Avec moins de 300 000 habitants répartis sur cinq archipels situés au milieu de l’océan Pacifique, il serait aisé à première vue de penser que l’environnement de la Polynésie française subit peu de pressions, et donc que les milieux naturels restent très préservés.
Les bilans environnementaux dressés successivement par la collectivité depuis 1995 indiquent pourtant que la biodiversité y est menacée plus qu’ailleurs, que de nombreux lagons subissent la surpêche, que le domaine public maritime et le littoral sont malmenés, et que trop de cours d’eau douce sont pollués. Le territoire polynésien enregistre ainsi le plus grand nombre d’espèces éteintes ou menacées de toutes les collectivités françaises des outre-mer.
Or, la collectivité de la Polynésie française a disposé, depuis son accession à l’autonomie politique, de près de 30 années pour agir, ce qu’elle a fait, mais en partie seulement.
Certes, des résultats notables sont à signaler : des outils règlementaires ainsi qu’une fiscalité environnementale sont en place, la zone économique exclusive est sanctuarisée, les atolls de Fakarava sont classés réserve de biosphère par l’UNESCO, la collecte et le traitement des déchets ménagers fonctionnent dans de bonnes conditions aux îles du Vent, l’assainissement collectif progresse, et la qualité de l’eau distribuée par les réseaux publics s’améliore.
Certaines particularités locales qui tendraient à atténuer la responsabilité de la collectivité de la Polynésie française dans les résultats inégaux observés sont également recevables : le milieu naturel polynésien est particulièrement fragile, les distances qui séparent les 120 îles sont grandes, le changement de société intervenu à partir des années 60 a été brutal, les disponibilités foncières se font rares, et l’instabilité politique observée depuis 2004 n’a pas aidé à l’émergence d’une action publique structurante.
Néanmoins, la collectivité de la Polynésie française enregistre des faiblesses chroniques qui désorganisent l’ensemble des politiques publiques qu’elle conduit. Or, la politique publique environnementale, par son rôle structurant sur la totalité du territoire géographique, nécessite, sans doute davantage que les autres, à la fois une vision d’ensemble et un portage politique fort, ce qui n’a pas été vraiment le cas. Du reste, la collectivité de la Polynésie française connaît bien ses propres handicaps, et annonce régulièrement des réformes depuis plus de 15 années, à grands renforts de groupes de travail et de documents stratégiques. Ces tentatives ont abouti trop rarement. Marquée par des blocages persistants, l’administration territoriale reste en effet fragmentée et ses moyens sont mal répartis. Ces carences l’empêchent d’assurer convenablement ses missions environnementales, et notamment de montrer une présence appropriée dans tous les archipels. Au surplus, les sept services qui sont en charge de l’environnement dépendent de plusieurs ministères qui agissent la plupart du temps sans véritables lignes directrices communes. Les études préparatoires et les dossiers stratégiques qu’ils engagent s’accumulent, et les textes règlementaires qu’ils préparent restent trop souvent à l’état de projets.
Les effets de ces dysfonctionnements sont nombreux. Ainsi la collectivité de la Polynésie française ne parvient toujours pas à assurer suffisamment son rôle d’autorité organisatrice, et trop de projets sont restés au seul stade de l’effet d’annonce comme l’illustrent les échecs successifs de mise en place du schéma d’aménagement général dont la première tentative remonte à 1984.
La collectivité de la Polynésie française doit par conséquent s’emparer pleinement de sa compétence environnementale en passant aux actes : renforcer sa gouvernance environnementale et fusionner ses services environnementaux pour mieux coordonner son action publique, faire preuve d’exemplarité éco-responsable dans sa gestion, jouer son rôle d’animateur avec ses partenaires que sont les communes, les associations, et les services de l’Etat, et enfin, rationaliser ses moyens de contrôle.