SYNTHÈSE
1 - Un hôpital neuf doté d’une organisation désuète
Au cours des quinze dernières années, l’établissement a été profondément rénové et son rôle a été redéfini. Les travaux ont représenté près de 70 M€. La recomposition de l’offre publique de soins a, en fait, concerné l’ensemble du département du Lot, les établissements de proximité (Gourdon, Saint-Céré, Figeac) voyant leurs capacités de court séjour réduites, tandis que celles du CH de Cahors augmentaient de près de 30 %. Sa vocation d’hôpital pivot a été clairement affirmée.
L’hôpital est neuf mais son organisation est désuète et son pilotage peu efficace. L’établissement conserve une organisation par services, morcelée et fortement consommatrice de ressources. Les outils proposés par la nouvelle gouvernance, à savoir une organisation en un nombre réduit de pôles apte à dynamiser l’activité et à mieux répartir les ressources, n’ont pas été mis en place. Les outils nécessaires au dialogue médico-économique consistant en une analyse de l’activité mais aussi des coûts, sont inexistants. Un effort pour redéfinir les bases de l’organisation médicale s’impose donc, d’autant que l’établissement présente désormais une forte exposition à la tarification à l’activité du fait de la prédominance de ses activités de court séjour.
L’organisation externe recèle aussi des insuffisances. L’affirmation de l’établissement comme hôpital pivot de territoire suppose le déploiement de l’activité de soins vers les hôpitaux de proximité du département alors que cette évolution demeure à ce jour très inachevée. Le volet coopération vers l’aval reste à développer.
La réflexion engagée pour construire le projet d’établissement dont le projet médical constitue l’ossature est nécessaire pour formaliser dans chaque secteur les objectifs à atteindre.
2 - Une situation financière fragilisée
Avant 2013, le CH de Cahors a présenté pendant plusieurs années consécutives des résultats excédentaires. L’exercice 2012 avait même dégagé un excédent de 1,6 M€. En 2013, cet équilibre qui semblait pérenne a brutalement laissé place à un déficit consolidé proche de 2 M€. Et les efforts conduits pour revenir à l’équilibre ne sont parvenus qu’à ramener le déficit à 0,6 M€ en 2014. Le projet d’EPRD 2015 a été lui-même établi sur un déficit de 0,7 M€.
A cette exploitation qui peine à retrouver l’équilibre s’ajoute une dette élevée, contractée pour financer les importantes restructurations réalisées. En 2013 et 2014, la capacité d’autofinancement était insuffisante pour financer l’annuité en capital d’emprunt, et l’établissement a été obligé de prélever les ressources nécessaires sur son fonds de roulement (prélèvement de 4,4 M€ en 2013).
Depuis 2013, la structure financière est donc fragilisée. Le fonds de roulement ne couvre plus le besoin en fonds de roulement, obligeant l’établissement à recourir à une ligne de trésorerie de 3 M€ en 2015. La situation de trésorerie négative trouve pour partie son origine dans les difficultés de recouvrement des créances en matière de transport secondaire (2,3 M€ de créances impayées en 2013). Ce problème n’a pas trouvé de solution satisfaisante à ce jour.
Le seuil réglementaire de 2 % de déficit ayant été franchi en 2013, la situation financière de l’établissement aurait justifié la demande par l’ARS d’un plan de retour à l’équilibre financier. L’établissement a pu s’en affranchir d’une part en s’engageant à mieux maîtriser ses dépenses, d’autre part en misant sur le développement de l’activité eu égard au fort potentiel identifié, renforcé bientôt par la reprise des activités de court séjour et d’urgences de la clinique du Quercy. Le plan interne adopté, dit « de protection », apparait toutefois insuffisamment précis quant aux objectifs à atteindre, aucun axe d’effort n’étant quantifié.
