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Le soutien public au logement des étudiants

COUR DES COMPTES

À la rentrée universitaire 2023, 2,97 millions d’étudiants et apprentis étaient inscrits dans l’enseignement supérieur français, en augmentation de 25 % par rapport à 2012. Cette évolution pose la question de la capacité du parc de logements à répondre à leurs besoins, notamment lors des rentrées universitaires. 
Le logement des étudiants ne s’assimile pas au « logement étudiant », qui désigne uniquement le parc qui leur est strictement réservé et qui ne représente que 11 % de leurs solutions de logement. Alors que les courbes de la démographie étudiante sont sur le point de se renverser, la Cour et la chambre régionale d’Île-de-France, région qui accueille le plus d’étudiants et présente les loyers les plus élevés, ont été chargées de réaliser une évaluation des dispositifs de soutien veillant au développement et à l’accès effectif des étudiants aux différents types de parcs de logements, publics comme privés.

De nombreux dispositifs de soutien au logement des étudiants coexistent sans avoir été articulés dans une stratégie formalisée

La massification de la population étudiante a conduit les pouvoirs publics à passer d’une réponse spécifique, autour des résidences universitaires des Crous, à davantage un recours plus massif aux dispositifs de droit commun de la politique du logement. Dès les années 1980, les bailleurs sociaux ont été mobilisés pour assurer les phases successives d’extension du parc étudiant à vocation sociale, puis à travers les plans gouvernementaux de 2012 et 2017, jusqu’à la dernière feuille de route gouvernementale de novembre 2023 et le plan de la Caisse des Dépôts de mai 2025. L’extension des aides personnelles au logement (APL) à tous les étudiants en 1991 a complété leur intégration dans les dispositifs de droit commun du logement. 
Le logement des étudiants relève ainsi tant de la politique de l’enseignement supérieur que de la politique du logement, toutes deux largement déconcentrées et partagées avec les collectivités territoriales. Le soutien public en faveur du logement des étudiants ne relève donc pas d’une stratégie publique formalisée mais est plutôt le fruit d’interactions entre des acteurs multiples, aux intérêts convergents mais différenciés. 
Alors même que les pouvoirs publics n’ont probablement pas anticipé les conséquences, en matière de logement, de la hausse de 25 % de la population étudiante intervenue depuis 2012, les APL et l’extension du parc à vocation sociale ont néanmoins permis d’absorber ce choc démographique.

Les dispositifs publics visent à la fois une ambition universaliste et le ciblage de publics prioritaires

Représentant 2,3 Md€ en 2023, soit 15 % de l’ensemble des aides personnelles au logement, les APL versées aux étudiants sont en augmentation de 30 % en euros constants depuis 2005, en lien avec l’augmentation 
des effectifs, et incarne l’ambition universaliste de soutenir dans l’accès au logement autonome tous les étudiants, quels que soit leurs revenus réels. Il est de fait difficile d’accompagner par d’autres moyens que les APL les 44 % d’étudiants logés dans le parc privé diffus, faute de levier direct et efficace. Depuis 2012, l’essentiel de l’action publique se concentre sur l’extension du parc de logements étudiants à vocation sociale, avec pour corollaire une extension nette de 69 300 logements entre 2012 et 2023, taux supérieur à celui de l’augmentation de la population étudiante sur la même période. Au-delà de ce résultat quantitatif global, le dimensionnement du soutien renforcé pour les étudiants boursiers, qui est constitué, d’une part, 
des APL bonifiées et, d’autre part, d’un accès prioritaire aux logements des Crous ou des autres résidences abordables, n’est pas suffisant pour répondre à l’ensemble de la demande, notamment en zone urbaine en tension immobilière. Ce constat est renforcé par la contraction de l’offre du réseau des Crous qui naît des réservations de places effectuées, par les établissements d’enseignement supérieur pour certains étudiants et étudiantes en mobilité internationale. 

Les dispositifs publics ne permettent un soutien approfondi que de certains étudiants aux revenus modestes et ne résorbent pas les disparités territoriales

Alors que l’accompagnement renforcé des étudiants les plus modestes est un objectif de plusieurs dispositifs, les pouvoirs publics ne se sont en revanche pas donnés comme cible de réduire les disparités entre territoires et d’assurer une action renforcée pour ceux dont les conditions d’accès au logement sont les plus difficiles, 
en premier lieu l’Île-de-France. La prééminence laissée à l’échelon territorial présuppose une gouvernance partenariale robuste pour s’assurer de la cohérence des actions dans la durée. Plusieurs territoires ont su créer cette dynamique. Parmi ceux qui ont été examinés, les territoires métropolitains de Lyon et de Bordeaux, 
ont mis en place une gouvernance spécifique au logement des étudiants regroupant les services déconcentrés de l’État, les collectivités, les opérateurs. A contrario, en Île-de-France, qui accueille plus du quart des effectifs de l’enseignement supérieur du pays, la situation appelle à un changement de stratégie. Les conditions d’accès au logement des étudiants y sont les plus difficiles du pays. En matière sociale, la « filière accompagnée », résultant de l’articulation entre le système des bourses sur critères sociaux la garantie d’accès au parc des Crous pour les boursiers des échelons les plus élevés, assorti, le plus souvent, du dispositif de garantie Visale, s’accompagne d’un effet de seuil important. Il pose la question du parcours des étudiants modestes dont les revenus se situent juste au-dessus des seuils et qui ne peuvent intégrer cette filière accompagnée.

La part prise par le logement dans la réussite des parcours étudiants n’est pas mesurée

Le soutien public au logement des étudiants cherche à permettre à chacun de suivre le parcours d’enseignement supérieur de son choix. Même si le logement n’est pas le facteur prééminent de l’orientation, chaque nouvelle étape du parcours universitaire est susceptible de soulever la question de la capacité à se loger. Pour fluidifier ces parcours, le réseau des Crous cherche à s’adapter au mieux aux contraintes du calendrier universitaire, quitte à augmenter son taux de vacance et à en supporter le coût économique. 
De même des études de cohortes sur cinq ans illustrent la capacité des caisses d’allocation familiale à assurer la continuité des droits aux APL malgré des déménagements réguliers, même si les calendriers de versement effectifs sont parfois source d’insatisfaction pour les étudiants. Si la connaissance objective de la qualité des logements occupés par les étudiants bute sur la diversité des situations, le lien entre le logement et les conditions de vie des étudiants est, en revanche, bien documenté. Le critère économique, lié au coût du logement autonome et aux situations de précarité potentiellement induites, et le critère du temps, que le logement permet de gagner ou de perdre en fonction de sa localisation, en sont les deux dimensions essentielles. Enfin, le lien spécifique entre les dispositifs de soutien au logement des étudiants et la réussite étudiante n’est aujourd’hui pas suffisamment étudié pour être caractérisé.

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