Une gouvernance à consolider et un modèle économique difficilement soutenable
Alors que le Centre Pompidou est engagé dans plusieurs projets structurants, ses orientations stratégiques ne sont pas formalisées. Le Centre n’est pas non plus lié à sa tutelle par un contrat d’objectifs et de performances depuis 2020. En outre, la gouvernance interne de l’établissement n’apparaît pas en adéquation avec l’ampleur des projets portés par le Centre. Le contrôle interne n’est que faiblement déployé et l’organisation n’a que très tardivement évolué pour fonctionner en mode projet. En dépit des efforts réalisés par l’établissement pour diversifier ses ressources propres, le modèle économique du Centre Pompidou apparaît difficilement soutenable. La politique de valorisation de sa marque, qui s’est notamment traduite par la création d’implantations provisoires, lui a permis de répondre à une demande d’ingénierie muséale à l’international en plein essor. Cette politique commence à porter ses fruits, mais elle gagnerait à être davantage formalisée sous la forme d’une véritable stratégie, adossée à une évaluation exhaustive des coûts à refacturer aux partenaires. Par ailleurs, le Centre dispose d’autres leviers pour augmenter la part de ressources propres dans son budget en amplifiant sa fréquentation, notamment auprès des visiteurs étrangers, et en développant le mécénat. Il doit également s’engager dans une plus grande maîtrise de ses dépenses, pour regagner des marges de manœuvre actuellement obérées par la rigidité de la masse salariale.
Un projet de rénovation insuffisamment piloté et dont le financement n’est pas assuré
Afin d’assurer la pérennité du bâtiment principal du Centre, un ambitieux programme de travaux de rénovation a été défini à partir des années 2010. En juillet 2021, le président de l’établissement a proposé de définir un schéma directeur culturel, consistant à améliorer l’attractivité des espaces intérieurs. L’ajout tardif de ce volet culturel a soulevé des difficultés liées au pilotage du projet, pouvant engendrer des surcoûts. De surcroît, si le volet technique du schéma directeur est entièrement pris en charge par l’État (358 M€), le volet culturel devra être financé sur ressources propres de l’établissement. Dans la mesure où le modèle économique du Centre ne lui permet pas d’auto-financer ses projets, il devra réunir par lui - même et d’ici à début 2025 au plus tard, les 169 M€ manquants pour lancer les marchés de travaux. Enfin, le lancement de ce projet d’envergure ne dispense pas l’établissement d’actualiser son schéma directeur de stratégie immobilière, dans l’objectif de rationaliser ses implantations louées dans le parc privé.
Un nouveau lieu de réserves dont le coût a fortement dérapé
La collection du Centre Pompidou, riche de près de 122 000 œuvres, constitue la deuxième collection d’art moderne et contemporain au monde après celle du Museum of Modern Art de New-York. Or les réserves de l’établissement sont en grande partie externalisées dans des locaux loués à des bailleurs privés. Souhaitant trouver un lieu d’accueil pérenne, le Centre s’est engagé dans un projet de construction d’un nouveau site de réserves à Massy. Si le concept de réserves ouvertes au public a permis d’attirer des financements élevés de la part des collectivités territoriales, l’évolution du projet d’un équipement technique à une véritable antenne du Centre, n’a pas été sans conséquence sur le dimensionnement des espaces et les coûts de fonctionnement associés. Dans le cadre d’un marché de partenariat public-privé, des dépassements importants des estimations initiales ont eu lieu en raison de la sous-évaluation de certains postes de dépenses et du contexte inflationniste. Le coût complet du projet devrait s’élever au total à plus de 254 M€. De surcroît, la durée réelle d’amortissement de ce nouvel équipement, d’une durée théorique de 25 ans, doit être précisée compte tenu du rythme d’accroissement très élevé des collections au cours des vingt dernières années.
Une modernisation de la gestion des ressources humaines trop longtemps repoussée
Dans son précédent rapport, la Cour faisait état de la nécessité de moderniser la gestion des ressources humaines de l’établissement. Près de dix ans plus tard, force est de constater qu’aucune réforme structurelle n’a été menée dans ce domaine. Le Centre Pompidou conserve des modalités de gestion des ressources humaines dérogatoires au droit commun dans de nombreux domaines parmi lesquels le statut des personnels, l’organisation et la durée du travail des agents postés, et les modalités de conduite du dialogue social. Le statu quo n’apparaît plus tenable au regard des échéances auxquelles le Centre Pompidou est confronté : la gestion des ressources humaines doit redevenir une priorité pour l’établissement, pour récupérer les marges de manœuvre en termes de masse salariale et d’emplois qui lui font actuellement défaut dans la perspective de la réouverture.