ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA FONCTION
RESSOURCES
HUMAINES
AU MINISTÈRE
DE L’ÉDUCATION
NATIONALE
Rapport public thématique
Synthèse
Octobre 2024
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent en annexe du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Une gestion des ressources humaines (RH) centrée
sur une approche de masse relativement performante .
7
2
Une prise en compte encore trop limitée des objectifs
qualitatifs de la fonction RH, dans un contexte
de transformation du dialogue social .
9
3
Des risques à maîtriser et des choix de gestion
à opérer pour réussir la transition vers
une fonction RH plus qualitative
11
Conclusion et recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
À l’heure de la crise des vocations enseignantes qui affecte les recrutements et
crée des difficultés pour pallier le manque d’enseignants, la fonction ressources
humaines du ministère de l’éducation nationale, premier employeur de l’État,
est cruciale . La gestion de masse, que le ministère assure globalement grâce à
des procédures robustes, doit se conjuguer avec une approche plus stratégique,
qualitative et individualisée, à même de mieux répondre aux besoins des
usagers de l’institution : agents de l’éducation nationale, élèves et familles .
Ces conclusions s’inscrivent dans la continuité de nombreux rapports récents
de la Cour sur la gestion des ressources humaines au ministère de l’éducation
nationale, en particulier sur la gestion des enseignants, leur formation initiale
et continue, la mobilisation de la communauté éducative autour du projet
d’établissement et la territorialisation de l’action éducative
1
1 .
La formation continue des enseignants du premier et du second degré de l’enseignement public,
référé, juin 2023 ;
Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants des
premier et second degrés,
rapport public thématique, février 2023 ;
Mobiliser la communauté
éducative autour du projet d’établissement,
rapport public thématique, janvier 2023 ;
Privilégier
l’approche territoriale et l’autonomie dans la gestion des dépenses,
note thématique, juillet 2023 .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Une gestion des ressources
humaines (RH) centrée
sur une approche de masse
relativement performante
Les actions de gestion des ressources
humaines (GRH) - habituellement
regroupées sous le vocable de
« fonction RH » - au ministère de
l’éducation nationale et de la jeunesse
(MENJ), premier employeur de l’État,
se distinguent de celles des autres
ministères par le seul volume des
ressources concernées, en effectifs
comme en montant financier, avec
une masse salariale de 79 Md€ pour le
budget de l’État, à laquelle s’ajoutent
les dépenses de personnel prises en
charge par les collectivités territoriales .
Ses impératifs sont d’honorer les
grands rendez- vous annuels, en
particulier la rentrée scolaire avec
la présence d’un enseignant devant
chaque classe, et de garantir le
versement mensuel des payes de près
de 1 200 000 agents .
Sur ces deux points, cette fonction se
révèle bien assumée par le ministère
grâce, d’une part, à la déconcentration
de sa gestion et, d’autre part, à
l’automatisation d’une partie de
ses processus, qui s’appuie sur des
systèmes d’information robustes
bien que vieillissants . Elle peut être
considérée comme performante dans
la mesure où elle mobilise moins de
personnels administratifs que d’autres
ministères pour gérer un nombre plus
élevé d’agents .
Néanmoins, compte tenu du volume
et de la diversité des situations,
les processus RH impliquent une
multiplicité d’intervenants et
sont complexes . Cette complexité
augmente du fait du recours croissant
à des profils d’agents dont les statuts
ne peuvent être pris en compte par
les systèmes d’information, ce qui
nécessite des traitements manuels
consommateurs de temps, comme
c’est le cas pour les contractuels et
les accompagnants des élèves en
situation de handicap (AESH) .
Par ailleurs, les disparités territoriales,
notamment en termes de besoins
non satisfaits et de différentiels
d’attractivité, constituent pour le
MENJ une contrainte à laquelle il doit
s’adapter pour accomplir sa mission
d’enseignement et pour organiser
sa gestion des ressources humaines
(GRH) .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Ces objectifs de gestion, essentiel-
lement quantitatifs, ne répondent
pas entièrement à la demande d’une
gestion RH plus qualitative, exprimée
par les agents de la fonction publique
et confirmée, pour ceux relevant
du MENJ, par les études menées
par sa direction de l’évaluation, de
la prospective et de la performance
(DEPP) . Celles-ci mettent en
relief le besoin d’une plus grande
reconnaissance professionnelle et
d’une meilleure prise en considération
des situations individuelles . En
outre, la fonction RH n’intègre pas
suffisamment dans ses objectifs le
traitement des risques psycho-sociaux,
en augmentation au sein du ministère .
