Synthèse
La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a inscrit le contrôle des comptes et de la gestion du centre hospitalier territorial à son programme 2022 à compter de l’exercice 2016.
Une opération de construction réussie pour le Médipôle
Le pilotage de la construction du Médipôle, qui consistait à livrer un bâtiment neuf sur un site unique réunissant l’ensemble des services du centre hospitalier territorial, a été pilotée de manière satisfaisante par la Nouvelle-Calédonie. Opérationnel depuis janvier 2017, le délai de réalisation de l’opération qui s’établit à quatre années, est inférieur de dix mois à la durée prévisionnelle des travaux.
Le coût final de l’opération s’élève à 48,03 MdF CFP et représente un montant supérieur de seulement 4 MdF CFP à celui initialement prévu en 2011. Le centre hospitalier territorial a financé près de 18,5 % de l’opération. Les participations de l’agence sanitaire et sociale, de l’État et de la Nouvelle-Calédonie s’établissent respectivement à 70 %, 10,4 % et 1 % du montant final de l’opération. Après la livraison du site, la Nouvelle-Calédonie a confié la jouissance du bâtiment au centre hospitalier territorial.
Une gouvernance en cours de modernisation
L’organisation et le fonctionnement du centre hospitalier territorial sont règlementés par une délibération et un arrêté du congrès respectivement de 1978 et de 1981. Les statuts du centre hospitalier territorial sont donc anciens et ne prévoient que peu d’espace de dialogue entre la direction et les équipes médicales et soignantes.
Le centre hospitalier territorial a déterminé en 2019 des pistes d’amélioration de sa gouvernance et a progressivement mis en place des instances spécifiques de dialogue entre les médecins, les soignants et la direction. Ces nouvelles modalités de gouvernance doivent être inscrites dans des statuts rénovés qui comporteront un règlement intérieur mis à jour des évolutions du fonctionnement de l’établissement intervenues depuis son adoption en 1975.
Un pilotage de la gestion qui présente encore des pistes d’amélioration
Le centre hospitalier territorial a mis en place des outils et processus destinés à renforcer la régulation des prescriptions des produits pharmaceutiques qui s’avèrent efficaces pour limiter la hausse des dépenses de pharmacie.
Depuis 2016, la qualité du contrôle de gestion s’est améliorée et la chambre invite le centre hospitalier territorial à en partager les résultats avec les médecins et les personnels. En complément du contrôle de gestion, le centre hospitalier territorial dispose d’une comptabilité analytique dont les fonctionnalités se sont progressivement améliorées depuis 2014. Cependant, le calcul des coûts de production n’a pas été réalisée en 2020 et 2021 et les changements de méthodes intervenus entre 2017 et 2019 ne permettent pas de disposer d’une analyse de l’évolution des coûts de revient des séjours sur la période récente. Le centre hospitalier territorial doit systématiser l’utilisation de sa comptabilité analytique et en présenter les résultats annuellement au conseil d’administration.
Le centre hospitalier dispose d’un contrôle interne qui s’est structuré progressivement. Une carte des risques doit être élaborée et des mesures de prévention doivent être prévues en ce qui concerne la gestion administrative et financière.
Une activité performante mais contrariée par la crise sanitaire
La livraison du nouveau bâtiment hospitalier a fait progresser les capacités d’hospitalisation complète de 48 lits et de 23 places entre 2016 et 2021. Le centre hospitalier territorial dispose en 2021 de 562 lits et places dont 501 lits d’hospitalisation complète composés notamment de 177 lits de médecine, 111 lits de chirurgie, 130 lits d’obstétrique et 46 lits de soins critiques.
La durée moyenne de séjour s’élève à 4,7 jours en 2021. Cet indicateur révèle une bonne performance de l’établissement dans la gestion des séjours. Ainsi, la durée moyenne nationale s’établissait à 6 jours en 2019, contre 4,5 jours cette même année au centre hospitalier territorial.
Les séjours de complexité élevée représentaient en 2019, 15,4 % de l’hospitalisation complète du centre hospitalier territorial alors qu’ils ne représentaient que 11,1 % des séjours des centres hospitaliers universitaires et 13,3 % des centres hospitaliers au niveau national. Cette performance résulte de l’activité de recours exercée par le centre hospitalier territorial dont la prise en charge porte sur un volume important de cas complexes.
