COMMUNIQUÉ DE PRESSE
12 octobre 2023
Rapport public thématique
LA SITUATION FINANCIÈRE DES HÔPITAUX PUBLICS
APRÈS LA CRISE SANITAIRE
À la veille de l’épidémie de Covid 19, la situation financière globale des hôpitaux publics
apparaissait dégradée, avec des pertes récurrentes (558 M€ en 2019). Deux plans
d’investissement, Hôpital 2007 et Hôpital 2012, avaient entraîné un triplement de
l’endettement financier à hauteur de 30 Md€ en 2019. La charge en intérêts de la dette et
une rentabilité déclinante du cycle d’exploitation avaient grevé leur capacité à financer de
nouveaux investissements. Pour éviter la spirale du surendettement, les hôpitaux publics
ont donc sous-investi depuis dix ans, ce qui a conduit à une vétusté croissante de leurs
bâtiments et de leurs équipements.
Des aides exceptionnelles non contrôlées améliorant la situation financière des hôpitaux
Paradoxalement, la situation financière des hôpitaux s’est améliorée pendant la crise sanitaire,
grâce aux dispositifs de concours exceptionnels mis en place. Les surcoûts liés au traitement
des patients atteints de Covid 19 ont été pris en charge par l’assurance maladie (3 Md€ alloués
en 2020, 3,2 Md€ en 2021 et 0,7 Md€ en 2022). Une garantie de financement a compensé les
pertes de recettes subies par les hôpitaux du fait de la baisse d’activité, notamment de la
déprogrammation des opérations chirurgicales (2,5 Md€ en 2020, 1,6 Md€ en 2021 et 1,8 Md€
en 2022). Des ressources nouvelles ont été allouées aux établissements de santé en
contrepartie des revalorisations salariales accordées dans le cadre des accords du Ségur de la
santé signés le 13 juillet 2020 (en cumul, 1,1 Md€ en 2020, 5,8 Md€ en 2021, 7,2 Md€ en 2022
et 7,6 Md€ prévus en 2023). Ce faisant, les ressources des hôpitaux publics ont globalement
augmenté, parallèlement à leurs charges. Pour autant, les concours exceptionnels durant la
crise sanitaire ont manqué de pilotage et de contrôle.
Des distorsions croissantes du modèle financier des hôpitaux publics
Les hôpitaux publics n’avaient cependant pas retrouvé en 2022 leur niveau d’activité d’avant la
crise sanitaire (- 1,7 % de séjours hors séances par rapport à 2019), à cause du renoncement
aux soins de certains patients, de la concurrence accrue du secteur privé et des effets du
manque de personnel soignant. La nature de l’activité hospitalière a aussi évolué, avec une
progression continue de la prise en charge ambulatoire, qui permet notamment d’organiser les
parcours des patients dans la journée.
Les ressources humaines se sont imposées comme une préoccupation majeure. Malgré une
hausse des effectifs salariés du secteur public hospitalier de 2,7 % entre 2018 et 2021, les
difficultés de fonctionnement se sont accrues en raison de contraintes de recrutement, de
l’augmentation du taux d’absentéisme et des contraintes des gardes de nuit ou de week-ends
qui pèsent sur les personnels.
Sur le plan financier, la réduction des capacités réelles d’accueil des patients de nombreux
établissements pèse sur leurs recettes d’exploitation et sur la couverture de leurs charges fixes.
Dans ce contexte, les conditions d’équilibre à long terme du cycle d’exploitation des hôpitaux
publics restent encore à définir. La réforme en cours de la tarification des séjours doit y
contribuer.
Des aides supplémentaires massives dans le cadre du Ségur de la santé
Au-delà des concours financiers apportés pendant la crise sanitaire, les pouvoirs publics ont
engagé, avec le Ségur de la santé, des actions structurelles visant à restaurer les capacités
financières des hôpitaux surendettés, à retrouver un niveau d’investissement courant suffisant
et à mener des projets de modernisation d’envergure. Les montants engagés s’élèvent à
15,5 Md€ d’ici 2029. Ils sont financés par des ressources exceptionnelles non reconductibles,
dont un prélèvement de 13 Md€ sur les recettes de la caisse d’amortissement de la dette
sociale (Cades) et une contribution du plan France Relance, refinancée par l’UE, à hauteur de
2,5 Md€. L’analyse de la répartition de ces montants entre établissements de santé conduit à
s’interroger sur leur efficacité, en raison de leur trop grande dispersion.
Des aides au désendettement distribuées trop largement
Les aides à la restauration des capacités financières des hôpitaux publics et des établissements
de santé privés d’intérêt collectif (Espic), soit 6,5 Md€ d’ici à 2029, ont été attribuées de
manière trop peu sélective (près de 80 % des hôpitaux publics en ont bénéficié). Ces aides ont
été insuffisantes pour apporter des solutions pérennes à ceux dont la situation financière était
la plus dégradée. Elles ont en outre été allouées sans contrepartie visant à restaurer les
conditions d’une exploitation plus saine. La Cour recommande l’élaboration de stratégies de
redressement financier adaptées à chacun des hôpitaux les plus déficitaires et surendettés,
dans le cadre global de l’organisation régionale de l’offre de soins.
Une dilution des aides aux investissements structurants, un pilotage à resserrer
Le pilotage du dispositif des aides à l’investissement n’est pas optimum. Les agences régionales
de santé ont notamment sélectionné trop de projets d’investissements structurants sur la
période 2021-2029 représentant des montants très élevés (27,2 Md€). Il en résulte des taux
d’aide trop limités au regard des besoins. La réalisation de ces investissements pourrait se
traduire par une nouvelle dérive de l’endettement des hôpitaux publics qui fragiliserait encore
davantage leur situation financière. Ce risque est d’autant plus fort que les coûts des projets
devront être révisés à la hausse dans un contexte d’augmentation du coût de la construction
et de hausse des taux d’intérêt. À enveloppe d’aide aux investissements structurants donnée,
la Cour estime donc indispensable de revoir la stratégie de programmation, en priorisant les
projets ou en étalant leur mise en œuvre dans le temps.
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