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Société de financement et d'investissement de la province Nord (Sofinor) (Nouvelle-Calédonie)

CTC NOUVELLE-CALÉDONIE

Rapport d'observations définitives - La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a examiné la gestion de la société d'économie mixte Société de financement et d'Investissement de la province Nord (Sofinor) pour les exercices 2013 à 2018 - Le rapport figure ci-dessous en quatre tomes.

SYNTHÈSE
Recentrée sur son activité minière et métallurgique depuis octobre 2014, la SOFINOR est une société d’économie mixte créée par la province Nord qui se présente sous la forme d’un groupe composé de trois paliers : le premier est la société mère, société holding SOFINOR, le deuxième est composé des deux branches de la SOFINOR portées chacune par une société holding, la SMSP et la NORDIL, et un troisième constitué par les participations de la SMSP et de la NORDIL : usine du Nord (KNS), usine de Corée du Sud (SNNC), mines chargées d’approvisionner cette dernière (NMC), SCI THYLACINE, société COTRANSMINE et STCPI, cette dernière intervenant de façon minoritaire dans le capital de la SLN et d’ERAMET.

LA STRATEGIE DE LA SOCIETE
La doctrine nickel : un socle stratégique de nature essentiellement politique
La société revendique l’ancrage de sa stratégie industrielle dans le cadre de la doctrine nickel portée par la province Nord. Cette doctrine, adoptée par le FLNKS en janvier 2015 repose sur trois axes principaux : la maîtrise de la ressource, l’arrêt des exportations de minerai brut (sauf pour les entreprises calédoniennes offshore) et la volonté de parvenir à obtenir que la STCPI devienne majoritaire à 51 % dans la SLN. Un groupe industriel de la taille de celui de la SOFINOR qui se revendique figurer parmi les premiers producteurs de nickel mondiaux s’adosse à un socle stratégique de nature essentiellement politique, non défini dans ses attendus exacts ni dans ses modalités pratiques.

La stratégie on shore et offshore : des attentes financières différentes
La SOFINOR fait reposer sa stratégie industrielle sur la complémentarité des filières (mines et usines) mobilisées par ses filiales, l’objectif étant d’offrir un débouché métallurgique à la ressource minière calédonienne quelle qu’en soit la teneur. Le minerai de haute teneur (2,30 %) est traité par l’usine du Nord de Koniambo dont la SOFINOR attend un retour financier sous la forme de distribution de dividendes, d’emplois locaux et d’impacts économiques sur les entreprises par le recours à la sous-traitance. Pour les teneurs plus faibles non exploitables localement, la SOFINOR a bâti son partenariat avec POSCO pour offrir un débouché au minerai d’une teneur moyenne de 1,95 %. La SOFINOR cherche à valoriser les teneurs moyennes de 1,65 % dans le cadre de la stratégie offshore qu’elle développe en Chine avec la société YICHUAN. Outre les retours financiers générés par les modèles offshore en termes de dividendes et d’économies sur les coûts intermédiaires, la SOFINOR justifie cette stratégie en raison du vieillissement des mines qui entraîne une baisse progressive de la teneur et donc un volume croissant de minerai inexploitable localement.

La limitation des exportations de minerai brut vers des entreprises non détenues par des intérêts calédoniens
Considérant que le retour de la valeur ajoutée est plus important que la seule vente du minerai, la société revendique qu’il est dans l’intérêt du pays d’orienter les exportations de minerais bruts des mineurs calédoniens vers la Corée, mais plus généralement vers les entreprises détenues majoritairement par des intérêts calédoniens. Ce modèle doit être tempéré. D’une part, il n’intègre pas suffisamment le poids des coûts d’exploitation et des charges d’investissement nécessairement lourds dans le cadre d’une installation industrielle. Certes le modèle imbriqué de la mine et de l’usine aboutit à un retour financier supérieur à la seule vente du minerai brut. Mais les niveaux de retour exposés par la SOFINOR ne sont pas convaincants. D’autre part, le modèle est porteur d’un risque de dépendance des petits mineurs qui ont développé des relations commerciales stables avec leur propre clientèle. En cas de nécessité d’orienter à la baisse les flux d’approvisionnement de minerai vers les usines, le risque est que la variable d’ajustement se réalise sur eux.

