SYNTHÈSE
Gouvernance et activité
Le projet d’établissement (2010 – 2014) ainsi que le contrat d’objectifs et de moyens conclu en 2007 avec l’agence régionale de santé de PACA sont marqués par la prise en compte de la situation structurellement déficitaire de l’établissement. Ils prévoient notamment un développement de la coopération inter établissements qui n’a pas débouché sur la constitution d’une communauté hospitalière de territoire, impliquant l’élaboration d’un projet médical inter hospitalier, mais sur de nombreuses coopérations en matière logistique et médicotechnique.
La gouvernance de l’hôpital a été bloquée en septembre 2012 du fait d’une rupture du dialogue entre la direction et la communauté médicale qui semblait réticente à accepter les restructurations nécessaires pour surmonter les difficultés financières de l’établissement. Toutefois, le dialogue entre la direction et le corps médical s’est renoué début 2013, la nouvelle structuration en pôles plus cohérents projetée en 2012 est devenue effective à la même date et la contractualisation interne se met peu en peu en place.
L’activité du centre hospitalier de Briançon a très peu augmenté entre 2007 et 2011 avec une stagnation de l’hospitalisation complète au profit d’un développement contrasté des alternatives à l’hospitalisation comme la chirurgie ou la chimiothérapie ambulatoires. L’activité médicotechnique s’aligne sur cette faible activité des services cliniques. Les perspectives démographiques du bassin de population ne semblent pas de nature à entraîner une augmentation significative de l’activité. L’activité de l’établissement est atypique du fait de variations saisonnières liées au tourisme et de l’existence d’une filière transfrontalière. Toutefois, l’effet saisonnier apparaît limité et concentré sur quelques services (chirurgie orthopédique et traumatologique et urgences). De même, bien que l’essor de la patientèle italienne justifie une politique d’accueil spécifique, elle ne saurait suffire à pallier la faible activité hospitalière sauf en cas de restructuration de l’offre de santé sur le versant italien.
L’attractivité de l’établissement reste forte sur le briançonnais mais tend à s’amenuiser du fait de la concurrence d’autres établissements pourtant éloignés, comme la polyclinique des Alpes du Sud en matière chirurgicale. Ce phénomène est inquiétant mais il montre également que l’hôpital dispose de quelques marges de manœuvre pour accroître son activité s’il parvient à améliorer son attractivité.
Un programme d’investissement ambitieux
A partir des années quatre-vingt-dix, le centre hospitalier de Briançon a poursuivi un programme d’investissement ambitieux dont la dernière réalisation consiste en la restructuration des services d’hospitalisation situés dans l’aile sud. Ce programme conçu dès 1998 a été lancé officiellement dans la perspective des jeux olympiques de Turin de 2006 mais en fait pour bénéficier d’un effet d’aubaine qui s’est finalement limité à l’octroi d’une subvention particulière de l’Etat de 3 M€.
L’enveloppe prévisionnelle estimée avant le lancement du chantier à environ 15 M€ a été largement dépassée puisque l’exécution financière de l’opération achevée en 2012 a atteint une somme supérieure à 30 M€. Ces surcoûts sont dus, en premier lieu, au choix de l’entreprise générale, la société Borini costruzioni, qui a beaucoup sous-traité et a été rapidement mise en liquidation judiciaire ; en second lieu, à de nombreux travaux supplémentaires traduisant une insuffisance des études préalables et, enfin, à la prise en compte tardive et coûteuse de risques parasismiques pourtant connus dès le départ.
Les choix architecturaux retenus se sont par ailleurs révélés pénalisants pour l’établissement du fait notamment des liaisons horizontales et verticales peu ergonomiques mises en place et de l’importance des espaces non utilisés. Le projet accroît en effet fortement les surfaces (+ 75 % environ) sans que cela bénéficie prioritairement à celles dédiées directement aux soins. Ces choix architecturaux ont débouché sur la constitution de petites unités de soins très consommatrices en personnel.
