION À VOCATION
CEPENDANT MINORITAIRE
33
Pour autant, le taux de refus apparaît bas au regard des volumes de
demandes traitées par les services et des exigences de l’employeur, en
particulier concernant les conditions d’installation du télétravailleur.
L’agent doit en effet disposer d’un espace de travail adapté, conforme aux
prescriptions exprimées par son employeur pour pouvoir télétravailler.
L’impossibilité pour l’agent de prouver ou d’attester, le cas échant,
respecter ces prescriptions lui interdit normalement de télétravailler.
Sans qu’il soit possible d’en être certain, faute
de recul, il est
probable que dans le contexte de crise sanitaire, où le télétravail était un
instrument de protection de la santé des agents et compte tenu du fait que
ceux qui demandaient à bénéficier du télétravail de droit commun
relevaient d’ores et déjà d’une situation de télétravail contraint, les
employeurs avaient des marges de manœuvre réduites pour refuser
de les
autoriser à télétravailler
39
.
En
outre,
pour
ce
qui
concerne
la
FPE,
les
directives
gouvernementales incitaient fortement à favoriser le télétravail.
Si la faiblesse des taux de refus se confirmait par la suite, il pourrait
s’avérer nécessaire d’en expertiser les motifs. En effet, l’acceptation d’une
demande de télétravail alors même que les conditions d’installation
conformes aux atten
dus fixés par l’employeur
40
ne seraient pas réunies,
emporte des risques tant pour l’agent (d’ordre psychosociaux) que
l’employeur (dégradation de la qualité du travail effectué).
2 -
La cohabitation du télétravail régulier
et du télétravail ponctuel
Aux termes des dispositions du décret du 11 février 2016
41
telles que
modifiées par le décret du 5 mai 2020, l’autorisation de télétravail est
délivrée pour un recours régulier ou ponctuel au télétravail. Elle peut
prévoir l’attribution de jours de télétravail fixes au cours de la semaine ou
39
Ce que semblent confirmer les données recueillies dans le cadre de l’enquête
. Le
nombre de télétravailleurs ayant renoncé au télétravail dans l’année de référence ou de
télétravailleurs qui ont connu une fin d’autorisation de t
élétravail sur demande de
l’employeurs sont extrêmement faibles.
40
Dans le respect du décret du 11 février 2016, les employeurs ont pu travailler à des
guides ou des protocoles permettant de préciser les conditions requises organisant le
lieu d’exercice du
télétravail : en particulier, un espace de travail répondant aux normes
d’hygiène et de sécurité dans lequel sera installé le matériel mis à disposition par
l’administration, doté d’équipements permettant des échanges téléphoniques et la
transmission et l
a réception de données numériques compatibles avec l’activité
professionnelle, ainsi que leur traitement dans un cadre sécurisé respectant notamment
les règles de confidentialité.
41
Cf. son art. 5.
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COUR DES COMPTES
34
du mois ainsi que l’attribution d’un volume de jours flottants de télétravail
par semaine, par mois ou par an. Un agent peut, au titre d’une même
autorisation, mettre
en œuvre ces différentes modalités de télétravail.
Quelle que soit la formule de télétravail retenue, la quotité de jours
télétravaillées ne peut jamais être supérieure à trois jours par semaine.
De nombreux employeurs publics estiment que la possibilité de
télétravailler jusqu’à trois jours par semaine peut porter atteinte à
l’organisation du service et au collectif de travail alors que les
organisations syndicales la considèrent « de droit ». Par ailleurs, si la
formule des « jours flottants » suscite peu de réserves de principe, elle
demeure plus complexe à mettre en œuvre que la formule des «
jours
fixes ».
La répartition entre les agents en télétravail régulier et ceux en
télétravail ponctuel est difficile à mesurer, compte tenu de la possibilité de
cumuler des jours fixes et flottants de télétravail. Pour autant, selon les
données recueillies par la Cour, la formule des « jours fixes » bénéficierait
à 56 % des agents des administrations centrales, 53 % des agents
territoriaux et 45 % des agents des se
rvices déconcentrés de l’État, la
formule des « jours flottants » étant par ailleurs davantage utilisée par les
agents de catégorie A.
Le nombre moyen de jours de télétravail par agent, quelle que soit
la formule, dépend assez largement du lieu d’exercice de l’activité. Pour la
formule des jours fixes, il est de 53 jours par an et par agent dans les
administrations centrales, de 21 jours dans les services déconcentrés, soit
une différence de 32 jours. Cette différence est de 35 jours pour la formule
des jours flottants. La nature des activités et la composition des effectifs,
avec une proportion plus importante d’agents de catégorie A exerçant des
fonctions
d’expertise,
expliquent
les
différences
observées
entre
l’administration centrale et les services déco
ncentrés.
La formule dite mixte, combinant des jours de télétravail fixes et
flottants, a été mise en œuvre en 2021, suite
à la publication du décret du
5 mai 2020. Sous réserve de confirmation par des données à plus grande
échelle, cette formule donne lieu à davantage de jours télétravaillés que la
formule des « jours fixes » ou celle des « jours flottants ».
Ainsi, au ministère de la transition écologique (MTE), la formule
mixte concerne 852 agents, soit 10 % des télétravailleurs, mais près de
17 % du no
mbre de jours télétravaillés, soit l’équivalent, par agent, de
112 jours télétravaillés en moyenne annuelle, contre 82 jours par agent
bénéficiant de la formule « jours fixes » et 53 jours par agent bénéficiant
de la formule des « jours flottants ».
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UNE PRATIQUE EN RAPIDE EXPANSION À VOCATION
CEPENDANT MINORITAIRE
35
Au regard des données mises au jour par la Cour, un suivi spécifique
de la formule mixte serait donc à assurer par les employeurs publics.
B -
Une pratique essentiellement circonscrite
aux activités administratives sans contact avec le public
Chaque employeur publ
ic fixe les modalités de mise en œuvre du
télétravail,
déclinées par les actes d’application prévus par le décret du
11 février 2016. Dans ce cadre, il précise les activités éligibles au
télétravail au regard de la nature des activités exercées et de l’intérêt du
service.
De fait, le grand nombre d’activités non éligibles fixe une barrière à
un recours plus large au télétravail (1) et conduit à ce que les activités
concernées relèvent très majoritairement des fonctions administratives sans
contact avec le public (2).
1 -
Un grand nombre d’activités non éligibles au télétravail
Conformément au décret du 11 février 2016, chaque employeur
public
dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour définir les activités
éligibles au télétravail. Si l’ensemble des activités exercées par les agents
sont par principe éligibles au télétravail, en pratique le nombre élevé des
critères d’exclusion l
imite la portée du principe énoncé. Les employeurs
ont, dès 2017, généralement fixé quatre motifs alternatifs de non éligibilité
au télétravail :
-
la nécessité d’assurer un accueil ou une présence physique dans les
locaux de l’administration, en raison des
équipements matériels
spécifiques nécessaires à l’exercice de l’activité ou encore de
manipulation de valeurs ou d’actes
;
-
l’exercice d’activités se déroulant par nature en dehors des locaux de
l’administration
;
-
l’accomplissement de travaux nécessitant l’
utilisation de logiciels ou
applications dont la sécurité ne peut être garantie en dehors des locaux
de l’administration
;
-
le traitement de données confidentielles ou à caractère sensible, dès
lors que le respect de la confidentialité de ces données ne peut être
assurée en dehors des locaux de travail.
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36
Dans la FPT, outre les critères de non éligibilité mentionnés
supra
,
l
’importance
, notamment dans le bloc communal, des activités en contact
avec le grand public ou nécessitant une présence physique limite le
périmètre des services publics potentiellement ouverts au télétravail, ce qui
fait dire au maire de la commune de Valence d’Agen que
« la vocation
d’un service public de proximité et d’accueil du public, comme l’est une
mairie, ne semble pas en adéquation avec le télétravail »
.
Pour la FPH, malgré le développement de la télémédecine
(cf. chapitre trois), les personnels en contact avec les patients ou les
résidents sont exclus par principe du télétravail. Ainsi, en mars 2022
42
,
selon les données transmises par la DGOS, le taux de télétravail des
personnels médicaux s’établi
ssait à 0,4 %, contre 4,4 % pour les personnels
non médicaux.
Lorsque les activités peuvent être télétravaillées, les contraintes
techniques (manque de matériel adapté, défaut d
’accessibilité à distance
des réseaux ou logiciels, insuffisance de la qualité de la connexion Internet
au domicile des agents) brident la capacité des plus petits employeurs à
recourir au télétravail
43
.
2 -
Des activités qui relèvent encore très largement des fonctions
ou filières administratives
Dans la FPE, même si la synthèse demeure complexe, au regard des
critères d’inéligibilité retenus, les activités exclues du télétravail sont
essentiellement celles liées aux fonctions régaliennes de sécurité et
l’ensei
gnement.
Dans la FPT, le télétravail est une pratique significative pour la seule
filière administrative, ce qui limite dès lors la pénétration du télétravail, les
agents de cette filière ne représentant que 23 % des agents territoriaux
44
.
Dans les établissements hospitaliers, la filière administrative
représente 12
% de l’effectif total d
u personnel non médical (PNM), mais
constitue plus de la moitié de l’effectif total des PNM bénéficiant de jours
de télétravail (52 %)
45
.
42
Cf. enquête de la DGOS précitée.
43
Le plus souvent situés en zone rurale.
44
Au 31 décembre 2020.
45
Cf. enquête conduite par la DGOS.
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UNE PRATIQUE EN RAPIDE EXPANSION À VOCATION
CEPENDANT MINORITAIRE
37
À terme, le télétravail devrait demeurer marginal dans la FPH et
minoritaire dans la FPT. Dans ces deux versants de la fonction publique,
de nombreux métiers sont en effet incompatibles ou peu compatibles avec
le télétravail. Seule la filière administrative pourrait être largement
concernée. Le télétravail serait plus présent dans la FPE, tout en demeurant
une pratique marginale pour les fonctions régaliennes de sécurité et
d’enseignement (cf.
supra
).
Au regard de ces éléments, selon le décompte opéré par la Cour des
comptes, environ 1,5 million agents exercent dans des services où le
télétravail pourrait concerner une très large majorité des effectifs, contre
environ 4 millions qui exercent dans des services où le télétravail devrait
rester marginal.
À moyen terme, à conditions technologiques et pratiques
inchangées, en partant de l’hypothèse plausible que de l’ordre de 10
% des
agents
occupant
des
fonctions
administratives
ne
pourront
pas
télétravailler
46
(soit environ 150
000 agents) et qu’en sens inverse
, de
l’ordre 10
% des agents n’oc
cupant pas une fonction administrative
pourront télétravailler (soit environ 400 000 agents). Ce sont donc environ
30 % des agents publics qui pourraient être concernés par la possibilité de
télétravailler
47
, ce taux devant être compris comme un taux plafond. Ce
taux de télétravailleurs serait de l’ordre de 40
% dans la FPE, de 30 % dans
la FPT et de 10 % dans la FPH.
En retenant une quotité de télétravail comprise entre 1,5 et deux
jours par semaine, le nombre de jours télétravaillés dans les administrations
représenterait environ 10 % du total des jours travaillés. Ce taux moyen
masque un fort contraste entre employeurs et lieux de travail (avec des
administrations centrales pouvant connaître des taux de télétravailleurs de
75
% et des petites communes et de petits établissements hospitaliers n’y
recourant qu’à titre marginal
).
46
En pratique, une estimation précise serait
complexe à réaliser car l’éligibilité au
télétravail est fondée sur les activités qui peuvent être télétravaillées et non selon les
postes.
En tout état de cause, l’hypothèse retenue est formulée au regard des critères
d’inéligibilité rappelés
supra
.
47
Cette estimation converge avec celle l’Institut Sapiens qui, dans
une note de mars
2021, estime que 36 % des actifs pourraient télétravailler en France.
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COUR DES COMPTES
38
______________________ CONCLUSION ______________________
Alors que le télétravail était demeuré à la marge des modes
d’organisation du travail dans la fonction publique, la crise sanitaire a
obligé les employeurs publics à reconsidérer son usage dans l’urgence.
Le nouveau cadre réglementaire issu du décret du 5 mai 2020 et
l’accord sur le
télétravail du 13 juillet 2021 ont facilité le développement
rapide du télétravail dans la fonction publique.
Pour autant, si la hausse du télétravail a été rapide, ce dernier
demeure largement concentré dans les services de taille importante et
cantonné a
ux activités administratives n’impliquant pas une rencontre
physique avec les usagers, c’est
-à-dire les fonctions administratives des
grands employeurs publics. À terme, le télétravail pourrait concerner de
l’ordre de 30
% des agents publics et représenter environ 10 % des jours
de travail dans l’administration.
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Chapitre II
Un défi à relever
pour les employeurs publics
La réponse pratique des pouvoirs publics à la crise sanitaire, en
particulier au confinement, renforcé par la signature de l’accord du
13 juillet 2021, a profondément modifié la place et la fonction du télétravail
dans les services. Son essor constitue un défi stratégique et opérationnel
pour les employeurs publics, tant sur un plan matériel que managérial.
En effet, dès lors que sa pratique s’établit à des niveaux significatifs
et
qu’il bénéficie d’
une souplesse accrue, le télétravail emporte des
conséquence
s immédiates, sinon importantes, sur l’organisation du travail,
les outils utilisés pour accomplir les missions ou encore le management.
Le télétravail pose également la question pratique des modalités de
suivi du travail effectué par
l’agent
à son domicile. Le présent rapport ne
traite pas de ce sujet, encore embryonnaire dans le contexte de la mise en
place récente et toujours en cours du télétravail de droit commun. Pour
autant, chaque gestionnaire de proximité doit mettre en place les outils de
contrôle appropriés.
Très concrètement, alors que la banalisation du télétravail n’en est
qu’à ses prémices, les employeurs ont à accomplir un effort
d’investissement matériel pour rendre effective ou faciliter la pratique du
télétravail (I). Ils doivent également définir un corpus de lignes directrices
propres à sécuriser la relation de télétravail de l’agent avec son
administration (II).
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COUR DES COMPTES
40
I -
Un
effort d’
investissement encore nécessaire
pour ancrer le télétravail dans
le fonctionnement des services
Le
déploiement
rapide
et
dans
l’urgence
du
télétravail,
concomitamment aux transformations organisationnelles qu’il emporte, a
impliqué un effort immédiat de mise à niveau informatique des
administrations (A
), doublé d’une politique de formation adaptée
(B). Sa
mise en place oblige également à engager une r
éflexion sur l’immobilier (C
).