La participation majoritaire dans les usines métallurgiques
La stratégie industrielle de la SOFINOR consiste dans la prise de participation majoritaire au capital des sociétés minières et métallurgiques. Si cette stratégie est à l’oeuvre dans sa branche
« SMSP », elle n’est pas effective dans la branche « NORDIL » qui conduit jusqu’à la SLN. Si l’objectif de devenir majoritaire dans le capital de la SLN est revendiqué publiquement par son actionnaire public, la province Nord, en cohérence avec son positionnement politique, la société, en revanche, n’affiche pas cet objectif publiquement. La SAS STCPI et la NORDIL ont pris position officiellement sur le sujet en 2008 plaidant pour une détention majoritaire du capital de la SLN par les intérêts calédoniens.

Lorsqu’il s’est agi de faciliter les modalités de mise en place d’une aide que l’Etat se proposait de mettre à la disposition de la SLN en 2015, la SOFINOR a refusé de valider le dispositif juridique qui aurait pu la permettre en refusant de donner son accord à l’arrivée de l’APE en qualité de nouvel actionnaire de la STCPI. La SOFINOR s’est appuyée sur une délibération de l’assemblée de la province Nord, l’appelant à voter dans ce sens. Au total, la SOFINOR n’a pas été en mesure, à travers la NORDIL et la STCPI, de jouer son rôle d’actionnaire au moment où la SLN a rencontré des difficultés.

Une stratégie peu formalisée et un volet prospectif peu transparent
Des points sont régulièrement effectués par la direction générale auprès des administrateurs sur la situation de chaque filiale du groupe ; ils concernent tous des points d’actualité auxquels les filiales ou la société mère étaient exposés au moment de leur examen. Au vu de l’ampleur des partenariats engageant le groupe dans des installations industrielles lourdes et à l’étranger à l’avenir, la société devrait se ménager un moment pour faire le point sur les objectifs attendus des partenariats, les difficultés éventuellement rencontrées, l’évaluation du projet dans le calendrier et les résultats.

Les décisions stratégiques ont été prises dans une période ancienne, entre 2007 et 2011, et elles n’ont été formalisées que dans les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration.
L’appréhension de la stratégie globale du groupe est en conséquence malaisée. L’absence de formalisation dans un document synthétique qui retracerait les objectifs attendus, les moyens mis en oeuvre, l’agenda du projet, les indicateurs de suivi du projet, complique tout suivi de la stratégie industrielle de la société.

L’examen de ces procès-verbaux révèle le caractère insuffisamment développé du volet prospectif de la stratégie. Le conseil d’administration n’est sollicité par la direction générale pour l’adoption d’un projet qu’en phase quasiment finale. La direction générale doit se montrer plus transparente vis- à- vis de son conseil d’administration dans le volet prospectif des projets qu’elle développe. La sollicitation tardive ou superficielle des administrateurs contrevient au rôle du conseil d’administration chargé par la loi et les statuts de fixer les orientations stratégiques de la société. De plus, compte-tenu des risques financiers que la stratégie de développement à l’international pourrait fait courir à la société, des demandes récentes de soutien financier effectuées par la SOFINOR auprès de la province Nord et de la mobilisation par cette dernière d’une enveloppe financière conséquente (6,2 Md F CFP), la transparence sur les grandes orientations stratégiques à venir est une urgence.

LES LIMITES A LA STRATEGIE DU GROUPE
La participation majoritaire au capital sans incidence sur la gouvernance des entreprises
La participation majoritaire au capital des co-entreprises KNS, NMC et SNNC ne donne pas lieu à l’attribution d’un droit de vote proportionnel dans les instances directionnelles du groupe. Les droits de vote dans les co-entreprises sont organisés de façon égalitaire. Etre majoritaire au capital de ces entreprises n’implique pas un pouvoir de décision prépondérant. De plus, le choix du président de l’usine du Nord et de l’usine de Corée reste sous le contrôle de l’actionnaire minoritaire en vertu des engagements souscrits dans le cadre des pactes d’actionnaires.

