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Commune de Briançon (Hautes-Alpes)

CRC PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR

Rapport d'observations définitives

SYNTHÈSE

L’examen de la gestion de la ville de Briançon réalisé par la chambre s’inscrit dans la continuité des avis budgétaires qu’elle a publiés en 2010 et 2011, à la suite du vote en déséquilibre des deux budgets primitifs de cette commune. Le contrôle révèle une situation financière qui demeure fragile, et qui est exposée aux conséquences financières potentiellement lourdes d’un contentieux et de divers choix de gestion malencontreux.

Le défaut de fiabilité des comptes

La chambre a relevé la comptabilisation par anticipation de recettes qui se rapportaient à plusieurs exercices (par exemple, la redevance pour la mise à disposition de la microcentrale électrique du Randon, pour un montant de 1,46 M€ en 2009). Cette pratique qui majore artificiellement le résultat d’une année doit être abandonnée.

La chambre a également constaté une absence d’amortissement des frais d’études ; si une démarche d’apurement a été entreprise par la commune pour les études antérieures à 1997, elle doit être étendue aux études plus récentes.

Le bilan au 31 décembre 2010 est entaché de nombreuses incertitudes : un certain nombre d’actifs qui y figuraient n’avaient plus aucune valeur, tandis que d’autres auraient dû donner lieu à la constitution de provisions. La commune a procédé en cours d’instruction à des régularisations comptables mais il lui reste à apurer sur les cinq prochains exercices des titres de participation ayant perdu toute valeur. De même, une créance détenue sur la cession relative au bâtiment de la Schappe d’une valeur de 501 672 € devrait donner lieu à une admission en non-valeur et non à une provision, compte-tenu de la mise en liquidation de l’acquéreur.

Une situation financière fragile

Les budgets primitifs pour 2010 et 2011, votés en déséquilibre, avaient été transmis à la chambre par le préfet. Dans son avis du 6 juillet 2010, la chambre avait suggéré « à titre exceptionnel, de ne pas chercher à satisfaire pour le budget 2010 à la règle de l’équilibre budgétaire posée par l’article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, mais de projeter sur les deux exercices suivants, 2011 et 2012, les mesures nécessaires au rétablissement complet de l’équilibre budgétaire de la commune ». L’avis du 22 juin 2011 avait rappelé à la commune la nécessité d’atteindre l’objectif d’un équilibre global en 2012.

L’analyse financière réalisée par la chambre s’appuie sur des données retraitées, afin de les mettre en conformité avec les normes comptables, notamment pour étaler sur les années concernées les recettes qui avaient été comptabilisées à tort sur un seul exercice.

 La situation financière de la commune s’améliore sous l’effet croisé de l’augmentation des produits de gestion, due essentiellement à la progression des bases fiscales, et de la baisse importante des charges du même type. L’excédent brut de fonctionnement s’est ainsi apprécié de 44 % entre 2007 et 2010, particulièrement en 2010 (+ 18 %). L’effet n’a pas été aussi rapide au niveau de l’épargne brute en raison du poids des frais financiers liés à un niveau d’endettement excessif. Cette amélioration est certes due à la maîtrise des dépenses de fonctionnement, mais aussi au versement par l’Etat d’une aide d’un montant de 2 M€ dans le cadre du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT).

De 2007 à 2009, en dépit de l’absence d’autofinancement, le volume annuel de dépenses d’équipement a oscillé entre 4 et 8 M€, soit un niveau supérieur à la moyenne de la strate qui résulte notamment de l’acquisition du quartier Colaud en 2007 (2,1 M€) et du parking de l’Aigle Bleu en 2009 (4,195 M€). Jusqu’en 2009, les ressources propres, issues notamment de cessions de biens, n’ont pas permis de couvrir la totalité des dépenses d’investissement. La commune a alors différé et/ou étalé sur plusieurs années le paiement de certains investissements et puisé dans son fonds de roulement en 2007 et 2008. Elle a également eu recours en 2009 à de nouveaux emprunts bancaires pour 3,7 M€, dérogeant ainsi, avec l’accord de l’Etat, à l’interdiction d’emprunter qui lui était imposée aux termes d’un protocole de 2002 signé avec les banques. Ces emprunts ont notamment servi au financement du rachat du restaurant d’altitude de Pralong.

Le ratio de désendettement (qui calcule le nombre d’années qu’il faudrait à la ville pour rembourser en totalité sa dette, si elle y consacrait l’intégralité de sa capacité d’autofinancement), est passé de 71,7 années en 2007 à 13,6 années en 2010, selon les comptes de la commune (mais 107 ans et 21 ans selon les données retraitées par la chambre). L’encours total de la dette s’élève à 76,5 M€ fin 2010, dont 75,4 M€ de dette bancaire, soit 6 306 € par habitant contre une moyenne de la strate de 958 €.