A -
Une mise à niveau informatique à parachever
Le télétravail nécessite des matériels et solutions informatiques en
partie différents de ceux associés au travail sur site. En conséquence, les
employeurs ont dû en urgence déployer le matériel requis pour l’exercice
du
travail
à
distance
durant
le
premier
confinement,
assurant
subséquemment des conditions matérielles propices à la pérennisation du
télétravail de droit commun (1).
Si l’effort a été produit pour les outils
numériques utilisés par les agents, il reste à faire de même pour les
infrastructures informatiques (2).
1 -
L’acquisition massive des équipements individuels
La crise sanitaire, avec le confinement et le choix des pouvoirs
publics de recourir au télétravail pour les agents dont les fonctions le
permettaient, a contraint les employeurs publics à un effort d’équipement,
d’une part, des agents en matériel nomade (ordinateurs portables,
téléphones mobiles, licences VPN
48
permettant un accès à distance sécurisé
au réseau de l’employeur ainsi qu’aux applications informatiques métiers)
et, d’autre part, des services en solutions d’audioconférence et de
visioconférence afin de permettre la gestion de la relation à distance. Cet
effort a été d’autant plus important que les administrations qui pratiquaient
peu, sauf exception, le télétravail (cf. chapitre I).
Le coût total de l’adaptation technologique des employeurs publics
au télétravail de crise n’est pas connu
. U
ne partie d’e
ntre eux considère en
tout état de cause avoir, du fait de la crise sanitaire,
in fine
seulement
accéléré le mouvement de remplacement de leurs équipements, pour
certains vieillissants voire obsolètes.
48
VPN :
virtual private network (
réseau virtuel privé).
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UN DÉFI À RELEVER POUR LES EMPLOYEURS PUBLICS
41
Pour ce qui concerne la FPE, la direction interministérielle du
numérique (Dinum
) a acquis, pour un coût de l’ordre de 30
M€,
50 000 ordinateurs portables qui ont ensuite été cédés aux ministères
49
.
Cependant, au-delà de cette opération centralisée, chaque ministère a
réalisé ses propres acquisitions, dans le cadre de sa propre politique
d’achat, centralisée ou déconcentrée, directement ou au travers de fonds
délégués. La computation des dépenses réalisées
s’en trouve complexifiée
.
L
es données recueillies dans le cadre de l’enquête donnent
toutefois des
exempl
es permettant de mesurer l’effort consenti
50
.
Ainsi, le MEFR a acquis 76 400 ordinateurs portables, ultraportables
et tablettes et 8 000 ordinateurs avec minitours pour un montant de 46
M€.
Le fonds de transformation ministérielle (FTM
51
) du MEFR a permis
d’accompagner les directions en leur allouant 14,7
M€ en 2020 et 2021 pour
financer le surcoût de l’acquisition d’un matériel nomade par rapport à un
matériel fixe. L’administration centrale,
comprenant 7 800 agents en 2020, a
accéléré l’achat en
2020 et 2021 de 2 854 ordinateurs ultraportables pour un
montant total de 2,6
M€ et de 543
smartphones pour la somme de 75 324
€.
D’après une première estimation du ministère,
pour la seule DGFiP, les coûts
d’équipement engendrés par le télétravail au tit
re de 2020-
2021 s’élèvent à
plus de 57
M€ se décomposant en 54,2
M€ pour l’achat d’ordinateurs et
d’accessoires et près de 3
M€ pour la téléphonie.
À titre de comparaison, la
totalité des dépenses informatiques de la DGFiP s’étaient élevées à 240,3
M€
en 2020
52
.
Le
ministère de l’intérieur (
MINT) a, quant à lui, acquis, sur le
programme budgétaire 354
Administration territoriale de l’État
53
,
42 579 ordinateurs portables pour un montant de 48,7
M€ et estime les
acquisitions locales à 13 000 postes pour un effectif de 75 000 agents. À ce
montant, il faut ajouter le coût des équipements complémentaires au
domicile des agents (écrans, téléphones mobiles, périphériques, casques),
que le MINT estime entre 5
M€ et 15
M€.
49
Les principaux bénéficiaires ont été la DGFiP (15 000 unités), le ministère de la
justice (13
491 unités) et le ministère de l’éducation nationale (10
465 unités).
50
La Cour relève que les administrations ont choisi d’acquérir leurs matériels alors
même que la location est une option à laquelle recourent de plus en plus fréquemment
les entreprises.
51
Il s’agit d’une enveloppe de crédits budgétaires du programme 218
Conduite et
pilotage des politiques économiques et financières
finançant des projets innovants des
directions et services du MEFR.
52
Cf. note d’exécution budgétaire 2020 de la mission
Gestion des finances publique et
des ressources humaines
.
53
Le programme 3
54 comprend les crédits de fonctionnement et d’investissement des
préfectures (hors préfecture de Police de Paris) et sous-préfectures, des secrétariats
généraux aux affaires régionales, des directions départementales interministérielles et
directions régionales en métropole ainsi que des directions ultramarines.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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COUR DES COMPTES
42
Le coût d’acquisition des licences VPN apparaît en revanche
modéré. Pour ce qui concerne, par exemple le MAA, l’acquisition en 2020
de 2 000 licences supplémentaires a représenté une dépense de 17 599
TTC (soit un coût unitaire de 8,80
€) auquel s’ajoute le coût de
maintenance pour trois ans (5 812
€ TTC).
Viennent s’ajouter
des coûts récurrents liés au recours accru aux
applications informatiques collaboratives consubstantielles de ce mode de
travail. Pour les seules applications interministérielles, la Dinum fait état
d’un coût annuel, pour les ministères, compris entre 6 et 8
M€,
B
ien qu’éparses,
les données recueillies auprès des opérateurs font
également apparaître
l’importance de l’effort d’équipement réalisé. Si un
grand opérateur tel que Pôle emploi (voir encadré ci-après) avait équipé ses
agents avant même la crise sanitaire, il a complété la mise à disposition de
matériels. Un opérateur de taille intermédiaire comme le CNED
54
(962 agents au 31 décembre 2020) a acquis 600 ordinateurs portables pour
un montant de 0,79
M€ et un petit opérateur, l’établissement public
(EP)
du château de Fontainebleau (146 agents) a dépensé 85 000
€ en 2020 et
2021 pour acquérir le matériel informatique nécessaire au télétravail de
certains de ses agents.
Le déploiement des ordinateurs portables à Pôle emploi
D
ans le prolongement d’un accord social signé en 2017, généralisant
le télétravail, Pôle emploi
a lancé l’opération
« un agent, un portable »
. Fin
2019, près de 50 % des agents étaient
équipés d’une solution nomade
, soit
30 000 ordinateurs portables, déployés dans le cadre du projet « un agent,
un portable ». Au terme de ce projet, 60 000 ordinateurs portables ont été
déployés pour un coût total de 45
M€.
Le nouvel accord relatif au télétravail, entré en vigueur le 1
er
janvier
2022,
prévoit la fourniture de nouveaux équipements pour l’ensemble des
agents télétravailleurs ou sur demande, notamment de nouvelles stations
d’accueil, de licence mobilités smartphones, de coussins d’assise, d’éc
rans
d’ordinateur de 24 pouces et de rehausseurs, pour un montant estimé à
9,6
M€, soit près de 200
€ par agent.
Dans la FPT et la FPH, le coût global de l’effort d’équipement des
employeurs publics est encore plus mal cerné, du fait de l’atomisation des
centres de décisions (40 000 employeurs publics dans la FPT, 4 500 dans
la FPH) et, contrairement à la FPE, d’une
hétérogénéité plus forte des
54
Centre national d’enseignement à distance.
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UN DÉFI À RELEVER POUR LES EMPLOYEURS PUBLICS
43
arbitrages réalisés. À
cela s’ajoute le fait que de nombreux employeurs
territoriaux interrogés déclarent ne pas être en mesure de chiffrer l’effort
réalisé. Au demeurant, les dépenses engagées sont essentiellement fonction
de la taille de la collectivité : si le département du Val-de-Marne (qui
compte
2 500
agents
en
télétravail,
sur
3 500
agents
pouvant
potentiellement télétravailler) fait état d’un investissement de 2,75
M€
(ordinateurs, téléphones, salles de visioconférence) sur la période
2020-2021 et a programmé 1,4
M€ supplémentaires sur la période
2022-2023, la commune de Chelles indique avoir dépensé près de 87 000
pour équiper 86 agents pratiquant le télétravail.
Le coût unitaire de l’équipement d’un agent est
également très
variable (voir tableau ci-après). Il dépend à la fois du coût des matériels
acquis (l’écart de prix entre les ordinateurs portables du MAA et ceux de
la commune de Chelles est ainsi de 17 %) mais aussi du
package
fourni à
l’agent (écart de d
e 30
% du coût d’équipement standard de l’agent entre
le MAA et la commune de Chelles). Une partie de ces écarts importants
pourrait aussi
s’expliquer par l’urgence dans laquelle ces acquisitions ont
été réalisées.
Tableau n° 1 :
d
écomposition du coût unitaire d’équipeme
nt
d’un agent en matériel informatique nomade
MAA
Commune de Chelles
Équipement de base (810
/ agent) :
- ordinateur portable (avec écran de
13 pouces ou 15 pouces) : 800
;
- souris
: 5 €
;
- sacoche : 5
€.
Équipements optionnels :
- écran 24 de pouces
: 115 € ;
- station d'accueil pour le portable : 100
€.
Équipement standard (1 155,68
/ agent) :
- ordinateur portable : 662,40
;
- station d'accueil : 160,13
;
- souris : 22,20
;
- sacoche : 24,96
;
- casque téléphonique : 95,04
;
- licence softphone Micolab 27 : 190,95
€.
Source
: Cour des comptes d’après données transmises
La Cour attire l’attention sur le fait que cette situation d’acquisition
massive de matériel informatique sur une période de temps court va générer
à l’horizon de quatre à cinq ans
55
un besoin budgétaire important pour en
assurer le renouvellement, les équipements nomades ayant une durée de
vie moins longue que les équipements fixes tout en étant plus onéreux. En
55
La durée de vie d’un ordinateur portable professionnel est comprise en trois et cinq ans.
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44
se basant sur le coût unitaire de
l’équipement de base du MAA (soit 810
€)
et compte tenu du fait que l’
État a acquis environ 300 000 ordinateurs
portables durant la crise sanitaire (cf. chapitre III.1.A.1), celui-ci devra
mobiliser de l’ordre de 240
M€ sur la période 2025
-2026 pour renouveler
les équipements.
2 -
L’obligation d’adapter les infrastructures
La fourniture d’équipements nomades aux agents implique, pour
être efficace, d’investir dans les infrastructures réseaux
56
et d’hébergement,
en particulier le
cloud
57
afin de pouvoir supporter
le trafic accru qu’induit
le télétravail.
Durant la crise sanitaire, des initiatives ont été prises. L
’Insee a ainsi
élargi sensiblement sa « bande passante » afin que toutes ses équipes
puissent communiquer entre elles par téléconférence
58
sans saturer les
accès aux bases de données, ni le réseau. Surtout, avec 13 000 sites servis,
le Réseau interministériel de l’État a fait l’objet d’un effort de mise à
niveau très important, visant notamment à augmenter la capacité du réseau
central et les interconnexions. La mise à niveau des débits des sites
déconcentrés des ministères bénéficie, quant à elle, d’un appui très
important du plan de relance. Ce dernier prévoit l’allocation de 208
M€
via
le fonds «
sac à dos numérique de l’agent public
» (SN
AP) dont l’objet est
d’améliorer l’environnement de travail numérique des agents. Comme le
montre le tableau ci-après, 68 % des crédits du SNAP utilisés ont été
dirigés vers des projets visant à faire progresser la connectivité Internet des
ministères.
56
L’infrastructure réseau permet de centraliser les données d’une entité afin de
renforcer et simplifier leur échange sécurisé et la communication entre agents.
57
Un
cloud
est un ensemble de matériels, de raccordements réseau et de logiciels
distants fournissant des services qu'individus et collectivités peuvent exploiter où
qu’ils
se trouvent.
58
Au MAA, tous les agents de l
encadrement se sont vu attribuer une licence pour
l’utilisation de l’outil de visioconférence (webex)
au coût de 440
/ agent pour une
durée de 30 mois. C
ette licence permet l’organisation de r
éunions. Tous les agents
peuvent participer sans licence aux visioconférences organisées.
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45
Tableau n° 2 :
utilisation du fonds SNAP (début 2022)
Thématiques
Montants
accordés
Nombre
de projets
Augmentation des débits réseau (SNAP 1)
34,9
M€
10
Authentification des agents avec
Agentconnect (SNAP 2)
2,6
M€
17
Terminaux et infrastructures adapté au travail
en mobilité (SNAP 3)
2,6
M€
4
Développement des outils de communication
et collaboratifs (SNAP 4)
8,3
M€
16
Appropriation des méthodes de travail
numériques (SNAP 5)
2,9
M€
18
Total
51,3
M€
65
Source
: Cour des comptes d’après open data du ministère de la
transformation et de la fonction
publique
L’effort effectué concerne également les petits employeurs publics
:
dans la commune de Saint-Cyr-au-Mont-
d’Or (
Rhône, 60 agents), le
télétravail contraint a conduit la collectivité à se doter, en ponctionnant sur
son budget,
d’un nouveau réseau Internet haut débit et à renouveler son
serveur informatique. En parallèle, la sécurité informatique a été renforcée
avec le déménagement du serveur de secours.
La mise à niveau n’est
pas
seulement d’ordre capacitaire
: l’
Anssi
59
considère que le télétravail accélère l’obsolescence des systèmes
d’information (SI) basé sur une protection périmétrique (c’est
-à-dire
configurée pour empêcher les intrusions), ce qui implique de revoir
également leur conception (une protection informatique élevée rend
difficile la connexion, aussi il importe de la fixer au niveau idoine). Sur ce
sujet, la Dinum estime que la crise sanitaire a beaucoup accéléré le
décloisonnement des réseaux informatiques ministériels, les paramétrages
ayant été modifiés pour rendre les réseaux ministériels moins étanches les
uns par rapport aux autres, soit par abaissement des exigences de sécurité,
soit par amélioration des réseaux.
