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Le 16 septembre 2024
Le Premier président
à
Madame la Ministre de l’éducation nationale
et de la jeunesse
Réf. : S2024-1239
Objet
: Les décharges irrégulières de service des directeurs d’écoles parisiennes
En application des dispositions de l’article L. 111-3 du code des juridictions financières,
la Cour a procédé au contrôle de la fonction ressources humaines (RH) au ministère de
l’éducation nationale et de la jeunesse, pour les exercices 2017 et suivants.
À l’issue de son contrôle, elle m’a demandé, en application des dispositions de l’article
R. 143-11 du même code, d'appeler votre attention sur les décharges irrégulières de service
dont continuent de bénéficier les directeurs des écoles parisiennes.
Depuis 1982, les directeurs des écoles publiques de l’académie de Paris bénéficient
d’un régime de décharge dérogatoire au droit commun fixé par le V de l’art. L. 411-2 du code
de l’éducation
1
: « Le directeur d’école bénéficie d’une décharge totale ou partielle
d'enseignement. Cette décharge est déterminée en fonction du nombre de classes et des
spécificités de l'école, dans des conditions, fixées par décret, qui lui permettent de remplir de
manière effective l'ensemble de ses missions. »
Jusqu’en 2022, les décharges de service d’enseignement étaient prévues par le décret
du 24 février 1989
2
relatif aux directeurs d’école, complété périodiquement par des circulaires
1
Rédaction issue de la loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021 (V de l’art. 2).
2
Décret n° 89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d’école (abrogé depuis 2023) : « L’instituteur
ou le professeur des écoles nommé dans l’emploi de directeur d’école peut être déchargé totalement
ou partiellement d’enseignement dans les conditions fixées par le ministre chargé de l’éducation
nationale » (art. 1
er
).
Cour des comptes – Référé n°S2024-1239
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ministérielles
3
. Le décret du 13 avril 2022
4
, intervenu en application des dispositions précitées
du code de l’éducation, dispose que les décharges dont bénéficient les directeurs d’école
« varient selon la taille, la nature et la spécificité de l’école dont ils assurent la direction ». Ces
décharges « peuvent être exceptionnellement majorées, sur décision de l’autorité
académique, en fonction de l’environnement et des conditions d’exercice spécifiques au sein
de certaines écoles ».
Partant d’une situation assez complexe, variable selon la nature de l’école (école
maternelle, élémentaire ou primaire) et la répartition des enseignements dans la semaine, ce
décret a unifié le régime des décharges à compter de la rentrée 2022
5
.
Cependant, dans l’académie de Paris, les directeurs des écoles publiques bénéficient,
sans fondement juridique, d’un régime de décharge particulier :
- une demi-décharge, pour les écoles maternelles de moins de cinq classes
et élémentaires ou primaires de moins de quatre classes ;
- une décharge totale, pour les écoles maternelles à compter de cinq classes,
élémentaires ou primaires à compter de quatre classes, ainsi que pour les
écoles d’application et les écoles spécialisées, quel que soit le nombre de
classes.
Depuis 1982, plusieurs conventions successives signées entre l’État et la Ville de
Paris
6
ont fixé les modalités selon lesquelles cette dernière compensait le coût en masse
salariale supporté par l’État du fait de l’affectation, dans les classes parisiennes, de
professeurs des écoles remplaçants chargés du service d’enseignement non assuré par ces
directeurs d’école. Ce système conventionnel a été régulièrement reconduit jusqu’en 2019.
Depuis l’origine, le paiement de la Ville de Paris est rattaché par rétablissement de crédits au
niveau déconcentré par les services académiques du rectorat de Paris, sur le budget
opérationnel de programme (BOP) du Programme 140 –
Enseignement scolaire public du
premier degré
.