Un projet de pôle de santé avec le centre médical Rhône Azur dont le lancement est prévu fin 2013 devrait permettre d’optimiser l’espace disponible. Les conventions d’occupation du domaine public passées en 2010 pour concrétiser ce projet posent toutefois problème au niveau de la base juridique retenue et n’ont pas été précédées d’une étude listant l’ensemble des avantages de toutes natures accordés par le centre hospitalier de Briançon à Rhône Azur, et leur coût. Les conditions financières du partenariat sont donc renvoyées à une future convention selon un avenant passé en 2012 de la convention initiale de 2007.
Malgré ce projet avec Rhône Azur qui va permettre d’utiliser une partie des surfaces de l’aile sud, le site principal apparaît surdimensionné au regard de l’activité actuelle mais aussi de l’activité existante au moment où la décision de lancer le projet a été prise. La chambre considère que la capacité en lits et places devrait dès lors être revue à la baisse autour d’une valeur cible d’environ 105 lits de médecine, chirurgie et obstétrique.
Ce programme d’investissement en grande partie inadapté a engendré par ailleurs des surcoûts d’exploitation en termes de charges directes (chauffage, électricité, eau) et indirectes (entretien, temps de déplacement) et des frais financiers liés au recours intégral à l’emprunt et aux dotations aux amortissements pour un montant global de 2 à 2,5 M€.
Une situation financière préoccupante
La fiabilité des comptes n’appelle que quelques observations sur le régime des provisions et l’apurement des créances irrécouvrables qui ont donné lieu à des régularisations de la part de l’établissement en cours d’instruction.
La situation financière du CH de Briançon est particulièrement dégradée avec, pour un budget de fonctionnement d’environ 45 M€, un déficit cumulé de 2007 à 2011 qui atteint 9,4 M€, un déficit réel cumulé au sens de l’article D. 6143-39 du code de la santé publique de plus de 34 M€ et un endettement qui s’élevait au 31 décembre 2011 à 39 M€, composé à plus de 50 % d’emprunts structurés.
L’encours de la dette de l’hôpital de Briançon, qui s’est accru à la suite des investissements réalisés dans l’aile sud, comprend plusieurs produits structurés très risqués. Le niveau et la nature de l’endettement de l’établissement ont amené la nouvelle direction à renégocier cette dette auprès des établissements bancaires dont un emprunt particulièrement toxique via la médiation « Gissler ». Ce prêt a pu être plafonné au niveau de son taux d’intérêt pendant deux ans. En contrepartie l’établissement a dû renégocier avec la banque un prêt peu risqué moyennant une indemnité de 1,7 M€.
L’analyse du bilan indique une dégradation du fonds de roulement net global et une augmentation du besoin en fonds en roulement aboutissant à une trésorerie fortement négative. En l’absence de possibilité de contracter en 2012 de nouvelles lignes de trésorerie, l’établissement a connu une situation de quasi cessation de paiement de ses fournisseurs. L’agence régionale de santé a octroyé fin 2012 des crédits exceptionnels pour rembourser une ligne de trésorerie qu’une banque ne souhaitait plus accorder et elle est de surcroît intervenue dans la négociation des conditions de retrait d’une autre banque.
L’analyse des comptes de résultats analytiques par pôle révèle la structure déficitaire de l’essentiel des services cliniques liée à l’importance des charges directes ou indirectes supportées au regard des recettes générées, phénomène allant en s’aggravant entre 2008 et 2011 et débouchant sur un déficit global d’environ 5,5 M€, les trois quarts concernant l’hospitalisation. Une analyse de la structure des dépenses au regard de l’échelle nationale des coûts démontre que les frais de personnel constituent les charges directes les plus lourdes (2 M€ de surcoût) tandis que les charges indirectes, correspondant à la logistique au sens large, sont toujours supérieures à la moyenne nationale (3 M€ de surcoût). Une analyse de ces charges indirectes par comparaison avec les référentiels en usage (la base dite d’Angers) révèle une importante sous productivité des services médicotechniques en lien avec l’activité faible des services cliniques alors que les services administratifs, logistiques et techniques semblent, à l’exception notable de la restauration, relativement mieux dimensionnés au regard de cette activité. L’effet de structure lié aux frais financiers et aux dotations d’amortissement contribue au tiers des charges indirectes supportées par les services cliniques.
