SYNTHÈSE
Sortie du réseau d’alerte en 2019, la commune de Grasse a connu une amélioration sensible de sa situation financière entre 2015 et 2019. Au cours de cette période, la forte dynamique des ressources fiscales propres et des ressources d’exploitation a permis, notamment à partir de 2017, de neutraliser et même surcompenser la baisse très sensible des dotations et participations et, dans une moindre mesure, de la fiscalité reversée. La maîtrise concomitante des charges, conjuguée au désendettement progressif qui a réduit le déficit du résultat financier grâce à une politique énergique de sortie des emprunts toxiques menée depuis 2015 avec l’aide du fonds de soutien de l’État (12,4 M€), a conduit à une restauration lente mais continue de la capacité d’autofinancement (CAF) jusqu’en 2019.
L’exercice 2020, marqué par la crise sanitaire, a remis en cause cette tendance : les dotations ayant continué à décroître et les rentrées fiscales ayant plus faiblement augmenté que par le passé, l’affaissement inédit des ressources d’exploitation (- 1 M€), revenues à un niveau inférieur à celui de 2015 compte tenu à la fois de la baisse générale d’activité et des exonérations consenties en soutien au tissu économique et associatif local, n’a pas permis de maintenir le niveau global des produits de gestion. Même si les charges sont demeurées contenues et si la réduction du déficit financier s’est poursuivie, la CAF brute (même après retraitement d’une dépense exceptionnelle) s’est de nouveau détériorée en 2020, en recul de 8,9 %.
L’impact de la crise sanitaire sur le niveau des produits de gestion reste cependant à relativiser, preuve en étant d’ailleurs l’absence d’éligibilité de Grasse à la dotation compensatrice des pertes de recettes prévue par la troisième loi de finances rectificative pour 2020.
En effet, la commune reste confrontée à la faiblesse structurelle de ses produits de gestion, en partie imputable à des contrats anciens (ainsi de certains baux emphytéotiques et contrats de délégations de service public – dont l’un court encore jusqu’en 2046 –, générant des redevances plus que modestes et sans rapport évident avec les avantages tirés par le cocontractant). S’y ajoute une politique fiscale marquée par des taux d’imposition inchangés depuis 2008 et le maintien d’abattements historiques, qui ont représenté plus de 10 M€ de bases non imposées à la taxe d’habitation (soit une perte de produit de 1,9 M€ chaque année). En outre, l’attractivité touristique minée par la paupérisation du centre-ville, la proche concurrence des villes littorales et la faible capacité hôtelière grassoise - malgré le classement en station de tourisme -, font de la taxe de séjour et du prélèvement sur le produit des jeux des recettes encore très marginales.
À cet égard, le casino local est symptomatique des difficultés conjuguées auxquelles la commune doit faire face. Les recettes de toutes natures tirées de l’exploitation déléguée sont en effet particulièrement limitées. L’établissement, peu mis en valeur bien qu’il occupe un bâtiment remarquable de la commune, est soumis à une très forte concurrence et se trouve en grande difficulté pour investir dans des équipements modernes. Peu moteur dans le rayonnement touristique de la commune, il apparait se recentrer, par défaut, sur son activité annexe de restauration, aux résultats de laquelle la commune n’est cependant pas intéressée.
L’optimisation des produits de gestion qui doit notamment passer par une vigilance accrue dans la rédaction des clauses financières des contrats à venir, voire dans la renégociation de contrats en cours, est d’autant plus essentielle que la rigidité des charges de gestion laisse peu de marges de manœuvre. Quelques gisements d’économies semblent pouvoir encore être exploités, notamment en termes de dépenses liées aux commandes passées auprès de tiers. S’agissant des charges de personnel, la chambre constate leur maîtrise globale sur la période et l’absence de dérive en la matière, même s’il y a lieu de mentionner une durée du temps de travail inférieure à la norme légale qui a représenté, jusqu’à régularisation récente à effet du 1er janvier 2022, un sureffectif théorique estimé à 15 agents. Elle signale également la complexité du régime indemnitaire (RIFSEEP) qui doit être simplifié.
Par ailleurs, la gestion de structures d’accueil (petite) enfance- jeunesse est déléguée à quelques structures associatives. En contrepartie de subventions particulièrement élevées, qui représentent plus de la moitié du total annuel des versements à l’ensemble du secteur associatif (soit 1,8 M€ en 2020, sans compter la valorisation des nombreux avantages en nature) et qui sont calculées en fonction d’un nombre prédéfini de « journées / enfant » à réaliser, ces associations exploitent dans les locaux municipaux des structures d’accueil pour le compte de la commune. Alors que ce dispositif s’apparente au paiement d’un prix et nécessiterait dès lors de recourir aux contrats de la commande publique, il ne repose que sur de simples conventions d’objectifs conclues de gré à gré. L’absence de mise en concurrence interdisant d’apprécier le juste prix des prestations, il apparaît que certaines associations affichent des résultats bénéficiaires, reports à nouveau et rémunérations de dirigeants qui questionnent d’autant plus le montant des subventions versées.
Qu’il s’agisse d’optimiser les recettes ou de rationaliser les dépenses, les performances de gestion doivent nécessairement être encore significativement améliorées compte tenu du niveau d’endettement. Le programme d’investissement ambitieux, qui poursuit l’objectif prioritaire de redynamiser le centre ancien, reste ainsi conçu et mené malgré une CAF nette toujours négative à l’exception d’un seul exercice. La commune ne pouvant de surcroît compter sur quelque 10 M€ de produits de cession qu’elle avait prévus à brève échéance dans son plan de financement, la chambre appelle à la plus grande vigilance dans la poursuite de ce programme, afin d’éviter qu’un relâchement prématuré des efforts ne mette en péril les résultats positifs obtenus depuis 2015 grâce à une gestion proactive de la dette.
RECOMMANDATIONS
- Recommandation n° 1 : Réviser les modalités internes de mise en œuvre du RIFSEEP, afin de le simplifier et d’asseoir les deux parts du régime indemnitaire sur les critères objectifs de responsabilité hiérarchique et de valeur professionnelle prévus par la loi.
- Recommandation n° 2 : Mettre un terme aux conditions irrégulières de rémunération, par voie de simples subventions, des prestations rendues par les associations gérant pour le compte de la commune des structures d’accueil de la petite enfance, de l’enfance et de la jeunesse.