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La station des Arcs - Commune de Bourg-Saint-Maurice (Savoie). Enquête : L'adaptation des stations de montagne au changement climatique

CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

La chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre de son programme de travail, au contrôle des comptes et de la gestion de la commune de Bourg- Saint- Maurice, pour les exercices 2017 et suivants, en veillant à intégrer, autant que possible, les données les plus récentes. Ce contrôle s’inscrit dans le cadre d’une enquête nationale des juridictions financières relative aux acteurs locaux du tourisme hivernal face au changement climatique.

La Commune de Bourg Saint Maurice - les Arcs se situe en Savoie dans la vallée de l'Isère, à 50 kilomètres d'Albertville. Avec environ 7 200 habitants, 5 000 emplois et 41 000 lits touristiques, elle constitue un pôle urbain, économique et touristique majeur en Haute-Tarentaise. Elle concentre la station de ski des Arcs, les principaux commerces, services, activités et équipements publics. Le centre-bourg a une activité annuelle tandis que les stations des Arcs sont 4 pôles saisonniers urbains indépendants répartis à des altitudes différentes : Arc 1600, Arc 1800, Arc 1950 et Arc 2000.

La commune concilie un développement rural et agropastoral ancestral avec des fonctions de chef-lieu de canton et un développement touristique pouvant accueillir une population touristique quatre fois plus importante que la population locale.

Lors de sa création dans les années 1960, la station des Arcs a été le site d'expérimentations urbaines et architecturales qui lui donnent une identité très marquée. Elle constitue l'une des premières stations « intégrées » où sont réunies remontées mécaniques, locations de matériel, commerces, hôtels, restaurants, résidences

Classée parmi les « très grandes stations françaises », le domaine skiable des Arcs s'étend aujourd'hui sur plus de 180 km de pistes. Il est relié depuis 2003 au domaine de La Plagne par le téléphérique Vanoise Express, constituant ainsi le domaine Paradiski.
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Une très grande station de ski aux activités variées dont le modèle économique dépend essentiellement de la neige

La Commune de Bourg Saint Maurice - les Arcs a conservé la maîtrise de sa stratégie touristique. Elle a délégué depuis 1990 jusqu’en 2030, son domaine skiable à la société Arcs domaine skiable (ADS), filiale du groupe Compagnie des Alpes.

Le modèle économique de la station, pour les acteurs publics comme pour les acteurs économiques reste très dépendant de la neige avec une saison hivernale représentant 80 % des nuitées et plus de 95 % du chiffre d’affaires de l’exploitant des remontées mécaniques, la société ADS (57,49 M€ en 2022, en augmentation de 11,4 % par rapport à 2018). Selon les études scientifiques actuelles, l’exposition de la station au changement climatique à moyen terme est relativement faible. Ainsi la viabilité du modèle d’exploitation du domaine skiable ne semble pas en danger au moins jusqu’en 2050.

La commune est appelée à davantage tirer parti de cette situation en introduisant au contrat de délégation des dispositions financières qui lui seraient plus favorables.

La station offre aussi un nombre important d’équipements et d’activités diversifiés qui jouent un rôle dans la fréquentation touristique tout au long de l’année. Mais leur impact financier est mal connu par la commune. La chambre l’invite à mieux évaluer l’équilibre financier des équipements quatre saisons qu’elle a confiée à l’office de tourisme et à l’exploitant du domaine skiable.

Les ressources de fonctionnement de la commune sont dépendantes à 50 % du tourisme et donc, pour l’essentiel, du domaine skiable. Sur la période contrôlée, leur dynamisme a permis d’absorber la hausse des charges tout en renforçant la capacité d’autofinancement de la collectivité.
L’endettement consolidé, bien qu’en hausse significative sur la période contrôlée, est maîtrisé. Cependant, le poids de la dette supporté par le budget annexe des remontées mécaniques, dû aux travaux concernant le funiculaire, devrait amoindrir les marges de manœuvre de la commune pour continuer à investir alors que ses besoins sont importants compte-tenu de son statut de commune touristique. Par conséquent, la chambre recommande à la commune de mieux planifier ses investissements.

