Madame, Monsieur,
Je prends acte de l’analyse réalisée par la CRC sur les exercices 2015 et suivants, qui, malgré les
nombreuses difficultés organisationnelles relevées, permet
d’entrevoir
quelques leviers et pistes
d’amélioration à la fois pour ce qui est des finances mais aussi de l’organisation de la Collectivité
Territoriale de Martinique (CTM).
Ayant officiellement débuté mon mandat à la tête du Conseil Exécutif le 2 juillet 2021, les conclusions
de ce rapport appellent chez moi deux observations majeures.
La première est que ce rapport, délibéré avant le vote du Compte Administratif 2020, ne permet
pas de prendre la mesure de la situation des exercices 2020 et 2021, marqués par la crise sanitaire
liée à l’épidémie de COVID
-
19 et le choix de l’ancienne mandature d’un déplafonnement global
des dépenses.
Les éléments constatés à mon arrivée laissent apparaitre que la pérennité de la santé financière de la
collectivité a été largement surestimée.
En exemple,
l’encours
de la dette retient mon attention, et semble particulièrement préoccupant. Tenant
compte des reports de
l’année
2020 (105
M€)
et des sommes inscrites au BP 2021
(170M€),
ce serait au
31 décembre 2021 un stock de dettes de 971,4
M€
qui devrait être retenu pour la CTM.
Aussi, à votre analyse, il me semble nécessaire
d’apporter
plusieurs observations complémentaires
afin que ceux qui liront le rapport de la CRC soient pleinement au fait de la situation, que je
qualifierais aisément de catastrophique, dont hérite la nouvelle majorité à la tête de la CTM.
Tout
d’abord,
l’exercice
2020, que vous
n’avez
intégré que partiellement, fait ressortir une
situation financière dégradée par rapport à 2019.
Les dépenses réelles de fonctionnement ont ainsi augmenté de +7,1% par rapport à 2019
(913,11M€ en
2020 pour 852,74M€ en 2019).
La masse salariale de 2020 a augmenté de près de 3% par rapport
à 2019
(214,02M€ en 2020
contre 207,9M€
en 2019).
Le montant des aides individuelles de solidarité versées, poste principal de dépenses, a également
augmenté du fait de la crise sanitaire (337
.8M€
en 2020 pour 295.3M€ en 2019
), et avec lui le reste à
charge au budget de la collectivité.
Par ailleurs, en 2020, le taux d’épargne brute n’est que
de 3,1% des recettes réelles de fonctionnement
(contre 11.3% en 2019)
soit une faible capacité d’autofinancement de 29,57M€, ne couvrant que
62.4% de l
’
annuité en capital des emprunts
(47,38M€).
Réponse de Serge LETCHIMY, Président du Conseil Exécutif de Martinique
au Rapport d
’
Observations Définitives de la CRC
« Exercices 2015 et suivants »
20/09/2021
0171
L’épargne nette devant servir au financement de la section d’investissement après remboursement du
capital des emprunts, est négative (-
17,8M€)
.
L’encours de la dette au 31 décembre 2020 était de 749,2M€, ce qui ramené au montant de l’épargne
brute (29,57M€) permet de calculer une
capacité de désendettement exceptionnellement longue de
25,3 ans.
Pour l’exercice 2021, qui s’étale sur les 6 premiers mois de l’année pour l’ancienne
mandature, nous héritons là aussi
d’une
collectivité aux capacités budgétaires fortement
contraintes par le nombre important
d’engagements
reportés de 2020 ou inscrits au BP 2021.
Le reste à réaliser en recettes
d’investissement
d’un
montant de
106M€,
correspond en majorité au report
du solde
(105M€)
d
’
un emprunt négocié en 2020
(230M€
budgétisés -
125M€ dépensés en 2020). C
e
volume
d’emprunt
a été mobilisé sur le premier trimestre 2021 pour le paiement de dépenses 2021.
La prévision totale d’emprunt 2021 (275M€
dont une prévision de 170M€ au B
P2021)
portant en
l’état
l’encours
prévisionnel de la dette au 31/12/2021 à
971.4M€,
sera revue à la baisse lors du vote du
Budget Supplémentaire
, avec un désengagement de 75M€, permettant d’assurer la
solvabilité de la CTM
et de maintenir la confiance des partenaires. Cette somme ne nous permettra que très partiellement de
dégager une marge pour le financement des investiss
ements de l’année et des mesures d’aides
aux
entreprises.
