SYNTHESE
La communauté d’agglomération « Var Estérel Méditerranée » (CAVEM) a été créée le 1er janvier 2013, par la fusion de la communauté d’agglomération de Fréjus Saint-Raphaël et de la communauté de communes « Pays Mer Estérel ». Le présent rapport concerne ses relations avec ses membres, sa situation financière, la commande publique et l’aménagement des zones d’activités.
Sans remettre en cause l’action de la CAVEM, agissant notamment sur la planification du territoire des cinq communes membres de la communauté d’agglomération (plan de déplacement urbain, étude pour le schéma de cohérence territoriale…), la chambre observe que le projet intercommunal paraît insuffisant. Les compétences transférées par les communes n’ont pas été appliquées exclusivement par l’intercommunalité, contrairement au principe posé par l’article L. 5216-5 du CGCT. La définition restrictive de l’intérêt communautaire, l’existence d’équipements répondant à des besoins intercommunaux mais faisant toujours l’objet d’une gestion communale, l’importance des reversements aux communes membres, la gestion des politiques communautaires à l’échelon communal, notamment par l’intermédiaire d’agents communaux rémunérés au titre d’activités accessoires, n’ont pas facilité l’émergence d’une intercommunalité dynamique.
La situation financière de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est préoccupante. Le dynamisme des recettes, entre 2014 et 2015, demeure insuffisant (+ 0,4 %) pour faire face à la hausse des dépenses (+ 5,2 %). Les équilibres financiers sont fragiles puisque la capacité d’autofinancement représente seulement 5 % des produits de gestion contre 13,5 % pour les autres communautés d’agglomération, en 2015.
Des marges de manœuvre existent pourtant. Un contrôle plus efficace des subventions aux associations ou aux sociétés sportives permettrait une meilleure allocation des moyens. La mutualisation des services limiterait le recours aux agents communaux rémunérés au titre d’activités accessoires réalisées pour la CAVEM. Ainsi, il conviendrait de mettre un terme à l’action de l’agent communal, qui est également président de l’association d’un club sportif, et qui participe, au nom de la CAVEM, à l’octroi de marchés portant sur la mise en place de matériels de collecte des déchets ménagers de Fréjus à l’entreprise du président de la société sportive de ce club. Le sponsor du club est le prestataire de collecte des déchets ménagers.
Au cours de la période examinée, la commande publique de la CAVEM s’est caractérisée par une concurrence atone. En moyenne, vingt-quatre entreprises ont retiré les dossiers de consultation mais quatre seulement ont déposé une offre. Dans les territoires voisins, chaque marché a donné lieu en moyenne à six candidatures. En matière de travaux publics, une entreprise locale, RBTP, est habituellement retenue alors que ce segment de marché s’avère pourtant très concurrentiel.
Sur quinze marchés de travaux, représentant la moitié du montant des marchés de travaux attribués entre 2010 et 2015, la concurrence a été inexistante ou invérifiable dans la moitié des cas : toutes les offres, sauf une, ont été considérées comme irrégulières pour cinq marchés et la CAVEM n’a pas été en mesure de fournir les offres des candidats évincés de trois autres marchés, dont deux paraissaient anormalement basses. Pour six autres marchés, les procédures et les méthodes employées ont traduit un manque de volonté, de la part de la communauté d’agglomération, pour diversifier les co-contractants.
Le contrôle a ainsi mis en lumière :
- Un cas dans lequel l’analyse de la valeur technique a conduit à sanctionner l’absence d’une information qui n’avait pas été demandée ;
- Une absence d’interrogation sur des offres anormalement basses, dans un contexte où les dépôts sauvages de déchets du BTP constituent un enjeu dans le Var ;
- La conclusion d’avenants dans la moitié des cas, dont certains dépassent le seuil communément admis par la jurisprudence.
