Une politique fondée sur des programmes territorialisés
Depuis 2017, la politique de l’État en faveur des commerces de proximité a connu un tournant : les aides directes aux commerçants ont été abandonnées, au profit d’un soutien à la redynamisation globale des centres des villes petites et moyennes. Le programme Action cœur de ville (ACV), lancé en 2018 dans 234 villes, visait à répondre aux difficultés des villes moyennes, tandis que le programme Petites villes de demain (PVD) a été mis en place, à partir de 2020, dans plus de 1 600 villes de moins de 20 000 habitants. La crise sanitaire a conduit à mettre en œuvre, dans le cadre du plan de relance, de nouvelles mesures visant à renforcer l’ingénierie, le pilotage local et à soutenir la digitalisation et la rénovation des commerces. Si les études d’ingénierie se sont révélées être un soutien précieux à la définition de la stratégie des collectivités, elles ont été d’une qualité inégale, et certaines, financées à 100 % par les pouvoirs publics, peu utiles. Le rôle des managers de commerce a en revanche été très apprécié des collectivités locales. Les foncières de redynamisation pour la rénovation de locaux commerciaux ont été développées et l’État a mis en place un fonds pour cofinancer les opérations les plus coûteuses. Toutefois, le nombre de commerces rénovés reste encore limité et l’encadrement juridique du dispositif doit être précisé. Les projets soutenus par le fonds devront également être évalués afin de s’assurer du ciblage de l’intervention de l’État.
Un pilotage et un suivi à améliorer
Le taux de vacance des commerces dans les villes ACV tend à baisser depuis deux ans, de manière plus marquée que dans les autres villes moyennes. Toutefois, cette évolution doit être interprétée avec prudence. Le pilotage de cette politique manque globalement d’indicateurs, et il conviendrait d’engager une évaluation du volet commerce d’ACV. Le suivi des financements par les pouvoirs publics doit également être amélioré. Les financements des collectivités territoriales sont mal retracés, ce qui ne permet pas d’identifier facilement les aides versées aux commerçants. Sur la période 2018-2022, tous financements confondus, le commerce de proximité aurait bénéficié d’environ 500 M€.
L’articulation entre les actions de l’État et celles des collectivités territoriales apparaît inégale. Si les programmes ACV et PVD ont permis de développer un partenariat novateur avec les communes, l’articulation avec les régions, compétentes en matière de développement économique, s’avère insuffisante alors qu’elles déploient souvent des dispositifs analogues à ceux de l’État. Des tensions apparaissent également entre la démarche globale d’aménagement du territoire, incarnée dans les programmes ACV et PVD, et une approche plus spécifiquement centrée sur le développement économique. Ces deux approches ont leur pertinence, mais une coordination interministérielle plus forte s’impose pour définir une stratégie claire.
Les enjeux du e-commerce encore insuffisamment ou mal pris en compte
Le développement du e-commerce a profondément modifié les pratiques d’achat. Son essor a suscité des mutations importantes du commerce, nécessitant une articulation entre présence en ligne et vente en magasin. Les commerçants de proximité, comme plus généralement les petites entreprises françaises, étaient peu préparés à cette mutation : en 2020, seulement 43 % des PME du commerce étaient dotées d’un site internet et 17 % d’une solution de vente en ligne. Dans ce contexte, et face aux confinements pendant la crise sanitaire, les pouvoirs publics ont cherché à encourager la numérisation des petites entreprises du commerce de proximité, avec un foisonnement de dispositifs dont la coordination a été insuffisante. Le soutien aux plateformes locales de marché s’est avéré un échec, ne correspondant aux attentes ni des consommateurs ni des commerçants. L’enjeu pour le commerce de proximité indépendant semble moins résider dans le développement des ventes par internet que dans le renforcement de ses relations avec la clientèle et de sa visibilité en ligne. Les pouvoirs publics devraient en tirer les enseignements en cessant de financer des places locales de marché, et en concentrant leurs efforts sur l’amélioration de l’accompagnement des commerçants.
Accessibilité dans certains territoires et enjeux de développement durable
La politique de l’État en faveur du commerce de proximité prend insuffisamment en compte les enjeux d’accessibilité dans certains territoires ruraux et périurbains, même si l’accès aux commerces de proximité est assuré pour une grande majorité des Français. Enfin, les enjeux de développement durable ont un impact croissant sur le modèle économique des commerces de proximité, à travers l’évolution des mobilités, l’aménagement et la mise aux normes des bâtiments, et les enjeux fonciers. Ils nécessitent d’engager une réflexion d’ensemble sur la manière de mieux accompagner les commerces de proximité face aux exigences de décarbonation de l’économie.