Le financeur est le décideur
Les multinationales partenaires de la SOFINOR disposent seules des moyens financiers non seulement pour financer la construction des usines mais également les investissements et dépenses d’exploitation des installations en l’absence de flux de trésorerie suffisants dégagés par ces dernières. Si GLENCORE et POSCO ne détiennent que 49 % du capital social, leurs apports en industrie par la mobilisation d’équipes maîtrisant les savoir-faire et la maintenance des usines et leurs apports financiers leur confèrent une position de décideur. L’exemple de la reconstruction du four n°2 de l’usine du Nord est révélatrice.

L’usine du Nord : un retour financier prioritairement affecté à l’actionnaire minoritaire
Au 31 décembre 2018, le coût total de l’usine du Nord s’élève à 11,1 Md USD ; ce montant inclut la dette senior destinée à couvrir le financement de la centrale thermique pour 610 M USD et la dette junior qui finance la construction et la montée en puissance de l’usine pour un montant de 10,490 Md USD. GLENCORE ayant pris en charge la dette junior à hauteur de 96,2 % de son montant, c’est à cet actionnaire minoritaire (donc GLENCORE) que l’usine va devoir consacrer l’essentiel du remboursement de la dette.

La SMSP ayant souhaité pouvoir bénéficier d’une partie des retours financiers d’une usine dont le cash-flow attendu était estimé à environ 1,1 Md USD par an, les parties ont renégocié le plan de financement prévoyant la possibilité (mais non l’obligation) pour la SMSP de participer au financement de la dette junior et ainsi bénéficier des remboursements par l’usine, sur ses flux de trésorerie, de la dette en capital et en intérêts. La SMSP a alors contracté plusieurs emprunts en 2008 et 2011. Les objectifs de retours financiers étaient établis sur la double hypothèse que l’usine allait être en capacité de produire dans les délais initialement prévus, au niveau de production prévu (60 000 tonnes) et que la vente de ferronickel apporterait un chiffre d’affaires calculé en fonction de deux hypothèses hautes de cours du LME (à 7 USD/Lb et à 9 USD/Lb). Il était risqué de prendre une telle décision sur la considération de deux
inconnues dont la société n’avait pas la maîtrise : la capacité de l’usine du Nord d’être opérationnelle dans les délais donnés et au niveau de production envisagé et la capacité de l’usine de Corée de générer un tel niveau de dividendes dès les premières années de sa mise en route.

La baisse des cours du nickel au LME et les niveaux de production de l’usine, handicapée par une série de problèmes techniques, n’ont pas permis de dégager les flux de trésorerie permettant à la société de rééquilibrer sa part dans le montage financier de l’usine. La tentative de la SMSP, validée par la SOFINOR, de rééquilibrer à son avantage le montage financier de la construction de l’usine du Nord s’est traduite par un endettement important, l’absence de retour financier immédiat et n’a pas changé la structure même du modèle financier : les retours financiers de l’usine du Nord, lorsqu’elle sera en capacité de dégager des flux de trésorerie, seront absorbés avant tout par l’actionnaire minoritaire.

Les risques financiers associés au montage du partenariat offshore en Corée
Le projet coréen repose sur un modèle économique où la mine paie une grande partie de l’usine, libérant une marge de manoeuvre financière pour une distribution de dividendes aux deux actionnaires (51 % pour la SMSP et 49 % pour POSCO). Le pacte d’actionnaires prévoit un système de participation croisée dans lequel la participation de la SMSP au capital de l’usine est payée par la participation de POSCO dans la mine, le différentiel étant pris en charge par l’emprunt. Ce système dans lequel aucun des partenaires n’est finalement financièrement plus engagé que l’autre dans le financement de l’usine a permis à cette dernière de verser à ses actionnaires des dividendes pour un montant proportionnel à leur participation au capital.