Je tiens ici à souligner la nécessité qui a été la nôtre
d’inscrire
au Budget Supplémentaire des sommes
complémentaires, qui
relèvent pourtant de dépenses obligatoires de l’exercice 2021 (Rémunérations,
allocations, frais de
gardiennage…). Ces sommes (près de 50 M€) me semblent ne pas relever d’un
quelconque caractère exceptionnel mais bien
d’une sous
-budgétisation initiale au BP.
De même,
l’état
du personnel de la collectivité me semble sous-dimensionné au regard des recrutements
et autres intégrations de personnel enregistrés sur les exercices 2020 et 2021. Il reste encore à déterminer
clairement
l’état
des effectifs réels de la CTM à
l’heure
où
j’écris ces
lignes.
Au BP 2021 ce sont
218.8M€
votés auxquels
s’ajouteront
+8.2M€
votés au BS, soit
227M€
pour
l’exercice
2021
(+6.1%
par rapport à 2020, une variation proche de celle de toute la période 2016-2020 : +6.72%).
La seconde remarque que je souhaite formuler est qu’à partir de la situation fortement dégradée
dont notre nouvelle gouvernance hérite, il va falloir bâtir une nouvelle architecture
organisationnelle, plus optimale, performante et proche des attentes des Martiniquaises et
Martiniquais.
Le défi qui sera le nôtre est
d’écrire
une nouvelle page de
l’histoire
de cette Collectivité, dont vous avez
souligné les nombreux dysfonctionnements. Parmi ceux-ci, je tiens à souligner les conditions de travail
fortement dégradées des agents dans des locaux souvent vétustes et éclatés dans leur répartition
géographique.
La Chambre formule des recommandations précises, relatives à l’
optimisation et la fiabilisation de la
gestion de la Collectivité, sur lesquelles je compte m’appuyer afin de construire l’exercice budgétaire
2022.
Ces pistes
d’évolution seront
également intégrées aux réflexions
que j’entends
entamer dans les
prochaines semaines sur la nouvelle organisation des services de la CTM. Cela se traduira bien sûr par
un nouvel organigramme, concret, lisible, accessible et répondant aux attentes en matière de
transparence de
l’action
publique.
Par ailleurs, j’ai pris la décision, sur proposition de Président de l’Assemblée de Martinique, de
diligenter deux audits, que j’entends inscrire dans la dynamique de clarification de l’état actuel de la
CTM et
d’optimisation
des processus dans une logique de performance de
l’a
ction publique locale.
Le premier audit sera financier afin de connaitre avec certitude l’amplitude réelle des moyens dont
disposera la Collectivité Territoriale au 1
er
janvier 2022. Cette étude devra permettre d’appréhender les
évolutions intervenues au
cours du mandat précédent et d’évaluer la solvabilité des comptes. Il s’agira
pour nous d’apprécier les marges de manœuvre disponibles pour la réalisation du programme de la
nouvelle équipe. Nécessairement, il s’agira pour nous d’arriver à nous projeter à
horizon 2027 afin
d’écrire nos documents de prospective financière, notamment notre programmation pluriannuelle des
investissements de la CTM. Nous devrons aussi être en capacité d’aller chercher au
-delà des seuls
moyens du budget de la collectivité afin d
’être au rendez
-
vous de l’investissement nécessaire au
développement de notre territoire.
Le second audit sera organisationnel afin de disposer d’une appréciation générale sur l’organisation
actuelle permettant de tirer les enseignements utiles quant à une réorganisation en lien avec les enjeux
du programme 2021-2028. Notre objectif est
d’optimiser
les ressources financières, humaines et
logistiques au service de la réalisation du projet de mandature. En effet, il convient de dépasser le
fonctionnement en gestion courante
d’une
collectivité en mettant en dynamique la prospective,
l’ingénierie
et
l’évaluation.
Vous le voyez, Madame, Monsieur, malgré les difficultés plurielles exposées plus tôt, nous entendons
trouver les marges de manœuvre qui nous permettrons de pleinement répondre à l’ambition du mandat
qui nous a été confié par la population martiniquaise.