La rigidité des procédures, qu’illustre
la gestion du « mouvement » intra
- et interdépartemental, fondée sur
un barème de points, cristallise les
frustrations des enseignants titulaires
en freinant leurs éventuels souhaits de
mobilité géographique .
Cette situation contribue au défaut
d’attractivité du métier d’enseignant,
qui se manifeste par des difficultés
récurrentes de recrutement et de
maintien en poste tout au long de la
carrière . Ce déficit d’attractivité n’est
ni propre à la France, ni spécifique au
ministère car il concerne l’ensemble
des métiers de la fonction publique .
Face au manque de personnel
titulaire, enseignant comme non
enseignant, le recours à l’emploi
contractuel se développe . Il en résulte
une concurrence entre statuts et des
besoins de formation accrus, tant pour
accompagner les contractuels que pour
apporter aux services administratifs la
technicité nécessaire à l’embauche et à
la gestion de ces recrues .
En outre, alors que les représentants
des personnels jouaient un rôle
important au sein du ministère pour
orienter les agents dans les méandres
du système d’affectation ou pour
contribuer à la prise en considération de
leur situation individuelle, la redéfinition
des modalités du dialogue social
imposée par la loi de transformation de
la fonction publique
2
a transféré ce rôle
aux services RH . Évoluer d’une gestion
quantitative à une gestion qualitative
nécessite un changement de culture et
d’organisation de services aujourd’hui
fortement mobilisés par les impératifs
de gestion .
Une prise en compte encore trop
limitée des objectifs qualitatifs de la
fonction RH, dans un contexte de
transformation du dialogue social
2
2 . Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Pour mieux répondre aux attentes
des agents et améliorer la qualité
de service, plusieurs initiatives ont
été lancées depuis le « Grenelle de
l’éducation » en 2020-2021, comme
la GRH de proximité, le mouvement
de postes à profils et l’Observatoire
des rémunérations et du bien-être des
personnels . En parallèle, des mesures
d’augmentation des rémunérations
ont été mises en œuvre . Le projet
« RH 2026 », lancé l’an dernier par
la direction générale des ressources
humaines (DGRH) et la direction de
l’encadrement (DE) du ministère,
structure l’ensemble de ces réformes
dans une stratégie nationale, avec
trois objectifs : renforcer l’attractivité
des métiers, fidéliser les agents
et améliorer la qualité du service
rendu aux personnels . Ce projet est
en cours d’appropriation dans les
académies . À ce stade, plusieurs défis
appellent la mise en place de mesures
complémentaires permettant de
garantir que les objectifs ambitieux
qu’il poursuit seront atteints .
Tout d’abord, un cap et un cadre plus
clairs doivent être donnés à la GRH de
proximité, mise en place depuis 2018
sans moyens nouveaux ni doctrine
d’accompagnement des enseignants
en difficulté ou en reconversion .
Insuffisamment nombreux, formés,
outillés et intégrés aux services de
gestion, les conseillers RH de proximité
offrent une écoute de premier niveau
et des conseils, sans toujours parvenir
à apporter des solutions .
La conduite du projet « RH 2026 »
nécessite aussi de prendre en compte
les risques inhérents à la phase de
transition en cours . Ceux-ci concernent
en premier lieu l’adaptation des
systèmes d’information sur les
ressources humaines (SIRH),
essentielle pour faciliter l’adhésion des
personnels au changement, et dont,
a contrario,
les dysfonctionnements
ou les retards de mise en œuvre
augmentent la résistance au
changement et affectent la qualité
de vie au travail et la stabilité des
équipes . La lassitude des agents face
à la multiplication des réformes et à
leur impréparation constitue un autre
facteur de risque, qui doit conduire
à renforcer l’accompagnement des
acteurs de la fonction RH sur le terrain .