59
Agence nationale de sécurité des systèmes d’information
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46
Pour autant, malgré ces progrès, la question de la tenue des
visioconférences, consubstantielle à la pratique du télétravail, demeure un
sujet de crispation. Alors que la Dinum
et l’A
nssi ont pu rappeler que les
solutions de visioconférence soumises au
Cloud Act
60
n’offraient qu’une
garantie limitée de confidentialité,
et qu’elles étai
ent en outre
particulièrement vulnérables, les administrations ont chacune retenu des
solutions différentes,
rendant parfois complexe la simple tenue d’une
visioconférence entre services.
Ce point est particulièrement signalé par les préfectures et les
directions départementale des territoires (DDT). La DDT de la Nièvre a
ainsi indiqué
que le matériel fourni par l’administration
pouvait rendre
impossible la participation à des visioconférences, les ordinateurs des
agents n’étant pas configurés de manière idoine. Les abonnements à un
téléphone mobile, pour ceux qui en disposaient, ne permettaient pas de
suivre une visioconférence de plus d’une heure, contraignant les agents à
utiliser leur matériel et abonnement personnels.
L
’État met à la disposition de tous ses agents des services de
webconférence interministériels souverains et partagés, tel que « Webconf
au sein de l’État
»
61
et «
Webinaire au sein de l’État
». Ils sont cependant
peu connus des services et des agents
62
et
, bien qu’en progrès,
leurs
fonctionnalités demeurent en deçà de celles des produits parfois gratuits
accessibles au grand public.
Pour remédier à cette situation, il importe de promouvoir la
diffusion la plus large d’un outil de
visioconférence souverain utilisable
par l’ensemble des services de l’État et offrant un confort d’utilisation
équivalent aux outils accessibles au grand public actuellement utilisés. Un
tel outil offrirait le niveau de sécurité requis tout en permettant quelques
économies (
a minima
de l’ordre de plusieurs centaines de milliers d’euros,
selon un chiffrage de la Dinum)
du fait de l’interruption
des abonnements
aux solutions commerciales disponibles (essentiellement américaines).
60
Le
Cloud Act
permet
aux agences de l’
administration fédérale des États-Unis de saisir
de façon confidentielle tout courrier électronique ou autres données numériques
stockées sur des serveurs américains à l
étranger.
61
Ce service s’adresse d’abord aux agents des services de l’
État, qui sont les seuls à
pouvoir démarrer la webconférence. Néanmoins, des personnes
n’ayant pas la qualité
d’agent de
l
État
peuvent être associées à un salon de webconférence dès lors qu’elles
sont invitées.
62
En juin 2021, 29 208 visioconférences
via
Webconf réunissant 93 493 participants
ont cependant été tenues.
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47
La place croissante de la visioconférence dans le fonctionnement
des services nécessitera en outre des dépenses d’investissement
importantes. Pour ce qui concerne l’administration centrale du MEFR
,
1,5
M€ ont été dépensés pour équiper de nouvelles salles de réunions
. Par
ailleurs des dépenses doivent être réalisées à hauteur de 18,2
M€
pour
assurer
la reprise du câblage des sites de l’administration centrale (3,2
M€
pour la partie informatique et 15
M€ pour la partie immobilière).
Pour autant
, l’A
nssi
considère qu’il ne faut pas sur
estimer le risque
informatique spécifiquement lié au télétravail. En effet, le niveau de
protection
informatique
d’un
ordinateur
portable
configuré
par
l’employeur étant le même que celui d’un ordinateur fixe, il n’y a pas de
corrélation positive observée entre la mise en place du télétravail et
l’accroissement du risque informatique, dès lors que le recours à un
ordinateur personnel reste prohibé. Sur ce point, le droit est en décalage
avec la doctrine de
l’A
nssi, le décret du 11 février 2016
63
disposant que
l’administration «
peut autoriser l’utilisation de l’équipement informatique
personnel de l’agent
» lorsque celui-
ci demande l’utilisation de jours
flottants ou une autorisation temporaire de télétravail.
En pratique, le sujet de la sécurité informatique est moins une
question d’ordre technique que d’autorisation d’utilisation accordée en
fonction de la sensibilité des applications utilisées
64
. Il s’agit alors pour
l’employeur de
trouver le bon équilibre entre le niveau de protection exigé
et la nature de
l’information traitée, dans un cadre où les agents manifestent
par leurs pratiques une préférence pour le recours à des outils collaboratifs
accessibles au
grand public très simples d’utilisation et aux fonctionnalités
étendues plutôt qu’à des outils sécur
isés moins maniables et aux
fonctionnalités limitées.
Ce sujet a
fait l’objet d’un effort budgétaire particulier
. France
Relance comprend en effet un volet cybersécurité, piloté par
l’A
nssi. Celui-
ci est doté d’une enveloppe de 136
M€ sur la période 2021
-2022, avec pour
répartition indicative initiale :
-
60
M€ au profit des collectivités territoriales, via les parcours de
sécurisation, les appels à projets et le soutien à la création de centres
d’alerte et de réaction aux attaques informatiques
dans les territoires ;
63
Cf. son art. 6.
64
Il est à relever que la DGFiP a élargi la liste de ses applications accessibles à distance
(au nombre de 330, soit 86 % des applications de la direction). Cette liste est
régulièrement actualisée.
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COUR DES COMPTES
48
-
30
M€ au profit des ministères, établissements publics et organismes
sous tutelle ministérielle, qui déploient des services directement au
profit des citoyens ;
-
25
M€ au prof
it des établissements de santé ;
-
21
M€ pour le développement et le déploiement mutualisé des
capacités nationales de cybersécurité.
B -
La nécessité d’un effort de formation
Les employeurs publics ont immédiatement perçu l’enjeu
que
constitue la formation des agents et des managers aux nouveaux outils du
télétravail ainsi qu’à la réalisation des tâches en télétravail
. Leur attention
à cette nécessité est
d’autant plus
forte que, durant le premier confinement,
le déploiement du télétravail a pu se révéler chaotique, faute de préparation
préalable. À
cet égard, l’accord du 13 juillet 2021
65
rappelle que
« la
formation à l’impact du télétravail des encadrants et des agents
télétravailleurs et non télétravailleurs doit être garantie ».
Si, comme pour les dépenses informatiques
,
il n’est pas possible de
mesurer précisément les dépenses engagées pour former les agents au
télétravail, les données recueillies auprès des employeurs interrogés
témoignent de l’appropriation de cette question.
Ainsi, dans la FPE, pour ce qui concerne le MEFR, un document-
cadre, établi en décembre 2020, a prévu la réalisation d’un plan
d’accompagnement au développement du télétravail autour de six chantiers
dont la formation des managers et des agents. Conformément à cette
orientation, la DG
FiP s’est fixée pour objectif, en mai 2021, de former
5 000 cadres-encadrants en 2022 et la DGDDI a développé un programme
de formation interne sur le management du travail hybride pour l’ensemble
des encadrants des télétravailleurs.
Au MEJSESR, le plan an
nuel de formation de l’administration
centrale 2021-2022 propose deux actions de formation relatives au
télétravail et à l’encadrement du travail à distance. L’accompagnement des
managers a fait l’objet d’un renforcement notamment dans le champ de
l’animation d’équipe en mode hybride et dans celui du partage de bonnes
pratiques.
65
Cf. son article 7.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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UN DÉFI À RELEVER POUR LES EMPLOYEURS PUBLICS
49
Les services déconcentrés de l’
État se sont, quant à eux, appuyés sur
les plateformes régionales d’appui interministériel à la
gestion des
ressources humaines pour former leurs agents. Ainsi, au MINT, les agents
ont pu s’inscrire à des formations sur le télétravail traitant du cadre
législatif, des procédures et modalités de sa mise en place, ou encore du
management à distance. Le rectorat de l’académie de Nantes a renforcé sa
poli
tique de formation pour prendre davantage en compte l’isolement et
l’affaiblissement du collectif de travail constaté pendant les périodes de
télétravail contraint et adapter son plan de formation en conséquence, en
ciblant davantage le domaine de la sécurité et de la protection de la santé
au travail. À court et moyen termes, les services souhaitent adapter les
cahiers des charges des formations professionnelles pour intégrer les
travaux en cours portant sur l’accompagnement des collectifs de travail
(
c’est le cas par exemple du
rectorat de l’académie de Metz
-Nancy).
Le dispositif de formation et d’accompagnement au MAA
Le MAA a mis en place des actions d’accompagnement et de
formation des agents et des managers, en ciblant plus particulièrement les
nouveaux encadrants et les primo-arrivants. Le dispositif de formation et
d’accompagnement est complété par «
l’organisation d’espaces de
discussion sur le travail afin d’échanger sur les modalités de travail en
présentiel et en distanciel
». Dans un proche avenir, le MAA souhaite
poursuivre ses actions notamment dans le domaine de la prévention des
risques pour les employeurs, avec la «
mise en place de formations des
encadrants et des personnels au nouveau mode de travail hybride
».
Pour ce qui est de la FPT, les modules de formation à destination
des agents et des cadres-encadrants et consacrés dans un premier temps,
exclusivement au télétravail, s’intègrent progressivement aux modules de
formation au management (par exemple pour la Région Pays-de-la-Loire).
La crise sanitaire et la pérennisation du télétravail ont aussi conduit le
CNFPT
66
à adapter, dans un premier temps, son offre de formations
essentiellement en la transformant pour la rendre accessible à distance, les
dispositifs de formation réglementairement obligatoires étant priorisés,
afin de permettre aux agents et aux collectivités de respecter leurs
obligations.
Dans
un
deuxième
temps,
des
formations
relatives
aux
conséquences du télétravail ont été mises en place, pour permettre aux
agents et à leur encadrement d’adapter les modes de management et
66
CNFPT : Centre national de la fonction publique territoriale.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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COUR DES COMPTES
50
d’organisation des services, et d’améliorer l’accompagnement du
létravailleur. Aujourd’hui, ces formations sont devenues systém
atiques,
au même titre que la transformation numérique ou la transition écologique.
Lorsque les collectivités se sont saisies plus directement des actions de
formation, certaines, comme la com
munauté d’agglomération (
CA) de
Chaumont, ont souligné «
l’importance de développer des outils
d’accompagnement à destination des encadrants afin de faciliter
l’appropriation des techniques du management à distance, de former les
agents au maniement des outils numériques et de travail collaboratif et
d’instaurer un droit à la déconnexion
».
D’une manière générale, les employeurs paraissent s’être saisis du
levier de la formation professionnelle, la considérant comme une des
conditions de réussite de la mise
en œuvre du télétravail. Le responsable
hiérarchique est ainsi renforcé dans son rôle d’accompagnement des
transformations en cours, par sa capacité à donner du sens, à renforcer les
interactions sociales dans une organisation de travail hybride tout en étant
encouragé à la délégation (Cf.
l’
encadré ci-après).
Formations et outils d’accompagnement au télétravail
Lors de sa première réunion, le
comité de suivi de l’accord du
13 juillet 2021 a consacré une partie de ses travaux au fonctionnement du
collecti
f de travail, à l’évolution des pratiques managériales et aux
formations et outils d’accompagnement.
Selon les données recueillies, tous les accords insistent sur les
enjeux, objectifs et moyens visant à faire évoluer la culture managériale et
le fonctionnement des organisations du travail. Les ministères ont conçu et
développé des formations et des outils managériaux, complétés par des
espaces de discussion dans une logique d’amélioration continue. La mise en
œuvre de webinaires de sensibilisation obligat
oires pour tous les managers,
élaborés sur la base des retours d’expérience, comme au MTE, avec la
possibilité de mobiliser un dispositif d’accompagnement collectif des
équipes, complète ces dispositifs.
À terme, le comité de suivi envisage de recenser et mutualiser les
outils développés (formations, espaces de discussion…), et de réaliser une
synthèse des retours d’expérience pour valoriser et diffuser les
enseignements et les bonnes pratiques.
Si les efforts de formation déployés par les employeurs sont
indéniables et doivent être maintenus
, il importe désormais d’en faire des
bilans quantitatifs mais aussi qualitatifs, pour ajuster le nombre de
formations requises et leur contenu.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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UN DÉFI À RELEVER POUR LES EMPLOYEURS PUBLICS
51
C -
Une réflexion inaboutie pour adapter
l’immobilier
public au développement du télétravail
Les marges de manœuvre immobilières des employeurs publics sont
contraintes par le fait que l’accord du 13 juillet 2021 tend à garantir à
l’agent le maintien de son poste de travail
67
.
Outre l’aspect juridique, de
nombreux employeurs publics
rencontrés dans le cadre de l’enquête font
état de la faible acceptabilité sociale d’un lien trop marqué entre télétravail
et rationalisation des surfaces occupées, dans un contexte où coexistent de
nombreux chantiers de transformation des administrations.
Cela étant posé, le télétravail est susceptible d’engendrer une double
réflexion, la première sur les pratiques d’occupation des locaux des
employeurs publics (1), la seconde sur le recours à des tiers-lieux, dont le
développement récent est intrinsèquement lié au travail à distance (2).
Selon les données recueillies par la DGAFP dans le cadre du comité de
suivi de l’accord précité, si tous les accords de télétravail signés proposent
la possibilité de travailler dans des tiers-lieux, seuls quelques accords
évoquent la prise en compte du télétravail dans les projets d’aménagement
des espaces de travail, indiquant par là-
même qu’une des thématiques est
plus consensuelle que l’autre.
1 -
Ajuster l’usage des locaux administratifs
à la pratique du télétravail
La pratique du télétravail rend plus prégnante la question de
l’utilisation et du coût de l’immobilier. En effet, si un agent à temps plein
n’occupe qu’à 58
% son bureau
68
(à raison d’environ 210 jours de travail
annuel), cette occupation tombe à 46 % pour un agent en télétravail un jour
par semaine et à moins de 35 % pour un agent en télétravail deux jours par
semaine. Dès lors, à pratique d’occupation inchangée, cette situation
surenchérit les charges immobilières sans gains pour l’employeur.
Dans le secteur privé, le lien a été fréquemment établi entre mise en
œuvre du télétravail à grande échelle et réduction des surfaces de bureaux
(une partie de la baisse des charges liées à l’immobilier ou du produit des
cessions finançant le réaménagement des locaux pour les adapter à la
67
Cf. son article 1
er
: «
l’employeur garantit les conditions du retour de l’agent en
télétravail sur son poste de travail (…)
. Se pose cependant la question de savoir si le
terme « poste de travail
» utilisé dans l’accord est synonyme du «
bureau physique »
occupé par l’agent.
