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La prévention insuffisante du risque d’inondation en Île-de-France

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Dans le bassin de la Seine, les inondations représentent - après la sécheresse - l’un des risques naturels les plus importants. Le territoire de la métropole francilienne est particulièrement vulnérable à l’aléa des crues. Les dernières d’importance ont eu lieu entre mai et juin 2016 et de janvier à février 2018, et ont coûté respectivement 1,4 milliard et 150 à 200 millions d’euros. Selon une évaluation récente de l’OCDE, une crue centennale atteignant la hauteur maximale atteinte par celle de 1910 (soit 8,60 mètres au pont d’Austerlitz) causerait des dommages directs dont le coût avoisinerait les 30 Md€. Pourtant, la prise en compte insuffisante de ce risque par les populations et par les collectivités locales entraine une stratégie de prévention défaillante, notamment en raison d’une mauvaise coordination. Le rapport publié ce jour, élaboré par une formation commune à la Cour et à la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, évalue l’état de la connaissance du risque lié à une crue centennale de la Seine, ainsi que les objectifs fixés et les moyens financiers déployés pour le prévenir. Il examine également l’efficacité et l’efficience des actions permettant de réduire ce risque. Enfin, il analyse dans quelle mesure la gouvernance et la stratégie de gestion durable de la Seine ont contribué, au cours des dernières années, à prévenir le risque d’inondation.

Un risque majeur et une gravité insuffisamment prise en compte

Les inondations par débordement font l’objet de nombreuses cartographies mises à la disposition du grand public à travers les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) ou sur des sites internet dédiés (comme « Cartoviz - les zones d’inondation potentielles »). En revanche, les inondations causées par les remontées de nappe et les ruissellements sont plus difficiles à appréhender - alors que les ruissellements constituent environ un tiers des dommages assurés en Île-de-France. L’État doit veiller à mettre à la disposition de l’ensemble des acteurs (citoyens, entreprises, administrations) les informations disponibles sur ce risque, notamment sur les inondations par remontées de nappe. La Cour préconise également de renforcer la sensibilisation et de vérifier régulièrement le niveau de perception de ce risque par la population francilienne. S’agissant des collectivités territoriales, elles n’ont pas fixé d’objectifs chiffrés de réduction des dommages et elles ont peu mobilisé le fonds de prévention des risques naturels majeurs en faveur de la région Île-de-France : de 2009 à 2021, le montant cumulé de ses engagements s’est élevé à 65 M€ et celui de ses dépenses à 23 M€, soit des niveaux très inférieurs aux dépenses d’autres régions concernées par le risque d’inondation.

Des actions de réduction du risque d’inondation encore limitées

L’agglomération parisienne est beaucoup moins protégée contre les grandes crues que d’autres métropoles internationales : le niveau de protection théorique concerne, pour la petite couronne, une crue de retour de 30 à 50 ans, voire même de 10 à 20 ans entre le pont d’Iéna et Issy-les-Moulineaux, et pour le reste de Paris, une crue de retour de cent ans. À titre de comparaison, la ville de Londres est protégée face à une crue de retour de mille ans et vise une protection pour un retour de 10 000 ans d’ici à 2 100. Différents moyens sont mis en place pour faire face à ces risques : des investissements importants de mise à niveau de digues et murettes déployés sur 120 km (dont la gestion est prise en charge avec difficulté par la Métropole du Grand Paris) et de réalisation du projet du casier de la Bassée, destiné à renforcer à la fois la protection en amont de Paris,  la préservation et la restauration de zones d’expansion des crues,  la réglementation du développement de l’urbanisation dans les zones à risque et la conception d’un habitat résilient. Cependant, la Cour alerte sur la préparation inégale des opérateurs des réseaux susceptibles d’être exposés (électricité, gaz, télécommunications, réseau numérique, transports, chauffage, eau potable, assainissement), ainsi que sur l’absence d’actions de la Région pour aider les petites et moyennes entreprises à réduire leur vulnérabilité. Enfin, elle souligne qu’un nombre insuffisant d’actions est mis en œuvre en faveur de la protection du patrimoine culturel francilien.