À deux reprises, en 2007 et 2018, ce mécanisme a fait l’objet d’une critique de la
chambre régionale des comptes (CRC) d’Ile-de-France. Selon celle-ci, le coût du
remplacement occasionné par les décharges de service était de 13,8 M
pour l’année 2005,
pour 369,25 emplois temps plein (ETP)
7
et de 18,6 M
pour 372,5 ETP, pour chacune des
années, de 2013 à 2016 (coût unitaire chargé de 50 216
)
8
.
Depuis 2017, pour des raisons apparemment financières, la Ville de Paris a souhaité
réduire sa contribution, sans pour autant que le régime dérogatoire des décharges de service
soit modifié. Elle a donc négocié avec l’État une réduction du montant du remboursement
qu’elle versait jusqu’alors, versement qui a cessé en 2019. Ainsi, depuis 2017, le budget de
l’État a supporté partiellement, puis totalement à compter de 2019 la charge des enseignants
3
Entre 2017 et 2022 : circulaire n° 2014-115 du 3 septembre 2014 et circulaire du 2 avril 2021 MENJS-DGRH B1-
3.
4
Décret n° 2022-541 du 13 avril 2022 fixant le régime des décharges de service des directeurs d’école.
5
La décharge est ainsi totale pour les écoles à partir de douze classes, de moitié pour les écoles de neuf à onze
classes, d’un tiers pour les écoles de six à huit classes, d’un quart pour les écoles de quatre ou cinq classes, de
douze jours fractionnables pour les écoles de deux ou trois classes et de six jours fractionnables pour les écoles
d’une classe.
6
Bien que le recteur soit en principe le représentant du ministre chargé de l’éducation nationale dans le ressort de
l’académie, ces conventions ont été signées par le directeur des affaires financières (DAF) du ministère. Le
ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse (MENJ) précise à ce sujet que « S’agissant de l’autorité
signataire de la convention, le choix de la DAF plutôt que du recteur résulte d’un choix en opportunité ».
7
CRC Ile de France, ROD
Ville de Paris – l’enseignement primaire à Paris
– Exercices 2002 à 2005, 15 octobre
2007.
8
CRC Ile de France, ROD
Ville de Paris –
l’exercice des compétences scolaire et périscolaire
– Exercices 2013 et
suivants, observations définitives délibérées le 12 mars 2018.
Cour des comptes – Référé n°S2024-1239
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remplaçants des directeurs d’écoles bénéficiaires du régime dérogatoire de décharge
d’enseignement.
A la fin de l’année scolaire 2023-2024, le coût pour l’État des décharges de service des
directeurs d’écoles parisiennes, non compensées par la Ville de Paris, atteignait 73 M
hors
compte d’affectation spéciale Pensions (CAS), et 116,4 M
CAS Pensions compris.
Ce dispositif irrégulier faisant peser sur le ministère une charge budgétaire importante
et constituant en outre une rupture d’égalité vis-à-vis des autres communes qui n’en
bénéficient pas, la Cour vous prie d’y mettre un terme dans les plus brefs délais.
La Cour formule donc la recommandation suivante :
1.
Recommandation unique
:
mettre un terme au régime dérogatoire des décharges de
service des directeurs d’écoles parisiennes dans les plus brefs délais.
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à l’article
L. 143-4 du code des juridictions financières, la réponse, sous votre signature, que vous aurez
donnée à la présente communication
9
.
Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code :
deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances
et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de
l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est
parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa
réception par la Cour (article L. 143-4) ;
dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site
internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article L. 143-1) ;
l’article L. 143-9 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé, vous fournissiez
à la Cour un compte rendu des suites données à ses observations, en vue de leur
présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit être adressé à la Cour
selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné convenue entre elle et
votre administration.
Signé le Premier président
Pierre Moscovici
9
La Cour vous remercie de lui faire parvenir votre réponse, sous forme dématérialisée, via
Correspondance JF
(
à l’adresse électronique suivante :
greffepresidence@ccomptes.fr
(
cf
. arrêté du 8 septembre 2015 modifié portant application du décret n° 2015-146 du 10 février 2015 relatif à la
dématérialisation des échanges avec les juridictions financières).