68
Calculé en heures, ce taux d’occupation est encore plus faible.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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COUR DES COMPTES
52
pratique du télétravail). Le lien a aussi été établi avec le recours au
flex
office
69
, en posant le constat que si l’entreprise concède de la flexibilité au
salarié
via
le télétravail, ce dernier doit en concéder à son employeur
via
le
flex office
70
. Cette flexibilité est
d’autant plus efficace qu’elle s’accompagne
du déploiement d’outils de gestion des flux des salariés
,
mais aussi d’un
réaménagement qualitatif des espaces de travail conservés sur site.
En 2020, la direction
de l’immobilier de l’État (DIE) a publié un
rapport
71
tirant les conséquences du télétravail et, plus largement, de
l’évolution des modalités d’organisation du travail (voir encadré ci
-après). Ce
rapport recommande non pas de réduire les surfaces mais de les adapter en
fonction des besoins, ce qui implique de garantir la réversibilité des usages. Ce
principe socle du télétravail commande de ne pas concevoir des locaux qui
figeraient un niveau de pratique du télétravail, freinant tout retour en arrière.
Au cas particulier du télétravail, même si ses réflexions évoluent, la
DIE préconise avant tout d’affecter moins de
surfaces aux postes de travail
individuels au profit des espaces de travail collectifs, s’écartant ainsi, pour
partie, de la solution retenue dans le secteur privé, reposant sur une
diminution des surfaces occupées. Se pose cependant la question du
potenti
el d’adaptation des locaux administratifs dont beaucoup sont
anciens, voire classés. En outre, les investissements à réaliser sont
importants alors même que les gains du télétravail ne sont pas encore
clairement démontrés et que sa pérennisation est à confirmer, au moins
chez certains employeurs publics.
La DIE concrétise cette doctrine en finançant, dans le cadre du
programme 348
Rénovation des cités administratives et autres sites
domaniaux
multi-occupants
72
,
plusieurs
rénovations
de
cités
administratives
qui s’inscrivent dans cette perspective (celles de Lille,
Lyon et Nancy, par exemple).
69
Le
flex office
,
ou bureau flexible, désigne l’absence
de poste de travail attitré et de
bureaux fermés. Dans une organisation en
flex office
, les locaux de l’
employeur
proposent différents espaces de travail, permettant aux collaborateurs de s’installer
en
fonction de leurs besoins.
70
Selon certains interlocuteurs rencontrés le
share office
(un même bureau partagé par
plusieurs agents en fonction de leur moment de présence) pourrait être socialement plus
acceptable dans la fonction publique.
71
Cf.
L’immobilier public de demain
, DGFiP, DIE, octobre 2020.
72
Créé
en 2018 et porté par le directeur de l’immobilier de l’État (DIE),
ce programme
a pour objectif de contribuer à la modernisation du parc immobilier de l’État. Doté à sa
création d’une enveloppe pluriannuelle de crédits limitative de 1
Md€,
il permet de
financer intégralement les coûts des études techniques, des opérations de restructuration
immobilière, d’acquisition ou de construction de bâtiments neufs, ainsi que des travaux
lourds relevant du propriétaire.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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UN DÉFI À RELEVER POUR LES EMPLOYEURS PUBLICS
53
L
’approche des employeurs publics hospitaliers et territoriaux
rencontrés est globalement prudente en la matière. La FHF considère que,
à l’exception des trois plus gros établissements
73
qui disposent de
véritables sièges administratifs, les hôpitaux n’ont pas la possibilité
d’économiser des surfaces. L’association France Urbaine, qui représente
les grandes collectivités du bloc communal, estime que
, même si elle n’est
pas en mesure de le déterminer, le seuil de jours télétravaillés à partir
duquel il pourrait être envisagé de réorganiser l’utilisation des surfaces
n’est vraisemblablement pas atteint, en l’état des quotités de télétravail
q
u’elle relève chez ses membres.
Pour l’association Régions de France, les
gains de surface n’ont jamais été une clé de mise en œuvre du télétravail
,
même si la région Île-de-France constitue un cas probant dans la sphère
publique d’intrication entre le dév
eloppement du télétravail et la
rationalisation de l’occupation immobilière (voir l’
encadré ci-après).
Le cas de la région Île-de-France
74
Dans le cadre de sa politique «
d’administration libérée
», la région
a mis en place le télétravail et des bureaux non attribués. Le contexte du
début d’année 2018 ayant été caractérisé par le déménagement d’une partie
des services à Saint-Ouen, des intempéries (épisodes neigeux rapprochés et
intenses) et des grèves de transports, le télétravail a été généralisé le
1
er
ja
nvier 2018 à l’ensemble des postes identifiés comme compatibles avec
ce type d’organisation, soit 80
% des agents du siège. Ainsi, au 31 août
2018, il concernait 1 053 agents sur 1 600.
Par ailleurs, la r
égion propose à ses agents d’exercer leur activité
dans des tiers-lieux, localisables depuis une application mobile et auxquels
ils accèdent grâce à des jetons de réservation. À cette fin, la Région a passé
un marché en avril 2018 d’un montant estimé à 268
000 €
/ an maximum.
Les bureaux non attribués ne concernent, pour l’instant, que les
agents du siège volontaires, soit 13 % des effectifs, mais la Région souhaite
étendre cette pratique.
73
Assistance publique
Hôpitaux de Paris (AP-HP), Hospices civils de Lyon (HCL) et
Assistance publique
Hôpitaux de Marseille (AP-HM).
74
Cf. Chambre régionale des comptes Ile-de-France,
Région Île-de-France
, Exercices
2014
et suivants, rapport d’observations définitives,
septembre 2019.
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54
Au regard de ces éléments, ce sont donc essentiellement les services
de l’
État qui sont concernés par cette question. Les régions et les
départements le sont dans une moindre mesure. Dès lors, les
administrations centrales de l’
État commencent à initier des dynamiques
dans lesquelles le télétravail s’insère dans leurs st
ratégies immobilières
respectives.
Au MAA, la densification des surfaces, qui est au cœur du schéma
pluriannuel de stratégie immobilière (2019-
2023) de l’administration
centrale
75
, entraî
nera la libération d’un bâtiment trop grand et la
réhabilitation d’un
autre. Selon le ministère, le télétravail facilite la
conciliation de la densification avec les enjeux de qualité de vie au travail.
Au MEJSESR, l’impact de la mise en œuvre du télétravail sur
l’immobilier de l’administration centrale «
est nul à court terme
». Il est
néanmoins pris en compte dans sa stratégie immobilière, que ce soit dans
le cadre de la densification en cours d’un site ou du regroupement de trois
sites sur un nouveau site unique. À
l’horizon 2025, les surfaces de bureau
x
devraient diminuer de 5 200 m² et
l’atteinte
de cette cible sera facilitée par
le télétravail. Par ailleurs, le nouveau site unique permettra d’initier
«
l’immobilier public de demain
», en réduisant le nombre de bureaux
individuels au bénéfice de bureaux partagés et en offrant aux agents des
lieux de convivialité, des bureaux en
flex office
, des salles de réunion
modulables, des amphithéâtres, etc.
Au sein du MEFR, la DIE a engagé un réaménagement visant à la
fois à réunir géographiquement l’ensemble de ses équipes et ti
rer les
conséquences concrètes des constats et besoins révélés par le recours au
télétravail. Pour la conception des nouveaux espaces, la réflexion s’est
appuyée sur les usages constatés s’agissant du taux de télétravail
76
, de la
fréquence des réunions selon les personnes et les équipes, de la proportion
de travail individuel concentré, etc. Dans le prolongement de cette
initiative, le secrétariat général du MEFR prévoit de lancer une démarche
expérimentale de réaménagement d’espaces d’une direction ou d’un
service d’administration centrale. Le MEFR considère que ces projets
pilotes devraient permettre de réaliser fin 2022 un retour d’expérience sur
les gains possibles de surfaces mais aussi les modalités de prise en compte
des nouveaux modes de travail.
75
Validé le 30 juillet 2021.
76
La DIE a fixé pour règle que les agents télétravaillant au moins deux jours par
semaine ne bénéficient plus d’un poste de travail individuel attribué.
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55
Enfin, depuis septembre 2021, la Dinum a mis en place le
flex office
pour la plupart de ses 200 agents
77
(par ailleurs tous en télétravail). Les
agents se sont facilement appropriés
l’application
de réservation de
bureaux, dont la mise en place a rendu cette réforme possible. Cependant
la Dinum
n’a pas pu établir un premier bilan de sa nouvelle organisation
,
le contexte sanitaire ayant conduit à ce que les agents travaillent surtout à
leur domicile sur la période concernée.
Dans les services déconcentrés, la dynamique de révision des usages
apparaît moins avancée. La direction interministérielle de la transformation
publique (DITP), qui suit ce sujet, reconnaît en effet que les exemples de
gains de surfaces liés au télétravail et de
flex office
sont peu nombreux. Elle
mentionne néanmoins le cas du Pôle Viotte, à Besançon, qui accueille
800 agents issus de plusieurs administrations déconcentrées.
L
a révision des usages de l’immobilier n’en est, au plus, qu’aux
prémices. Au sein de la préfecture du Jura,
« chaque agent conserve son
bureau ; même en télétravail »
. La préfecture de la Haute-Savoie reconnaît
que la question des locaux s’impose aux employeurs,
mais elle lui paraît
prématurée. Il lui semble en outre que ses propres locaux ont une
configuration
a priori
inadaptée pour être réagencés. La préfecture de
l’Hérault considère que la réflexion sur les gains immobiliers, et son
acceptation par les personnels, qui pourrait passer, par exemple, par le
renoncement au bureau individuel et / ou attribué, est à ouvrir.
Si le rectorat de l’académie de Metz
-
Nancy s’interroge sur la
configuration de ses espaces de travail, à la DGFiP, où le potentiel de
rationalisation des surfaces de bureaux en lien avec le télétravail est
a priori
important, les agents en télétravail conservent leurs bureaux. Le
département de la Creuse s’est, quant à lui, interdit tout gain de surface
. En
effet le maintien du bureau du télétravailleur est un droit garanti dans sa
charte du télétravail
78
. Cet exemple traduit les hésitations des employeurs
publics sur cette question.
Compte tenu de la sensibilité de sujet pour les organisations
syndicales
et
les
agents,
certains
employeurs
publics
attendent
l’opportunité d’un projet immobilier d’ampleur pour y insérer le sujet de la
révision de l’usage des
locaux
79
.
77
Pour des raisons de sécurité ou de confidentialité des sujets traités, certains agents ne
sont pas en
flex office
.
78
L’agent conserve son poste de travail dans sa résidence administrative principale
.
79
Le bilan coût-
avantage d’une réorganisation des locaux induisant des formes de
flex
office
est plutôt négatif.
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56
La DDT de la Haute-Garonne indique ainsi que
«
l’intégration du
sujet « télétravail » dans la réflexion sur la future cité administrative de
Toulouse a permis de « dédiaboliser » le flex office »
. Dans le même ordre
d’idées, le rectorat de l’acadé
mie de Metz-Nancy indique que
« la mise en
place du télétravail a (…) permis d’optimiser à la marge certaines
implantations dans l’attente du déménagement et du regroupement des
services du rectorat à horizon 2022. »
. D
ans le cadre d’un projet de
regroupement de 1 000 agents sur un même site, le département du Val-de-
Marne
étudie l’impact du télétravail sur l’organisation des espaces de
travail et envisage un diptyque
« moins de bureaux individuels, plus de
bureaux collectifs »
. Le département estime ces derniers
« supportables »
dès lors que l’agent est moins présent au bureau.
Au CNED, la mise en œuvre du télétravail depuis 2019 n’a pas eu
jusqu’à présent d’impact immobilier
. Cet impact sera pris en compte dans les
opérations de rationalisation des surfaces occupées dans le cadre des projets
de mutualisation bâtimentaire avec un autre opérateur /
service de l’
État. En
parallèle, avec l’ouverture du télétravail à trois jours depuis septem
bre 2021,
une réflexion sur les espaces de travail sera menée en 2022.
Pôle emploi rappelle que de nombreux paramètres sont à prendre en
compte pour envisager des gains immobiliers en lien avec le télétravail.
L’opérateur
constate par ailleurs
qu’
étant très majoritairement locataire de
ses bâtiments,
toute dynamique d’optimisation des surface
s est corrélée à
l’arrivée à échéance des baux
correspondants
. Sur ce point, l’association
France urbaine constate que la rigidité du droit actuel des prises à bail peut
constituer un frein aux réorganisations immobilières qu’emporte
potentiellement le télétravail.
Si l’ampleur limitée du télétravail à ses débuts n’imposait pas de
réflexion particulière sur la stratégie immobilière de chacun des
employeurs publics, le développement continu de cette pratique
(indépendamment de la crise sanitaire) rend désormais la question
incontournable. Pour éviter toute crispation sur le sujet, il importe de faire
converger stratégie immobilière et dialogue social
80
.
En tout état de cause, la Cour considère que la question du maintien
d’un poste de travail fixe devrait être posée po
ur les agents qui passent plus
de 50 % de leur temps de travail hebdomadaire en télétravail ou dont la
quotité de télétravail retenue pour le service est de trois jours.
80
L
’art
icle
2 de l’accord du 13 juillet 2021
prévoit ainsi que
«
l’impact éventuel du
télétravail sur l’organisation et l’aménagement des locaux doit recueillir l’avis
préalable des instances de dialogue social compétentes »
.
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57
2 -
Expertiser l’intérêt d’un recours accru aux tiers
-lieux
L’accord du 13 juillet 2021 pr
omeut le recours aux tiers-lieux
81
publics ou associatifs
82
notamment parce qu’il permet aux agents dont le
domicile n’offre pas des conditions optimales de télétravail d’en bénéficier.
Sous cet angle, le recours à ces sites relève avant tout d’une logique
d’équité. Or, le recours aux tiers
-lieux administratifs permet aussi le
télétravail d’agents en principe non éligibles pour des raisons de
confidentialité et de sécurité, notamment ceux utilisant des applications
informatiques déclarées incompatibles avec le télétravail
83
, là encore dans
un souci d’équité mais aussi d’attractivité de certaines fonctions. Enfin, la
pratique du télétravail depuis un espace de travail partagé pourrait
contribuer à améliorer la productivité des télétravailleurs, par rapport à une
situation de travail à domicile, en garantissant de bonnes conditions
matérielles de travail et en favorisant les interactions professionnelles en
dehors du lieu de travail habituel
84
.
