La chambre territoriale des comptes (CTC) a examiné la gestion des ressources humaines de la Nouvelle-Calédonie au titre des exercices 2009 et suivants.
Cet examen concerne tout à la fois les conditions dans lesquelles la Nouvelle-Calédonie exerce une compétence normative en matière de fonction publique qui lui a été transférée par l’Etat en 1957 et les modalités de gestion des ressources humaines de la collectivité. Ce rapport fait suite à celui établi par la chambre en 2006 sur la gestion du personnel de la Nouvelle-Calédonie.
La gouvernance de la gestion des ressources humaines
La CTC relève que la volonté de réformer en profondeur la fonction publique calédonienne exprimée notamment en avril 2010, lors des assises de la fonction publique, n’a pas été mise en œuvre. Malgré un coût d’organisation dépassant les 30,6 MF CFP et la forte mobilisation des parties prenantes (employeurs, organisations syndicales, services de la Nouvelle-Calédonie), le plan d’ensemble qui devait en résulter n’a jamais été établi. La Nouvelle-Calédonie n’est pas parvenue à légiférer sur des questions de fond comme celles du statut des agents non titulaires ou de la mise en œuvre de la préférence locale pour l’accès à l’emploi public. Sur ces deux thèmes, le juge constitutionnel a rappelé à la Nouvelle-Calédonie ses obligations qui devront être mises en œuvre rapidement.
L’activité sur la période examinée est essentiellement constituée de mesures catégorielles, voire individuelles, consistant à faire évoluer ponctuellement les règles statutaires en fonction des problématiques rencontrées par les gestionnaires. Ce mode opératoire, mené sans vision d’ensemble et souvent dans l’urgence, nuit à la cohérence de la gestion.
Début novembre 2014, un séminaire de trois jours consacré à la modernisation de la fonction publique a été organisé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. S’inscrivant dans la lignée des assises de 2010, ce séminaire a tracé les grandes lignes de ce que pourrait être la réforme de l’emploi public. Elles convergent avec certaines recommandations du présent rapport. La chambre en prend acte tout en relevant que le contexte institutionnel instable qui se dessine depuis la fin de l’année 2014 peut être un facteur de risque pour cette démarche.
Principal vecteur de la réforme, la direction des ressources humaines et de la fonction publique de Nouvelle-Calédonie (DRHFPNC) connaît des difficultés en matière d’organisation et de fonctionnement. Bien que remaniée à plusieurs reprises durant la période afin de mieux répondre aux besoins des employeurs, son organisation demeure complexe et peu lisible de l’extérieur. La structuration de la direction n’est pas calquée sur ses trois principales missions.
La DRHFPNC peine à recruter des agents et à les conserver comme en témoigne le turn-over important de ses effectifs.
Les procédures mises en œuvre par la direction reposent souvent sur des pratiques et s’avèrent insuffisamment formalisées. Elles sont également lourdes et entraînent des délais importants, comme en matière de recrutement où elles peuvent atteindre 6 mois ou pour la gestion de l’avancement des agents.
Les dernières données officielles sur les effectifs sont anciennes puisqu’elles remontent à 2012. La connaissance du nombre réel des personnels sous contrat employés par les autres collectivités et les établissements publics est déficiente. La chambre estime qu’il y aurait lieu de renforcer les outils permettant de collecter les données sociales des différents employeurs.
La DRHFPNC devrait également étoffer ses outils de pilotage afin de mettre en place un véritable contrôle de gestion de ses effectifs.
L’accès à l’emploi public
Les emplois des collectivités et établissements publics calédoniens (16 685 en moyenne annuelle 2013) sont pourvus, à proportion égale par des fonctionnaires et des agents contractuels.
Les fonctionnaires
Si les statuts prévoient différents modes de recrutement, ceux-ci ont été en pratique largement spécialisés selon les cadres. Ainsi, les recrutements sur concours concernent essentiellement les agents relevant du cadre d’administration générale et des corps d’enseignants. La chambre constate que de nombreux postes offerts aux concours ne sont pas pourvus, faute de candidats jugés aptes. Ceci justifie l’intensification des efforts en matière de préparation aux concours, dont les résultats sont actuellement décevants. L’organisation des concours mériterait également d’être davantage anticipée afin d’offrir une meilleure lisibilité aux candidats.
La gestion des listes des lauréats de concours et les nominations des agents qui y sont inscrits ont donné lieu à des pratiques contestables, dont certaines ont été sanctionnées par le juge administratif. Les règles ont été modifiées en début d’année 2015 pour passer d’un classement par ordre de mérite à un classement par ordre alphabétique.
