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Société d'économie mixte des Voies Ferrées du Dauphiné (38) : rapport d'observations définitives (2013)

CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

                                                                                  SYNTHESE

La chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes a examiné les comptes du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2011 et la gestion de la société d’économie mixte des Voies ferrées du Dauphiné (VFD). Ses observations portent sur la gouvernance et la stratégie de l’entreprise, la convention d’assistance technique conclue avec le groupe Kéolis et la situation financière et sociale de l’entreprise. 

La transformation de la régie des VFD, qui exploitait notamment le réseau des transports routiers relevant de la compétence du département de l’Isère, en société d’économie mixte (SEM), via une prise de participation de 15 % de son capital par Kéolis, a été décidée par le conseil général de l’Isère, en 2006. Ce choix de gestion a créé une obligation de mise en concurrence pour l’attribution des marchés départementaux, dont il était alors attendu un redressement de la compétitivité coût très dégradée des VFD. 

En regroupant en un seul lot l’ensemble des lignes départementales exploitées par les VFD en 2006, le département a sécurisé près des trois-quarts de l’activité de l’entreprise jusqu’à l’été 2011. La direction de la SEM disposait donc d’un délai de cinq ans pour diversifier son portefeuille clients et réduire ses coûts, qui étaient supérieurs de 30 % à ceux de ses concurrents. Pour parvenir à cet objectif, la SEM a appliqué une politique rigoureuse de modération salariale, assortie de l’application, aux nouveaux embauchés, de la convention collective nationale des transporteurs routiers (CCNTR), moins favorable que la convention des voies ferrées locales (VFIL) dont bénéficient les salariés issus de l’ancienne régie. 

Pour indispensables qu’elles soient, ces mesures ne se sont toutefois pas révélées suffisantes sur un marché devenu plus concurrentiel. En pratique, la SEM n’a jamais été compétitive, de sorte qu’à l’été 2011, à l’issue d’une procédure de mise en concurrence en plusieurs lots où le critère prix était prépondérant, la SEM a perdu « la seule activité rentable » des lignes express et a consenti des baisses de prix sur les autres lots, avec pour conséquence d’anéantir son fragile équilibre économique. 

La situation catastrophique de l’entreprise résulte en partie des orientations stratégiques arrêtées par le département. En qualité de premier donneur d’ordre, d’actionnaire majoritaire et de principal fournisseur de l’entreprise, le département bénéficie d’une position de force face à la direction, qui rencontre des difficultés à défendre les intérêts de la SEM, autrement que sous la menace sur la continuité du service pour des raisons financières ou sociales. 

Dans le souci d’éviter un conflit social et de réussir la transformation de la Régie en SEM en 2006, le département s’est engagé à maintenir le statut des salariés de l’ex-régie et a concédé des parachutes indemnitaires aux principaux dirigeants. Ce faisant, il a retiré aux instances dirigeantes deux leviers clé de gestion. Puis, pour pallier les limites de la gouvernance artificiellement calquée sur celle de Kéolis et au surplus perméable au calendrier politique, le département a imposé, en 2011, une charte de partenariat qui, sous couvert de prévenir les risques, a eu pour effet de retirer aux administrateurs une partie de leurs prérogatives et de limiter l’autonomie de gestion de la direction générale. 

Parallèlement, la direction a commis des erreurs de gestion. Faute d’avoir diversifié son portefeuille clients, elle a insuffisamment réduit le coût salarial moyen par l’embauche de salariés sous convention CCNTR. Elle a, au contraire, dispersé ses moyens dans des projets périphériques à son cœur de métier et commis une erreur de stratégie dans la définition de son projet pour la période 2011-2015 en s’érigeant comme le régulateur du marché interurbain pour le compte du département. 

En dépit de l’absence persistante de comptabilité analytique par ligne et par centre, la direction a engagé une politique de décentralisation mal maîtrisée, qui n’a pas produit les effets escomptés. Elle n’a pas réussi à résoudre les problèmes d’accidentologie et d’absentéisme. De surcroît, elle a mobilisé une part importante de sa trésorerie en déménageant, dans des conditions financières pénalisantes, le centre de Saint-Martin d’Hères par anticipation d’une contrainte d’urbanisme qui n’était pas encore effective début 2013. Elle a enfin tardé à diagnostiquer, puis à signaler au conseil d’administration, l’extrême précarité de la situation économique et financière de l’entreprise depuis septembre 2011. 