Dans un contexte où seules quelques initiatives locales d’ampleur
assez limitée ont été prises (la DGFiP, par exemple, dispose pour ses
100 000 agents de 10 tiers-lieux représentant une centaine de postes de
travail), la DIE promeut le recours aux tiers-lieux administratifs, tout en
relevant que la réflexion doit être approfondie en termes de besoins, de
localisation, de sécurité, de financement et de gestion.
Elle identifie des opportunités d’usage de surfaces libérées,
notamment dans les préfectures et les DDFiP
85
(voir
l’
encadré ci-après, qui
en présente un exemple concret), pour créer des tiers-lieux administratifs.
Elle souligne toutefois l
es difficultés de mise en œuvre
des projets
correspondants,
tenant à la sécurité physique de l’accès, à la sécurisation
des réseaux, à la problématique du remboursement de l’usage de ministère
à ministère, etc.
81
Il n’existe pas de définition légale de
s tiers-
lieux. Il semble que l’accord désigne en
fait les espaces de
coworking
(qui permettent de
travailler dans un lieu qui n’est ni le
lieu de travail principal, ni le domicile) plutôt que les tiers-lieux
stricto sensu
(dont la
vocation principale est de faciliter les rencontres et les échanges entre plusieurs acteurs
d’un territoire
).
82
Cf. art. 3.
83
Cas fréquent au MINT, par exemple.
84
Cf.
Que savons-
nous aujourd’hui des effets économiques du télétravail
? Cyprien
Batut, Youri Tabet, Trésor-Eco n° 270, novembre 2020.
85
Directions départementales des finances publiques.
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58
Le tiers-lieu administratif de la sous-préfecture de Muret
86
Dans le cadre de la mise en œuvre du plan préfectures nouvelle
génération (PPNG), la sous-préfecture de Muret disposait de locaux
vacants. En 2017, la décision a été prise de proposer à titre expérimental la
création d’un espace
de
coworking,
ayant une capacité d’accueil de 30
agents par semaine
87
. L’expérimentation a débuté en mars 2019 avec cinq
agents. Malgré l’intérêt manifesté, le nombre d’agents volontaires s’est
raréfié, ce désintérêt pouvant s’expliquer par un déficit de co
mmunication
autour de l’existence du site, des freins identifiés liés à la sécurité
informatique et les difficultés d’accès à certaines applications nationales en
mode télétravail
88
. Ces difficultés n'ont trouvé de solution technique qu’en
2020. En octobre
2020, cinq agents de préfecture fréquentaient l’espace de
coworking
. Le contexte de crise sanitaire, l’élargissement du nombre
d’agents équipés d’ordinateurs portables qui pouvaient être placés en
télétravail pour faire face à la pandémie ont rendu moins intéressant le
travail sur un tiers-lieu du fait des contraintes liées au respect des mesures
barrières et au port du masque par rapport au domicile des agents.
Le secrétariat général du MEFR indique que le recensement des
tiers-lieux à grande échelle reste à faire
89
, sur des sites du MEFR ou privés,
validant de ce fait la pertinence de la démarche
90
. D
’autres interlocuteurs
rencontrés s’avèrent plus dubitatifs. Pour la DGCL
91
, dans le secteur public
local,
l’utilisation de tiers
-lieux pourrait se heurter à une culture
professionnelle publique encore marquée par l’occupation d’un bureau
individuel. Pour ce qui le concerne, le département du Val-de-Marne
estime que la question des tiers-lieux est un sujet
« étape 2 »
du télétravail,
la collectivité devant d’abord vérifier que le télétravail à domicile
fonctionne et n’entraîne pas une baisse de la qualité du service, avant
d’envisager d’y recourir.
La FHF observe pour sa part que le recours aux tiers-lieux
« ne
semble pas crédible »
dans le monde hospitalier.
86
Cf. rapport de l’Inspection générale de l’administration,
Bilan et perspective de
l’organisation du télétravail au ministère de l’intérieur
(janvier 2021).
87
S
ur la base d’un jour de
présence par semaine et par agent.
88
Ainsi, des agents du CERT (permis de conduire) de la préfecture et du bureau du
budget utilisant CHORUS, n
’avaient pu, jusqu’au premier confinement, obtenir la
possibilité de télétravailler depuis l
espace de
coworking
.
89
Il est d’ailleurs prévu dans son accord sur le télétravail.
90
À rebours de la position du secrétariat général, l
’Insee
privilégie, à ce stade, le
télétravail à domicile et ne souhaite pas recourir au
coworking
.
91
Direction générale des collectivités locales.
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59
Les initiatives les plus récentes, identifiées dans le cadre de
l’enquête,
sont
d’ampleur limitée
. Elles illustrent un sujet qui relève encore
de l’accessoire. Ainsi, lors
de la réunion du comité d'orientation stratégique
interministériel du numérique du 28 mai 2020, les ministères des armées et
de la justice ont signifié leur intérêt à participer à une expérimentation
visant à proposer des tiers-lieux publics aux agents. Le ministère des
armées a ouvert deux tiers-lieux (15 places), le ministère de la justice six
(30 places). Par la suite, la préfecture de la région Île-de-France a ouvert
un tiers-lieu (5 places). 33 agents de la DITP et de la Dinum (la crise
sanitaire ayant empêché les agents des ministères des armées et de la justice
de s’y associer) ont participé à l’expérimentation, qui a dû s’interrompre
du fait du second confinement. Il en est ressorti que les contraintes d’accès,
le manque d’équipements et la connectivité Internet ont été les principa
les
difficultés rencontrées par les agents. Le département de la Haute-Saône,
qui comptait 198 télétravailleurs fin 2021, a, pour sa part, retenu un site
d’expérimentation d’espaces de cotravail de quatre places (un bureau à
deux et deux bureaux individuels), et une salle de réunion, pour un coût
annuel de l’ordre de 14
000
€, dont la place dans le fonctionnement du
télétravail sera par nature très limitée.
Dans le cas d’employeurs ayant une expérience plus ancienne du
recours à des tiers-lieux, il semble que les agents les investissent peu, si
l’on
se réfère à deux exemples relevés par la Cour. Avant la crise sanitaire,
si 25 agents de la région des Hauts-de-France se rendaient sur des tiers-
lieux
92
, ce nombre est descendu à neuf durant la crise sanitaire, sur un total
de 1 800 agents en télétravail. L
e rectorat de l’académie de Metz
-Nancy
met, depuis 2018, à disposition de ses agents télétravailleurs quatre
télécentres implantés dans chacune des quatre directions des services
départementaux de l’académie. F
in 2020, seul un agent sur les 45 en
télétravail utilisait cette facilité.
Ces exemples
n’ont pas nécessairement valeur représentative
. Ils
pourraient cependant indiquer que les tiers-lieux ne répondent pas à un
besoin important des agents
93
, alors même qu’
ils présentent un coût
supplémentaire pour l’employeur par rapport au télétravail à domicile, sans
que leur plus-
value globale pour l’employeur public soit certaine
94
. Au-
delà, pour des raisons de compatibilité des réseaux informatiques, les tiers-
92
Sur un total de 553 agents en télétravail.
93
Il faut, à tout le moins, que les tiers-lieux apportent une plus-value aux agents par
rapport à leur domicile pour justifier un déplacement.
94
Étant entendu que le développement des tiers-lieux administratifs ne doit pas devenir
une alternative à une cession pour lutter contre la sous-optimisation des locaux.
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COUR DES COMPTES
60
lieux associent rarement plusieurs administrations, ce qui limite leur
intérêt. La préfecture d’
Île-de-France a cependant ouvert, en octobre 2021,
le premier tiers-lieu de
coworking
inter-versants de la fonction publique :
l’Espace de travail des agents publics (ET
AP)
95
dont le taux d’occupation
est annoncé à 90 %. Il restera à constater
ex post
si ce tiers-lieu est atypique
ou précurseur.
Par conséquent, un complément d’analyse est à réaliser pour
identifier les critères à prendre en compte pour décider de recourir à un
tiers-lieu administratif
96
.
II -
Une pratique collective et individuelle
à mieux encadrer
En 2020 et 2021,
l’enjeu pour les employeurs publics a été, d’une
part, de doter les agents des outils informatiques de télétravail
, d’autre part,
de former les agents et les managers. Désormais, un ancrage réussi du
télétravail dans la fonction publique voulu par les pouvoirs publics,
nécessite de faire en sorte que celui-ci
ne dégrade pas l’organisation
du
service (A
), n’engendre pas les risques psychosociaux (RPS) qu
i lui sont
spécifiques (B
) et soit effectué au domicile de l’agent en respectant les
impératifs posés par la réglementation (C).
A -
Préserver la bonne organisation du service
dans la mise en œuvre du télétravail
L’un des points d’attention rémanents des
employeurs publics,
comme des organisations syndicales, concerne le maintien du collectif de
travail et d’une organisation efficace du service, auquel le télétravail peut
porter atteinte sous deux angles. Relevant
du point de vue de l’agent d’une
approche individuelle, il
pourrait tout d’abord dégrader l’organisation
des
services (1). Le télétravail est également susceptible de créer un clivage entre
télétravailleurs et non télétravailleurs et ce d’autant plus avec l’instauration,
suite à l’accord du 13 juillet 2021, d’une indemnité de télétravail (2).
95
Les préfectures de l’Essonne et du Val
-de-Marne développent chacune actuellement
un projet ETAP.
96
À cet égard, un cadre du MEFR a été missionné, au printemps 2022, pour définir une
méthode interministérielle d’analyse des besoins en matière de tiers
-lieux et pour en
optimiser l’offre en termes d’espaces et de services.
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61
1 -
Le contingentement de la quotité de travail
comme outil
de régulation de l’impact du télétravail
sur l’organisation du service
Du fait de la montée en charge précipitée du télétravail, les
employeurs publics préservent le collectif de travail et l’organisation du
service essentiellement en contingentant le volume de télétravail accordé.
Cette régulation passe moins par la limitation du nombre de télétravailleurs
(là où le télétravail est possible) que par celle de la quotité des jours
télétravaillés. Les données recueillies par la Cour montrent ainsi que de
nombreux employeurs publics optent pour une quotité maximale de
télétravail inférieur au plafond réglementaire
(de l’ordre d’un jour par
semaine, deux au plus
97
).
S
elon l’A
nact
98
, c’est moins le nombre de jours télétravaillés qui
dégrade le collectif de travail que les modalités de son animation. I
l n’en
demeure pas moins qu’en l’absence d’une appropri
ation complète du
télétravail, son
contingentement constitue l’outil le plus immédiatement
utilisable.
La formule des « jours fixes
» de télétravail permet à l’employeur
d’assurer
ex ante
un nombre minimum d’agents présents sur site
99
voire un
jour commun de présence obligatoire. Le département de Vaucluse impose
par exemple une journée de coordination par service,
où l’ensemble de
l’équipe est réuni pour permettre la transmission des informations aux
agents sur les dossiers en cours et renforcer la communauté de travail.
Certains employeurs portent l’effort de régulation en interdisant les jours
télétravaillés les lundis, mercredis (ce qui par ailleurs empêche la
transformation d’un temps partiel en un temps télétravaillé) ou vendredis.
L’utilisation des «
jours flottants
» oblige l’employeur à gérer de manière
continue la question du maintien du collectif de travail. Cette difficulté est
cependant atténuée par le fait que les agents bénéficiant de cette formule
télétravaillent moins que les agents recourant à la formule des « jours
fixes » (cf. chapitre I).
97
Cf. l’
Enquête sur le futur du travail
2
ème
édition (2022), publiée par
l’
ANDRH.
Dans l’entreprise, sur la période 2022
-2025, le télétravail se stabiliserait autour de deux
jours par semaine, 1
% des entreprises envisageant d’être en télétravail à 100
%.
98
Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.
99
Il s’agit essentiellement d’éviter une trop forte concentration d’absences sur un même
jour et par conséquent, de limiter le risque de report de charges sur les agents présents,
d’autant plus mal vécu qu’ils seraient en nombre restreint.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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COUR DES COMPTES
62
La Cour considère ces arbitrages justifiés par la connaissance
pratique encore assez limitée du télétravail par les employeurs publics et
face à la rapidité du mouvement qu’il leur a été demandé d’accompagner.
Pour autant la crise sanitaire et les recommandations de télétravailler
au moins trois jours voire plus ont pu instiller chez une partie des agents
(notamment ceux subissant des temps de trajet particulièrement longs) un
intérêt fort pour les quotités de télétravail élevées (
i.e.
trois jours de
télétravail hebdomadaire
100
). En outre, la quotité de jours télétravaillables est
un facteur d’attractivité des postes proposés. Dans cette perspective, les
employeurs publics devront élaborer les outils de management et une
organisation du travail rendant compatible une hausse éventuelle des quotités
de télétravail accordées avec l’intérêt du service.
À cet égard, dès lors que
les employeurs interrogés déclarent ne pas
avoir mis en place d’outils de
contrôle, le passage au management par objectifs, souvent évoqué, ne saurait
constituer à lui seul le mode de vérification du travail réalisé.
Compte tenu de la spécificité du télétravail trois jours par semaine,
qui conduit l’agent à travailler davantage à son domicile que sur site
(occurrence minoritaire dans le monde de l’entreprise mais
qui y concerne
cependant 23 % des télétravailleurs
101
), il serait utile que les employeurs
en évaluent
les conséquences sur l’o
rganisation de leurs services
et qu’un
bilan global en soit dressé par le
comité de suivi de l’accord du 13 juillet
2021.
2 -
Contenir le clivage entre télétravailleurs et non télétravailleurs
La prévention de l’apparition d’un clivage entre télétravailleurs
et
non télétravailleurs suscite une certaine vigilance des employeurs. Cette
préoccupation a été renforcée par
l’instauration, par l’accord du 13
juillet
2021, puis l
a mise en œuvre pratique
, par le décret 26 août 2021
102
, de
l’indemnisation forfaitaire du t
élétravail à hauteur de 2,50
€ par jour
de
télétravail,
dans la limite d’un plafond annuel de 220
103
(dont la
liquidation s’avère complexe alors même que les montants en cause sont
faibles). Si cette indemnisation est obligatoire dans la FPE et la FPH, elle
demeure facultative dans la FPT en application du principe de libre
administration des collectivités.
100
À
titre d’exemp
le, 18
% des agents de l’administration centrale des MSS
télétravaillent d’ores et déjà trois jours ou plus par semaine.
101
Cf. l’enquête précitée de l’ANDRH
.
