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Le soutien à l’agriculture biologique

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Au cours de la dernière décennie, l’agriculture biologique a connu un changement d’échelle, avec une augmentation entre 2010 et 2021 de la part du bio dans la surface agricole de 3 % à 10 % et une consommation bio multipliée par 3,5 sur cette période. Désormais, 19% des agriculteurs sont bio. Dans le rapport publié ce jour, la Cour des comptes, après une revue détaillée de la littérature scientifique, rappelle les bénéfices de l’agriculture bio notamment en termes de santé et d’environnement, et observe que le développement de l’agriculture biologique est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale et d’entrainer les exploitations agricoles dites conventionnelles vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Cependant, la politique de soutien à l’agriculture biologique reste insuffisante : depuis 2010, les programmes d’action successifs n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de 15% des terres agricoles en bio et de 20% de bio dans les cantines publiques en 2022.

Pour contribuer à atteindre les nouveaux objectifs fixés par la France et l’Union européenne, la Cour des comptes formule 12 recommandations.

L’agriculture biologique face au défi du changement d’échelle

Pour la première fois, la Cour des comptes, en constituant un nouvel outil statistique, a pu analyser les performances économiques comparées entre les agricultures biologique et conventionnelle qui, si elles sont équivalentes dans l’ensemble, connaissent des variations selon les filières. En 2021, dans un contexte où la consommation alimentaire totale des Français diminue de 2,3 % en 2021, la consommation de produits bio baisse pour la première fois, de 1,3 %. Au-delà d’un effet de conjoncture, des interrogations sur la pérennité de l’équilibre économique de l’agriculture biologique sont apparues, avec la baisse des ventes plus marquée en grande distribution non spécialisée (52 % des ventes de bio en 2021).

Une politique de soutien qui n’a pas permis d’atteindre les objectifs fixés

La Cour constate que, dans tous les domaines, l’action du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire n’est pas en mesure de répondre aux ambitions affichées. Elle alerte les pouvoirs publics sur le manque de communication relatif aux impacts bénéfiques du bio, et surtout sur l’illisibilité des labels qui contribue à la baisse des achats d’aliments bio en 2021 face à la concurrence croissante de labels « verts » moins exigeants - comme la mention valorisante « haute valeur environnementale » (HVE). En réalité peu exigeante en matière environnementale, celle-ci est en effet soutenue par le ministère au même niveau que l’agriculture bio. De plus, les aides de la politique agricole commune (PAC) que la France consacre à l’agriculture bio ne sont pas à la hauteur des objectifs qu’elle s’est fixés. La moitié de l’enveloppe a été consommée dès la première année de la programmation démarrée en 2015. En 2017, l’aide au maintien en agriculture bio a été supprimée, alors qu’elle rémunérait les services environnementaux de ces exploitations. Ainsi, un quart des exploitations bio ne touche pas d’aides de la PAC. De même, le soutien aux industries agroalimentaires bio et la recherche et développement en agriculture biologique sont insuffisants. Ce décalage entre moyens et ambitions ne pourra pas se résorber dans la prochaine PAC à partir de 2023 si la France maintient le projet actuel de plan stratégique national, qui fait l’objet d’ultimes discussions avec la Commission européenne. Le rapport analyse également dans quelle mesure la politique publique contribue à la création et à la répartition de valeur au sein de la filière bio. Si des données éparses suggèrent une meilleure captation de la valeur par les producteurs bio comparés aux agriculteurs conventionnels, elles restent néanmoins lacunaires. Enfin, la contribution de l’agriculture bio à l’autonomie agricole et alimentaire française dépendra de l’évolution de deux effets contraires : la meilleure autonomie des exploitations bio, qui contribue à réduire le déficit commercial, et leurs moindres rendements. Ainsi, le développement de l’agriculture bio devra aller de pair avec davantage de recherche (pour améliorer les rendements), la réduction du gaspillage alimentaire et une évolution des régimes alimentaires vers moins de protéines animales.