Les fonctionnaires des corps techniques et paramédicaux sont quant à eux recrutés essentiellement sur titre, sans passer de concours. La chambre relève une absence de cadre réglementaire du processus de recrutement qui doit garantir le principe constitutionnel de l’égal accès à l’emploi public. La chambre observe également que ces corps recrutés sur titre connaissent des problématiques de gestion spécifiques comme le nombre élevé des agents en disponibilité pour convenances personnelles.
La chambre estime également que l’importance des besoins en compétence des employeurs publics et l’étroitesse du vivier des candidats, rendent nécessaire la diversification des voies de recrutement. Ainsi, en est-il du développement de la validation des acquis de l’expérience ou de la mise en place de l’apprentissage dans le secteur public et de la réforme des bourses avec affectation spéciale gérées par la Nouvelle-Calédonie.
Les collaborateurs des membres du gouvernement
La chambre constate que les préconisations formulées dans son rapport de 2006 n’ont pas été mises en œuvre par la Nouvelle-Calédonie.
Les procédures de recrutement demeurent peu encadrées et les dispositions, lorsqu’elles existent, sont peu respectées. Il en est de même des conditions de rémunération, qui ont été revalorisées et fortement assouplies à compter de 2011. La doctrine de la DRHFPNC est d’accorder le maximum prévu par la grille, avec parfois un dépassement de celle-ci.
Les effectifs des collaborateurs ne font pas l’objet d’un encadrement autre que celui prévu lors du vote du budget et la masse salariale n’est pas individualisée. La chambre a relevé les difficultés de la DRHFPNC à connaître l’état réel des effectifs et leur coût.
De surcroit, la CTC a identifié des cas de collaborateurs émargeant sur des postes des directions de la Nouvelle-Calédonie, ce qui en majore en réalité le nombre.
Les agents contractuels et agents de la convention collective
Les recrutements d’agents contractuels constituent des dérogations au principe général selon lequel les emplois publics doivent être occupés par des fonctionnaires. Ils doivent donc être précisément motivés. Comme en 2006, la chambre a relevé des cas de recrutement mal identifiés et/ou non conformes au cadre réglementaire. De plus, l’adéquation entre le profil du candidat et le poste vacant n’est pas toujours probante.
La convention collective des services publics applicable aux personnels ouvriers et assimilés est un texte qui n’a pas évolué depuis une trentaine d’années. Des dérives ont été constatées par la CTC à l’occasion de plusieurs de ses contrôles dans des collectivités calédoniennes. Plusieurs employeurs l’ont dénoncé pour mettre en place un cadre spécifique, ce qui rajoute encore à la complexité statutaire et peut engendrer des difficultés managériales.
Dans ces conditions, la CTC recommande que le dispositif de la convention collective soit revu dans le cadre d’une réforme plus large portant sur la création d’un statut des agents non titulaires.
La réforme des statuts
La chambre estime en premier lieu que le cadre juridique s’avère trop complexe pour assurer avec efficacité la gestion d’effectifs peu nombreux. A ce titre, la juridiction considère qu’il y a lieu de reconsidérer certaines options qui ont conduit par le passé à créer deux fonctions publiques (territoriale et communale) et à multiplier les cadres d’emploi et les corps.
La CTC souligne également l’intérêt de revoir l’enchevêtrement des dispositifs des régimes indemnitaires qui génère des disparités entre les agents constituant ainsi un frein à la mobilité et qui peut être source de conflits.
La chambre relève en deuxième lieu que le droit de la fonction publique calédonien est devenu lacunaire si on le compare à son homologue métropolitain ou à la situation du salarié calédonien.
Il conviendrait ainsi de fixer une durée légale de travail qui n’existe pas actuellement dans la fonction publique.
De même, les enjeux importants en matière de formation devraient conduire à l’adoption d’une loi-cadre en la matière. La mise en œuvre de la préférence locale pour l’accès à la fonction publique renforce la légitimité d’une telle mesure.
Enfin, une législation devrait intervenir tant dans le secteur de la santé et de la sécurité au travail qu’en matière de dialogue social et de rôle des organisations syndicales.
Prenant en compte tout à la fois l’éparpillement normatif actuel et la nécessité de conduire un ensemble de réformes structurelles, la chambre estime que la Nouvelle-Calédonie devrait mettre en œuvre son projet de code de la fonction publique consolidant les textes en la matière.