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La fonction ressources humaines au ministère de l’éducation nationale

COUR DES COMPTES

À l’heure de la crise des vocations enseignantes, à l’origine de difficultés de recrutement, de remplacement et de fidélisation, la fonction ressources humaines du ministère de l'Éducation nationale, premier employeur de l’État, est cruciale. L‘éducation représente le premier budget de l’État (87 Md€ prévus en loi de finances 2024), composé à 93 % de rémunérations. Si la fonction RH joue un rôle de premier plan dans l’atteinte des objectifs du système éducatif, ses résultats apparaissent toutefois mitigés. La gestion de masse, que le ministère assure globalement grâce à des procédures robustes, doit se conjuguer avec une approche plus stratégique, qualitative et individualisée, à même de mieux répondre aux besoins des usagers de l’institution : agents de l’éducation nationale, élèves et familles. Ces conclusions s’inscrivent dans la continuité de nombreux rapports récents de la Cour sur la gestion des ressources humaines au ministère de l'Éducation nationale, en particulier sur la gestion des enseignants, leur formation initiale et continue, la mobilisation de la communauté éducative autour du projet d’établissement et la territorialisation de l’action éducative.

Une gestion des ressources humaines (RH) centrée sur une approche de masse relativement performante

La gestion des ressources humaines (GRH) au ministère de l'Éducation nationale (MEN) se distingue tout d’abord de celles des autres ministères par son volume : une masse salariale de 79 Md€ pour le budget de l’État, à laquelle s’ajoutent les dépenses de personnel prises en charge par les collectivités territoriales. Les impératifs de la fonction RH sont de garantir le versement mensuel des payes de près de 1 200 000 agents et d’honorer les grands rendez-vous annuels, en particulier l’organisation des nombreux concours de l’enseignement et de la rentrée scolaire, avec la présence d’un enseignant devant chaque classe. Pour cela, plus que d’autres ministères, le ministère de l'Éducation nationale peut s’appuyer sur une GRH déconcentrée et sur l’automatisation d’une partie de ses processus, grâce à des systèmes d’information robustes quoique vieillissants et pas encore adaptés à la prise en charge de catégories de personnel dont la part est croissante, tels que les contractuels et les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Cependant, d’importantes disparités territoriales pèsent sur la gestion, touchant aussi bien la population d’âge scolaire que la gestion des enseignants, notamment à Paris.

Une prise en compte encore trop limitée des objectifs qualitatifs de la fonction RH

Les objectifs du ministère, essentiellement quantitatifs, ne répondent pas entièrement à la demande exprimée par les agents d’une gestion RH plus qualitative, d’une plus grande reconnaissance professionnelle et d’une meilleure prise en compte des situations individuelles. En outre, la fonction RH n’intègre pas suffisamment dans ses objectifs la prévention et le traitement des risques psycho-sociaux, en augmentation au sein du ministère, soumis à un train de réformes rapide. Enfin, la rigidité des procédures d’affectation et de mutation des enseignants titulaires de l’enseignement public, à partir d’un barème de points, cristallise les craintes de potentiels candidats aux concours et les frustrations d’enseignants titulaires désireux d’effectuer une mobilité géographique. En France métropolitaine, les régions de l’Ouest et du Sud sont les plus demandées par les enseignants, alors même qu’il s’agit de la région Île-de-France qui accueille le plus d’élèves. L’ensemble de ces éléments contribue à un recul de l’attractivité du métier d’enseignant, variable cependant selon les territoires et les disciplines, et observable dans d’autres pays d’Europe. Face au manque de personnel titulaire, enseignant comme non enseignant, le recours aux contractuels progresse. Le rôle des services RH académiques, initialement tournés vers l’organisation de concours et la gestion de carrière des titulaires, doit évoluer pour assurer également une fonction de recrutement et d’accompagnement des contractuels. En outre, la redéfinition des modalités du dialogue social, issue de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, a rendu essentielle la mission d’information RH et d’explication des décisions individuelles dévolue aux services RH. Cette phase de transition appelle un renforcement des actions de formation destinées à ces services.

Des risques à maîtriser et des choix de gestion à opérer pour réussir la transition vers une fonction RH plus qualitative

Un début de réponse aux attentes des agents avait été apporté à la suite du « Grenelle de l’éducation » en 2020-2021, via la mesure de revalorisation des salaires des enseignants en début de carrière et le lancement de deux initiatives, dont le portage apparaît cependant faible : la GRH de proximité – dans le but de proposer aux enseignants une écoute de premier niveau et d’aborder leurs questionnements sur leur situation ou leur avenir professionnel – et l’observatoire des rémunérations et du bien-être (ORBE) du personnel. Face aux nombreux défis qui demeurent, en s’appuyant sur un travail de diagnostic conduit avec la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), le ministère de l'Éducation nationale s’est doté en 2024 d’une stratégie « RH 2026 ». Pour atteindre les trois objectifs définis – renforcer l’attractivité des métiers, fidéliser les agents et améliorer la qualité du service rendu aux personnels – et donner un socle solide à cette stratégie, le ministère devra développer une gestion prévisionnelle RH à même de préparer l’évolution des métiers, la transition vers une GRH de flux tenant compte de la progression, faible mais continue, des départs mais aussi des arrivées d’enseignants en cours de carrière et anticiper les implications de la baisse de la démographie des élèves (-346 000 élèves entre 2023 et 2028). Le projet « RH 2026 » devra pouvoir s’appuyer sur une gouvernance et un pilotage de la fonction RH renouvelés, car ils apparaissent aujourd’hui éclatés, avec un manque d’instances de coordination. Enfin, la tension entre un système d’affectation et de mobilité rigide mais égalitaire et l’aspiration des agents à choisir leur lieu de vie n’est pas traitée. Des mesures correctrices devront être envisagées pour renforcer l’attractivité de certaines zones géographiques à forts besoins.

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