En cumul entre 2020 et le premier trimestre 2022, l’établissement a comptabilisé 16 490 journées réalisées pour la prise en charge des patients atteints de la covid dans les services de soins non critiques et 3 477 journées pour les patients accueillis spécifiquement en soins critiques. Le taux d’occupation moyen des lits a diminué de 89,81 % en 2016 à 77,02 % en 2021 en raison de la contraction de l’activité de médecine, de chirurgie et d’obstétrique qui résulte des confinements de la population mis en place en Nouvelle-Calédonie en 2020 et 2021 pour lutter contre la propagation du coronavirus.
Pour améliorer la qualité de son pilotage, le centre hospitalier territorial doit renforcer l’exhaustivité et la qualité du codage médical de son activité afin de réduire le risque de pertes de recettes tirées du reste à charges des patients et de la facturation des consultations et qui résulteraient d’une comptabilisation partielle des séjours.
Une stratégie à définir rapidement pour reconnaître la place et le rôle du centre hospitalier territorial sur le territoire
Alors qu’il exerce le rôle de recours pour la prise en charge hospitalière sur le territoire, le centre hospitalier territorial ne dispose pas d’un contrat d’objectif et de performance conclu avec la Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement a cependant initié en janvier 2022 des travaux préparatoires pour l’élaboration des contrats de la prochaine génération.
Le centre hospitalier territorial doit favoriser l’élaboration d’une stratégie commune entre les établissements de santé du territoire et identifier cette thématique comme un axe de son prochain projet d’établissement d’ici à 2024 au plus tard.
En coopération avec la Nouvelle-Calédonie, le centre hospitalier a mis en place un dispositif d’accueil des victimes d’agression depuis le mois d’avril 2019. Cette unité a pour objet d’accueillir les personnes victimes, d’identifier leurs besoins, par exemple en matière hébergement ou d’aide sociale et de les accompagner dans leurs démarches. L’unité peut également orienter ces personnes vers les services de police et gendarmerie pour un dépôt de plainte lorsque qu’elles en expriment le souhait. Le financement de ce dispositif (21,25 MF CFP versés par la Nouvelle-Calédonie) reste à pérenniser.
Une situation financière dégradée qui provoque des difficultés de trésorerie accentuées par des retards de paiements du régime d’assurance maladie et les difficultés de recouvrement sur les hospitalisés et consultants.
Les prévisions budgétaires présentent une fiabilité élevée en raison du financement des activités de l’hôpital par une dotation annuelle de financement. Cependant, la fiabilité des comptes est dégradée sur les exercices 2016 à 2019 du fait de l’intégration tardive, en 2020, dans le patrimoine de l’établissement du bâtiment mis en service depuis 2016 et pour lequel les amortissements sont comptabilisés uniquement depuis 2021. De plus, le centre hospitalier territorial doit évaluer de manière sincère le montant des dotations aux provisions et dépréciations en fonction des risques évalués, notamment en ce qui concerne le recouvrement des créances, en s’appuyant sur une méthode statistique à déterminer avec l’aide du comptable.
Le résultat de l’établissement, qui connaît de fortes variations, a été multiplié par plus de trois entre 2016 (197,4 MF CFP) et 2021 (693 MF CFP en 2021). L’accompagnement budgétaire de la Nouvelle-Calédonie d’un montant de 1,52 MdF CFP versé au centre hospitalier territorial au titre de la compensation des dépenses liées à la gestion de la crise sanitaire en 2020 et 2021, ainsi que la progression de 0,5 % de la dotation annuelle de financement ont participé à la formation du résultat excédentaire de l’exercice 2021.
Les produits du centre hospitalier territorial progressent de 26,42 % depuis 2016 et s’élèvent à 35,58 MdF CFP en 2021. Les charges (34,89 MdF CFP en 2021) ont augmenté de 24,83 % depuis 2016. Le mode de financement par une dotation annuelle qui représente plus de la moitié des produits n’est pas lié au niveau d’activité produit par l’établissement. La chambre observe ainsi qu’entre 2016 et 2021 le volume des journées réalisées n’a progressé que de 0,3 % alors que la dotation annuelle présentait une croissance de 6,6 %.