Le manque de stratégie coordonnée à l’échelle du bassin de la Seine

L’Île-de-France s’inscrit dans le bassin hydrographique de la Seine. C’est à cette échelle que l’État, les collectivités locales et l’ensemble des acteurs (opérateurs de réseau, associations, entreprises, assureurs) doivent se coordonner en vue d’un pilotage efficace de la prévention du risque. Or, celui-ci est à ce jour insuffisant. Le plan Seine 2007-2013 n’a pas entraîné l’adhésion effective des différentes parties prenantes, notamment des régions (hormis celle du Grand Est), à une vision commune du fleuve et à des objectifs partagés - contrairement aux plans Loire et Rhône-Saône. Ainsi, il n’existe pas de forum de travail sur les sujets relatifs au risque d’inondation de la Seine, comme les « forums des acteurs » dans le bassin de la Loire ou du Rhône. Or, la dispersion des actions et des acteurs est contraire au principe de solidarité, normalement fondateur de la stratégie nationale du risque d’inondation, qui vise à répartir équitablement les responsabilités et l’effort de réduction des conséquences négatives des inondations entre tous les territoires et acteurs concernés : amont-aval, urbain-rural, rive droite-rive gauche. Dans ces conditions, la Cour recommande que l’État et les collectivités locales compétentes rendent compte chaque année des avancées de la politique de prévention du risque d’inondation en réunissant l’ensemble des représentants concernés.

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Le risque d'inondation en Ile-de-France - Nos rapports en 180 secondes (ou presque)

Dans le bassin de la Seine, les inondations représentent l’un des risques naturels les plus importants, juste après les sécheresses. En Île de France, où vit un Français sur cinq, trois millions d’emplois sont situés en zone inondable. Une crue analogue à celle de 1910 est susceptible de provoquer jusqu’à 30 Md€ de dommages*.

Face à ces enjeux, la Cour et la chambre régionale des comptes d’Île de France ont examiné la politique de prévention du risque d’inondation dans cette région.

Premier constat, la connaissance des inondations par débordement est bonne. Des cartographies sont même à la disposition du public, par exemple sur le site « Cartoviz ». L’État doit en revanche veiller à diffuser toutes les informations disponibles sur les autres types d’inondations, les inondations par remontées de nappe et par ruissellement.

En matière de prévention, des programmes d’action sont bien mis en place par les collectivités, mais ils sont peu connus. Ils intéressent pourtant tous les acteurs, citoyens, associations, entreprises, assureurs, élus… La Cour recommande de mettre en place une base de données accessible à tous pour suivre leur avancement. Elle recommande aussi de les rendre plus ambitieux et de les doter des moyens financiers adéquats.

Enfin, les actions de sensibilisation de la population devraient être renforcées et évaluées, au moyen d’indicateurs de perception.

Deuxième constat, les actions de réduction du risque d’inondation sont encore limitées.

L’agglomération parisienne est beaucoup moins protégée que d’autres métropoles internationales par des ouvrages de protection, comme des digues. Dans l’ensemble, Paris est protégé pour une crue centenale, c’est-à-dire une crue de grande ampleur qui revient statistiquement tous les 100 ans – on dit aussi une « crue de retour de 100 ans ». Mais la petite couronne n’est protégée que pour une crue de retour de 30 à 50 ans, voire de 10 à 20 ans par endroits. À titre de comparaison, Londres est protégée pour une crue de retour de mille ans. Des investissements majeurs sont donc à programmer, notamment par la Métropole du grand Paris.

Pour réduire le risque d’inondation, il faut aussi préserver et restaurer des zones d’expansion des crues, qui permettent de ralentir les crues. Mais ce sont des opérations lentes et difficiles à réaliser, notamment parce qu’il faut le faire en concertation avec les agriculteurs.

Enfin, il faut réduire la vulnérabilité. Cela consiste d’abord à réglementer le développement de l’urbanisation dans les zones à risque. Il y a pour cela des plans de prévention des risques, mais ils sont anciens et incomplets, et la densité de population n’a cessé d’augmenter en zone inondable. Les réseaux sont aussi très vulnérables : électricité, gaz, transports, eau potable… Les inondations de 2016 et 2018 ont permis une certaine prise de conscience, mais le degré de préparation des différents opérateurs est très inégal et des investissements majeurs restent à réaliser.

L’obligation légale de réaliser des plans communaux de sauvegarde n’est respectée que par 60 % des communes en Île-de-France ; l’obligation de les tester lors d’exercices tous les cinq ans est encore moins respectée.

Enfin, pour piloter ce risque, il faut une solidarité entre l’amont et l’aval du fleuve. Or la Cour a constaté un manque de stratégie coordonnée. La Cour invite donc le préfet de la région Île de France à jouer pleinement son rôle, en donnant les impulsions nécessaires aux services de l’État. Avec les collectivités locales compétentes, il devrait rendre compte chaque année des avancées de la politique de prévention du risque d’inondation, en réunissant les représentants de l’ensemble des acteurs concernés.

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