La partie de cette dette souscrite auprès de Dexia, qui représente environ la moitié de l’encours total, est aujourd’hui essentiellement composée de produits structurés, à la suite de huit renégociations successives intervenues entre février 2003 et juillet 2008. Le choix d’emprunts structurés comportant un risque de taux important apparaît particulièrement inadapté à la situation d’une commune très endettée comme Briançon, qui devait avant tout s’attacher à sécuriser son encours.

 La banque Dexia, qui était partie aux protocoles de gestion de sa dette dont celui de 2002 s’achevant fin 2007, et donc parfaitement informée de la situation financière difficile de la ville, aurait dû l’inciter à rester sur des produits classiques ; elle l’a au contraire conduite à prendre de nouveaux risques qui avaient en outre pour inconvénient de rigidifier son encours et lui a même proposé en juillet 2008 un produit manifestement contraire à ses intérêts.

Le risque financier lié au contentieux avec la société délégataire de l’exploitation du casino

L’exploitation du casino a été confiée le 21 février 2002 à la société d’exploitation du casino de Briançon, devenue ensuite la société d’expansion touristique de Briançon (SETB). Suite à l’injonction prononcée par la cour administrative d’appel de Marseille le 26 mars 2007 de mettre fin à la délégation de service public du casino, la commune et la SETB ont conclu le 26 octobre 2007 un protocole fixant à 9,33 M€ l’indemnisation à verser à la SETB. Après annulation par le tribunal administratif de Marseille de la délibération approuvant ce protocole, un nouveau protocole d’accord a été signé le 9 septembre 2008, sur les mêmes bases.

Le cabinet qui a conseillé la commune pour la préparation de ces deux protocoles n’a pas procédé à une évaluation rigoureuse de l’indemnisation du délégataire. Dans un contexte de résolution anticipée de l’exploitation, il aurait dû en effet effectuer ce calcul en retenant les seuls biens rattachés à l’exploitation du casino et en évaluant poste par poste les charges et produits d’exploitation ayant entraîné un déficit d’exploitation effectivement nécessaire, dans le cadre d’une gestion normale, à la bonne exécution du service.

Des incertitudes pèsent donc sur le calcul du montant de l’indemnisation prévue par le protocole. Elles tiennent à l’absence de distinction entre les biens de retour, biens de reprise et biens propres, à l’insuffisance de justification des pertes d’exploitation avancées par le délégataire et au caractère prévisionnel du déficit déclaré pour le dernier exercice, alors qu’il appartenait au délégataire d’apporter toute précision au soutien de sa demande indemnitaire.

La commune a fixé le droit d’entrée dans la nouvelle délégation, lors de l’appel à candidatures lancé fin 2008, à l’exact montant de l’indemnisation mentionnée par le protocole. L’hypothèse d’un calcul de la commune visant à aboutir à une « opération blanche » en passant la nouvelle délégation parait fort vraisemblable mais a échoué. En l’absence de concurrents et compte tenu du contexte économique dégradé à partir de 2008 touchant particulièrement le secteur des casinos, la commune a conclu le nouveau contrat avec la SETB à des conditions financières peu avantageuses.

Le recours contentieux de la SETB visant à contraindre la commune à verser l’indemnisation de 9,33 M€ prévue par le protocole l’expose donc à un risque financier significatif.
Les imperfections de la gestion du patrimoine

L’état de l’actif et le bilan de la commune de Briançon ne donnent pas une image fidèle de son patrimoine. Elle ne respecte pas, au surplus, les obligations réglementaires en matière de cessions d’actifs, s’agissant notamment de l’avis préalable du service des domaines.

La vente de l’ancienne usine de la Schappe à des investisseurs britanniques pour y construire des logements, réalisée en méconnaissance des règles de la commande publique, s’est soldée par un échec. Cette vente incluait une disposition de paiement partiel par dation : l’acquéreur devait payer comptant 2 M€ et, pour le surplus (0,5 M€), réaliser un «Espace Musée» de 459,72 m2 ainsi qu’un marché couvert de 1 000 m² qui serait loué à la commune. Ce mode de paiement partiel en nature est contraire aux règles de la commande publique, de la maîtrise d’ouvrage publique, et de la comptabilité publique.

Mise en liquidation judiciaire peu de temps après l’achat du bâtiment, la société n’a jamais construit les logements sociaux ni réalisé le marché couvert et le musée, destinés à redynamiser cette partie du centre-ville ; le bâtiment est toujours en friche.

L’acquisition de places de parking dans l’immeuble l’Aigle Bleu : une opération coûteuse et d’une utilité très discutable

Un promoteur privé local a récemment achevé la construction d’une résidence hôtelière comprenant en sous-sol deux étages de parking, sur un terrain acquis en grande partie auprès de la commune, et situé à proximité de la gare de départ de la télécabine du Prorel. Le permis de construire précisait dès 2003 qu’il s’agirait de places de parking public. Ce n’est cependant que fin 2008, alors que ces places étaient quasiment achevées, mais sans avoir jamais été commandées officiellement par la commune, que le promoteur s’est adressé à la ville pour procéder à la vente. Le conseil municipal a approuvé l’achat en 2009 au prix de 4 195 000 € dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA).

