SYNTHESE
La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a inscrit le contrôle des comptes et de la gestion de l’établissement public de santé, centre hospitalier du Nord à son programme 2021 à compter de l’exercice 2016.
Une situation financière fragile
En 2020, les produits du centre hospitalier du Nord s’élèvent à 4,85 MdF CFP (+1,9 MdF CFP depuis 2016) et les charges à 4,98 MdF CFP (+ 2 MdF CFP depuis 2016). Le résultat de l’exercice
est déficitaire de 132, 5 MF CFP en 2020 en dégradation de 47,4 MF CFP par rapport à 2016. Le centre hospitalier du Nord dispose d’un budget principal pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique, c’est-à-dire les activités de courts séjours et d’un budget annexe pour les activités de moyen séjour, essentiellement orientées sur la convalescence et la réadaptation. Le résultat de l’exercice 2020 du budget principal est déficitaire de 10,9 MF CFP et celui du budget annexe de 121,6 MF CFP.
La dotation globale de financement annuelle représente 67,4 % des produits du budget principal centre hospitalier du Nord en 2020, soit un montant de 2,97 MdF CFP. Elle a progressé de 1 MdF CFP depuis 2016 en raison de la mise en exploitation du troisième site de l’établissement sur la commune de Koné à la fin de l’année 2018. Depuis 2016, les produits du budget principal ont progressé de 1,8 MF CFP (soit 71,5 %) et les charges de 1,73 MdF CFP (soit une croissance 64,3 %).
L’établissement détient une créance de 1,56 MdF CFP sur le régime local d’assurance maladie qui représente 40 % de la créance de 3,9 MdF CFP inscrite au bilan de l’exercice 2020. Cette somme comporte également un montant de restes à recouvrer de 1,78 MdF CFP sur les patients et les consultants : l’établissement doit améliorer la qualité et la fréquence de la facturation et s’engager de manière plus active dans la mise en oeuvre des actions prévues par la convention conclue avec le comptable pour améliorer le recouvrement des sommes dues par les patients et les consultants.
L’endettement s’élève à 5,6 MdF CFP en 2020 (dont 2,1 MdF CFP de dettes financières, 1,77 MdF CFP de dettes fiscales et sociales et 1,34 MdF CFP de dettes fournisseurs). L’établissement doit s’engager rapidement dans un plan d’apurement de ses dettes fiscales et sociales.
La marge brute hors aides et hors produits sur exercices antérieurs du centre hospitalier du Nord est devenue négative et s’établit à – 1,2 % en 2020. La trésorerie nette au 31 décembre 2020 était négative de 164 MF CFP, dans un contexte où l’établissement doit rembourser une avance de trésorerie de 326 MF CFP versée en 2019 par l’agence sanitaire et sociale.
L’unique centre hospitalier du nord du territoire
Depuis le 21 novembre 2018, le centre hospitalier du Nord est implanté sur les communes de Koné, Koumac et Poindimié. Cet établissement public de santé est le centre hospitalier unique de la province Nord du territoire de la Nouvelle-Calédonie. Le siège du centre hospitalier du Nord est situé à Koné dans des locaux mis à disposition par la Nouvelle-Calédonie et dont le financement a été supporté à 22,1 % par l’établissement (soit 1,4 MdF CFP sur un coût total de 6,7 MdF CFP).
Ces locaux hébergent, par ailleurs, les activités du pôle sanitaire de Koné, soit un centre médicosocial de la province Nord, un centre de prévention et de dépistage de l’agence sanitaire et sociale et des activités de soins du centre hospitalier spécialisé. La répartition des charges d’exploitation des locaux occupés par ces partenaires dont le montant total est estimé à 1 MF CFP par le centre hospitalier du Nord, nécessite d’être fixée dans une convention.
Tenant compte de la livraison du site de Koné qui a porté les capacités de court séjour (médecine, chirurgie et obstétrique) de 61 lits à 102 lits, l’activité de ces services, comptabilisée en entrées annuelles a progressé de 6 % depuis 2016. L’activité des 28 lits de moyen séjour, dont le volume est resté stable après la livraison du site de Koné, mesurée en journées, a diminué de 14 % depuis 2016. Afin d’assurer la permanence et la continuité des soins, l’établissement a conclu des conventions avec le centre hospitalier territorial, situé à Nouméa, principalement en obstétrique et en pédiatrie. Il a aussi conclu des conventions avec des radiologues privés et avec des professionnels de santé pour des consultations avancées. L’ensemble de ces partenariats représente une charge de 105 MF CFP en 2020, dont 75 MF CFP pour les conventions avec le centre hospitalier territorial.
