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Audit flash sur la reconstruction du CHU de Nantes (Loire-Atlantique)

CRC PAYS DE LA LOIRE

Après son rapport publié en 2020, la chambre régionale des comptes Pays de la Loire a mené, sous forme d’audit flash, un nouveau contrôle d’étape sur l’opération de reconstruction du CHU sur l’Ile de Nantes, aujourd’hui en phase de réalisation.

Un surcoût prévisionnel observé fin 2022, pour l’heure non financé

Le coût du projet a nettement augmenté à la suite des résultats d’appels d’offres en 2020 (+35 % après négociations). Afin de limiter la hausse, des économies ont été réalisées, notamment en mettant un bâtiment en option. Certains lots n’ont pas été attribués en 2020, ce qui pourrait encore faire augmenter le coût lorsqu’ils le seront. En 2021, la part de subventions a augmenté. Cette hausse pourrait ne pas être suffisante, les hypothèses d’inflation et de taux d’intérêt ayant été révisées de façon trop optimiste en 2021.

Le CHU fait face à une augmentation importante des coûts de travaux. Ses simulations financières restent fondées sur une hypothèse trop favorable à cet égard (2 %) par rapport aux prévisions officielles. Le surcoût découlant d’hypothèses d’inflation plus réalistes, serait très important, de l’ordre de 55 M€ au minimum. Il n’était, à fin 2022, pas financé.

La trajectoire financière du CHU conditionne la soutenabilité de l’auto-financement du projet

Les prévisions de recettes ont été définies par le CHU en fonction d’objectifs d’activité et d’efficience dont l’atteinte n’est pas garantie. Le CHU n’est pas parvenu à atteindre ses objectifs de taux d’occupation et de durée moyenne de séjour, notamment en chirurgie, alors qu’ils constituent des leviers d’efficience essentiels de la trajectoire capacitaire. Depuis 2019, la durée moyenne de séjour se dégrade continûment en médecine, chirurgie et obstétrique. Le maintien d’un taux d’absentéisme élevé pourrait aussi fragiliser la trajectoire de recettes. La pérennisation de l’hôpital Nord Laënnec devrait limiter les gains d’efficience, les transferts entre sites étant maintenus. Le CHU espère que l’orientation gériatrique qui sera donnée au site de l’hôpital Nord Laënnec contribuera positivement à sa marge d’exploitation. Le niveau d’excédent attendu devrait toutefois être inférieur à celui envisagé initialement, d’environ 40 %, compte tenu des investissements de remise à niveau nécessaires.

L’évolution des charges passées est supérieure à celle projetée, notamment en matière de dépenses de personnel. Ce sont les principales dépenses du CHU et leur projection est inférieure de 0,4 point de pourcentage par an à leur trajectoire passée. La hausse des rémunérations individuelles paraît sous-estimée dans la prospective, au vu de la trajectoire passée et de l’évolution du contexte des ressources humaines.

 Au total, une projection de la tendance passée de la masse salariale réduirait la marge d’exploitation d’un demi-point par an en moyenne, limitant d’autant l’auto-financement du projet Ile de Nantes (28 M€ de 2023 à 2027). Si la trajectoire d'exploitation devait être ajustée, le CHU de Nantes dispose théoriquement soit de leviers sur les dépenses, dont la réduction des effectifs, soit de leviers sur les recettes.

La dette est un autre facteur de risque. D’abord parce que le CHU n’est pas parvenu à sécuriser l’intégralité de sa dette, notamment son emprunt structuré le plus risqué. Ce dernier aurait pu être sécurisé en 2021, les conditions de marché étant favorables. Le CHU a pourtant renoncé à cette sécurisation pour éviter de majorer le résultat comptable avec la reprise sur provision. Ensuite parce que les conditions de souscription des nouveaux emprunts nécessaires peuvent s’avérer défavorables. La révision, en 2021, à 2  % de l’hypothèse de taux d’intérêt apparaît très optimiste. Le CHU retarde la mobilisation des nouveaux emprunts et se trouve désormais confronté à une forte incertitude dans un contexte de remontée des taux. Le CHU prend le risque de devoir souscrire des emprunts à des conditions et calendrier contraints par les décaissements prévisionnels du chantier.

Un chantier débuté dans les délais malgré un changement de maîtrise d’œuvre, qui n’écarte pas tout risque de surcoût lié à une potentielle erreur de conception pendant les travaux

La collaboration du CHU avec la première maîtrise d’œuvre a été conflictuelle, principalement en raison d’un différend relatif à sa rémunération. Les parties ont signé un protocole transactionnel en juillet 2021. Ce procédé a été utile pour solder le contentieux et relancer le projet sur des bases apaisées avec l’attribution, en octobre 2021, d’un marché de maîtrise d’œuvre d’exécution à un nouveau prestataire. La transaction a toutefois été conclue au prix d’une importante concession du CHU, qui a renoncé à la garantie contractuelle de la première maîtrise d’œuvre. Les conséquences dommageables des erreurs qui auraient pu être commises par celle-ci lors de la conception et qui se révéleraient lors de l’exécution des travaux devront être assumées par le CHU, et celui-ci pourrait difficilement se retourner contre le groupement de maîtrise d’œuvre ou ses assureurs. Eu égard à l’ampleur et à la complexité du projet Ile de Nantes, le CHU est ainsi exposé à un risque financier pendant la durée du chantier.

 Une gouvernance de projet dont l’articulation avec Nantes Métropole est importante

 En 2021, aucun point formellement à l’ordre du jour du conseil de surveillance n’a été consacré au projet, malgré des décisions importantes comme la résiliation du contrat de la première maîtrise d’œuvre et la redéfinition des paramètres financiers du projet. La gouvernance interne du projet est bien structurée, mais la dissociation entre le projet d’évolution des métiers et les moyens qui y seront consacrés risque de fragiliser ou de reporter certains arbitrages en matière d’efficience.

La coordination avec Nantes Métropole est un élément important de réussite du projet. Le montant et le calendrier de cessions foncières possibles autour du site de l’hôpital Nord Laënnec, qui doivent financer le projet Ile de Nantes, dépendent du résultat d’une étude de programmation urbaine. La coordination des calendriers avec les services de Nantes Métropole sera importante pour assurer le bon dimensionnement de l’offre de desserte du CHU en transports en commun. Plus largement, dans un contexte de multiplication des chantiers importants dans la métropole sur la période, la coopération entre les maîtres d’ouvrage sera essentielle afin d’optimiser l’emploi de ressources limitées, dans un contexte inflationniste.

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