Des leviers au service de l’ambition affichée

Pour contribuer à atteindre les nouveaux objectifs fixés par la France (18 % de surfaces agricoles bio en 2027) et par l’Union Européenne (25% de surfaces bio en 2030), la Cour formule 12 recommandations réparties en 3 orientations : éclairer les choix des citoyens et des consommateurs sur l’impact environnemental et sanitaire du bio, réorienter et amplifier les soutiens publics de l’agriculture bio, favoriser enfin la création de valeur au sein du secteur agricole et alimentaire bio. Comme le souligne Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, « le rôle de la Cour, tiers de confiance et vigie des politiques publiques pour les citoyens, était d’apporter l’éclairage objectif et impartial qui manquait encore sur ce sujet grand public, qui fait l’objet de nombreuses interrogations ».

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Le soutien à l'agriculture biologique - Nos rapports en 180 secondes (ou presque)

De nombreuses études scientifiques montrent des bénéfices de l’agriculture biologique sur la santé des agriculteurs comme des consommateurs de bio. Cela vient du fait, notamment, de la non-utilisation de pesticides de synthèse. L’impact est très bénéfique aussi pour l’eau, dont la principale source de pollution sont les pesticides agricoles, ainsi que pour le sol, l’air et la biodiversité. Le bilan carbone d’une parcelle bio est également meilleur qu’en agriculture conventionnelle, dans la mesure où on y utilise moins d’engrais azotés. L’agriculture bio permet aussi de dynamiser les zones rurales : elle est plus riche en emplois et attire beaucoup de jeunes (un tiers des installations sont en bio). En somme, par l’exigence de son cahier des charges, défini à l’échelle européenne, l’agriculture bio apporte à l’ensemble de la société ce qu’on appelle en économie des « externalités positives ».

La politique de soutien de l’État français à l’agriculture bio s’est traduite par une série de programmes appelés « ambition bio », mais ces programmes n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de 15% des terres agricoles en bio (elles n’étaient que 10% en 2021) et de 20% de bio dans les cantines publiques (on atteignait 6% en 2021). La Cour a constaté que l’action du ministère de l’agriculture n’était pas à la mesure des ambitions affichées.

Les aides aux conversions en bio ont été insuffisantes pour répondre à la demande. La moitié de l’enveloppe a été consommée dès la première année de la programmation, qui démarrait en 2015. Un quart des exploitations bio ne touche pas d’aide. Les aides au maintien en bio ont été supprimées et les conversions ont donc fortement ralenti à partir de 2020. Les agences de l’eau, qui relèvent du ministère de l’environnement, ont dû prendre le relai du ministère de l’agriculture et financer une grande partie des aides bio. De même, le soutien aux industries agroalimentaires bio et la recherche et développement en agriculture biologique restent insuffisants.

La Cour des comptes alerte les pouvoirs publics sur le manque de communication sur les impacts bénéfiques du bio. Les labels manquent de lisibilité pour les consommateurs : des labels moins exigeants, comme la mention « haute valeur environnementale » (HVE), font de la concurrence au bio proprement dit, tout en étant soutenus au même niveau que l’agriculture bio par le ministère. Tout cela a contribué à la baisse des achats d’aliments bio en 2021.

La Cour des comptes a constitué un nouvel outil statistique pour analyser la performance économique comparée de l’agriculture biologique et de l’agriculture conventionnelle : résultat, dans l’ensemble, leur performance est équivalente.

Enfin, la Cour s’est penchée sur l’impact que pouvait avoir le développement de l’agriculture bio sur l’autonomie alimentaire de la France. Une exploitation bio achète moins d’engrais importés, par exemple. Mais d’un autre côté, ses rendements sont moindres, de 18% environ en moyenne. Dès lors, pour préserver l’autonomie alimentaire du pays, un développement du bio devrait s’accompagner de moins de gaspillage alimentaire et de plus de protéines végétales, en remplacement des protéines animales, dont la production est plus gourmande en ressources.

Pour atteindre le nouvel objectif de la France (18 % de surfaces agricoles bio en 2027), la Cour formule 12 recommandations, qui visent en particulier à éclairer les choix des citoyens sur l’impact environnemental et sanitaire du bio, et à réorienter les soutiens publics vers ce type d’agriculture.

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