L’incidence de la crise sanitaire
Pour faire face à la crise sanitaire, la Nouvelle-Calédonie a mis en place un confinement strict de la population entre le 24 mars et le 16 avril 2020 et a limité les entrées sur le territoire à la
justification de motifs impérieux. Au cours de cette période, l’établissement a fermé la moitié des lits du service de chirurgie pour les orienter sur l’hospitalisation et la prise en charge de patients en attente de leur résultat au dépistage du Covid-19. Le nombre de lits de médecine a alors été réduit de moitié pour pouvoir accueillir des patients de chirurgie. De plus, le service de chirurgie a été fermé pendant deux semaines et les interventions programmées ont été décalées dans le temps. Une baisse de près de 15 % des entrées a été enregistrée en 2020 dans les services de court séjour.
Les charges de personnel supplémentaires liées à la crise sanitaire s’élèvent à 8,68 MF CFP en 2020 (soit 0,3 % des charges de personnel de l’année). Il s’agit de renforts de temps de médecin (1,68 MF CFP), d’infirmiers (2,71 MF CFP) et d’aides-soignants (0,17 MF CFP). Ce montant intègre également la rémunération versée aux médecins pendant leur isolement en quatorzaine, pour ceux d’entre eux qui avaient signé un contrat de travail avant la crise (4,12 MF CFP).
Les charges à caractère médical liées à la crise sanitaire s’élèvent à 14,5 MFCP, dont 5,99 MF CFP pour la pharmacie, 7,1 MF CFP pour le biomédical et 1,42 MF CFP pour la biologie médicale (dont 1,12 MF CFP pour les seules actions de dépistage). En outre, les charges résultant de la variation des stocks comptabilisées dans les charges médicales ont progressé de +18 % (17 MF CFP) en raison des achats de médicaments, de matériels et de dispositifs médicaux réalisées par anticipation pour éviter les ruptures d’approvisionnement dans un contexte de pénurie mondiale sur certains produits, en particulier, les masques, chasubles et gants.
Au titre de la crise sanitaire, le centre hospitalier a bénéficié d’un financement exceptionnel de la Nouvelle-Calédonie de 300 MF CFP à la fin 2021.
Le pilotage stratégique
Le dernier projet d’établissement du centre hospitalier du Nord couvrait la période 2015 à 2020 et était principalement orienté sur la livraison du site de Koné. Ce projet n’a pas fait l’objet d’une évaluation et l’établissement n’a pas adopté de projet pour la prochaine période quinquennale alors que la règlementation le lui impose. Un nouveau projet d’établissement doit désormais être adopté rapidement. En outre, le centre hospitalier doit solliciter la Nouvelle-Calédonie pour la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens.
Le centre hospitalier du Nord doit renforcer son contrôle de gestion et mettre en place une comptabilité analytique ainsi que le codage de l’activité médicale, conformément aux obligations
règlementaires qui lui incombent dans ces domaines. Le remboursement du budget annexe (soins de suite et de réadaptation) au budget principal doit être justifié sur la base des coûts issus de la comptabilité analytique.
La fiabilité comptable est à renforcer dans le domaine des provisions pour risques et charges et des dépréciations, notamment pour le recouvrement des créances. L’établissement doit également mettre en place une politique d’amortissement par composants et conclure une convention avec la Nouvelle-Calédonie pour déterminer les modalités d’amortissement du bâtiment de Koné, une fois le bilan de clôture de l’opération de construction accepté et les opérations comptables de transfert du bien réalisées.
La gestion de la commande publique et des ressources humaines
Le centre hospitalier du Nord ne dispose pas d’un guide interne de la commande publique pour fixer les modalités de publicité, de mise en concurrence et de choix dès le premier franc. Le contrôle réalisé par la chambre sur un échantillon d’achats non concernés par la procédure formalisée, qui s’impose à partir de 20 MF CFP, n’a pas fait apparaître d’irrégularités, mais le risque de dépassement du seuil subsiste en raison de l’absence de suivi des montants d’achats annuels par famille de produits.
Le contrôle de la chambre sur un échantillon de marchés publics formalisés dont le montant était supérieur à 20 MF CFP a fait apparaître des dysfonctionnements et des irrégularités dans le formalisme, les modalités la passation et dans l’exécution des contrats. L’établissement doit renforcer le contrôle interne de ses achats.
Les effectifs du centre hospitalier du Nord, comptabilisés en équivalents temps plein rémunérés, ont progressé de 74 % pour s’établir à 328,3 en 2020. Cette hausse s’explique par la livraison du troisième site à Koné à la fin de l’année 2018 et les moyens nécessaires à l’exploitation des 41 lits de court séjour supplémentaires. L’établissement fait cependant face à des difficultés de recrutement de personnels médicaux (notamment, en anesthésie réanimation et en imagerie) et de personnels paramédicaux. L’établissement emploie une partie des personnels paramédicaux sur la base de contrats à durée indéterminée (23 agents concernés au 31 décembre 2020) alors que la règlementation ne le permet pas.
À l’issue de son contrôle des comptes et de la gestion, la chambre formule treize recommandations dont six sont des recommandations concernant la régularité et sept des recommandations visant à améliorer la performance de la gestion.