L’équilibre du montage financier initial va être rompu lorsque POSCO demande à la filiale de la SOFINOR, la SMSP, son accord pour ouvrir une deuxième ligne de production, financée par l’emprunt. L’usine dégageant suffisamment de flux de trésorerie, cet investissement ne se traduira pas par un déséquilibre financier de l’entreprise. En revanche, cette décision va peser sur l’équilibre financier de la mine (NMC) qui s’endette à hauteur de 178 M USD auprès d’une banque coréenne Export Import afin d’investir dans les matériels et travaux lui permettant d’accroître sa capacité de production pour approvisionner l’usine d’une capacité supplémentaire de 24 000 tonnes. Les organismes qui ont accordé les prêts en soutien à sa trésorerie, parmi lesquels POSCO, ont souhaité garantir leur financement en mobilisant le cautionnement des actionnaires. NMC, du fait de ses difficultés de trésorerie croissantes, va s’endetter davantage, mobilisant un surcroît de garanties. Cette situation va progressivement se traduire par le nantissement par la SMSP de l’intégralité de ses participations au sein de NMC et de SNNC au bénéfice de POSCO, de l’AFD et de la BPCE/BRED. Outre les risques sur le maintien du niveau de participation majoritaire de la SMSP dans le capital de NMC et SNNC, in fine, ces nantissements se traduisent par un engagement hors bilan implicite pour la province Nord qui ne saurait accepter, en cas d’impossibilité pour NMC de rembourser ses prêts et de la SOFINOR et de la SMSP de les prendre en charge, que les participations passent au partenaire coréen y compris sur les mines situées en Nouvelle-Calédonie.

L’absence de minerai en quantité et qualité suffisantes : une limite à la stratégie de développement industriel de la société
En l’absence de disponibilités financières suffisantes pour réaliser ses projets industriels, la stratégie de la SOFINOR consiste à utiliser le minerai comme contrepartie en nature pour la mise en place des partenariats. Mais désormais, en raison du caractère limité de ses disponibilités en matière de ressources naturelles, la stratégie de développement offshore défendue par la SOFINOR est limitée par l’absence de minerai en quotité et qualité suffisantes.

Cela n’a pourtant pas empêché la SOFINOR et sa filiale de s’engager dès 2011 sur l’ouverture d’une seconde ligne de production en Corée pour atteindre 54 000 tonnes de production en ferronickel. Cette décision va non seulement provoquer l’endettement massif de NMC, mais va également avoir pour conséquence de mobiliser l’ensemble des mineurs de l’île pour compléter l’approvisionnement de l’usine. En 2018, NMC est parvenue à augmenter sa production en la portant à 3,2 millions de tonnes, sans pourtant être parvenue à assurer l’intégralité de l’approvisionnement de l’usine par elle-même, même si la part du minerai achetée aux autres mineurs a fortement décru.

En 2011, le groupe SOFINOR/SMSP avait signé un accord avec la société chinoise JINCHUAN afin de construire une usine hydro-métallurgique en Chine. Ce projet, prorogé durant quatre années, n’a pu voir le jour, la société s’étant engagée à apporter des titres miniers en province Sud dont elle ne disposait pas.

Depuis 2017, la société est engagée dans un autre partenariat, avec l’entreprise chinoise YICHUAN qui dispose d’une usine déjà existante pour laquelle le groupe SOFINOR/SMSP s’est engagé à fournir 600 000 tonnes par an en contrepartie d’une entrée au capital à hauteur de 51 %. Elle est de nouveau engagée sur une quotité dont elle sait qu’elle ne pourra la fournir avec les seules mines de NMC. La société compte sur l’aboutissement favorable des discussions engagées avec la SLN pour sécuriser un volume suffisant de minerai à envoyer en Chine. Les négociations étaient encore en cours au moment où la chambre termine son contrôle.

