SYNTHÈSE
1 – Une exploitation difficilement équilibrée
1.1. La fragilité des équilibres comptables : Le centre hospitalier n’est parvenu à limiter le déficit de son résultat de fonctionnement (-108 000 € en 2010 pour le budget H) que grâce aux subventions d’équilibre versées par l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH), soit250 000€ par an entre 2007 et 2010. Hors recettes exceptionnelles, le déficit de fonctionnement structurel de l’établissement a été compris entre205 000€ et480 000€ entre 2006 et 2010. L’hôpital a connu de sévères problèmes de trésorerie en 2006 et 2007, qui l’ont conduit à accroître sensiblement ses délais de paiement aux fournisseurs (86,7 jours en 2006). L’activité a été en progression entre 2006 et 2010, avant de connaître un recul en 2011. Cependant, le montant élevé de la durée moyenne de séjour (DMS) est pénalisante dans le cadre de la tarification à l’activité des séjours de médecine : la DMS moyenne en médecine était de 6,4 jours en 2010 pour les petits établissements (moins de 300 lits MCO), contre 10,28 jours à l’hôpital de Condom. Cette durée élevée apparaît liée au problème d’instabilité médicale rencontré par l’établissement, qui a engendré des recrutements de remplaçants. L’établissement a réussi à diminuer sensiblement sa DMS en 2011, tant en médecine qu’en SSR, et cherche depuis 2011 à stabiliser et renforcer l’effectif de ses personnels médicaux.
Compte tenu d’une capacité d’autofinancement faible ou négative, l’hôpital a mené une politique d’investissement a minima, visant à maintenir les normes de sécurité ou sanitaires exigées des autorités de tutelle, soit une dépense comprise entre 0,092 M€ et 0,374 M€ par an, manifestement inférieure aux besoins de réhabilitation d’un établissement particulièrement vétuste.
En conséquence du choix de reconstruction prioritaire de l’EHPAD, un montant de 1,537 M€ a été consacré entre 2007 et 2010 aux préparatifs d’un projet qui, au final, a été arrêté et réorienté en 2011 dans les conditions examinées au §3 du présent rapport
Enfin, les comptes présentent aujourd’hui deux lacunes qui altèrent leur sincérité: d’une part, un montant de 54 365 € de compte épargne temps qui n’est pas provisionné ; d’autre part, un montant de 30 984 € de créances très anciennes, devenues manifestement irrecouvrables, qui devra être apuré.
1.2. – Une offre de soins bien positionnée, malgré deux points faibles : Les taux d’occupation des lits, compris entre 93,1% et 96,3%, montrent que l’offre de soins de l’établissement répond aux besoins du territoire de santé. Néanmoins, l’organisation présente deux points faibles. Le fonctionnement du SMUR et des urgences repose sur une convention du 11 janvier 2000 signée avec l’hôpital d’Auch, qui fait reposer partiellement la charge du service des urgences sur les médecins non urgentistes lorsque le SMUR est appelé à l’extérieur. Cette organisation est un obstacle au recrutement des médecins par l’établissement. Le fonctionnement du service apparaît en tension, avec une difficulté de l’hôpital à assurer la continuité des urgences, et la mise en œuvre de solutions dérogatoires qui ne respectent pas les règles de repos compensateur des médecins. Au-delà du service des urgences, les difficultés de recrutement se sont répercutées sur l’ensemble des services de l’hôpital, avec un recours important aux personnels de remplacement, qui a pesé fortement sur les charges de personnel et partant sur l’équilibre des comptes, notamment en 2006 et en 2009 où les charges de personnel intérimaire se sont élevé respectivement à 213 467 € et 347 879 €. La réorganisation du service d’urgences fin 2012, avec la création de 4,6 ETP de médecins urgentistes, devrait entraîner la fin du recours à l’intérim.
2 – Un pilotage déficient : l’incertitude des choix stratégiques
Le pilotage du centre hospitalier a été loin d’être optimal entre 2006 et 2010. Au-delà des conflits entre le directeur et le président du conseil d’administration (2006 à mars 2008), la période 2006 – 2010 a été marquée par l’indécision et les incertitudes sur les choix stratégiques de l’hôpital visant à l’équilibre de ses comptes, qui se sont ajoutées aux vicissitudes de la reconstruction de l’EHPAD.