De surcroît, l’ordonnateur a été l’assureur de l’entreprise généralement retenue, un parent du gérant de cette entreprise a assisté à la passation de certains marchés la concernant et une des filiales de cette entreprise est intervenue en qualité de sous-traitant du maître d’œuvre pour l’analyse des offres présentées dans le cadre de certaines consultations. L’existence de liens entre l’entreprise habituellement retenue et des personnes physiques ou morales contribuant au choix de cette entreprise dans le cadre de la commande publique a fragilisé l’attribution des marchés que la CAVEM a conclus avec elle. Ni l’égalité de traitement des candidats, ni la transparence des procédures ne peuvent être garanties dans ces conditions, ce qui traduit une gestion très discutable de la commande publique par la communauté d’agglomération.
L’aménagement, par la CAVEM, de la zone d’activité économique du quartier du Grand Capitou, au niveau de l’échangeur de l’autoroute A8, se caractérise par plusieurs irrégularités.
Initialement intégrée dans le projet, la partie nord du pôle BTP, dite pôle BTP II, a été exclue de la ZAC, ce qui a permis d’éviter une mise en concurrence de l’aménageur, en contradiction avec l’article L. 300-4 du code l’urbanisme. Destinée à l’origine à recevoir des équipements publics, les parcelles correspondantes, transmises par la CAVEM à la commune de Fréjus, ont été cédées à une SARL appartenant au gérant de l’entreprise habituellement retenue dans le cadre de la commande publique et au président de la fédération du BTP du Var, également actionnaires du concessionnaire du pôle BTP.
La zone d’aménagement concertée dite pôle production, destinée à recevoir des activités variées sur 20 hectares, est en cours d’achèvement (27 M€). Elle a été concédée, par la CAVEM, à une société regroupant notamment le gérant de l’entreprise habituellement retenue dans le cadre de la commande publique et le président de la fédération du BTP du Var. Là encore, la chambre a relevé l’absence d’offres concurrentes, dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence formelle, et une analyse de l’offre discutable. Etant en réalité une « coquille vide », dépourvue notamment de personnel, le concessionnaire a « sous-traité » la totalité des opérations aux entreprises détenues par ses actionnaires, entraînant une incertitude sur la réalité de la mise concurrence, pourtant imposée par l’article L. 300-5-1 du code de l’urbanisme.
La rentabilité de l’opération, initialement évaluée à 0,4 M€, pourrait atteindre 2,4 M€ hors cessions des lots à des prix supérieurs à ceux prévus dans le traité de concession. Un lot destiné à des constructions résidentielles a été vendu à un prix plus important, de manière irrégulière, entraînant une plus-value supplémentaire de 1 M€ pour le concessionnaire.
Un autre lot a été cédé, par le concessionnaire, aux gérants de ses actionnaires. Ces derniers l’ont revendu, le jour même, avec une plus-value estimée à 1,3 M€, dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement. Au surplus, les travaux ont été réalisés par les entreprises de BTP de ces mêmes gérants, augmentant ainsi leur marge. Ce précédé a permis au concessionnaire de s’émanciper, de manière irrégulière, des prix de vente des lots, encadrés par le traité de concession.
L’aménagement des zones d’activités du Grand Capitou, piloté directement ou non par la CAVEM, a ainsi profité aux mêmes entreprises de BTP locales, qui bénéficient déjà d’une situation presque monopolistique dans la commande publique. Par son inaction, des irrégularités et des choix contestables, la CAVEM a fortement contribué à renforcer ces entreprises.
La chambre formule dans ce cadre cinq recommandations :
Recommandation n° 1 : Mettre en place une vraie mutualisation et supprimer les activités accessoires.
Recommandation n° 2 : Limiter les subventions sportives aux seules missions d’intérêt général prévues à l’article L. 113-2 du code du sport.
Recommandation n° 3 : Se donner les moyens de faire jouer la concurrence :
En recourant à l’allotissement et aux marchés à bons de commande de manière appropriée,
En contrôlant les offres anormalement basses,
En améliorant l’analyse de la valeur technique des offres,
En interprétant avec souplesse les offres jugées irrégulières,
En conservant les pièces concernant les candidats évincés.
Recommandation n° 4 : S’assurer que les personnes physiques ou morales ayant un intérêt quelconque avec les entreprises candidatant à un marché ne participent pas à la procédure de sélection des offres.
Recommandation n° 5 : Appliquer, pour les opérations d’aménagement, la procédure de mise en concurrence prévue à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme et renforcer leur suivi financier.