LES RESULTATS CONTRASTES DE L’ACTIVITE DU GROUPE
Des résultats en demi-teinte pour l’usine du Nord
L’usine du Nord contribue au développement économique de la province Nord par les emplois créés et le recours à la sous-traitance. KNS emploie en 2018 947 salariés, auxquels s’ajoutent
512 emplois indirects. Le groupe SOFINOR/SMSP indique que les retombées cumulées de l’usine du Nord au 31 décembre 2018 sont de 445 Md F CFP. L’usine connait cependant un dérapage important dans ses coûts de production, notamment en raison des avaries techniques affectant la centrale et les fours. En 2004, les coûts du projet étaient estimés à 2 Md USD. Au final, ils s’établissent à 11 Md USD au 31 décembre 2018. Construite pour être en capacité de produire 60 000 tonnes annuelles, la production totale de l’usine en 2018 est de 28 269 tonnes. Les niveaux de teneur restent également en dessous des attentes. La teneur initialement prévue à 2,50 % donne lieu à une évaluation à la baisse avec des teneurs moyennes de
2,30 %.

Une usine en Corée performante mais adossée à des mines vieillissantes et une société minière en difficulté
Les mines de NMC sont vieillissantes. Le rachat de ces mines par la SMSP au début des années 1990 leur a donné une deuxième vie pour l’exportation des moyennes teneurs essentiellement vers les marchés japonais. Transférées dans le patrimoine de NMC, elles connaissent donc une troisième vie dans le cadre du partenariat avec POSCO. Du fait de ses difficultés financières, NMC a tout au long de la période, cherché à baisser ses coûts de production. Elle a également fait des économies sur les sondages d’exploration alors que ce type de sondage permet de faire vivre la mine en préparant l’exploitation ultérieure. NMC est confrontée à une situation d’endettement préoccupante avec des dettes d’un montant de 23,5 Md F CFP au 31 décembre 2018.

L’usine de Corée dispose d’une capacité équivalente de production à l’usine du Nord mais a été construite en 11 mois pour la première ligne et un an pour la deuxième ligne et à moindre coût : 350 M USD pour la première ligne et 450 M USD pour la deuxième ligne contre 11 Md USD pour l’usine du Nord. Avec un chiffre d’affaires de 60,3 Md F CFP et un EBITDA de 6,5 Md F CFP, la SNNC a réalisé une marge de 11 % en 2018.

L’ENDETTEMENT DU GROUPE SOFINOR
L’endettement généralisé des sociétés du groupe à un niveau supérieur au PIB de la Nouvelle-Calédonie
Le groupe SOFINOR, au 31 décembre 2018, est endetté à hauteur de 1 252 Md F CFP1, soit un niveau supérieur de 20 % au PIB de la Nouvelle-Calédonie d’alors. Cet endettement est composé à 93,85 % de la dette de KNS.

L’endettement du groupe a connu une forte hausse sur la période sous revue avec une augmentation de 66,33 % entre 2013 (752,9 Md F CFP) et 2018 (1 252 Md F CFP). L’augmentation est
principalement due à la dette de l’usine du Nord (KNS) qui a évolué de 67 % entre 2013 et 2018, de 703,4 Md F CFP à 1 252,3 Md F CFP. Elle est également due à l’envolée de la dette de NMC qui a augmenté de 1 400 % passant de 1,5 Md F CFP à 23,5 Md F CFP ainsi qu’à la hausse de la dette de l’usine de Corée de 106,57 % de 13,4 Md F CFP à 27,8 Md F CFP.

L’endettement de la SOFINOR à l’égard de la province Nord : l’octroi irrégulière d’une enveloppe de 5,2 Md F CFP
La dette de la SOFINOR se compose à 99,2 % de sa dette à l’égard de la province Nord constituée de deux avances en 2016 pour 1,2 Md F CFP et 5,2 Md F CFP. En 2016, la SOFINOR a
informé le président de la province Nord de l’impossibilité pour la SMSP de faire face à ses engagements de remboursement des prêts bancaires (dette junior) pour 2016 à 2019 et à ses charges opérationnelles courantes. Par délibération du 19 février 2016, la province Nord a alors accordé une avance en compte courant d’associé à la SOFINOR pour un montant de 1,2 Md F CFP.

