La Chapelle-d’Abondance est une commune de Haute-Savoie, frontalière avec la Suisse, dont l’économie est tournée vers le tourisme.
Sa station dispose d’un domaine nordique et d’un domaine de ski alpin scindé en deux secteurs non reliés (Braitaz et Crêt-Béni). De moyenne taille et située entre 1 020 et 1 800 mètres d’altitude, elle s’intègre dans le vaste domaine skiable des « Portes du Soleil » auquel elle est reliée, côté Braitaz, via la station suisse de Torgon. Cet accès aux Portes du Soleil est menacé la procédure de faillite ouverte à l’encontre de la société propriétaire des installations, une offre de rachat de ces installations étant toutefois en cours de validation.
L’échéance prochaine de la délégation de service public (DSP) des remontées mécaniques au 1er novembre 2024, constitue l’un des principaux enjeux de la collectivité.
Une station vulnérable et d’ores et déjà dépendante de la neige de culture
D’un point de vue climatique, les différentes études révèlent que la station est d’ores et déjà impactée par le réchauffement climatique global et fortement dépendante de la neige de culture, ce qui a récemment conduit la commune à procéder à des investissements de plus de 2 M€ pour développer son réseau de production de neige de culture et maintenir l’activité de ski.
Le fonctionnement des enneigeurs, qui occupent 40 % du domaine de ski alpin, pourrait toutefois se trouver confronté aux changements météorologiques - entraînant une diminution des fenêtres de froid nécessaires à la production de neige de culture - ainsi qu’à l’augmentation du coût de l’énergie et la problématique de la ressource en eau.
La chambre a relevé plusieurs irrégularités dans les prélèvements en eau. S’agissant de la production de neige de culture du domaine alpin, les prélèvements déclarés au niveau des retenues collinaires dépassent les volumes autorisés, tandis que les prélèvements dans le réseau d’eau potable destinés à alimenter les enneigeurs du domaine nordique n’ont pas été facturés à la commune.
Un cadre contractuel de gestion du service des remontées mécaniques mal maitrisé
L’exploitation du domaine de ski alpin est déléguée à la société par actions simplifiées SELCA, suivant une concession de services de type « affermage ». La rémunération du délégataire comprend principalement les recettes versées par les usagers des services et équipements exploités. Il doit en contrepartie verser à la collectivité une redevance censée contribuer à l’amortissement des investissements supportés par la commune.
Toutefois, bien loin de compenser les amortissements des immobilisations, la redevance n’a couvert que 7 % des amortissements sur la période 2018-2023. Le compte d’exploitation prévisionnel n’a pas été révisé malgré des modifications substantielles (démantèlement de télésiège, retrait du domaine de ski nordique de la DSP) de nature à impacter le chiffre d’affaires prévisionnel et donc le montant dû à la commune au titre d’une clause de retour à meilleure fortune.
Au-delà du fait que la collectivité supporte l’essentiel du risque d’exploitation, elle n’a pas su se saisir des moyens de suivi et de sanction contractuellement mis à sa disposition pour assurer un contrôle effectif des activités du délégataire.
Ce manque de rigueur se retrouve dans la gestion du domaine nordique, initialement incluse dans le champ de la délégation de service public, et qui a fait l’objet d’une reprise « officieuse » en régie par la commune en 2021. Aucun avenant contractuel avec le délégataire, ni délibération relative à la création et au fonctionnement de cette régie communale, n’ont en effet été formalisés ce qui induit une insécurité juridique.
Un service des remontées mécaniques structurellement déficitaire et à l’avenir incertain
Alors qu’il n’assume qu’une faible part de l’amortissement des équipements, le délégataire du service des remontées mécaniques ne parvient qu’à dégager un résultat net très faible tout au long de la période (2 % du chiffres d’affaires par an en moyenne, avec une saison 2022-2023 déficitaire) et la fréquentation est en diminution depuis une dizaine d’années.
Le budget annexe « remontées mécaniques » de la commune, qui porte l’essentiel de l’investissement et de l’amortissement des équipements est loin de parvenir à équilibrer ses dépenses par ses recettes et il en résulte que le service des remontées mécaniques se retrouve très fortement financé par le budget principal de la commune, via une subvention annuelle qui a représenté en moyenne 1 059 k€ soit plus de 93 % des ressources du budget annexe sur la période 2018-2023, ou encore 52 % du chiffres d’affaires moyen hors période covid.
En d’autres termes, le contribuable finance une part significative du service (en moyenne 37 %), alors que le service des remontées mécaniques est, selon la loi dite « montagne », un service à caractère industriel et commercial qui doit être financé par l’usager et seulement à titre dérogatoire par le contribuable (article L. 2224-2 du CGCT).
Ce constat s’avère plus inquiétant encore, au vu des nombreux investissements à prévoir sur un parc de remontées mécaniques vieillissant (41 ans en moyenne, et 33 ans hors téléski).
Compte tenu de l’ampleur de ce déséquilibre financier et l’irrégularité de la subvention d’équilibre d’exploitation versée, l’avenir du domaine skiable apparaît incertain. En 2024, la commune a lancé une procédure d’appel à concurrence en vue du renouvellement de la délégation de service public, avec l’espoir d’obtenir une participation plus importante de l’exploitant au financement des investissements. Cette procédure n’a pas abouti. La chambre l’invite à développer une vision prospective plus claire du service, et à examiner toutes les hypothèses de nature à permettre d’améliorer son équilibre (hausse des forfaits, reconfiguration du domaine skiable et de la liaison avec les Portes du soleil notamment) ou à tirer les conséquences d’une absence structurelle d’équilibre.
Des contributions du budget principal qui pèsent fortement sur l’équilibre financier de la commune
Les contributions versées par le budget principal au budget annexe des remontées mécaniques, en augmentation constante – à l’exception de l’année 2020 – pèsent lourdement sur le budget principal. Elles ont représenté 40 % des charges de gestion et près de 59 % des impôts locaux nets des restitutions perçus sur la période 2018-2023 par la collectivité.
Or la situation financière de la commune prise dans son ensemble est difficile. Son endettement est stable, mais son épargne brute et son épargne nette sont trop faibles. La commune a été ainsi contrainte en 2023 d’augmenter sa fiscalité et d’opérer des cessions. Elle a également amorcé une baisse de certaines charges. La situation financière s’est donc améliorée récemment, mais elle reste fragile. L’importante subvention versée pour l’équilibre du budget annexe des remontées mécaniques obère ainsi la capacité de la commune a financer d’autres investissements que ceux afférents au domaine skiable.
RECOMMANDATIONS
- Recommandation n° 1. (commune, SELCA) : Se conformer sans délai à la réglementation relative aux prélèvements en eau destinés à la production de neige de culture.
- Recommandation n° 2. (commune) : Mettre en œuvre des procédures destinées à prévenir tout risque d’exposition à une situation de conflit d’intérêts en s’assurant qu’aucun des élus participant à la préparation, aux débats et / ou au vote d’une délibération ne détient d’intérêt professionnel ou personnel dans la personne morale publique ou privée concernée par ce vote.