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Les gares ferroviaires de voyageurs

COUR DES COMPTES En images (1)

Si les gares existent depuis la création des chemins de fer, leur gestion n’est considérée comme une activité propre que depuis la loi du 8 décembre 2009 et la création consécutive de SNCF Gares et Connexions. Dans un contexte d’ouverture à la concurrence, l’entité est devenue au 1er janvier 2020 une société anonyme, filiale de SNCF Réseau, qui exploite les 3 017 gares du territoire métropolitain.
Cohérent avec les caractéristiques de ce dernier, le maillage du réseau offre aux usagers une assez bonne proximité du service public ferroviaire. Cependant, l’offre de service gagnerait à être mieux définie, et la qualité du service rendu améliorée. De plus, le modèle économique de SNCF Gares et Connexions, complexe et favorable aux transporteurs, ne lui permet pas de faire face à ses besoins d’investissements. En conséquence, l’entreprise se trouve aujourd’hui dans une impasse financière qui appelle une réaction de l’État. La Cour formule cinq recommandations visant à remédier aux insuffisances identifiées en matière d’offre et de qualité de service, et à adapter le modèle économique du gestionnaire des gares.

Une offre de services mal définie et une qualité de service à améliorer

Les gares gérées par SNCF Gares et Connexions sont d’importance variable, des grandes gares parisennes, qui ont accueilli 5,5 M de voyageurs en 2018, aux 551 gares qui en ont accueilli moins de 3 650.

L’organisation existante souffre de trois faiblesses. Tout d’abord, le classement des gares en trois catégories (d’intérêt national, d’intérêt régional et d’intérêt local) traduit imparfaitement la spécificité des gares de chaque catégorie au regard leur activité, ce qui nuit notamment à la cohérence de la tarification. De plus, il n’existe aucun cahier des charges fixant la teneur et le niveau des services que Gares et Connexions doit offrir dans chaque catégorie de gares. De ce fait, l’offre effectivement proposée est très variable entre gares de même catégorie. Enfin, la qualité des services offerts par Gares et Connexions est prise en compte à travers des indicateurs en nombre limité, des objectifs peu contraignants et des incitations financières trop faibles. Ainsi, en 2019, les malus subis par Gares et Connexions à ce titre n’ont représenté que 325 500 €, soit 0,045 % des redevances perçues par l’entreprise.  

Un modèle économique complexe et peu lisible pour les transporteurs  

Le modèle économique de Gares et Connexions repose sur deux types de ressources : des ressources dites « régulées », correspondant aux redevances versées par les transporteurs ferroviaires pour chaque départ de train et dont le montant est fixé sous le contrôle de l’Autorité de régulation des transports (737 M€ de chiffre d’affaires en 2019) ; des activités dites « non régulées », constituées pour l’essentiel par l’attribution de concessions commerciales dans les gares (394 M€ de chiffre d’affaires en 2019). Ce modèle économique est censé permettre à l’entreprise de couvrir ses coûts d’exploitation et de financer ses investissements. Il souffre toutefois de plusieurs faiblesses qui nuisent à son efficacité.

Tout d’abord, la redevance facturée aux transporteurs varie fortement selon les régions et les catégories de gares. Cette hétérogénéité des tarifs, qui n’est pas justifiée par des différences dans les services offerts aux transporteurs, se traduit par des effets contre-productifs, en particulier pour les très grandes gares. De plus, la garantie d’une couverture de l’ensemble des charges de l’activité régulée par le produit de cette redevance n’est pas de nature à inciter SNCF Gares et Connexions à engager des efforts de productivité. Enfin, les transporteurs ne peuvent disposer d’une visibilité pluriannuelle sur l’évolution de la redevance, dont le montant a souvent fortement varié d’une année à l’autre au cours de la période récente.

Des ressources insuffisantes au regard des besoins d’investissements

En complément des subventions versées par les collectivités territoriales, la forte croissance des ressources non régulées a permis à Gares et Connexions de financer un volume d’investissements en nette hausse depuis 2014 (+ 40 %, 411 M€ en 2019). Mais les marges de progression de ces ressources sont désormais réduites, alors même que les besoins d’investissements vont continuer à croître, notamment en raison du transfert à Gares et Connexions de la gestion des quais, des passerelles d’accès et des grandes halles voyageurs depuis le 1er janvier 2020. L’entreprise prévoit ainsi d’investir plus de 1 Md€ chaque année entre 2020 et 2024.