La SMSP, la SOFINOR et les créanciers de la SMSP (BPCE/BRED et AFD) s’étaient engagés en 2015 et 2016 dans des négociations pour préparer la restructuration de la dette de la SMSP contractée pour la participation à la dette junior. Les créanciers ont demandé à la province Nord de soutenir financièrement la SMSP à hauteur de 11 M EUR par an jusqu’en 2020. La province Nord a alors voté une délibération le 19 août 2016 validant l’engagement à soutenir financièrement la SMSP, ce qui s’est traduit quatre mois après par une nouvelle délibération du 21 décembre 2016 accordant à la SOFINOR un « prêt » de 5,2 Md F CFP. Cette délibération est suivie par la signature le 21 décembre 2016 par la SOFINOR et la province Nord d’une convention prévoyant le remboursement de cette enveloppe sur 15 ans. La province Nord a qualifié cette enveloppe de 5,2 Md F CFP de « prêt » et non d’« avance ». Dans la mesure où la loi interdit l’octroi d’une nouvelle avance lorsque la première n’a pas été remboursée – ce qui était le cas en l’espèce de l’avance de 1,2 Md F CFP -, la province Nord décide d’asseoir l’octroi
de cette enveloppe sur l’article 11 du code de développement qui prévoit l’attribution par la province Nord de prêts aux entreprises en difficulté. Or, c’est de façon irrégulière que l’article 11 du code de développement de la province Nord prévoit le soutien financier aux entreprises en difficulté dans la mesure où la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie limite les aides des provinces au périmètre de la création, développement et reconversion des entreprises.

Dès lors, la SOFINOR doit rembourser dès cette année l’avance de 1,2 Md F CFP à la province Nord afin de pouvoir continuer à bénéficier de l’enveloppe de 5,2 Md F CFP, cette dernière devant être remboursée dans le délai de 3 ans prévu par la loi et non de 15 ans comme prévu dans la convention.

Les avances intergroupe : le soutien constant de la SOFINOR à la SMSP et de la SMSP à COTRANSMINE
Afin d’aider la SMSP, la SOFINOR a procédé à des avances en compte courant en 2015, 2016 et 2017. La SMSP reste encore redevable à l’égard de la société mère à hauteur de 3,8 Md F CFP au 31 décembre 2018.

La SMSP a, elle, avancé 397,4 MF CFP à sa filiale à 100 % COTRANSMINE. Ces apports étaient destinés à financer les investissements que cette société de chalandise (qui ne travaille qu’avec la société NMC) a dû mettre en place pour faire face au doublement de la capacité de production de NMC en lien avec l’ouverture de la seconde ligne de l’usine de Corée. L’effort financier n’a finalement reposé que sur la SMSP alors que ces investissements ont bénéficié à NMC et SNNC toutes deux codétenues par la SMSP certes mais également par POSCO. Maintenir cette activité en dehors de NMC génère des frais commerciaux entre les deux entreprises. Les investissements de l’une (COTRANSMINE) sont pris en charge par l’autre (SMSP) et bénéficient à une autre société (NMC) pourtant codétenue avec POSCO ; cela génère le risque d’une mobilisation par la SMSP d’autres sociétés du groupe pour venir en soutien
à COTRANSMINE. Il est donc recommandé à la SOFINOR d’internaliser l’activité de chalandage au sein de la société NMC.

LA GOUVERNANCE DU GROUPE
Une participation excessive de la province Nord dans l’actionnariat de la SOFINOR

De jure, la province Nord est présente dans le capital de la SOFINOR au niveau maximum prévu par la loi de 85 %. De facto cependant, la province Nord dépasse ce niveau de participation de 85 % en combinant son intervention directe et son intervention indirecte via les quatre SEM territoriales actionnaires de la SOFINOR. La participation privée au capital de la SOFINOR est non seulement largement artificielle dans la mesure où le partenariat privé est constitué exclusivement par des SEM mais il est, de surcroit, porteur d’un détournement de l’esprit de la loi qui vise à cantonner l’actionnaire public à un maximum de 85 %.

