En 2018, le ministère de l’éducation nationale annonce qu’il décide d’arrêter le projet Sirhen, lancé en 2007. Sirhen, ça signifie système d’information des ressources humaines de l’éducation nationale.
En clair, c’est le « logiciel », le « système informatique », qui devait lui permettre de gérer la carrière de ses personnels, c’est-à-dire assurer la paye bien sûr mais également gérer les affectations, les avancements de carrière, la formation et l’évaluation.
Pourquoi avoir lancé ce projet ?
Le ministère de l’éducation nationale est un « très gros » employeur qui compte 1,1 M de personnels : 900 000 enseignants des premier et second degrés et ses personnels techniques, administratifs, de direction, etc.
Or la gestion de ses ressources humaines reposait alors sur un système informatique datant des années 1980, lourd à utiliser, devenu techniquement fragile, qui présentait le risque avéré de « planter » / « bugger » ce qui signifiait concrètement interrompre le versement des salaires !
C’est donc sur ce constat que le ministère lance en 2007 le projet Sirhen qui doit mobiliser 60 M€ et aboutir en 5 ans à un nouveau système sûr et moderne.
Mais tout ne va pas se passer comme prévu.
Rapidement des problèmes apparaissent sur le respect du calendrier, du budget et sur la qualité de l’outil en cours de construction. En 2011, un premier audit aux conclusions critiques amène justement à étirer le calendrier et à rehausser le budget.
Malgré ces difficultés, les choses avancent : en 2014, les dossiers des 4000 personnels des inspections académiques sont transférés dans Sirhen suivis en 2015 par les 14 000 personnels de direction.
En dépit de ces premiers résultats encourageants, les doutes persistent sur la suite du projet et de nouveaux audits sont menés, l’organisation et le cadre du projet sont encore une fois revus.
Peine perdue, le projet s’arrête à l’été 2018.
Pourquoi cet échec ?
Les causes de cet échec avaient été en grande partie identifiées par la Cour en 2016 dans un rapport où elle pointait les défaillances du ministère. Un nouveau rapport de la Cour en 2019 a montré que les recommandations qu’elle avait formulées en 2016 n’avaient pas été suivies d’effet.
La Cour ne reproche pas au ministère d’avoir lancé ce projet nécessaire de modernisation. En revanche, elle critique la conduite de ce projet :
- mal cadré avec un budget et un calendrier initiaux irréalistes
- mal piloté par des équipes insuffisantes en nombre et soumises à des réorganisations et des réorientations fréquentes
- mal contrôlé : alors que le ministère avait décidé de confier largement la réalisation de Sirhen à des prestataires extérieurs, il ne s’est pas donné les moyens de suivre la qualité de l’outil et de s’assurer le respect du budget et du calendrier
En arrêtant Sirhen, le ministère a en fait acté plusieurs pertes :
- Une perte de temps d’abord, puisqu’il a arrêté le développement de Sirhen après 12 années de travaux qui n’auront pas permis d’aboutir à un système informatique sûr et moderne
- Une perte de confiance ensuite, puisque les utilisateurs au sein du ministère, les gestionnaires RH en particulier, ont investi du temps et de l’énergie pour s’adapter à un outil resté insatisfaisant et qui n’aura concerné que 18 000 personnels sur les 1,1 M prévus,
- Une perte d’argent enfin, car le ministère a dépensé au cours de la période plus de 400 M€, en pure perte, Sirhen devant finalement disparaître.
Depuis cet arrêt, le ministère a engagé la sécurisation technique de son système informatique historique qu’il va continuer d’utiliser faute de disposer dans l’immédiat d’un autre outil.
Parallèlement il a défini un nouveau projet afin d’utiliser un système informatique interministériel existant (RenoiRH) qu’il adaptera aux besoins particuliers de ses personnels. Mais il faudra attendre plusieurs années de développement avant que ce projet aboutisse et que la modernisation de son système sorte de l’impasse