Sort by *
Publications

Publications

Région Auvergne-Rhône-Alpes - Enquête L'adaptation des stations de montagne au changement climatique

CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre de son programme de travail 2023 et d’une enquête interrégionale relative à l’adaptation des acteurs publics locaux du tourisme face au changement climatique en montagne, au contrôle des comptes et de la gestion de la Région Auvergne-Rhône-Alpes pour les exercices 2016 et suivants en veillant à intégrer, autant que possible, les données les plus récentes.

La région Auvergne-Rhône-Alpes se caractérise par de vastes espaces naturels qui couvrent environ deux tiers de son territoire et abritent un peu plus du tiers de sa population. Le poids de l’économie du tourisme y est prépondérant, en raison de la place que les stations de sports d’hiver y occupent. Présentent sur les trois massifs qui traversent le territoire régional (Alpes, Jura et Massif central), elles assurent, selon la Région, un volume de 50 % des nuitées touristiques, représentant le premier espace touristique régional.

Les conséquences du changement climatique sont particulièrement perceptibles dans ces zones. En particulier, la réduction de la durée de la saison hivernale s’explique par l’augmentation des températures, la diminution du nombre de jours de gels annuels, et l’altération du cycle de l’eau, rendant les précipitations plus aléatoires, si ce n’est moins abondantes. L’enneigement en devient significativement affecté. Toutefois, de fortes disparités sont constatées entre les différents massifs et, à l’échelle de chacun d’entre eux, entre les différentes vallées et expositions.

Une participation aux politiques de massifs mais sans programmation financière spécifique

La Région participe, aux côtés de l’État, à la définition des actions à mener dans le cadre de la convention du massif des Alpes et de celle du Massif central.

En revanche, ces dernières ne font pas l’objet d’une programmation financière spécifique de la part de la Région qui procède par la voie de rattachement de certains projets aux conventions de massif. Or, un financement commun avec l’État des actions en faveur des massifs permettrait de soutenir l’existence d’une politique commune pour la montagne.

Une action régionale centrée sur la sécurisation de l’enneigement des stations

Dans le contexte du changement climatique, la Région a mis en place une stratégie de soutien des territoires de montagne et, principalement, des stations de sports d’hiver. Celle-ci est formalisée par les deux générations des plans montagne et tourisme (2016-2021 puis 2022-2028), qui déclinent certaines orientations dégagées dans le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII). Les plans montagne sont à destination des stations de sports d’hiver et les plans tourisme à destination des territoires de montagne, qu’ils soient ou non supports d’une station.

Dans le cadre du SRDEII, la Région a fait le choix d’une stratégie d’adaptation au changement climatique centrée sur la sécurisation de la production de neige. Celle-ci n’utilise pas pleinement les mesures sur les effets du changement climatique que lui apporte son observatoire régional du climat air-énergie (ORCAE) porté par l’agence régionale Auvergne-Rhône-Alpes énergie environnement (ARA-EE). Ce n’est que récemment que la Région a fait monter progressivement en puissance une politique de diversification de l’activité économique, pour la rendre moins dépendante de la saison hivernale.

Grâce à la première génération des plans montagne et tourisme, la Région a apporté 106,1 M€ d’investissements aux acteurs du tourisme, tous volets confondus. Les financements régionaux ont surtout bénéficié aux stations de sports d’hiver et, pour celles-ci, aux investissements dans les outils de production de neige.
D’un côté, le plan montagne (86,6 M€ d’engagements sur la période 2016-2021) est construit autour de la logique de sécurisation de l’enneigement des stations (49,8 M€), ne laissant qu’une place marginale aux investissements liés à la diversification des activités touristiques (4,5 M€). De l’autre, le plan tourisme, pourtant centré sur l’impératif de diversification des territoires, reste d’une importance limitée (19,3 M€ d’engagements sur la période 2016-2021) et principalement consacré au financement des stations (12 M€).

Si l’on considère les seules actions portant sur l’adaptation au changement climatique, le soutien régional est alors ramené à 68,8 M€, réparti sur les différents volets des deux plans montagne et tourisme. Parmi ceux-ci, la place des investissements liés à la sécurisation des activités liées à l’exploitation de la neige et de la saison hivernale est prépondérante (50,2 M€ d’engagements au titre des plans montagne et tourisme, soit 73 % du total des engagements liés à l’adaptation). La prise en compte de la logique de diversification de l’offre touristique au changement climatique est donc réduite.

La faible prise en compte des données climatiques lors de l’instruction des dossiers

Outre la priorité donnée à sécurisation de l’enneigement, la chambre relève que la contrainte climatique est insuffisamment prise en compte dans les dossiers de demande de subvention et est même généralement absente des demandes adressées à la Région, qui alloue ses subventions selon une logique de guichet davantage que de projet. De même, la situation financière des demandeurs est peu prise en compte dans les arbitrages.

La chambre a relevé plusieurs irrégularités dans l’instruction de certains dossiers. Par ailleurs, le financement de la liaison entre les vallées de la Maurienne et de la Tarentaise (téléporté Orelle-Val Thorens) n’a pas respecté le règlement de l’aide aux ascenseurs valléens, qui exclut les remontées mécaniques.

La Région a décidé d’un infléchissement de ses politiques publiques à l’occasion de l’adoption de la seconde génération de ses plans : d’une part, la place des investissements liés à la sécurisation de la neige y est moins importante (même si elle reste le premier poste budgétaire avec 30 M€), d’autre part, la chambre constate la montée en puissance des budgets liés à l’adaptation au changement climatique, en particulier grâce à l’adoption d’un plan diversification au sein du plan montagne (15 M€). Elle aurait toutefois pu saisir l’opportunité du renouvellement de ses plans pour revoir l’articulation entre les dispositifs à destination des stations en vue de leur diversification et contenus autant dans le plan montagne que dans le plan tourisme. Par ailleurs, la réussite de ce rééquilibrage de la politique de soutien aux acteurs du tourisme de montagne dépendra principalement du respect de cette trajectoire budgétaire tout au long du mandat.

Un manque de suivi des aides

La Région n’a dressé aucun bilan de l’action régionale au titre de la première génération du plan montagne et s’est limitée à dresser un bilan succinct du premier plan tourisme. Un tel suivi serait pourtant utile pour apprécier l’efficacité de sa politique d’adaptation à l’échelle d’une station ou d’un massif, en particulier sur le volet production de neige, ainsi que la complémentarité entre les aides issues des plans montagne et tourisme en matière de diversification de l’offre touristique. Il permettrait également de cartographier, à l’échelle des massifs, les zones d’implantation des ouvrages liés à la diversification (luges quatre saisons, tyroliennes, etc.), afin de rationaliser les engagements régionaux au titre de la seconde génération des plans et, éventuellement, d’ajuster la politique de financement public en fonction des évolutions constatées de l’enneigement et de la fréquentation touristique.

RECOMMANDATIONS    

  • Recommandation n° 1. : Prendre en compte la situation financière des demandeurs d’aides et s’assurer que leurs demandes sont cohérentes avec les perspectives d’évolution climatique.
  • Recommandation n° 2. : Mieux distinguer les dépenses éligibles au titre des volets petites stations et diversification (second plan montagne).
  • Recommandation n° 3. : Regrouper les différents volets des plans montagne et tourisme, pour permettre à l’action régionale de gagner en cohérence et en lisibilité.
  • Recommandation n° 4. : Réaliser un bilan de l’action régionale au titre de son action pour l’adaptation des stations de montagne au changement climatique.