Une concentration des pouvoirs du directeur général
M. DANG, directeur général de la SOFINOR exerce des responsabilités de direction à quasiment tous les étages du groupe : il était jusqu’au 9 janvier 2020 le président-directeur général de la filiale SMSP ; il est également le gérant de la Société de OUACO ainsi que de la SCI THYLACINE ; il exerce les fonctions de président de la SAS COTRANSMINE pour le compte de la SMSP ; longtemps également directeur général de cette SAS, M. DANG a été remplacé dans ces fonctions par M. Karl THERBY ; par ailleurs, il a exercé la présidence de NMC jusqu’à fin 2013 avant d’être remplacé par M. Didier VENTURA et il a présidé la SAS STCPI jusqu’au 2 mai 2018.

Cette situation n’est pas irrégulière en tant que telle mais elle pose des problèmes de conflits d’intérêts potentiels quand l’intérêt d’une société ne rencontre pas nécessairement celui d’une autre, comme ce fut par exemple cas lorsque la SCI THYLACINE a avancé 423 MF CFP à la société COTRANSMINE ou lorsque M. DANG participe seul aux assemblées des sociétés de OUACO et THYLACINE. Cette situation paralyse partiellement l’efficacité du dispositif d’autorisation des conventions réglementées destinées à prévenir les situations de conflit d’intérêts.
M. DANG n’est pas rémunéré pour ses fonctions de directeur général de la SOFINOR. En revanche, il a perçu jusqu’à la fin de l’année 2018 une rémunération pour ses fonctions de PDG de la
SMSP et il s’est vu attribuer, en 1995, 8 % des actions de la SMSP qu’il a cédées à ses enfants en 2011.

Le palier SOFINOR/NORDIL/STCPI : l’empilement de sociétés holding emboitées les unes dans les autres dans le cadre d’une gouvernance inefficace
La représentation de la province Nord au capital de la SLN et d’ERAMET s’effectue de façon indirecte par le truchement de la SOFINOR qui intervient pour 75 % au capital de la holding la
SAS NORDIL, avec la SODIL (25 %) représentante de la province des Iles. La SAS NORDIL, avec PROMOSUD, intervient pour 50 % dans le capital de la SAS STCPI, société de portage des participations provinciales au sein de la SLN et d’ERAMET. La STCPI dispose de 34 % du capital de la SLN et de 4 % du capital d’ERAMET.

Ce schéma à triple détente organisé par des accords politiques signés en 1999 et 2000 encadre les modalités de désignation des administrateurs représentant les intérêts calédoniens dans le conseil d’administration de la SLN et d’ERAMET.

Ce schéma lourd se traduit par l’intervention de la SOFINOR et de sa filiale, la SAS NORDIL, comme « fabrique à proposer des noms d’administrateurs ». La SOFINOR et sa filiale NORDIL ne
peuvent sortir de ce rôle de proposition d’administrateurs. Aucune organisation n’intervient en amont des réunions de la SLN pour préparer les positions des administrateurs et aucun circuit d’information n’existe en aval de ces réunions.

La SOFINOR n’intervient pas en tant qu’actionnaire et n’investit donc pas le sujet autrement que par des débats de personnes ; la NORDIL n’apporte aucune valeur ajoutée et ajoute au contraire un écran supplémentaire compliquant le rapprochement qui devrait exister entre la SOFINOR et la STCPI. Les administrateurs qui siègent in fine au conseil d’administration de la SLN ne sont ni indépendants du fait des modalités particulières de leur désignation ni en représentation véritablement organisée des intérêts des sociétés qui les désignent. Ce schéma d’organisation conçu il y a près de vingt ans se caractérise par sa lourdeur et son inefficacité ce qui plaide pour une clarification.