3 - Une activité qui peine à se développer
L’activité a connu une croissance forte au cours de la période mais la stagnation d’activité rencontrée par l’établissement en 2013 montre le caractère encore fragile de l’implantation médicale de l’établissement dans le territoire. Les taux d’occupation peu élevés traduisent une faible optimisation des équipements et des ressources. L’activité ambulatoire dont le taux est inférieur à 30 %, reste à développer. La gestion du bloc opératoire ne donne lieu à aucune mesure de sa performance, sinon celle d’un taux d’occupation des salles de 75 % qui est insuffisant. Aucun indicateur de performance n’a pu non plus être fourni sur la cotation des actes médicaux.
4 - Des dépenses de personnel insuffisamment maîtrisées
Sur la période, les dépenses de recrutement de personnel médical intérimaire ont quadruplé et les dépenses de personnel non médical ont augmenté singulièrement en 2013, alors que l’activité stagnait. Le poids des dépenses de personnel dans les produits de l’assurance maladie s’est accru pour atteindre 90 % en 2014 réduisant ainsi les marges de manœuvre. Pour contenir ses charges, l’établissement doit veiller à mieux adapter les effectifs au volume d’activité. Un effort pour mieux suivre la réglementation s’impose également, notamment s’agissant du temps de travail dont l’écart avec le temps réglementaire a été évalué comme coûtant 760 000 €. Le régime indemnitaire des agents contractuels présente aussi des irrégularités.
5 - Un système d’information solide mais inexploité comme outil de pilotage
L’analyse du système d’information de l’hôpital (SIH), dans le cadre d’une enquête inter juridictions, a permis de constater le très haut niveau de l’équipe informatique du CH de Cahors qui a doté l’établissement d’une informatique solide et fonctionnelle, en matière administrative comme en matière médicale, et bientôt pour communiquer avec l’extérieur. L’établissement a parfaitement intégré les exigences du plan « Hôpital numérique » et se montre extrêmement dynamique. Sa politique d’association avec les éditeurs pour produire les logiciels lui assure une informatique de qualité à moindre coût.
L’enquête a toutefois mis en évidence une faiblesse déjà signalée par la chambre lors de son dernier contrôle en 2007, à savoir le caractère indigent de l’organisation par pôles et la nette insuffisance d’outils de contrôle de gestion aptes à innerver l’organisation médicale. L’information médico-économique reste centrée sur les recettes, celle sur les charges et les coûts étant occultée. Sous cet angle, le SIH de l’hôpital demeure largement sous-exploité.
En conclusion, le centre hospitalier de Cahors a consenti des efforts importants pour moderniser ses locaux et ses équipements mais conserve une organisation peu mobilisatrice. Un retour pérenne à l’équilibre financier passe par une action forte pour dynamiser la production médicale et la déployer dans le territoire. La mobilisation optimale des ressources suppose une refonte de l’organisation interne et la mise en place d’une gestion médico-économique.
RECOMMANDATIONS
Au terme de son contrôle, la chambre a décidé de formuler les recommandations suivantes :
1. Redéfinir la taille, la mission et l’organisation des pôles afin d’établir les bases d’un pilotage efficace, pour permettre une mise en synergie des services, offrir un périmètre significatif de mutualisation des ressources, instaurer un dialogue médico-économique.
2. Développer la coopération inter-établissements dans le territoire du Lot.
3. Etablir un projet d’établissement permettant de fixer les axes d’effort pour l’avenir.
4. Mettre à la disposition des acteurs les outils de gestion médico-économique (ou système d’information décisionnel) nécessaires pour optimiser, secteur par secteur, l’équilibre emplois/ressources.
5. Mettre en place un plan de retour à l’équilibre plus précis et formalisé, permettant de responsabiliser les acteurs et de suivre l’impact budgétaire des mesures prises.
6. Mettre à la disposition des services d’hospitalisation et du bloc opératoire une batterie d’outils et d’indicateurs permettant de mesurer leur performance et d’optimiser le fonctionnement.
7. Développer la chirurgie ambulatoire.
8. Reprendre la maîtrise du recrutement médical afin de réduire le coût des médecins intérimaires, suivre le temps de travail médical.
9. Régulariser le temps de travail des personnels non médicaux, revoir le rythme d’avancement d’échelon des agents et régulariser les indemnités accordées aux agents non titulaires.