Pour l’assister, la direction dispose pourtant, depuis 2007, de l’appui technique de Kéolis non seulement en qualité d’actionnaire, mais également de prestataire de service. Les caractéristiques du contrat d’assistance technique, y compris tarifaires, ont été arrêtées par le département lorsque Kéolis a été retenu comme actionnaire industriel, soit bien avant la création de la SEM. Les dispositions essentielles de ce contrat ont donc été imposées aux dirigeants de la SEM. De même, le choix du prestataire a été décidé en même temps que la désignation de l’actionnaire privé, la convention d’assistance technique étant explicitement présentée comme le mode de rémunération des apports en capital dans la délibération afférente de l’assemblée départementale. 

Pour faire face aux besoins de trésorerie les plus immédiats de la SEM et éviter un dépôt de bilan, le département de l’Isère a décidé, en juin 2013, d’apporter une avance en compte courant de 5 M€. Il s’est par ailleurs engagé à recapitaliser la SEM, en 2014 et en 2015, à hauteur de 5,4 M€, dont 4,35 M€ à sa charge, de sorte que le montant total investi par le département dans la SEM depuis sa création devrait atteindre près de 15 M€. 

Si ces mesures garantissent la continuité de l’exploitation à court terme, elles ne sont pas suffisantes pour assurer la pérennité à long terme des VFD. En effet, le redressement durable de l’entreprise implique, d’une part, de réduire significativement les coûts d’exploitation, dont en particulier ceux liés frais de personnel et au coût de l’assistance technique, et d’autre part, de diversifier progressivement le portefeuille clients. Un infléchissement des contraintes de gestion actuellement imposées par les deux principaux actionnaires est donc indispensable. 

A la fin de l’été 2013, le département a demandé à la SEM « de prendre toutes les mesures indispensables à son redressement et à la réduction de ses coûts de revient, y compris sur le statut et les avantages particuliers ».Dans ce contexte, le nouveau directeur général, nommé en avril 2013, a indiqué que les trente suppressions de postes initialement prévues dans le plan de redressement élaboré en décembre 2012, seraient portées à soixante-dix postes, soit un peu plus de 15 % des emplois de l’entreprise.

 

                                                                           RECOMMANDATIONS

Recommandations de court terme relatives à la pérennité de la société 

Recommandation n°1 :Adopter immédiatement une gestion de crise dans laquelle les arbitrages seront arrêtés en fonction du seul objectif de continuité de l’exploitation et de préservation d’un maximum d’emplois, ne retenir en particulier que les investissements absolument indispensables à court terme pour ménager la trésorerie très diminuée de l’entreprise. 

Recommandation n°2 :Parallèlement aux projets d’augmentation du capital en cours d’examen par les actionnaires, étudier les modalités de mise sous sauvegarde ou de redressement judiciaire, afin de faciliter, le cas échéant, l’arrivée de nouveaux investisseurs. 

Recommandations sur la gouvernance et les relations avec les actionnaires 

Recommandation n°3 :Ouvrir des négociations avec le département pour réformer la convention de mise à disposition du matériel roulant et pour amodier la charte de partenariat conclue en 2011. 

Recommandation n°4 :Revoir le contenu et le suivi du contrat d’assistance technique conclu avec Kéolis et,  pour l’avenir, réviser les modalités de mise en concurrence,  prévoir des obligations de moyens opposables, voire des obligations de résultats assorties de pénalités en cas de non réalisation des objectifs. 

Recommandation n°5 :Rendre explicite les modalités de rémunération des apports en capitaux privés et négocier le taux cible de rentabilité desdits apports, au besoin par le biais de dividendes préciputaires. 

Recommandations sur la gestion de la SEM 

Recommandation n°6 :Mettre en place, sans plus tarder, un système de comptabilité analytique permettant de dégager un résultat par ligne et par centre, indispensable au pilotage de l’entreprise. 

Recommandation n°7 :Accélérer le recentrage de la politique commerciale sur le cœur de métier, en retenant pour orientation stratégique de long terme une plus grande diversification du portefeuille clients. 

Recommandation n°8 :Enregistrer des provisions pour couvrir, d’une part, les engagements liés aux retraites des salariés issus de l’ancienne régie, et d’autre part, les indemnités de départ anticipé dont sont susceptibles de bénéficier les cadres dirigeants de l’ancienne régie, en cas de rupture de leur contrat de travail à l’initiative de l’entreprise. 

Recommandation n°9 :Remplacer les comités spécialisés par un comité responsable de l’éthique et des rémunérations, pour veiller à la qualité des procédures de recrutement et pour garantir la cohérence des rémunérations et des avantages en nature accordés en particulier aux dirigeants.

 

 

 

 

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