102
Cf. le décret n° 2021-1123 du 26 août 2021 portant création d
une allocation
forfaitaire de télétravail au bénéfice des agents publics et des magistrats
et l’arrêté
d’application du même jour.
103
Cf. l’arrêté du 26 août 2021 pris pour l’application du décret du 26 août 2021.
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63
Le débat sur la compensation des frais engagés par l’agent territorial
en télétravail, par le canal
d’une indemnité
, ne fait pas consensus parmi
leurs
employeurs, d’autant qu’aucune étude n’
a évalué la réalité des coûts
effectivement supportés par le télétravailleur. Parmi les collectivités
interrogées dans le cadre de l’enquête ayant mis en place le télétravail, un
tiers d’entre
elles verse une indemnité. Le département de la Creuse, par
exemple, explicite son refus par le fait que le télétravail «
est mis en place
à la demande de l’agent qui est par ailleurs susceptible de réaliser des
économies à ce titre
», alors que
« les coûts induits sont majoritairement
supportés par la collectivité ».
Cette position est celle de 27 % des
collectivités interrogées. 40
% d’entre
-elles ont repoussé la décision
d’attribution de cette indemnité à des débats ou études à venir.
Les organisations syndicales, sont, elles aussi, partagées : tout en
jugeant majoritairement l’indemnité insuffisante, il leur apparaît qu’elle
serait mal acceptée dans son principe par les agents insusceptibles de
télétravailler, notamment ceux de la catégorie C. Ce ressentiment serait
d’autant pl
us fort que le télétravail est souvent perçu comme une pratique
réservée aux cadres administratifs.
Les données recueillies nuancent toutefois cette perception, au
moins pour ce qui concerne la FPE : si le taux des agents de catégorie C en
télétravail est plus faible que celui des agents de catégorie A et B, il n’est
désormais plus marginal. À
titre d’exemple, les taux de télétravailleurs
parmi les agents des catégories A, B et C de l’administration ce
ntrale du
MEFR sont respectivement de 65,4 %, 57,8 % et 29 %.
Le clivage principal se situe bien davantage entre les agents affectés
sur des fonctions administratives et les autres (Cf. chapitre 1). Aussi, le
télétravail en établissement hospitalier a pu, par exemple, conduire les
directions à constater un accroissement du sentiment d’inégalité de
traitement entre les personnels administratifs et les équipes soignantes qui
ne peuvent y avoir recours, conduisant des médecins à demander à
télétravailler dans le cadre de prescriptions à distance.
Certains employeurs s’efforcent d’élargir le télétravail à des agents
dont les fonctions s’y prêtent
a priori
peu. La région Île-de-France propose
ainsi aux chefs de cuisine trois jours de télétravail par an pour passer les
commandes, et un jour par mois à tout agent d’accueil pour des activités de
standard téléphonique. Toutefois, ces actions demeurent limitées par la
nature de l’activité principale et le déploiement d
e possibilités limitées de
télétravailler à des mét
iers qui ne s’y prêtent pas devrait rester minoritaire.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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COUR DES COMPTES
64
B -
Prévenir les risques psychosociaux par la régulation
des horaires de télétravail
104
En 2021, le Parlement européen
105
a demandé «
à la Commission
d’inclure le droit à la déconnexion dans sa nouvelle
stratégie en matière
de santé et de la sécurité au travail
». Il a en outre invité «
les États
membres à veiller à ce que les travailleurs qui invoquent leur droit à la
déconnexion soient protégés contre le risque de représailles ou d’autres
répercussions
négatives et à ce qu’il existe des mécanismes permettant de
traiter les plaintes ou les violations du droit à déconnexion
». Cet épisode
témoigne de l’importance prise par le sujet du droit à la déconnexion.
Celui-
ci fixe le principe qu’un salarié ou un ag
ent est en droit de ne
pas être connecté à ses outils numériques professionnels et donc de ne pas
répondre à des sollicitations hors des horaires de travail. L’objectif du droit
à la déconnexion est double. I
l s’agit, d’une part, de tracer une frontière
en
tre les temps professionnel et personnel, l’usage des outils numériques
pouvant facilement conduire à en estomper la démarcation et
, d’autre part,
de prévenir les risques psychosociaux, en particulier de
burn out
résultant
de l’incapacité ou de l’impossibilité pour le salarié ou l’agent de cesser son
travail. Ces risques concernent tout autant les agents que les managers.
L
e droit à la déconnexion est lié au premier chef à l’usage des outils
numériques. Il présente toutefois un enjeu spécifique dans le cadre du
télétravail, en particulier quand l’agent relève d’un régime de temps de
travail dit « au forfait ».
Il n’existe pas de définition légale du droit à la déconnexion
.
Cependant, dans le secteur privé, le droit du travail
106
oblige les entreprises
de plus de 50 salariés à entamer des négociations en vue de conclure un
accord collectif d’entreprise sur le sujet. L’accord du 13 juillet 2021
107
consacre désormais pour la fonction publique le droit à la déconnexion qui
doit faire l’objet d’un accord dans le cadre
du dialogue social de proximité
pour garantir son effectivité. Il recommande
l’élaboration d’
un plan
d’action et prévoit un échange spécifique sur la charge de travail lors de
l’entretien annuel d’évaluation
. Cependant les modalités pratiques pour
assurer
l’effectivité de ce droit ne sont pas précisées.
104
L’isolement, autre RPS fréquemment associé au télétravail, semble davantage
relié
au télétravail de crise qu’au télétravail de droit commun. Ce risque d’isolement peut
cependant concerner les agents bénéficiant de trois jours de télétravail par semaine.
105
Résolution du Parlement européen du 21 janvier 2021 contenant des
recommandations à la Commission sur le droit à la déconnexion (2019/2181(INL)).
106
Cf. l’article
L. 2242-17 du code du travail.
107
Cf. son article 5.
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UN DÉFI À RELEVER POUR LES EMPLOYEURS PUBLICS
65
Or, selon les données recueillies dans le cadre de l’enquête, si tous
les employeurs publics reconnaissent l’importance du droit à la
déconnexion, la plupart s’en tiennent à l’élaboration d’une charte dont
le
degré d’efficacité est par nature difficile à mesurer. Parmi les initiatives
innovantes, l’Insee a mis en place un dispositif de fenêtre «
pop-up »
qui
apparaît sur l’écran des agents à 19
heures 30 pour les inviter à se
déconnecter
108
. La pratique du courriel indiquant que le message envoyé
au-
delà d’un certain horaire n’appelle pas de réponse, se développe
également. Aucune mesure coercitive (impossibilité d’accéder aux
applications informatiques ou d’envoyer des courriels au
-delà des horaires
définis) n
’a
en revanche été relevée.
Il reste que
l’effectivité du droit à la déconnexion ne repose pas
seulement sur des solutions technologiques. Elle nécessite de revoir
l’organisation du travail, dans un contexte de raccourcissement généralisé
des délais de réponse attendue (en interne comme vis-à-vis des usagers).
L’importance de ce sujet commande d’aider les employeurs publics
à renforcer l’effectivité
du droit à la déconnexion. Le comité du suivi
instauré par l’accord du 13 juillet 2021
pourrait être un vecteur efficace de
recensement et de diffusion des meilleures pratiques en la matière.
C -
Veiller aux conditions
concrètes d’exercice
du télétravail au domicile
109
L
’article 6 du décret du 11 février 2016 dispose que
« les agents
exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient des mêmes droits et
obligations que les agents exerçant sur leur lieu d'affectation »
. En
pratique, toutefois, le télétravail percute sur de nombreux plans la relation
de travail traditionnelle entre l’employeur public et son agent. S’agissant
des conditions concrètes d’exercice du télétravail au domicile, deux points
émergent plus spécialement
: le niveau de prise en charge par l’employ
eur
de l’équipement nécessaire au télétravail (1), le risque particulier porté par
les accidents du travail au domicile de l’agent en télétravail (2).
108
Que l’agent soit en télétravail ou non.
109
Le télétravail peut être organisé au domicile de l’agent, dans un autre l
ieu privé ou
dans tout lieu à usage professionnel (article 2 du décret du 11 février 2016).
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COUR DES COMPTES
66
1 -
Le financement du poste de travail au domicile de l’agent
:
un arbitrage à faire par chaque employeur
Contrairement à ce qui prévaut pour le travail sur site, les conditions
matérielles d’exercice du télétravail au domicile des agents sont souvent
appréhendées
a minima
par les employeurs publics. Comme cela a été
indiqué plus haut, leurs obligations sont pourtant les mêmes.
Le dispositif réglementaire porte une approche duale de cette
question. D’une part, l’agent doit produire une attestation de conformité
des installations de son domicile aux spécifications techniques de
l’employeur
110
, afin de protéger ce dernier
; d’autre part l’employeur doit
prendre en charge les coûts découlant directement de l’exercice du
télétravail, notamment ceux des matériels, logiciels, abonnements et
communications. Cette obligation s’étend aux coûts de maintenance
111
.
Ainsi, en pratique,
malgré le principe énoncé par l’article 6 du décret du
11 février 2016, et contrairement au travail sur site, le télétravail engendre
une forme de co-
responsabilité de l’employeur et de l’agent sur la
fonctionnalité du poste de travail au domicile de ce dernier.
En effet, à
l’exception de l’agent en situation de handicap
112
(pour
qui le télétravail peut
être source d’inclusion
), dont
l’employeur doit
effectuer les aménagements de postes nécessaires à la réalisation des
tâches, ce dernier n’a pas d’obligation autre que la fourniture des
équipements informatiques et téléphoniques à son agent, à qui il incombe
d’aménager lui
-
même son poste de travail. Si l’accord du 13
juillet 2021
rappelle la possibilité pour l’employeur de prendre des initiatives p
our
améliorer l’ergonomie du poste de travail, il ne va pas au
-delà.
Des constats effectués au cours de l’enquête de la Cour, il ressort
que deux visions s’opposent parmi les employeurs
: l’une rappelant que
, le
télétravail reposant sur le volontariat, l’employeur n’a pas à financer au
-
delà de ce que prévoit la réglementation ce qui reste une demande de
l’agent
; l’autre qui souligne qu’une prise en compte insuffisante du coût
du poste de travail à domicile revient à empêcher de télétravailler des
agents qui ne disposent pas des conditions idoines, instaurant une rupture
d’égalité.
110
Cf. l’art. 5 du décret du 11 février 2016.
111
Cf. l’art. 7 du décret du 11 février 2016.
112
Soit près de 256 000 agents (cf. le
rapport d’activité et de gestion 202
1 du Fonds
pour l
insertion des personnes handicapées dans la fonction publique).
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UN DÉFI À RELEVER POUR LES EMPLOYEURS PUBLICS
67
Les éléments recueillis font apparaître que certains employeurs
publics, comme Pôle Emploi, le MAA ou encore la commune de Chelles
évoqués
supra,
fournissent un équipement informatique allant au-delà du
minimum requis pour télétravailler. Cependant, sauf exceptions
113
, la
plupart ne supportent pas sur leur budget les équipements de bureau (tel
qu’un siège ergonomique ou un bureau) de l’agent à son domicile. Pour ce
qui est de la FPH, la FHF reconnaît
que le problème de l’équipement au
domicile de l’agent est réel,
mais observe que les employeurs hospitaliers
préfèrent allouer leurs moyens budgétaires très contraints aux locaux
professionnels. Ce constat montre
que l’arbitrage est moins d’ordre
principiel que budgétaire.
Se pose cependant, à long terme, la question du risque pesant sur la
santé (notamment de troubles musculo squelettiques (TMS)
114
) de l’agent
mal installé :
le coût initial évité par l’employeur ne finançant pas
l’ergonomie du poste de travail
doit être rapproché du coût ultérieur très
supérieur de la prise en charge de
l’agent ayant développé une pathologie
chronique. Les pratiques en vigueur sont également susceptibles de peser
sur la productivité des télétravailleurs.
Si le caractère non obligatoire du télétravail, et surtout le coût
budgétaire
de l’adaptation du poste
de travail, peuvent expliquer cette
position, il importe que les employeurs en mesurent
ex ante
les impacts à
moyen terme. Le développement des tiers-lieux pourrait dans certains cas
constituer une alternative satisfaisante.
Nonobstant la position de prin
cipe arrêtée par l’employeur
, un
financement de ce dernier pourrait être
obtenu en cas d’alerte
de la
médecine de prévention sur les risques de TMS et de RPS que l’installation
au domicile ou un trop grand isolement professionnel seraient susceptibles
de provoquer, ou à la suite
d’une visite au domicile de l’agent par un
113
Ainsi, le 1
er
vice-président du syndicat national des directeurs généraux des
collectivités territoriales
(SNDGCT), rencontré dans le cadre de l’enquête, par ailleurs
directeur général des services de la commune de Vannes a pu mentionner que cette
dernière allouait 250
€ sans contrôle de l’utilisation
aux fins de permettre à ses agents
en télétravail de s’équ
iper.
114
Les TMS regroupent des affections situées à la périphérie des articulations (muscles,
tendons, nerfs, etc.) qui se manifestent par des douleurs et des gênes dans les
mouvements qui, sans mesures de prévention, peuvent entraîner à terme une incapacité
au travail et dans la vie quotidienne.
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68
représentant du comité social
115
constatant que le poste de travail de l’agent
ne bénéficie pas d’une ergonomie satisfaisante. Les agents autorisés à
télétravailler trois jours par semaine pourraient à cet égard faire l’objet d’un
suivi prioritaire.
2 -
La sécurisation du traitement des accidents du travail
L’accord du 13 juillet 2021 rappelle que l
es agents en télétravail
bénéficient de la même couverture des risques que les agents travaillant sur
site, s’agissant des accidents du travail.
Si cette règle n’est pas discutée dans son principe,
son application
concrète est un sujet de préoccupation tant pour les employeurs (compte
tenu des limites inhérentes à leur action de prévention s’agissant d’une
activité professionnelle exercée a
u domicile de l’agent et de leur coût en
cas de survenance d
’un sinistre
116
) que des agents (qui craignent que le
bénéfice d’un dispositif réputé favorable ne leur soit pas accordé du fait de
la survenance de l’accident au domicile).
Au regard des éléments collectés dans le cadre de l’enquête, ce sujet
est à ce jour non signifiant statistiquement. Il pourrait toutefois le devenir
avec la banalisation du télétravail.