2.1. – L’équilibre des comptes : des choix incertains : En premier lieu, l’hôpital n’a pas été en mesure de présenter un EPRD équilibré depuis 2006. L’ARH a refusé d’approuver l’EPRD en 2007 et en 2008, soulignant notamment les incohérences de l’EPRD 2007, alors même que ce document budgétaire aurait dû constituer le socle du redressement de l’établissement. A compter d’avril 2006, l’hôpital a fait référence dans ses compte-rendus de conseil d’administration à un « plan de redressement » pour désigner les efforts d’économie à réaliser sur ses dépenses de fonctionnement. Il faut cependant observer que ce « plan de redressement » n’a jamais été formalisé. La chambre n’a pas retrouvé de document en ce sens, mentionnant la stratégie poursuivie, les objectifs chiffrés assignés et le calendrier de ce plan. D’une manière plus générale, il faut relever la faiblesse du suivi administratif et financier de l’établissement. Cependant, l’établissement a pu bénéficier de subventions exceptionnelles versées chaque année par l’ARH entre 2006 et 2010.
La chambre a relevé deux exemples de dépenses contestables, contradictoires avec les efforts d’économie souhaités. Elle observe que si la fragilité des comptes de l’hôpital de Condom imposait une stratégie forte de coopération avec le centre hospitalier d’Auch, la coopération entre les deux établissements, formalisée notamment autour de la convention SMUR, n’a pas été optimale.
2.2 – L’échec de la reconstruction de l’EHPAD : La nécessité de reconstruire les bâtiments de l’hôpital de Condom abritant les lits de long séjour et d’ « humaniser » l’accueil des personnes âgées ne fait pas de doute depuis plus de 15 ans, compte tenu de l’état particulièrement dégradé et du confort sommaire des locaux actuels, inadaptés à un établissement de santé et médico-social. Le dossier de la reconstruction de ce qui s’appelait à l’époque la maison de retraite a connu un premier échec en 1996, après que la chambre eut souligné les déficiences du dossier, notamment l’absence d’étude de marché de l’opération et l’insuffisance du bouclage financier, qui rendait incertain le montant des loyers à venir. Il s’en est suivi un contentieux avec la SA d’HLM, titulaire d’un marché de maîtrise d’œuvre, qui ne s’est soldé au détriment de l’hôpital qu’en 2006. L’établissement n’a pas su tirer les leçons du passé puisqu’il s’est montré incapable entre 2006 et 2010 de monter un dossier administratif et financier précis et argumenté.
2.2.1. – Un projet engagé en 2006 sans les autorisations de la tutelle : Engagé en décembre 2006, le projet de reconstruction de l’EHPAD a connu de nombreuses vicissitudes avant d’être abandonné en décembre 2010. Après une première étude menée en 2003, une deuxième étude de faisabilité était engagée en janvier 2007 en vue de la reconstruction d’un EHPAD de 120 lits, soit 90 lits d’EHPAD et 30 lits pour des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Les hypothèses sous-jacentes au passage de 60 à 120 lits n’étaient pas explicitées, puisque l’établissement n’avait des autorisations que pour 60 lits d’EHPAD, auxquels s’ajoutaient 35 lits d’USLD. L’étude concluait à l’impossibilité de reconstruire 120 lits d’EHPAD sur le site historique, compte tenu des contraintes techniques.
A partir de cette étude, le choix stratégique était arrêté par l’hôpital : le projet visait désormais à construire 120 lits d’EHPAD sur un deuxième site, en entrée de ville. Mais entre décembre 2006 et décembre 2010, le dossier n’a jamais obtenu les autorisations de la tutelle pour 120 lits d’EHPAD, ni son accord sur le projet architectural modifié en 2008, et qui visait alors à réunir en un même lieu des lits d’EHPAD et des lits d’USLD. Cependant, jusqu’en février 2010, l’ARH ne s’est pas opposée à la reconstruction sur un deuxième site alors même qu’aucune étude n’avait été conduite sur les conséquences de ce choix sur le budget H de l’établissement, pourtant fragilisé. Malgré l’ambigüité de ce positionnement, l’hôpital a engagé de lourdes dépenses d’investissement, à hauteur de 1,54 M€, pour conduire les études et acheter un terrain manifestement surdimensionné et en partie en zone inondable. Dans un courrier du 11 février 2010, l’ARH mettait un coup de frein au projet en refusant le transfert de l’USLD sur un deuxième site et en pointant les nombreuses faiblesses du dossier : incertitude sur le nombre de lits, plan de financement à préciser, de même que l’impact de l’opération sur le prix de journée payé par les résidents et sur la situation financière du centre hospitalier de Condom, architecture inadaptée, notamment pour une prise en charge de personnes âgées démentes, non respect de la procédure de passage devant la commission régionale d’investissements de l’ARH.