Il s’agit en particulier de placer au
premier plan les chefs d’établissement
dans ce domaine, d’expliciter les rôles
des inspecteurs et des personnels de
direction dans les établissements et
de faire monter en compétences les
gestionnaires RH dans les domaines
du recrutement et du conseil . Enfin, les
modalités d’hébergement des données
choisies dans le cadre du projet de
plateforme Virtuo, innovant mais
sensible, exposent possiblement le
ministère à un risque d’image .
Des risques à maîtriser et des
choix de gestion à opérer pour
réussir la transition vers une
fonction RH plus qualitative
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le projet « RH 2026 » doit pouvoir
également s’appuyer sur une gestion
prévisionnelle RH solide . Or la
gestion prévisionnelle des effectifs,
des emplois et des compétences
(GPEEC) actuelle vise à calibrer
les besoins de recrutement d’une
année sur l’autre, mais anticipe peu
l’évolution des métiers à moyen
terme et tient insuffisamment compte
des analyses démographiques et
sociétales . Entre 2023 et 2028, les
établissements scolaires devraient
perdre 346 800 élèves, du fait de la
baisse de la natalité . La progression,
faible mais continue, des démissions
d’enseignants, la hausse de la part
des contractuels, l’allongement des
carrières couplé à l’accélération de
l’« usure » professionnelle et à
l’aspiration des enseignants à changer
de métier au cours d’une vie, devraient
conduire à définir une stratégie RH
plus adaptée en matière de flux et de
reconversion .
Enfin, s’engager dans une nouvelle
démarche d’employeur implique de
faire des choix de gestion structurants .
La gouvernance et le pilotage de la
fonction RH demeurent en effet
éclatés, avec un manque d’instances de
coordination, une déconnexion entre
responsables de la gestion des moyens
humains et responsables des moyens
budgétaires . La gestion des enseignants
du privé sous contrat, exclusivement
financière, demeure un angle mort . La
tension entre un système d’affectation
et de mobilité rigide mais égalitaire et
l’aspiration des agents à choisir leur
lieu de vie n’est pas non plus traitée
par le projet « RH 2026 » . Dans le cadre
existant des concours à recrutement
national et des mouvements
déterminés par le barème, d’autres
mesures correctrices, parfois issues du
terrain, doivent donc être envisagées
pour renforcer l’attractivité de certaines
zones géographiques à forts besoins,
mais aussi pour ne pas décourager les
enseignants et ceux qui aspirent à le
devenir de rejoindre à terme la région
de leur choix . Le rôle de la fonction RH
s’avère donc central pour permettre
au ministère d’assurer effectivement
sur tout le territoire national un service
public de qualité .
Des risques à maîtriser et des choix
de gestion à opérer pour réussir la transition
vers une fonction RH plus qualitative
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1.
Actualiser et étoffer le cadre de
gestion des enseignants contractuels
dans la perspective des nouvelles
lignes directrices de gestion
stratégiques
(ministère de l’éducation
nationale et de la jeunesse, ministère
de la transformation et de la fonction
publique, ministère délégué chargé
des comptes publics/premier semestre
2025).
2.
Pour les enseignants affectés à
d’autres missions que l’enseignement
et les enseignants remplaçants,
intégrer sans délai dans le suivi
statistique leur taux effectif d’activité
comme la nature exacte des fonctions
qui leur sont dévolues
(ministère
de l’éducation nationale et de la
jeunesse).
3.
Pour améliorer la connaissance et
le suivi des personnels administratifs,
étendre aux académies l’enquête
actuellement menée au niveau
central et transmettre ses résultats
pour analyse à l’Observatoire des
rémunérations et du bien-être des
personnels
(ministère de l’éducation
nationale et de la jeunesse/septembre
2026).
4.
Recentrer les missions des
conseillers RH de proximité sur le
conseil en évolution professionnelle
(ministère de l’éducation nationale et
de la jeunesse/2025).
5.
Renforcer la place et le rôle
des chefs d’établissement dans la
fonction RH
(ministère de l’éducation
nationale et de la jeunesse/fin 2024).
6.
Pour l’amélioration du dialogue
social et l’appropriation des réformes
RH, définir et déployer une stratégie
de communication adaptée
(ministère
de l’éducation nationale et de la
jeunesse/septembre 2025).
7.
Instaurer un comité de pilotage de
la gestion des ressources humaines
sous l’égide du secrétaire général du
ministère
(ministère de l’éducation
nationale et de la jeunesse/fin 2024).
Conclusion
et recommandations