Depuis
la
publication
des
ordonnances
dites
Macron
du
22 septembre 2017
117
, pour les agents publics comme dans le secteur privé,
un accident du travail est
présumé si l’accident survient sur le lieu de
115
Depuis la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, les comités
techniques (CT) et les comités d
hygiène, de sécurité et des conditions de travail
(CHSCT) sont fusionnés
en une instance unique, le comité social, sur le modèle de
la réforme adoptée en 2017 dans le secteur privé. Dans la FPE, ces comités prennent le
nom de comités sociaux d
administration, dans la FPT de comités sociaux
territoriaux et
dans
la
FPH
de comités
sociaux
d
établissement.
Dans
les
administrations de la FPE, de la FPT et de la FPH de plus de 200 agents, il est prévu la
création, au sein des comités sociaux, d
une formation spécialisée en matière de santé,
de sécurité et de conditions de travail.
116
Le fonctionnaire qui voit reconnaître son accident du travail bénéficie
d’un
arrêt de
travail rémunéré, à plein traitement (ce qui inclut les primes dans la FPE, par exemple),
jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre ses fonctions ou jusqu’à sa mise à l
a retraite.
En outre, le fonctionnaire a droit au remboursement des honoraires médicaux et des
frais entraînés par l’accident, à une allocation temporaire d’invalidité en cas d’invalidité
permanente et, enfin, à une réparation complémentaire.
117
Cf. l’article 21 de l’o
rdonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la
prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.
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UN DÉFI À RELEVER POUR LES EMPLOYEURS PUBLICS
69
télétravail
118
. En effet, en l’absence de tout texte spécifique à l’accident de
service du fonctionnaire en télétravail, s’appliquent les dispositions de
l’article 21
bis
II loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant sur la notion
d’accident de service dans la fonction publique
119
.
En dehors du cas de la faute personnelle de l’agent ou d’une
circonstance particulière détachant l’accident du travail du service effectué,
le renv
ersement de la présomption d’imputabilité de l’accident du travail
demande que l’une
des conditions de reconnaissance de l’accident du
travail ne soit pas établie :
l’accident doit avoir eu lieu dans le temps et le
lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions
ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal. Hormis
quelques cas spécifiques, l’agent qui déclare un accident de travail en
dehors des horaires ou du lieu de travail définis par son autorisation de
télétravailler ne peut donc pas
bénéficier de la présomption d’imputabilité
au service. De même, la vérification que l’accident est intervenu pendant
ou à l’occasion de l’exercice des fonctions de l’agent ne pose pas
a priori
de difficulté.
Cependant, alors que, pour le cas du travail sur site, ces trois critères
sont aisément vérifiables sauf exception, dans le cas du télétravail, des
difficultés pourraient se présenter si
l’employeur n’a
pas mis en place un
dispositif de contrôle de la présence de l’agent à son
poste autre que
déclaratif (ces modalités de contrôle et de comptabilisation du temps de
travail sont normalement fixées un arrêté ministériel pour la FPE, une
délibération pour la FPT ou une décision de l’autorité investie du pouvoir
de nomination pour la FPH
120
). En effet,
en l’absence d’un tel dispositif
, il
lui sera difficile de renverser à bon escient la présomption d’imputabilité,
dans le cas où
l’accident déclaré par l’agent
ne serait pas un accident lié à
son travail.
118
Cf. l’article
L. 1222-9 du code du travail :
« L’accident survenu sur le lieu où est
exercé le télétravail pendant l’exercice
de l’activité professionnelle du télétravailleur
est présumé être un accident de travail »
.
119
Cf.
l’art
. 21 bis II loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 :
« Est présumé imputable au
service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le
temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le
fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement
normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière
détachant l'accident du service »
.
120
Cf. l’art. 7 du décret du 11 février 2016.
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COUR DES COMPTES
70
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Sauf exception, avant la crise sanitaire, le télétravail de droit
commun restait peu utilisé dans le fonctionnement des administrations. La
réponse pratique des pouvoirs publics à la crise sanitaire, en particulier
au confinement, renforcé
e
par la signatur
e de l’accord du 13 juillet 2021,
a profondément modifié la place et la fonction du télétravail dans les
services. Aussi le télétravail représente-t-il désormais un défi stratégique
et opérationnel pour les employeurs publics, tant sur un plan matériel que
du point de vue managérial.
La mise en place du télétravail de masse, concomitamment aux
transformations organisationnelles qu’il emporte, implique un effort
immédiat de mise à niveau informatique des administrations, doublé d’un
effort de formation. Sa pérennisation oblige également à engager une
réflexion sur les usages de l’immobilier.
E
n 2020 et 2021, l’enjeu pour les employeurs publics a été de doter
les agents des matériels informatiques requis et de former les agents et les
managers. Le développement sécurisé du télétravail dans la fonction
publique nécessite désormais de faire en sorte qu’il ne porte pas atteinte
au fonctionnement du collectif de travail, à l’organisation des services
ainsi qu’à la santé des agents.
À cet égard, la Cour formule les recommandations suivantes :
1.
p
romouvoir la diffusion d’un outil de visioconférence souverain
utilisable par tous les services de l’État et offrant un confort
d’utilisation équivalent aux outils accessibles au grand public
(
Services de la Première ministre
(Dinum), Ministère de la
transformation et de la fonction publiques (DITP
))
;
2.
tenir à jour la liste des outils numériques répondant aux normes de
sécurité requises et en promouvoir l’usage
(Services de la Première
ministre (Dinum et Anssi)) ;
3.
tirer les conséquences immobilières du télétravail dans toutes ses
dimensions et recourir aux tiers-lieux administratifs en se fondant sur des
besoins dûment identifiés (Ministère de l'économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique
(DIE)
,
tous employeurs publics) ;
4.
a
ssurer la diffusion, via le comité de suivi de l’accord du
13 juillet 2021, des bonnes pratiques rendant effectif le droit à la
déconnexion (Ministère de la transformation et de la fonction
publiques
(DGAFP
)
,
Ministère de l’intér
ieur et des outre-mer,
Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
DGCL
)
,
Ministère de la santé et de la prévention
(DGOS)).
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Chapitre III
Un levier à saisir pour améliorer
la qualité du service public
Le télétravail demeure, à ce jour, essentiellement mis en œuvre pour
améliorer la qualité de vie au travail des agents. Dès lors, ses effets, positifs
ou négatifs, sur le service rendu à l’usager sont a
bordés cursivement dans
les orientations
nationales. De même, les mutations structurelles qu’il
pourrait entraîner sur le fonctionnement des services publics sont peu
explorées.
Pourtant, dès 2015, le plan national de développement du télétravail,
décidé par le comité interministériel aux ruralités
121
avait identifié le
potentiel de transformation du télétravail, dans les entreprises et les
services publics, au-delà du seul enjeu de la qualité de vie au travail. Ce
plan n’a cependant pas connu de suites signi
ficatives dans les
administrations.
En pratique, les dispositions nationales sont centrées sur les
modalités individuelles d’exercice du télétravail et, si l’accord du 13 juillet
2021 rappelle dans son préambule que
«
le développement (…) du
télétravail pe
rmet d’interroger l’organisation du travail dans la fonction
publique au regard (…) notamment de la continuité des services publics
(…) et de la qualité du service rendu à l’usager
»,
sa mise en œuvre devant
entre autre se faire
«
au bénéfice (…) des usage
rs du service public. »,
il
demeure silencieux sur les voies pour y parvenir. La DGAFP reconnaît en
effet que l’accord du 13 juillet 2021, signé par mimétisme avec l’accord
121
Réunion du comité du 13 mars 2015.
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72
national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail du 26 novembre 2020 et
basé sur les constats relatifs au télétravail contraint durant la première
année de la crise sanitaire, est focalisé sur la prise en compte et la
prévention des risques spécifiques d’un mode d’organisation du travail en
devenir. Cela explique que, selon les données recueillies par la DGAFP
dans le cadre du comité de suivi de l’accord du 13 juillet 2021, aucun
accord local sur le télétravail n’évoque le service rendu à l’usager.
Certes, le télétravail concerne encore assez largement les fonctions
dites de
back office
122
, ce qui circonscrit son impact direct sur le service
rendu à l’usager. Pour autant, la perspective
de son développement à plus
grande échelle plaide pour la recherche des conditions lui permettant de
contribuer, directement ou indirectement, à
l’amélioration du
service rendu
aux usagers (I) et de constituer
un levier d’accompagnement de la
transformation numérique des services publics (II).
I -
Utiliser le télétravail pour améliorer
la qualité du service rendu aux usagers
Avec la pandémie, le télétr
avail a trouvé sa place en tant qu’instrument
de continuité des services publics en période de crise. Si son apport à la
résilience des services publics est désormais établi (A), il n’émerge pas encore
comme moyen de mieux rendre le service à l’usager (B).
A -
Renforcer la résilience des administrations
face aux crises
Durant la crise sanitaire, le télétravail est devenu, pour les activités
sans contact avec le public, le principal outil de mobilisation de la force de
travail, concourant ainsi à la poursuite de l’activité administrative (1). Le
taux d’équipement désormai
s élevé des agents en matériel informatique
nomade, conséquence directe de la crise sanitaire, contribue aussi à
consolider le bon fonctionnement des services publics hors situation de
crise, en permettant à des agents qui auraient été précédemment en arrêt de
travail d’effectuer leurs tâches en télétravail
(2).
122
C’est
-à-dire des fonctions qui ne sont pas en lien direct avec les usagers des services
publics.
Le télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire - novembre 2022
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UN LEVIER À SAISIR POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DU SERVICE PUBLIC
73
1 -
Une participation avérée à la continuité des services publics
en cas de circonstances exceptionnelles
Dès le mois de mars 2020, le télétravail est devenu «
la règle
impérative pour tous les postes qui le permettent
»
123
, sous réserve que les
employeurs équipent les agents des outils et accès nécessaires à cette
pratique. La circulaire du Premier ministre du 29 octobre 2020 et les
circulaires suivantes
124
ont maintenu cette doctrine pour les trois versants de la
fonction publique tout au long de la pandémie.
Pour aider les employeurs publics à mettre en œuvre ces circulaires, la
DITP, missionnée en septembre 2020, a désigné un cabinet de conseil pour
l’acc
ompagner
125
. Les conditions de réalisation de cette mission ont pu susciter
la critique (voir
l’
encadré ci-après).
L’appel à un cabinet de consultants pour l’élaboration
de deux guides sur le télétravail dans la fonction publique
durant la crise sanitaire
Af
in d’aider les administrations à réussir le passage au télétravail de
masse, la DITP et la DGAFP ont entrepris d’éditer un guide basé sur un
retour d’expérience des pratiques du premier confinement. Le télétravail
étant peu pratiqué dans le secteur public, la DITP a eu recours, dans le cadre
d’un marché interministériel, à un cabinet de conseil spécialisé.
En pratique, le prestataire a, en collaboration avec la DGAFP,
élaboré un guide intitulé
Télétravail et travail en présentiel
(56 pages)
facturé 108 050
€ HT (correspondant à 145
jours / hommes de travail
126
),
puis un recueil des pratiques de travail apparues pendant la crise (36 pages)
pour un coût de 88 300
€ HT (correspondant à 80 jours
/ hommes de
travail).
123
Communiqué de presse du 16 mars 2020 sur la
« Gestion du Covid 19 dans la
fonction publique »
.
124
Circulaires des 5 février 2021, 26 mai 2021, 29 décembre 2021 et 21 janvier 2022.
125
Pour un coût de 235 520
€ TTC.
126
Dans le détail, ces 145 jours / hommes ont été facturés 96 550
€ HT, auxquels
est
venu s’ajouter un avenant de 11
500
€ HT.
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COUR DES COMPTES
74
À propos du guide sur le télétravail, la
commission d’enquête
sénatoriale sur le recours par l’
État aux cabinets de conseil
127
, mentionne
dans son rapport que
« si Mme Mylène Jacquot, secrétaire générale de la
CFDT fonction publique indique
(…)
que
« tout le monde a salué sa
qualité »
(…)
, M. Luc Farré, secrétaire général de l'UNSA fonction
publique, parle d'un
« couper/coller des éléments produits »
par la DGAFP
.
Si la qualité
d’une prestation ne
peut être mesurée uniquement par le
volume du
livrable (au cas d’espèce 56 pages et 36 pages), la Cour constate
que le contenu des deux documents produits, soignés sur la forme,
n’appara
ît pas spécialement contextualisé pour la fonction publique. À cet
égard, il pourrait être utile de mesurer le taux de satisfaction de leurs
utilisateurs.
Le recours massif au télétravail durant la crise sanitaire s’explique
par le fait qu’il a été rapidement analysé par les pouvoirs publics comme
présentant le double avantage de protéger la santé des agents publics
128
et
d’assurer
la continuité, éventuellement en mode dégradé, des activités des
administrations n’appelant pas de contact physique avec le public
129
.
Le télétravail a aussi permis, dans des proportions toutefois mal
identifiées, de limiter le nombre des agents en autorisation spéciale
d’absence (agents vulnérables, agents cas contact, agents devant garder
leurs enfants à leur domicile),
et de maintenir l’activité des
agents
contaminés par le virus de la covid 19 mais asymptomatiques (ou
présentant des symptômes très légers).
La crise a par ailleurs vu des activités impliquant traditionnellement
le contact avec l’usager, telles que l’enseignement
130
et la santé,
131
recourir
aux téléservices, modes de réalisation des services distincts mais assez
proches, en pratique, du télétravail.
127
Cf. rapport n° 578 fait
au nom de la commission d’enquête
sénatoriale
sur l’influence
croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, intitulé
Un
phénomène tentaculaire :
l’influence croissante des cabinets de conseil sur les
politiques publiques
(16 mars 2022).
128
Sur l’efficacité du télétravail pour lutter contre l’épidémie Cf.
Le télétravail, un outil
efficace face à la crise sanitaire ?
Cyprien Batut, Trésor-Eco n° 304, mars 2022.
129
Complémentairement, en limitant les déplacements des agents concernés, le
télétravail a également permis de freiner la propagation du virus.
130
L’accord sur le télétravail en cours de négociation au ministère de l’
éducation
nationale exclut du champ des discussions les personnels enseignants des premier et
second degrés, indiquant par là-même que le télé-
enseignement à l’école n’avait pas
vocation à être mis en œuvre hors période de crise.
131
L’essor des téléconsultations (18,4 millions en 2020
contre 140 000 en 2019) a
cependant essentiellement concernée la médecine libérale, très peu l’hôpital.