Construit pour bénéficier aux transporteurs, le modèle actuel ne permet pas de couvrir ces besoins de financement : les transporteurs récupèrent en effet 50 % des bénéfices dégagés grâce aux activités non régulées (24 M€ reversés par Gares et Connexions en 2020), tandis que l’entreprise doit en absorber les déficits (66 M€ en 2020). Cette asymétrie limite structurellement la possibilité de dégager des ressources supplémentaires grâce aux activités non régulées. De plus, les marges de manoeuvre de l’entreprise en matière d’endettement sont faibles et le recours à des partenariats avec des financeurs privés pour financer de grands projets de développement a montré ses limites.

Au-delà d’une réforme qui viserait à adapter ce modèle économique, notamment en supprimant le mécanisme de rétrocession bénéficiant aux transporteurs, il est nécessaire que l’État assume ses responsabilités de propriétaire et mobilise les moyens budgétaires nécessaires à la modernisation des gares et au maintien en condition d’un patrimoine historique, qu’il a décidé de préserver. La négociation du contrat de performance entre l’État et l’entreprise est une occasion de définir une nouvelle stratégie pour financer le réseau des gares.

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Les gares ferroviaires de voyageurs, nos rapports en 180 secondes (ou presque)

Entre janvier et septembre 2020, la Cour des comptes s'est intéressée à la manière dont nos quelque 3 000 gares ferroviaires de voyageurs sont gérées par l'entreprise qui en a la charge, SNCF Gares et Connexions.
Ce contrôle a conduit à cinq constats.
Premier constat, le service offert dans les gares n'est pas homogène. Pourquoi ? Car il n'existe pas de cahier des charges permettant de fixer pour chaque catégorie de gare les services proposés. Faut il, par exemple, du Wi-Fi dans toutes les grandes gares ? Des consignes dans toutes les gares régionales ? Ou encore des toilettes dans toutes les gares locales ? À cela s'ajoutent des insuffisances en termes de qualité de service. S'il existe bien des indicateurs de satisfaction, les objectifs fixés sont insuffisants.
Deuxième constat, la question d'un transfert aux régions de la propriété des cars régionales et locales se pose aujourd'hui. C'est en effet l'État qui est propriétaire des gares. Mais dans ces guerres régionales et locales, ce sont les régions qui sont les premières intéressées puisqu'elles sont responsables de l'organisation du transport ferroviaire régional, c'est à dire des TER ou, en Ile de France, des Transilien. De plus, elles financent largement les investissements gares. Il est donc légitime que les régions souhaitent avoir davantage de capacités d'action pour déterminer les services offerts et le niveau de qualité de ces services.
Troisième constat, le modèle économique qui encadre les activités de Gares et Connexions doit être réexaminé. Cela concerne notamment la redevance que les transporteurs paient lorsqu'ils font partir un train. Cette tarification est aujourd'hui trop complexe et trop hétérogène. Par exemple, faire partir un train grandes lignes depuis Paris Austerlitz coûte 960 euros, contre seulement 584 euros depuis Paris gare de Lyon, de l'autre côté de la Seine. De plus, ces redevances peuvent fluctuer très fortement d'une région à l'autre et d'une année à l'autre. La révision de ce système est donc indispensable pour que les redevances soient fixés en fonction d'un cahier des charges clair et sur la base de coûts harmonisés.
Quatrième constat, Gares Connexions doit encore réduire ses coûts. Les achats et charges ont notamment progressé de plus de 3,5% par an entre 2014 et 2019, bien au delà des objectifs qui étaient fixés. Des efforts sont donc encore nécessaires.

Enfin, dernier constat, l'État doit consacrer beaucoup plus de moyens au financement des investissements dans les gares. Ces investissements sont très importants. Ils permettent de rénover les gares, de les mettre aux normes et de les moderniser. En 2019, Gares Connexions a ainsi réalisé 411 millions d'euros d'investissements. C'était déjà considérable. Mais ces investissements vont encore doublé pour atteindre un milliard d'euros en moyenne chaque année sur la période 2020 2024.

Alors, comment les financer ? D'abord par la capacité d'autofinancement de Gares et Connexions. Mais elle ne représente qu'environ 200 millions d'euros et n'est donc pas suffisante. Les autres pistes envisageables, telles que l'endettement ou le recours à des financements privés, ne suffiront pas non plus. l'État ne peut donc plus ignorer ses responsabilités de propriétaire, alors que les subventions publiques pour les gares françaises sont très faibles par rapport à d'autres pays. Ainsi, en 2019, elle était de 191 millions d'euros en France, contre 877 millions d'euros en Allemagne. 

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