Un cadre d’intervention de plus en plus contraint et complexe
Le budget consacré à la politique de l’enfance par la collectivité est en constante augmentation ces dernières années. Sur la période 2018 à 2023, ces dépenses ont progressé de façon significative, passant d’un peu plus de 67 M€ en 2018 à 91,9 M€ en 2023, soit une augmentation de 37 % en cinq ans. Le financement de la politique de l’enfance reste fragile car il dépend en partie des ressources propres du département, notamment des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), lesquels sont largement tributaires de l’évolution du marché immobilier.
Parallèlement, le nombre de jeunes accueillis à l’aide sociale à l’enfance (ASE) ne cesse de progresser. Il atteint 1 814 fin 2023, ce qui représente une hausse de près de 12 % entre 2018 et 2023. Le nombre de jeunes pris en charge par l’ASE s’étant vu accorder un contrat jeune majeur au cours de l’année est passé de 118 en 2019 à 160 en 2023, soit une hausse de 36 %. La part des mineurs non accompagnés (MNA) en augmentation sensible, explique en partie cette évolution. Une part importante et croissante des mineurs accueillis au titre de la protection de l’enfance souffre de troubles psychiatriques ou d’un handicap. Or, la prise en charge par les établissements ou les assistants familiaux n’a pas été conçue pour l’accueil d’enfants qui devraient relever en priorité d’une prise en charge par des établissements spécialisés du secteur médico-social.
Des outils de pilotage à renforcer
L’accompagnement des jeunes majeurs est un processus complexe, qui fait intervenir des acteurs multiples. Dans un paysage institutionnel où cet accompagnement relève non seulement des collectivités territoriales et de leurs opérateurs, mais aussi de l’État et de divers organismes sociaux, la question de la bonne coordination des acteurs prend un relief particulier. Le pilotage local de la protection de l’enfance se caractérise par le rôle pivot du département, et une multiplicité d’acteurs et d’opérateurs dont la coordination est largement perfectible. En effet, la chambre a constaté des retards dans la mise en place de la commission départementale d’accès à l’autonomie et la formalisation du protocole de coordination.
Un partenariat peu structuré avec certains opérateurs
Les relations entre le département et ses opérateurs sont dans l’ensemble peu formalisées et les besoins d’accompagnement inégalement couverts, notamment dans le domaine sanitaire, à l’exception notable d’un partenariat noué avec l’assurance maladie visant à prévenir les ruptures de droits des jeunes sortant de l’ASE.
En particulier, le partenariat est peu structuré avec le réseau des missions locales. En revanche, l’outillage des professionnels est satisfaisant. Les services du département ont en effet élaboré un référentiel commun à l’ensemble des professionnels et des opérateurs, permettant ainsi une mise en œuvre harmonisée de la protection de l’enfance et l’adoption d’un vocabulaire commun.
Une préparation à la sortie de la protection de l’enfance à renforcer
La protection de l’enfance dispose d’un cadre législatif et réglementaire rénové et ambitieux mais sa mise en œuvre, malgré quelques progrès, demeure partielle. Le premier bilan de la mise en œuvre de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants (dite loi Taquet) est en demi-teinte même si certains résultats sont encourageants. Ainsi, la chambre juge positifs les efforts déployés auprès des jeunes proches de la majorité pour les accompagner vers l’autonomie tels que la mise en place d’ateliers de sensibilisation à l’autonomie, le financement de dispositifs de semi-autonomie, les actions de mentorat ou le soutien financier apporté aux jeunes qui sortent de la protection de l’enfance.
En revanche, la préparation à la sortie de la protection de l’enfance des jeunes majeurs nécessite d’être renforcée. Si l’accompagnement des jeunes majeurs est certes plus systématique, il ne s’inscrit pas suffisamment dans la durée, tandis que le droit au retour à l’ASE n’est pas garanti, faute d’une généralisation des entretiens dès les six mois après la sortie de la protection de l’enfance.
À l’issue de son contrôle, la chambre a émis huit recommandations. Elle examinera leur mise en œuvre dans un délai d’une année, après présentation au conseil départemental du rapport d’observations lorsqu’il sera devenu définitif, conformément aux dispositions de l’article L. 243-9 du code des juridictions financières (CJF).