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75
Cependant, dans les administrations pratiquant peu le télétravail avant
la crise sanitaire (Cf. chapitre 1), les agents étaient peu équipés en ordinateurs
portables. En conséquence, beaucoup d’administrations ont connu, dans un
premier temps, une forte baisse de leur activité (voir encadré ci-après pour le
cas de la DGFiP), le télétravail ne concernant, en tout état de cause, qu’une
part minoritaire des services publics (Cf. chapitre 1).
Le recours au télétravail à la DGFiP durant la crise sanitaire
132
En mars 2020, les outils numériques de la DGFiP (100 000 agents)
se sont avérés insuffisants pour organiser le travail à distance. Une très forte
baisse d’activité a été constatée entre mars et mai 2020.
La DGFiP a ainsi été classée parmi les cinq administrations fiscales
(sur 32) de l’OCDE
133
pour lesquelles le nombre d’agents ne pouvant pas
télétravailler ou n’étant pas redéployés allait jusqu’à 50
%. Seuls trois pays
ont affiché un taux encore supérieur.
Pour y remédier, la DGFiP a fait l’acquisi
tion de plus de
54 000 ordinateurs portables entre mars 2020 et juin 2021, ce qui a permis
de porter le taux d’équipement de ses agents en matériel nomade à 81
% en
juin 2021, contre 17 % en mars 2020.
Tirant les enseignements de la première année de la crise sanitaire,
le 5
ème
comité interministériel de la transformation publique (CITP), lors
de sa réunion du 5 février 2021,
a décidé de doter tous les agents de l’
État
dont les fonctions sont télétravaillables d’un poste de travail portable avec
les outils de travail à distance nécessaires à fin 2021.
Selon le baromètre numérique de l’agent –
édition 2021
134
, en juin
2021, 78 % des agents indiquaient être équipés pour travailler à distance
(contre 68 % en 2020) et 35 % estimaient être équipés pour assurer un
travail complet à distance (contre 26 % en 2020). L
e taux d’équipement
des agents des services déconcentrés en ordinateurs portables était
cependant moindre que celui des agents des administrations centrales
(63 % contre 85 %). Selon les dernières données communiquées par la
DITP, le taux d’équipement des agents approcherait les 100
% au
31 décembre 2021 (voir graphique ci-après).
132
Cf. Cour des comptes,
Les administrations fiscales et douanières
, rapport public
annuel 2022 sur
Les acteurs publics face à la crise : une réactivité certaine, des
fragilités structurelles accentuées
.
133
OCDE,
Administrations fiscales : la résilience numérique dans le contexte du Covid-
19
, 21 avril 2021.
134
Ce baromètre est établi par la Dinum en liaison avec les directions numériques
ministérielles. Les taux mentionnés sont à interpréter avec distance car ils dépendent du
nombre de postes définis comme télétravaillables.
L’
accord télétravail du 24 février
2022
du ministère de l’agriculture et de l’alimentation a ainsi élargi les activités
télétravaillables
aux
agents
administratifs
et
techniques
des
établissements
d'enseignement agricole, aux agents encadrants, aux assistantes mais aussi à certaines
fonctions de contrôle.
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76
Graphique n° 3 :
t
aux d’équipement des agents de l’
État
pouvant télétravailler
Source
: Cour des comptes d’après données de la D
inum
Il
n’existe pas de données globales concernant la FPT et la FPH,
mais,
au regard des éléments recueillis dans le cadre de l’enquête, une
partie des employeurs publics territoriaux a produit un effort d’équipement
similaire à celui de l’
État.
C’est le cas par
exemple du département du Val-
de-Marne qui, pour un effectif de 3 500 télétravailleurs potentiels, avait
d’ores et déjà équipé 2
500 agents d’un ordinateur portable à
la fin de
l’année 2021, soit un taux d’équipement de 71
%.
2 -
Un instrument de mobilisation accrue des agents
L’article 10 de l’accord du 13 juillet 2021
indique que «
le
télétravail était déjà identifié avant la crise comme un levier possible du
maintien en emploi de certaines catégories d’agents (…). De manière plu
s
générale, le télétravail est un outil supplémentaire pour intégrer et
maintenir au travail les agents qui en sont le plus éloignés, qu’elles qu’en
soient les raisons
»
135
.
135
Tout en rappelant que
« le télétravail ne se substitue pas aux dispositifs de droit
commun (congé maladie, congé maternité et congés proche aidant) »
.
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77
Aucun employeur public interrogé dans le cadre de l’enquête ne
s’estime
en
mesure
d’établir
une
corrélation
positive
entre
le
développement
du
télétravail
et
la
baisse
des
arrêts
maladie,
essentiellement du fait du caractère trop récent de la «
massification du
télétravail
»
136
. Du reste, une étude réalisée en 2018 par Pôle emploi, où le
télétravail est parmi les plus implantés au sein de la sphère publique,
n’avait pas permis de déterminer de lien de causalité entre l’évolution de
l’un et de l’autre
137
.
En revanche, de nombreux employeurs publics considèrent que le
télétravail est un outil
de maintien dans l’emploi. En ce sens, il contribue à
limiter le niveau des absences. Aussi, bien que le dispositif promu par l’article
10 précité s’inscrive d’abord dans une optique de qualité de vie au travail, il
profite aussi aux employeurs publics et subséquemment au service public.
Aux termes du décret du 11 février 2016
138
,
trois catégories d’agents
sont plus spécialement concernées par ces dispositions : les agents dont
l’état de santé ou le handicap le justifie
139
, les femmes enceintes et les
proches aidants. En pratique, ces personnels peuvent être autorisés à
télétravailler au-delà de trois jours par semaine.
Si certains employeurs indiquent proposer depuis plusieurs années
à des agents malades ou en situation de handicap la possibilité de
télétravailler, parfois de manière informelle, les effectifs concernés, avant
la crise sanitaire, étaient très faibles (ainsi une vingtaine d’agents pour le
département du Val-de-Marne qui compte 8 000 agents, trois au sein de la
préfecture de l’Hérault sur un total
de 13 télétravailleurs et 349 agents en
2019). Ces chiffres s’expliquent
a priori
par le fait que le télétravail était
lui-même peu répandu. Sa banalisation récente pourrait augmenter le
nombre d’agents malades ou en situation de handicap recourant au
télétravail
140
. Cette situation profiterait aux agents (aspect thérapeutique du
télétravail), aux employeurs (force de travail supplémentaire et baisse du
coût des absences
141
) et aux usagers (amélioration du service rendu grâce
à un taux de présence accru de l’ef
fectif).
136
Il convient cependant de relever que le dispositif de télétravail déployé à compter de
2019 par la préfecture du Gers avait notamment pour objectif la réduction de
l’absentéisme. Le disp
ositif initial ne concernait cependant que cinq agents dont trois
télétravaillant trois jours par mois et deux agents télétravaillant deux jours par mois. De
ce fait, le télétravail ne pouvait, au plus, que contribuer marginalement à la réduction
de l’abse
ntéisme global.
137
Pôle emploi, envisage de lancer une nouvelle étude sur ce sujet en 2023.
138
Cf. son article 4.
139
Après avis du service de médecine préventive ou du médecin du travail.
140
Début 2022, au sein de l’administration centrale des ministères sanitaires et sociaux,
sur 2 696 télétravailleurs, 159 agents (soit 5,9 % du total) étaient en télétravail pour
raisons de santé.
141
Le paiement des agents malades étant supporté sur leur budget.
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78
Le bilan quantitatif et qualitatif de ces dispositions sur le
fonctionnement des services publics reste cependant à réaliser. En effet, la
possibilité, même temporaire, de télétravailler à temps complet emporte
a
priori
une différence de nature et non de degré avec le télétravail de droit
commun. En lien avec ce bilan, il pourrait être pertinent d’établir un cadre
d’intervention de ces dispositifs, à la fois pour préserver le bon
fonctionnement des services, mais aussi p
our en harmoniser l’utilisation
entre employeurs publics et ainsi éviter des différences de traitement par
trop prononcées entre les agents publics se trouvant dans des situations
« sensibles » similaires.
À
un degré moindre, l’instauration des «
jours flottants » de télétravail
par le décret du 5 mai 2020 participe de la continuité des administrations
permettant à des agents de télétravailler plutôt que de s’absenter une demi
-
journée voire une journée pour traiter une affaire courante d’ordre privé (cas,
p
ar exemple, d’un rendez
-vous médical sur la pause méridienne, à proximité
du domicile d’un agent résidant loin de son travail).
Par ailleurs, dès le début des années 2010
142
, le recours au télétravail
a pu être identifié comme utile pour accompagner des réorganisations ou sur
des périodes de très courte durée pour faciliter des évolutions de situations
personnelles comme la mutation du conjoint ou encore la continuité des
services dans le cas de travaux immobiliers portant sur les bureaux.
La fusion des régions intervenue en 2016 a pu montrer concrètement
l’intérêt du recours au télétravail pour mettre en œuvre des réorganisations
de grande ampleur. En effet, dans un cadre où les régions fusionnées
avaient exclu d’imposer des mobilités géogr
aphiques massives à leurs
agents, cette clause de sécurisation professionnelle ayant été considérée
comme une condition
sine qua non
de la réussite de ces fusions se déroulant
dans un climat social tendu
143
, le recours au télétravail, ainsi qu’au travail
sur
site distant (qui emprunte assez largement au télétravail, même s’il en
est distinct juridiquement, car réalisé dans les locaux de l’employeur) a
concouru à la réussite sociale de la réforme (voir encadré ci-après pour le
cas de la région de Bourgogne-Franche-Comté).
142
Cf. le rapport sur les
Perspectives et déploiement du télétravail dans la fonction
publique
du Conseil général de l
’industrie, de l’énergie et des technologie
s (2011).
143
Cf. Cour des comptes, rapport
Les finances locales 2019
, fascicule 2.
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79
Le cas de la région Bourgogne-Franche-Comté
144
Dans le cadre de la fusion entre les régions Bourgogne et Franche-
Comté, le principe retenu par la nouvelle région était qu’aucun agent ne devait
se voir imposer une mobilité géographique forcée s
ur l’autre territoire. Dès
lors, le télétravail s’est imposé dans le contexte de l’organisation bi
-site mise
en place. En 2016, 87 agents du site de Besançon étaient télétravailleurs. Ce
nombre est monté à 96 en 2017. Son extension à l’ensemble des
services de
la région permettait, fin 2018, à 246 agents (essentiellement de catégorie A)
d’en bénéficier, soit environ 22
% des agents du siège.
La région a aussi mis en place le travail en site distant (TSD). Ce
dernier a permis aux agents qui auraient d
û changer d’affectation
géographique, de conserver leur bureau sur un site distinct de l’adresse
officielle de leur service. Avec le TSD, les agents concernés participent aux
réunions dans les mêmes conditions que s’ils étaient sur le site de leur service,
avec un recours fréquent à la visioconférence. Au 30 avril 2018, 108 agents
en bénéficiaient. À terme le nombre d’
agents en situation de TSD a vocation
à diminuer, l’objectif de la
région étant de remplacer ces agents lors de leur
départ par des agents affectés sur le site de rattachement du poste.
De façon plus générale, dans un contexte où des services peuvent
connaître des taux de vacance de postes élevés, du fait notamment de la
faible attractivité des territoires où ils sont installés, la Cour, dans un
rapport récent
145
, a pu considérer que le télétravail pouvait être une
incitation utile à la mobilité, analyse de plus en plus partagée par les
employeurs publics. Au MINT, à titre d’exemple, l’éligibilité au télétravail
des postes des centres de services partagés CHORUS (services en charge
de sujets comptables et financiers) a permis de combler une partie des
vacances de postes en administration centrale comme en services
déconcentrés
146
. De même, la DITP estime que le télétravail est un
instrument
potentiellement
efficace
pour
donner
corps
à
la
« démétropolisation » des services publics, en permettant à des agents de
travailler dans des villes moyennes tout en habitant des métropoles.
144
Cf. Chambre régionale des comptes
Bourgogne-Franche-Comté,
Région
Bourgogne-Franche-Comté - Enquête réforme territoriale
, Exercices 2015 et suivants,
rapport d’observations définitives,
mai 2019.
145
Cf. Cour des comptes, rapport public thématique sur
L’affectation et la mobilité des
fonctionnaires de l’État
(2019).
146
Cf. rapport de l’Inspection générale de l’administration,
Bilan et perspective de
l’organisation du télétravail au ministère de l’intérieur
(janvier 2021).
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80
B -
Se saisir d’un
nouveau levier pour le service
aux usagers
Même si le
télétravail demeure essentiellement un outil d’amélioration
de la qualité de vie au travail, un nombre croissant d’employeurs publics
énoncent désormais (dans leurs règlement intérieur, chartes, etc.) que les
dispositifs mis en place ont aussi pour objectif de construire de nouveaux
collectifs de travail centrés sur les résultats et la qualité
147
.
Cette dualité des approches tient au fait que la réglementation n’a pas
tranché entre deux manières d’appréhender le télétravail
: l’une dans laquelle
celui-ci résu
lte d’une demande de l’agent que la hiérarchie peut refuser,
l’autre dans laquelle il constitue un mode d’organisation du service élaboré
par l’employeur.
À terme, il importe de concilier ces deux approches.
À ce jour, lorsque sont concernées les activités en prise directe avec
les usagers, les dispositions prises par les employeurs publics visent avant
tout à circonscrire les risques qu’emporte le télétravail
148
(1). Elles ne
tiennent pas suffisamment compte des
opportunités d’amélioration du
service rendu aux usa
gers qu’il peut apporter (
2).
1 -
Des dispositifs conçus dans l’urgence pour empêcher
une dégradation de
la qualité du service rendu à l’usager
L’antagonisme
potentiel entre recours au télétravail et service rendu
à l’usager
du service public concerne essentiellement
l’accueil
physique de
ce dernier,
«
élément fondateur de la relation entre l’administration et les
usagers »
, comme le rappelle
l’association pour le développement des
ressources humaines dans les établissements sanitaires et sociaux. Cette
question est particulièrement sensible
lorsqu’
elle concerne les publics
touchés par la « fracture numérique » (voir encadré ci-après).
147
L’objectif de contribuer au développement durable et à l’aménagement du territoire
est fréquemment cité. L’attractivité également, mais dans une moindre mesure.
148
Le protocole interne de la ville de Saint-Brieuc insiste ainsi
sur l’importan
ce et la
priorité de la qualité du service public et sur le fait que le télétravail ne doit pas lui nuire.
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