Un recours à la production de neige, source de tension sur la ressource en eau  

Bien que la station bénéficie d’un bon niveau d’enneigement naturel, il a été nécessaire de développer la production de neige afin de faire face aux premiers effets du changement climatique et de fiabiliser l’enneigement en début de saison. Le taux d’équipement en enneigeur permet de couvrir 41 % du domaine skiable, ce qui est supérieur à la moyenne nationale (32 %).

La société ADS s’est engagée depuis plusieurs années dans une démarche d’optimisation de sa production de neige, qui consiste notamment à produire la neige nécessaire au bon moment et au bon endroit, à modeler le terrain naturel en fonction de l’adéquation gains / respect du milieu naturel, à optimiser le travail des dameuses en fonction des périodes, de la fréquentation, de l’enneigement et de la topologie de la piste. La société a également mis en place un observatoire de l’environnement.

Toutefois, des besoins accrus en eau nécessitent de s’interroger sur la disponibilité et le partage de cette ressource. En effet, la production de neige de culture de l’ensemble du domaine skiable des Arcs est réalisée à partir d’une seule retenue collinaire dite de l’Adret des Tuffes, Cette retenue de 400 000 m3 est de plus en plus soumise aux aléas climatiques avec un remplissage par pompage important dans le torrent de Pissevieille en juin et une vidange en décembre pour la production de neige qui pourrait conduire cette retenue à être presque à sec dès le mois d’avril, avec une réelle difficulté à maintenir les 20 000 m3 « en  secours », comme le montre le graphique 1.

Cette ressource en eau est peu étudiée par l’Etat. Il n’existe pas de schéma d’aménagement et de gestion de l’eau engagé dans le bassin versant Isère en Tarentaise.
Or, ADS souhaite porter la surface enneigée du domaine skiable à 50 % en dix ans. Le volume d’eau utilisé à terme avoisinerait les 600 000 m3 par saison soit 100 000 m3 de plus qu’actuellement. Cette situation apparait cependant risquée au vu de la disponibilité future de la ressource en eau mobilisable rapidement.

Vulnérable, la commune ne dispose pas de solution de secours si la ressource en eau venait à se raréfier ce qui pourrait compromettre son modèle économique à moyen terme.

Le début d’une vision partagée des actions à mener face aux changements climatiques

En parallèle, en 2020, l’équipe municipale a établi une feuille de route « Les Arcs 2030 ». Ce document cadre permet de partager leur vision du développement durable du domaine skiable avec le délégataire dans les domaines de la réduction de la consommation de ressources et d’énergie, de la production de déchets, de la préservation des paysages, des mobilités douces. Elle est cependant restée au stade des intentions politiques. La commune doit maintenant s’attacher à concrétiser son projet dans le contrat de délégation, notamment en définissant la programmation pluriannuelle des investissements revenant au délégataire sur la durée résiduelle du contrat.

Enfin, dans le cadre de la révision du PLU, la commune est en train de définir un projet de territoire en cours de finalisation permettant d’avoir une stratégie à horizon 2050 pour répondre aux défis du changement climatique, de la définition d’un territoire unifié pour une vie à l’année de qualité et des mobilités revisitées pour assurer une meilleure connectivité. La typologie du parc d’hébergement et sa rénovation demeure une des principales préoccupations alors que la proportion de lits froids s’est maintenue autour d’un tiers du parc et qu’un moratoire sur la construction de nouveaux lits touristiques a été instauré par la commune depuis 2020.

Elle devra donc être vigilante dans le choix de ses projets d’investissements afin d’être en adéquation avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT), la réalité du territoire, la mise en œuvre des politiques publiques et les principes de la loi climat.

RECOMMANDATIONS

  • Recommandation n°1 : Instaurer par avenant au contrat de délégation de service public un taux progressif de la redevance d’exploitation du domaine skiable, en fonction des paliers du chiffre d’affaires de l’exploitant.
  • Recommandation n°2 : Finaliser une programmation pluriannuelle des investissements soutenable financièrement en incluant l’ensemble des budgets et en chiffrant les projets et la présenter chaque année au conseil municipal.