Le palier SOFINOR/SMSP : deux sociétés pour le même périmètre
Depuis la création de la SOFINOR en 1990 et l’achat de la SMSP la même année, les deux sociétés ont longtemps évolué dans des périmètres complémentaires : société holding pour l’une (la SOFINOR), opérationnelle pour l’autre, la mère était chargée de réinvestir les ressources financières de la fille, issues du nickel, pour assurer la diversification économique du territoire de la province Nord.  L’évolution du modèle économique du pôle minier de la SOFINOR de la mine à la métallurgie s’est traduite par un premier rapprochement de la mère et de la fille en 2007 : avec l’apport de son domaine minier à la société NMC, la SMSP devenait à son tour une holding, comme la mère. La deuxième évolution du modèle économique est intervenue au niveau de la mère : elle est devenue en 2014 une holding purement minière et métallurgique consacrant ainsi la fusion entre la nature juridique de l’une et l’autre (sociétés de portefeuille) et le secteur d’intervention (le nickel). Ce rapprochement entre les deux sociétés désormais sur le même périmètre et intervenant avec les mêmes outils s’illustre dans la composition même du
conseil d’administration de la SOFINOR et de la SMSP sur la période sous contrôle : jusqu’aux dernières élections provinciales, les deux sociétés ont eu les mêmes administrateurs.
Le maintien de la mère et de la fille au sein de deux entités distinctes présente le risque de dévoiement de la logique qui préside à l’économie mixte et des contrôles qui doivent accompagner les SEM. Les deux sociétés déclinent de la même façon le même objet social avec les mêmes outils (ceux d’une holding). Le fait que la SOFINOR, contrairement à la SMSP, exerce des missions consistant à administrer « la branche NORDIL » pour reprendre la terminologie de la société doit être relativisé. En effet, au vu du rôle très contraint de la SOFINOR au sein de cette « branche », il ne peut être considéré que la SOFINOR joue un rôle quelconque dans la vie sociale de la SLN et d’ERAMET via le truchement de la NORDIL et de la STCPI. Le rapprochement de la SOFINOR et de la SMSP se traduit par le maintien artificiel de deux sociétés dont l’une est transparente par rapport à l’autre. Outre les questions de régularité que pourrait soulever l’exécution par une société anonyme de l’intégralité de l’objet social de la SEM, cette situation pose des questions relatives à la transparence du système ainsi mis en place.

Le principe qui préside à l’économie mixte est que la collectivité actionnaire est tenue informée de l’activité de sa société mais est également sollicitée en amont des décisions importantes dont notamment les prises de participation au capital de sociétés commerciales qui doivent faire l’objet d’une autorisation préalable de l’assemblée plénière de la collectivité actionnaire. Les prises de participation ne s’opérant pas au niveau de la SOFINOR mais au palier en dessous, de la SMSP, la province Nord n’est donc pas appelée à se prononcer sur les prises de participation d’une société fille transparente par rapport à la société mère qui elle est soumise au contrôle de la collectivité. Ce système prive les élus de l’assemblée de la province Nord de tout contrôle sur la stratégie de prise de participation notamment à l’étranger dans le cadre de la stratégie offshore. Non autorisées par l’assemblée de la province Nord, ces stratégies industrielles donnent cependant lieu à des risques financiers qui peuvent conduire la province Nord à devoir mobiliser des enveloppes financières conséquentes à la demande des créanciers de la SMSP. Opaques pour l’actionnaire public de référence, ces décisions prises à l’étage en dessous de la société mère, le sont également pour le contrôle de légalité.

Il en résulte une absence de protection des élus de la province Nord membres du conseil d’administration de la SMSP. Ils ne bénéficient pas du régime de protection prévu par le code général des collectivités territoriales pour les élus membres du conseil d’administration d’une SEM, s’exposant ainsi à des risques de se trouver en situation potentiellement qualifiables pénalement de prise illégale d’intérêt.

La gouvernance du groupe SOFINOR est fruit d’une histoire mais en raison de l’évolution du modèle économique et du périmètre d’intervention de la société mère et de la société fille, ce schéma doit être rationalisé. Les décisions stratégiques se prennent non pas au niveau de la SOFINOR mais bien au palier constitué de la SMSP. La SOFINOR est devenue une société écran entre la province Nord et sa filiale.

En raison de ces inconvénients liés à l’opacité pour l’assemblée délibérante de l’actionnaire public et le contrôle de légalité des décisions prises à l’échelon en dessous de la SEM, et au vu des risques financiers conséquents encourus par l’actionnaire public dans le développement des projets offshore, il est recommandé à la SOFINOR d’absorber la SMSP.

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