Après que l’hôpital eut modifié son projet, tout en maintenant l’objectif à 108 lits et six places, proche des 120 lits du projet initial, la question des autorisations n’était toujours pas résolue, et les simulations financières concernant l’impact de l’opération sur le budget H n’avaient pas été menées. Au bout du compte, l’ARS décidait l’abandon du projet en décembre 2010. Au total, l’hôpital de Condom s’est montré incapable de mener à bien la reconstruction de l’EHPAD entre 1996 et 2010. La chambre relève que la dimension financière des différents projets conçus entre 1996 et 2010 a été largement ignorée. Depuis 2006, l’hôpital a engagé, dans un activisme qui n’était pas dénué d’une certaine confusion, des dépenses inutiles d’études à hauteur de 1,081 M€, auxquelles peuvent être ajoutées 0,28 M€ d’indemnités payées en 2006 au titre du contentieux sur les études du précédent projet de maison de retraite de 1995 et 0,085 M€ pour la résiliation des marchés, soit un total de 1,446 M€. A cela s’ajoute l’achat d’un terrain qui ne sera pas utilisé, pour un montant de 0,541 M€ ; il constitue néanmoins un actif qui pourrait être revendu par l’établissement, sans doute à la commune qui a donné un accord en ce sens au début de l’année 2012.
2.2.2. – Le projet 2012 : les incertitudes sur la maîtrise d’ouvrage : La nouvelle direction de l’établissement a engagé à partir d’avril 2011 une étude sur un nouveau projet mieux adapté aux moyens de l’hôpital, prévoyant le maintien sur un site unique des lits actuellement autorisés
Dans le scénario finalement retenu en août 2012, la reconstruction sur le site historique coûterait 32 M€ TDC, en deux tranches. La première tranche porterait sur la reconstruction de l’EHPAD et d’un pôle technique et logistique pour 11,1 M€ TDC. Le calendrier de la deuxième tranche n’est pas arrêté et reste hypothétique.
Compte tenu des sommes en jeu, la question de la maîtrise d’ouvrage de l’opération est posée. Une maîtrise d’ouvrage directe apparaît hors de portée de l’établissement, parce qu’elle implique un recours à l’emprunt à hauteur de 11,671 M€ pour la première tranche, ce qui ferait passer l’encours de dette de 2,2 M€ au 31 décembre 2010 à 13,87 M€, soit très largement au dessus des limites prudentielles du ratio d’indépendance financière.
L’hôpital s’est engagé dans la voie du bail emphythéotique hospitalier (BEH), qui transfèrera la maîtrise d’ouvrage de l’opération et le portage de la dette à un opérateur, mais ne sera pas dénuée de risques, en raison notamment de la complexité et de la durée importante de ce type de contrat. L’établissement du cahier des charges et la détermination des performances exigées du preneur requiert de solides compétences. Or l’hôpital n’a pas aujourd’hui la capacité humaine à piloter un tel projet : il devrait s’appuyer obligatoirement sur l’hôpital d’Auch et, au-delà, sur des spécialistes de ce type de contrat.
La chambre ne peut que faire part de ses craintes sur le risque qui s’attache pour un hôpital de la taille du centre hospitalier de Condom à transférer la maîtrise d’ouvrage de sa reconstruction à un opérateur extérieur, surtout s’il s’agit d’un opérateur privé.
En tout état de cause, cette opération de reconstruction, si longtemps différée, devra être menée à terme afin d’offrir un cadre digne d’un établissement de santé du XXIème siècle aux personnes âgées accueillies en long séjour.
3 – Recommandations
1 - Attacher un soin particulier à la préparation du futur bail emphythéotique hospitalier (BEH), en s’entourant d’avis pertinents au-delà des conseils techniques de la mission d’assistance. Le centre hospitalier gagnerait en particulier à soumettre son projet de cahier des charges à la Mission Nationale d’Appui à l’Investissement Hospitalier de l’ANAP (Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux) ;
2 - Conduire une réflexion stratégique sur le SMUR et les urgences, visant d’une part à accroître leur activité, au besoin en envisageant un redécoupage du territoire desservi en liaison avec l’hôpital d’Agen et l’hôpital de Nérac, et d’autre part à réorganiser les astreintes médicales du service des urgences sur une base rénovée ;
3 - Renforcer les synergies avec l’hôpital d’Auch ;
4 - Prévoir l’apurement des créances devenues irrécouvrables (compte 411) ;
5 - Provisionner les crédits relatifs au compte-épargne-temps des personnels.