Les difficultés financières de l’établissement ont nécessité la mise en place de plusieurs plans de retour à l’équilibre. Les plans de redressement élaborés en 2008 et 2009 n’ont pas atteint les objectifs ambitieux assignés (3,5 M€ de gains en économies et recettes cumulées) malgré des bilans intermédiaires apparemment satisfaisants dressés par la direction de l’époque, surtout sur les redéploiements de personnel non médical, mais parfois imprécis ou tronqués.
Compte tenu de la gravité de la situation financière du centre hospitalier, un plan de retour à l’équilibre pour la période 2011-2014 a été élaboré et conclu le 1er août 2011 entre l’agence régionale de santé et l’établissement. Les mesures d’économies initialement prévues pour l’année 2011 n’ayant pu être complètement atteintes, les objectifs initiaux ont été revus à la baisse et le plan ne prévoit plus que 4,39 M€ de mesures d’économies contre 5,37M€ initialement, soit 0,98 M€ de moins, pour contribuer à réduire le déficit. Il a toutefois largement atteint les objectifs assignés pour 2011 mais son exécution a cependant été suspendue à compter de septembre 2012 à l’initiative de l’Etat dans le cadre de la fermeture annoncée du service de réanimation.
Le devenir de la réanimation, sur lequel une récente mission de l’IGAS s’est penchée, et dont le schéma régional d’organisation sanitaire arrêté le 31 janvier 2012 prévoit implicitement la fermeture d’ici 2014, tend à démontrer que la recherche d’économie ne peut justifier un choix qui doit d’abord être dicté par des préoccupations de santé publique. En effet, le service de réanimation autorisé depuis 2002 à titre dérogatoire au vu de la réglementation applicable répond à des exigences de service à la population et doit satisfaire des impératifs de sécurité et de qualité des soins menacés par l’insuffisance de médecins qualifiés.
S’agissant des dépenses de personnels médicaux, les plans de redressement successifs ont permis de les réduire de 3 %. Le nombre d’heures supplémentaires a diminué et aucune dépense d’intérim n’a été effectuée en 2011. Aucun accord de réduction de temps de travail n’ayant été signé malgré la mise en place effective des 35 heures, la direction devrait proposer un véritable accord RTT avec une nouvelle organisation permettant de revoir les horaires de temps de travail. Des marges d’économies dans le cadre du plan de retour à l’équilibre sont encore réalisables en arrêtant le versement contraire à la règlementation de primes et indemnités à des agents contractuels. Concernant la permanence des soins, les tableaux mensuels de services ne sont toujours pas transmis à l’ordonnateur, et lorsqu’ils le sont, ils ne répondent pas toujours aux exigences de la réglementation. Sur ces deux derniers points, la direction a procédé aux régularisations nécessaires courant 2013.
La Chambre recommande au centre hospitalier de Briançon de :
1 : Mettre en place la contractualisation interne sur la base des comptes de résultat analytique fournissant le détail des dépenses et recettes par pôle d’activité au sein de l’hôpital.
2 : Evaluer les avantages de toutes natures consentis au centre médical Rhône Azur pour la mise à disposition de locaux au sein de l’hôpital dans le cadre de la convention financière prévue par l’avenant n°1 de la convention de partenariat en date du 27 mars 2012 liant l’UGECAM et le centre hospitalier de Briançon.
3 : veiller à maintenir un approvisionnement suffisant pour le financement des comptes épargne-temps (compte 143) et la poursuite de l’apurement des créances irrécouvrables admises en non-valeur (compte 415)