La chambre constate que si la réglementation et la jurisprudence ne l’interdisent pas aux collectivités locales, le recours à la VEFA ne doit pas avoir pour objet de contourner les obligations de mise en concurrence. Or même si la commune n’a jamais commandé officiellement la construction de ce parking, celui-ci a néanmoins été construit selon les exigences exprimées par la municipalité, sans toutefois que la décision ait été accompagnée à l’époque d’une étude sérieuse de l’utilité, du financement et du coût de cet investissement. La chambre note au surplus que le plan de financement soumis au conseil municipal en 2009 était artificiellement équilibré : une partie des subventions ou recettes attendues n’était pas certaine, laissant à la commune un montant à financer de 1,766 M€, au lieu des 0,125 M€ annoncés.

L’exploitation de ce parking risque de se révéler coûteuse compte-tenu de l’existence de parkings publics à proximité qui sont manifestement sous-utilisés et au regard de la faible fréquentation de la télécabine du Prorel qu’il est censé desservir. De plus, la commune assume la charge de l’entretien et du déneigement de la dalle sans bénéficier des ressources tenant aux redevances d’occupation versées par des commerçants, cette dalle ayant été incluse dans l’acte de vente sans autorisation expresse du conseil municipal.

Le rachat par la commune du restaurant d’altitude du Pralong : une opération financièrement lourde et dont l’utilité n’est pas avérée

Le restaurant d’altitude du Pralong a été construit en 2001 dans le cadre d’une délégation de service public du domaine skiable datant de 1999. Lors du renouvellement du contrat en 2006, face au refus du délégataire de maintenir le restaurant dans la délégation, la commune a accepté son rachat, pour éviter sa fermeture. Le retour du chalet de Pralong dans le patrimoine communal a donc été décidé en mai 2009 pour un montant de 1,5 M€, représentant la valeur nette comptable du bâtiment et l’indemnité due par la commune à Serre Chevalier Valley, titulaire de la délégation de service public. La commune reprenait également les deux emprunts en cours souscrits par la société pour la construction du restaurant, pour un montant de 0,8 M€.

La chambre constate l’absence de dispositions claires dans la convention de délégation de service public permettant de savoir si le chalet constituait un « bien de retour », ce qui le faisait alors revenir automatiquement et gratuitement dans le patrimoine la commune, ou un « bien de reprise », appelant une indemnisation par la commune de l’exploitant. Il a été considéré, face à cette imprécision de la convention, que le restaurant d’altitude était un  bien de retour  au motif que, sa construction ayant été demandée par l’autorité organisatrice, il était nécessaire au fonctionnement du service public Cette interprétation est en contradiction avec les faits : le retrait de l’exploitation du restaurant de la délégation suivante confirme qu’il n’est pas apparu nécessaire au fonctionnement du service public.

Un patrimoine historique riche dont l’entretien excède les moyens de la commune

La ville de Briançon possède un patrimoine historique très riche, qui est pour l’essentiel classé ou inscrit à l’inventaire des monuments historiques. Les fortifications érigées par Vauban, dont une partie a été acquise récemment auprès de l’Etat qui souhaitait s’en défaire, ont été classées dans le patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco et présentent un attrait touristique indéniable. Ces fortifications sont cependant en très mauvais état et nécessitent des investissements très importants. Des études récentes évaluent les travaux de fortification, de sauvetage et de mise en sécurité à près de 30 M€ pour le Fort du Randouillet, 40 M€ pour le  Fort des Têtes et 9,6 M€ pour le Fort Dauphin.

Enfin, même s’ils sont en meilleur état, la commune doit également entretenir les remparts d’enceinte de la ville ainsi que le fort des Salettes, dont elle est également propriétaire.

Il est évident que, même avec d’importantes subventions, une commune de la taille de Briançon n’a pas la capacité budgétaire d’entretenir un tel patrimoine, encore moins dans le contexte particulier de situation financière dégradée que connaît la ville.

Un plan triennal adopté en juillet 2011 prévoit la réalisation de 4,5 M€ de travaux de sauvetage des sites fortifiés de la ville. L’effort financier de 1,5 M€ par an sera réparti entre l’Etat (50 %), la commune (10 %) et la région et le département (40 %). Ce programme risque cependant de se révéler rapidement insuffisant face à la dégradation très rapide de certains forts comme celui du Randouillet.

Recommandation n° 1 :

La chambre recommande à la commune de poursuivre les opérations de régularisation comptable déjà entreprises en ce qui concerne cette fois l’amortissement des frais d’études et la rectification des comptes d’immobilisations en cours. Elle prend également acte de l’engagement du maire de procéder à l’apurement sur les cinq prochains exercices des titres de participation ayant perdu toute valeur.

Recommandation n° 2 :

La chambre recommande à la commune de s’assurer, en liaison avec le comptable, de la mise à jour régulière des immobilisations qu’elle détient afin de fiabiliser les données relatives à son patrimoine.

 

 

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