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La situation financière des hôpitaux publics après la crise sanitaire

COUR DES COMPTES

À la veille de l’épidémie de Covid 19, la situation financière globale des hôpitaux publics apparaissait dégradée, avec des pertes récurrentes (558 M€ en 2019). Deux plans d’investissement, Hôpital 2007 et Hôpital 2012, avaient entraîné un triplement de l’endettement financier à hauteur de 30 Md€ en 2019. La charge en intérêts de la dette et une rentabilité déclinante du cycle d’exploitation avaient grevé leur capacité à financer de nouveaux investissements. Pour éviter la spirale du surendettement, les hôpitaux publics ont donc sous-investi depuis dix ans, ce qui a conduit à une vétusté croissante de leurs bâtiments et de leurs équipements.

Des aides exceptionnelles non contrôlées améliorant la situation financière des hôpitaux

Paradoxalement, la situation financière des hôpitaux s’est améliorée pendant la crise sanitaire, grâce aux dispositifs de concours exceptionnels mis en place. Les surcoûts liés au traitement des patients atteints de Covid 19 ont été pris en charge par l’assurance maladie (3 Md€ alloués en 2020, 3,2 Md€ en 2021 et 0,7 Md€ en 2022). Une garantie de financement a compensé les pertes de recettes subies par les hôpitaux du fait de la baisse d’activité, notamment de la déprogrammation des opérations chirurgicales (2,5 Md€ en 2020, 1,6 Md€ en 2021 et 1,8 Md€ en 2022). Des ressources nouvelles ont été allouées aux établissements de santé en contrepartie des revalorisations salariales accordées dans le cadre des accords du Ségur de la santé signés le 13 juillet 2020 (en cumul, 1,1 Md€ en 2020, 5,8 Md€ en 2021, 7,2 Md€ en 2022 et 7,6 Md€ prévus en 2023). Ce faisant, les ressources des hôpitaux publics ont globalement augmenté, parallèlement à leurs charges. Pour autant, les concours exceptionnels durant la crise sanitaire ont manqué de pilotage et de contrôle.

Des distorsions croissantes du modèle financier des hôpitaux publics

Les hôpitaux publics n’avaient cependant pas retrouvé en 2022 leur niveau d’activité d’avant la crise sanitaire (- 1,7 % de séjours hors séances par rapport à 2019), à cause du renoncement aux soins de certains patients, de la concurrence accrue du secteur privé et des effets du manque de personnel soignant. La nature de l’activité hospitalière a aussi évolué, avec une progression continue de la prise en charge ambulatoire, qui permet notamment d’organiser les parcours des patients dans la journée.
Les ressources humaines se sont imposées comme une préoccupation majeure. Malgré une hausse des effectifs salariés du secteur public hospitalier de 2,7 % entre 2018 et 2021, les difficultés de fonctionnement se sont accrues en raison de contraintes de recrutement, de l’augmentation du taux d’absentéisme et des contraintes des gardes de nuit ou de week-ends qui pèsent sur les personnels.
Sur le plan financier, la réduction des capacités réelles d’accueil des patients de nombreux établissements pèse sur leurs recettes d’exploitation et sur la couverture de leurs charges fixes. Dans ce contexte, les conditions d’équilibre à long terme du cycle d’exploitation des hôpitaux publics restent encore à définir. La réforme en cours de la tarification des séjours doit y contribuer.

Des aides supplémentaires massives dans le cadre du Ségur de la santé

Au-delà des concours financiers apportés pendant la crise sanitaire, les pouvoirs publics ont engagé, avec le Ségur de la santé, des actions structurelles visant à restaurer les capacités financières des hôpitaux surendettés, à retrouver un niveau d’investissement courant suffisant et à mener des projets de modernisation d’envergure. Les montants engagés s’élèvent à 15,5 Md€ d’ici 2029. Ils sont financés par des ressources exceptionnelles non reconductibles, dont un prélèvement de 13 Md€ sur les recettes de la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et une contribution du plan France Relance, refinancée par l’UE, à hauteur de 2,5 Md€. L’analyse de la répartition de ces montants entre établissements de santé conduit à s’interroger sur leur efficacité, en raison de leur trop grande dispersion.

Des aides au désendettement distribuées trop largement

Les aides à la restauration des capacités financières des hôpitaux publics et des établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic), soit 6,5 Md€ d’ici à 2029, ont été attribuées de manière trop peu sélective (près de 80 % des hôpitaux publics en ont bénéficié). Ces aides ont été insuffisantes pour apporter des solutions pérennes à ceux dont la situation financière était la plus dégradée. Elles ont en outre été allouées sans contrepartie visant à restaurer les conditions d’une exploitation plus saine. La Cour recommande l’élaboration de stratégies de redressement financier adaptées à chacun des hôpitaux les plus déficitaires et surendettés, dans le cadre global de l’organisation régionale de l’offre de soins.

Une dilution des aides aux investissements structurants, un pilotage à resserrer

Le pilotage du dispositif des aides à l’investissement n’est pas optimum. Les agences régionales de santé ont notamment sélectionné trop de projets d’investissements structurants sur la période 2021-2029 représentant des montants très élevés (27,2 Md€). Il en résulte des taux d’aide trop limités au regard des besoins. La réalisation de ces investissements pourrait se traduire par une nouvelle dérive de l’endettement des hôpitaux publics qui fragiliserait encore davantage leur situation financière. Ce risque est d’autant plus fort que les coûts des projets devront être révisés à la hausse dans un contexte d’augmentation du coût de la construction et de hausse des taux d’intérêt. À enveloppe d’aide aux investissements structurants donnée, la Cour estime donc indispensable de revoir la stratégie de programmation, en priorisant les projets ou en étalant leur mise en œuvre dans le temps.

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