Une priorité donnée à la recherche qui a permis d’éviter un décrochage
En 2018, la France a été l’un des premiers pays à l’échelle mondiale à s’être doté d’un plan formalisé pour l’IA. Dans un premier temps, la stratégie française a donné la priorité à la recherche en IA. Outre les 30 % des financements qui lui étaient alloués pour la période 2018-2022, la recherche a ainsi fait l’objet d’un plan spécifique, la SNRIA, dont la coordination a été confiée à l’opérateur Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria). Depuis son lancement, la majorité des mesures prévues dans le cadre de la SNRIA a été mise en œuvre. En formalisant une stratégie, les pouvoirs publics ont donné un signal politique fort sur l’importance de l’IA pour la recherche française. La Cour constate cependant que l’efficacité de la stratégie n’est pas avérée. Sur la période analysée, en nombre de publications en IA et sur un total de 47 pays comparés, la France conserve difficilement une place au 10e rang à l’échelle mondiale, et se maintient au 2e rang au niveau européen. La Cour des comptes recommande donc que les financements mobilisés soient davantage suivis. Sur le volet recherche, 554,6 M€ ont in fine été engagés sur la période 2018-2022. Enfin, dans une perspective d’attractivité des talents, certains outils de financement gagneraient à être pérennisés.
Un écosystème d’excellence dont la pérennité doit être garantie
L’orientation principale de la stratégie consiste en la constitution de pôles d’excellence en IA, via la labellisation d’instituts interdisciplinaires en IA (3IA), la mise en place de chaires individuelles, puis l’identification de centres d’excellence en dehors des instituts 3IA. Les synergies entre centres d’excellence doivent être renforcées, en s’inscrivant notamment dans une démarche plus systématique de valorisation réciproque de leurs travaux. Cela contribuerait à améliorer leur visibilité, tant au niveau national qu’international, ainsi que l’image de marque de la France pour attirer des talents étrangers. En parallèle, une clarification des missions des centres d’excellence 3IA et hors 3IA apparaît nécessaire et doit s’accompagner d’une révision de la temporalité des financements alloués aux instituts labellisés (actuellement de quatre ans), qui repose sur une logique de trop court terme pour permettre des effets de leviers. De plus, la Cour relève que si la stratégie a donné un signal fort pour favoriser la visibilité des formations pour les jeunes talents, il importe désormais de pérenniser les financements nécessaires à cette dynamique. L’évaluation montre que la SNRIA a permis une structuration des acteurs de la recherche en IA, alors que l’IA n’était pas identifiée comme discipline en tant que telle, même si elle doit encore gagner en maturité. Pour l’améliorer, procéder à une adaptation de la gouvernance et du pilotage de la stratégie devient urgent et pourrait être l’occasion de construire une vision commune et globale de l’action publique en IA, alors que les mesures décidées en ce domaine restent dispersées au sein de plusieurs politiques publiques.
La stratégie d’accélération, opportunité d’une approche frugale, de confiance et européenne renforcée
Si la stratégie nationale de recherche n’a pas encore permis de renforcer la position de la France au niveau mondial, le premier volet a permis d’éviter un décrochage scientifique depuis 2018. Le second volet est à présent déterminant pour enfin améliorer le positionnement de la France en IA dans la compétition mondiale. Cette « stratégie d’accélération en IA » est recentrée sur l’objectif de formation des talents - priorité jusqu’ici peu prise en compte. Les financements totaux consacrés à cette priorité s’élèvent à 776 M€. Cependant, le nombre actuellement limité de formateurs publics de haut niveau pourrait contrarier les ambitions affichées. Ainsi, l’approche française gagnerait à s’intégrer encore davantage dans l’approche européenne via divers programmes de soutien comme « Horizon Europe » et « pour une Europe numérique ». La confiance – le fait qu’une IA se caractérise par son interprétabilité, son explicabilité, sa transparence et une identité « responsable – et la frugalité – le fait qu’elle soit durable et respectueuse de l’environnement – sont ainsi deux des quatre axes structurants du programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) de 73 M€ adossé à la stratégie d’accélération. Enfin, la Cour note que, sur le volet recherche, les priorités sont recentrées dans cette seconde phase sur l’attractivité des talents et la prise en compte d’enjeux sociétaux, tels que la confiance dans l’IA et la frugalité dans son utilisation.