La marge brute hors aide s’élevait à 2,14 MdF CFP en 2016 mais diminue à un montant de 0,88 MdF CFP en 2021. La baisse de près d’un milliard de francs de cet indicateur entre 2020 et 2021, résulte notamment de la comptabilisation de la subvention de 1,52 MdF CFP versée en 2021 par la Nouvelle-Calédonie pour la gestion de la crise sanitaire. Le taux de marge brute hors aide s’établit ainsi à 3,13 % en 2021 alors qu'il s'élevait à près de 8 % en 2019, avant la crise sanitaire.
Face à cette situation financière dégradée, le centre hospitalier territorial devra adapter le programme pluriannuel d’investissement qu’il a adopté en 2020 afin de le mettre en cohérence avec ses capacités d’investissement dans un contexte de difficultés financières croissantes.
Le centre hospitalier territorial doit gérer une trésorerie durablement négative (- 418,88 MF CFP en 2020 et - 725,67 MF CFP en 2021) qui l’a conduit à contracter une avance de trésorerie de 1,8 MdF CFP auprès l’agence sanitaire et sociale. Son remboursement aurait dû intervenir en 2019 mais fait toujours défaut en raison notamment, de l’absence de paiement des créances que détient l’hôpital sur la CAFAT (21,21 MdF CFP), la province des Îles (653 MF CFP) et le centre hospitalier du Nord (520 MF CFP).
Les difficultés rencontrées par la fonction de recouvrement du centre hospitalier territorial sur les factures qu’il adresse aux hospitalisés et aux consultants conduit à la formation d’une créance de 2,28 MdF CFP fin 2021. Le centre hospitalier territorial doit donc travailler à l’amélioration du recouvrement par une meilleure formation des agents chargés de cette fonction et une plus grande qualité des titres émis.
Une gestion des ressources humaines qui présente des pistes d’amélioration
Au 31 décembre 2021, le centre hospitalier territorial dispose de 2 218,5 équivalents temps pleins contre 2 029,7 en 2016. La progression des effectifs représente un taux de croissance annuel moyen de 1,79 % entre 2016 et 2021. La dispersion des 217,4 équivalents temps plein médicaux dans les différents services, de même que la répartition du personnel non médical par type de fonction (soignante, administrative et technique) ne présente que peu d’écart avec la situation nationale.
Pour améliorer la continuité et la sécurité des soins, le centre hospitalier territorial doit mieux anticiper les départs de ses agents et en particulier les vacances de postes médicaux et développer, de manière plus active, les actions relatives à l’évaluation des pratiques professionnelles médicales.
Au 31 décembre 2021, le centre hospitalier territorial a conclu des contrats à durée indéterminé avec des agents qui occupent de manière permanente des fonctions paramédicales alors que la délibération n°352 du 7 mars 2014 portant statut particulier du cadre des personnels paramédicaux de Nouvelle-Calédonie, ne le permet pas.
En organisant des cycles de travail en 11 heures de jour et en 13 heures de nuit, le centre hospitalier territorial présente un écart avec la règlementation applicable aux personnels contractuels pour lesquels le code du travail fixe la durée maximale à 10 heures effectives par jour. Le centre hospitalier territorial doit porter les spécificités du travail hospitalier auprès du gouvernement qui conduit actuellement des travaux pour réformer le temps de travail dans les administrations et les établissements publics de la Nouvelle-Calédonie afin que celle-ci puisse être adaptée au travail en établissement de santé.
Des risques d’irrégularités qui pèsent sur la commande publique
Pour renforcer la sécurité juridique des marchés qu’il passe sans formalisme en dessous du seuil de 20 MF CFP, le centre hospitalier territorial doit adopter une procédure de recensement annuel de ses besoins en fonction d’une nomenclature interne de familles de produits et de prestations homogènes. En l’état actuel, l’organisation mise en place dans ce domaine fait courir à l’établissement le risque de commettre des irrégularités, en particulier dans le domaine des achats de matériel biomédical.
Dans un contexte où le marché relatif à l’approvisionnement en oxygène médical, prestation exclue de la règlementation des marchés publics en Nouvelle-Calédonie, est arrivé à son terme en 2021, le centre hospitalier territorial doit organiser une mise en concurrence destinée à garantir l’efficience de la prestation de fourniture et de maintenance en oxygène médical pour les prochaines années.
Une situation qui appelle la mise en œuvre de treize recommandations
L’ensemble de ces observations a conduit la chambre à émettre treize recommandations dont la mise en œuvre rapide par le centre hospitalier territorial permettra d’améliorer sa gestion, de sécuriser ses procédures et de garantir le bon emploi des fonds publics.