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La filière EPR

COUR DES COMPTES En images (1)

Le projet de réacteur nucléaire européen à eau pressurisée (EPR) est issu d’une coopération franco-allemande engagée en 1989, dont l’Allemagne s’est retirée en 1998. À partir de 2001, le groupe Areva, nouvellement constitué, a développé une stratégie de vente d’EPR « clé en main », s’opposant à EDF qui se voulait chef de file du « nouveau nucléaire » en France et à l’étranger.
Les rivalités entre ces deux groupes publics, non arbitrées à l’époque, se sont traduites par le lancement précipité des chantiers des deux premiers EPR, en Finlande et à Flamanville. Cette préparation insuffisante a conduit à sous-estimer les difficultés et les coûts de construction, qui ont dérivé, et à surestimer la capacité de la filière nucléaire française à y faire face, au prix de risques financiers pour les entreprises du secteur.
Malgré un choix technologique désormais éprouvé en Chine et l’amélioration apportée au pilotage de ces grands chantiers, les gains financiers et techniques attendus du projet EPR 2 doivent être confirmés. La construction de nouveaux EPR en France ne saurait en tout état de cause être envisagée sans réponses préalables claires sur les modes de financement et la place de la production électronucléaire dans le mix électrique de demain.

La construction de l’EPR de Flamanville : un échec opérationnel, des dérives de coûts et de délais considérables

La multiplication par 3,3 du coût de construction, estimé par EDF à 12,4 Md€ (valeur 2015), et par au moins 3,5 du délai de mise en service de l’EPR de Flamanville par rapport aux prévisions initiales, constitue une dérive considérable. Celle-ci résulte d’estimations de départ irréalistes, d’une mauvaise organisation de la réalisation du projet par EDF, d’un manque de vigilance des autorités de tutelle et d’une méconnaissance de la perte de compétence technique des industriels de la filière, 16 années après la construction du réacteur de Civaux 2. L’ex-Areva NP et les autres fournisseurs d’EDF n’ont souvent pas réussi à atteindre le degré d’exigence technique imposé par EDF.
Les conséquences financières de ces défaillances techniques et insuffisances organisationnelles sont lourdes. Des risques pèsent sur la situation financière d’entreprises récemment restructurées grâce à d’importants apports financiers des pouvoirs publics. Entre 2016 et 2018, l’État a ainsi mobilisé 4,5 Md€ pour doter en capital Areva SA et Orano à l’issue de la restructuration d’Areva, et apporté 3 Md€ au capital d’EDF, ce qui lui a permis de prendre le contrôle de l’activité réacteurs de l’ex-Areva NP, devenue Framatome.
Les conséquences de ces dérives pèsent également sur les coûts et la rentabilité de l’EPR de Flamanville. Les coûts complémentaires au coût de construction (dont les frais financiers et de pré-exploitation) pourraient atteindre près de 6,7 Md€ (valeur 2015) à la mise en service du réacteur, prévue en 2023.

Une stratégie internationale prise en défaut et la perspective d’un EPR « optimisé » à confirmer

Les déboires de la construction de l’EPR d’Olkiluoto en Finlande ont fortement contribué aux difficultés financières de l’ancien groupe Areva. La construction de deux réacteurs EPR à Hinkley Point, en Angleterre, dont la rentabilité a été plusieurs fois revue à la baisse, pèse lourdement sur les finances d’EDF. Enfin, les deux réacteurs de Taishan en Chine, mis en service avec succès en 2018 et 2019, n’assurent pas encore à EDF une rentabilité satisfaisante.
EDF ne peut plus financer seule la construction de nouveaux réacteurs ; des moyens de financement faisant supporter au consommateur, comme au Royaume-Uni, ou au contribuable le coût de la construction de futures réacteurs nucléaires sont à l’étude.
Les enjeux financiers sont majeurs, le coût de construction de trois paires de réacteurs EPR2 étant estimé à 46 Md€ (valeur 2018). Compte tenu de leur durée de construction, de production et de démantèlement, la décision de construire ou non de futurs EPR aura des conséquences jusqu’au XXIIe siècle.
Les décisions relatives au futur mix électrique doivent s’appuyer sur une planification à long terme prenant en compte l’évolution de la compétitivité relative des différents modes de production de l’électricité, le coût des systèmes électriques correspondants, la garantie de la sécurité d’approvisionnement et les bénéfices écologiques et sociaux attendus.

La Cour invite à tirer les enseignements des difficultés rencontrées et à élargir l’horizon des documents actuels de programmation énergétique. Elle formule neuf recommandations.

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