Parmi les trois thématiques retenues, le contrat de projets a essentiellement financé les opérations d’alimentation en eau, en particulier la réhabilitation des réseaux. Son élaboration n’a pas été précédée d’une évaluation du besoin de financement des projets communaux. Son taux d’exécution est faible. Le taux de financement des opérations retenues par ce contrat est très élevé, en général 90 % du montant du projet. Il est fonction du nombre d’habitants, alors même que certaines communes pourraient, compte tenu de leur situation financière, davantage contribuer au financement des projets. Un avenant au contrat de projets 2015/2020 et le contrat de développement et de transformation 2021/2023 qui succède au contrat de projets, ne permettent que marginalement de renforcer l’autofinancement des projets par les communes qui le peuvent. Ainsi, le taux de participation des communes au financement des projets n’est majoré que pour trois communes. Dans le contexte d’optimisation de l’allocation de moyens notamment suite à la crise sanitaire, la Chambre invite à davantage moduler le financement des projets communaux en fonction de la capacité d’autofinancement et d’endettement des communes.
Le cadre juridique, défini par la Polynésie française, mériterait d’être clarifié sur deux points. Les notions d’ordures ménagères et de déchets des ménages, organisant la répartition des compétences entre le Pays et les communes, devraient être mieux définies en concertation avec les communes. La réglementation en matière d’assainissement devrait préciser la définition de la conformité des installations d’assainissement.
Le contrôle des infractions environnementales est lacunaire (absence de stratégie de contrôle, effectifs limités chargés du contrôle des ICPE, absence de remontées d’informations de la part des communes) et a même régressé au cours de la période sous revue alors que la réponse pénale se développe à l’initiative d’autres acteurs du territoire et non suite à des transmissions de la Polynésie française. La Chambre recommande donc au Pays de se doter d’une stratégie de contrôle environnemental adaptée aux enjeux, et de mieux contrôler les installations d’assainissement collectif autonome.
L’évaluation de la performance des financements et actions du Pays est complexe en raison de plusieurs démarches qui ne sont pas articulées entre elles : indicateurs du contrat de projets, rapports annuels de performance, indicateurs suivis par différentes directions du Pays. Cette absence de démarche globale de performance s’explique par la mise en place des financements (le contrat de projets) alors que les priorités des politiques sectorielles n’ont pas été arrêtées. Par ailleurs, le suivi de l’évolution de nombreux indicateurs du contrat de projets 2015/2020 n’est pas possible en raison de l’absence de mesure de la situation de départ.
L’analyse des résultats des politiques sectorielles met en exergue les points suivants.
En matière de déchets, la récupération de certains déchets a progressé. Au cours de la période, le Pays a ainsi passé des marchés de récupération des véhicules hors d’usage aux Iles sous le Vent et des marchés pour collecter et rapatrier à Tahiti pour traitement, les déchets ménagers spéciaux (piles, huiles, batteries) des communes situées en dehors du périmètre d’action du syndicat mixte de traitement des déchets Fenua Ma (piles, huiles, batteries).
Le rapatriement des déchets recyclables a également certes progressé sur la période, mais contrairement aux déchets ménagers spéciaux, le Pays ne propose pas de solutions aux communes pour la prise en charge du coût de transports des recyclables alors que l’importation de ces produits fait l’objet d’aides financières de la Polynésie française. La Chambre recommande donc au Pays de réfléchir à la mise en place aides financières et/ou matérielles pour inciter les communes à rapatrier leurs déchets recyclables.
Des marges d’optimisation existent pour la collecte et le traitement des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI), notamment produits par les établissements de santé du Pays, et les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE).
Les financements du contrat de projets ont été essentiellement dédiés aux opérations d’optimisation de la collecte, plus qu’aux projets de traitement des déchets.
Les modes de traitement des déchets ont d’ailleurs peu évolué : l’enfouissement pour les ordures ménagères résiduelles et l’exportation pour les déchets recyclables. Le Pays ne joue pas un rôle moteur dans le réemploi des déchets recyclables au titre de sa politique « achats ».
La création de nouvelles déchetteries et la réhabilitation des décharges constituent deux problématiques majeures qui ont peu progressé au cours de la période. Pour les îles, la possibilité de création de centres d’enfouissements techniques simplifiés, désormais prévus par le Code de l’environnement, et qui permettraient de mettre fin aux dépotoirs sauvages, ne s’est pas encore concrétisée.
En matière d’alimentation en eau potable, les investissements du contrat de projets ont été principalement affectés aux opérations de rénovation du réseau d’eau, ce qui semble cohérent avec la vétusté des réseaux et le taux de fuite (déperdition de la ressource). Compte tenu de l’importance de l’enjeu et des financements dédiés, le Pays gagnerait à mieux suivre le taux de rendement des réseaux afin d’examiner son évolution et les besoins restants.
L’assainissement des eaux usées a bénéficié de moins de financements du contrat de projet que les autres domaines (certains investissements sont toutefois subventionnés par le Pays hors de ce cadre ou par le Fonds européen de développement).
L’assainissement collectif public progresse lentement sur la zone urbaine de Tahiti en raison notamment d’une dynamique intercommunale encore peu développée. La connexion des communes d’Arue et Pirae au réseau de Papeete est incertaine à ce stade (malgré l’annonce très récente d’une relance du processus), et la SEM d’assainissement des eaux de Tahiti à vocation intercommunale, a finalement centré son action sur les eaux usées de la commune de Punaauia. La commune de Faa’a, la plus peuplée de la Polynésie française, ne dispose pas de réseau d’assainissement collectif sur son territoire. Enfin, le contrôle du Pays sur les installations d’assainissement collectif autonome est défaillant.
Le service public de l’assainissement non collectif est pour l’instant quasiment inexistant. Les objectifs de création des SPANC montrent que les échéances du code général des collectivités territoriales (CGCT) risquent de ne pas être respectées pour de nombreuses communes.
Compte tenu de celles-ci pour la mise en œuvre du service de l’assainissement pour 2024, la Chambre invite le Pays à considérer ce domaine comme prioritaire dans le cadre de ses rôles de pilotage des politiques, de financement et d’accompagnement des communes.
La Chambre observe que la plupart de ses observations et recommandations formulées dans son rapport publié en 2017 consacré à l’environnement restent encore d’actualité pour l’eau, l’assainissement et les déchets.
Les années qui ont précédé la crise sanitaire n’ont pas été suffisamment mises à profit pour développer les politiques environnementales en matière d’eau, d’assainissement et de déchets. Au sortir de la crise, la relance économique devra intégrer les nécessaires investissements dans ces domaines afin d’une part, de répondre aux légitimes besoins de la population et d’autre part, de ne pas dégrader l’image du territoire sur un marché touristique mondial hautement compétitif.