Les contrastes territoriaux
Créé par la loi du 31 décembre 1970, le service public hospitalier a été décomposé en 14 missions par la loi du 21 juillet 2009 (Hôpital, patients, santé, territoires), puis remanié en 2016 par la loi Touraine sous la forme d’un « bloc d’activités » exercé exclusivement par les établissements publics et par les Espic. Le concept juridique « d’établissement de santé », posé en 1991 par la loi Évin, a introduit le principe d’obligations communes aux trois catégories d’établissements. Les modalités de financement restent cependant hétérogènes et ne traduisent toujours pas des principes clairs et stabilisés. De ce fait, les offres hospitalières, publiques et privées, ont continué à évoluer de manière séparée. La concurrence sur les courts séjours s’intensifie depuis 2014 dans les métropoles tandis que le secteur public assure de plus en plus, et presque exclusivement, la couverture des besoins sur l’ensemble du territoire ainsi que les soins pour les pathologies les plus sévères, ou dans les contextes sociaux les plus difficiles. Ces constats en moyenne nationale sont toutefois nuancés par l’analyse territoriale fine, qui fait ressortir des différences significatives. Les prises en charge au titre de la chirurgie sont majoritairement privées et, dans certains territoires défavorisés, des établissements privés accueillent plus de bénéficiaires de l’assurance complémentaire santé solidaire (CSS) que des établissements publics.
Les différences de statuts et de modèles économiques demeurent déterminantes
La prise en charge des soins par l’assurance maladie relève toujours de deux échelles tarifaires différentes, notamment parce que le coût des soins dispensés dans les établissements du secteur public et du secteur privé sans but lucratif intègre la rémunération des médecins salariés alors que, dans le secteur privé à but lucratif, les honoraires des médecins exerçant à titre libéral sont pris en charge séparément. Les ressources des établissements publics sont constituées d’une part croissante de dotations de l’assurance maladie décidées par les agences régionales de santé (ARS), dont les établissements privés ne bénéficient pas ou de manière marginale seulement. En outre, les régimes sociaux et fiscaux avantagent sensiblement le secteur public par rapport au secteur privé non lucratif, à missions et activités comparables. La conception historique du service public hospitalier, réservée à l’origine aux établissements publics et à certains établissements privés à but non lucratif habilités individuellement, s’est progressivement brouillée. Des praticiens du secteur public peuvent exercer au sein de l’hôpital, sous certaines conditions, une activité libérale avec dépassement d’honoraires. Une clarification est devenue nécessaire sur l’ensemble du territoire national au regard de la nécessité pour les usagers de pouvoir accéder aux soins dans des conditions financières, géographiques et temporelles correspondant à leurs besoins, quel que soit le statut de l’établissement en mesure de les prendre en charge.
Des autorisations d’activité pour les établissements de santé à mieux articuler avec le service public hospitalier
La réforme du régime des autorisations délivrées par les ARS, engagée depuis deux ans, ne répond qu’imparfaitement aux besoins. Certes, les exigences techniques et d’activité qui conditionnent leur délivrance ont été renforcées. Cependant, les bénéfices qui doivent en résulter pour les patients, notamment en matière d’accessibilité financière et géographique des soins, pourraient être mieux pris en compte. En outre, lorsque des autorisations sont accordées à des entités gestionnaires d’établissements privés, des engagements de stabilité et de préavis avant modification ou cessation d’activité devraient être exigés. S’agissant de la pertinence des soins hospitaliers, l’ampleur des écarts constatés entre les pratiques dans certains départements et la moyenne nationale, mérite qu’une analyse des activités atypiques au regard des référentiels de bonne pratique soit conduite par le ministère de la santé. Une telle analyse permettrait de mieux fonder les orientations de chaque projet régional de santé ainsi que les décisions d’attribution d’autorisations d’activités de soins.
Sans méconnaître l’importance de la stimulation concurrentielle pour améliorer la qualité des soins et la satisfaction du patient, face aux difficultés rencontrées en matière d’offre hospitalière dans une grande partie du territoire, l’administration de la santé peut mieux utiliser, ou renforcer, ses moyens d’intervention pour susciter, voire contraindre, les opérateurs et les praticiens à coopérer davantage, à partir d’un contenu revitalisé du service public hospitalier, aujourd’hui insuffisamment articulé avec les autorisations délivrées. Un principe simple pourrait prévaloir : tout établissement de santé autorisé et financé par la solidarité nationale doit participer à la mise en place effective d’un service public hospitalier performant à l’échelle du territoire considéré, en fonction de sa capacité d’accueil, des spécialités qu’il exerce et en réponse aux besoins concrets des patients.