25 rue Paul Bellamy
–
BP 14119
–
44041 NANTES cedex 01
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RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
ET SA RÉPONSE
AUDIT FLASH SUR LA
RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
(Loire-Atlantique)
Exercices 2020 et suivants
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
......................................................................................................................
4
INTRODUCTION
...........................................................................................................
8
1
UN COÛT PRÉVISIONNEL DU PROJET SOUS-ESTIMÉ
..................................
9
1.1
Un coût et des modalités de financement du projet qui ont évolué en
fonction des ajustements opérés
.........................................................................
9
1.1.1
Un résultat d’appel d’offres qui modifie l’économie générale du
projet, conduisant à mettre en option un bâtiment
....................................
9
1.1.2
Une part croissante de subventions et un taux de marge plus
réaliste
.....................................................................................................
11
1.2
Un risque de révision à la hausse des hypothèses de prix
................................
12
1.2.1
Une forte hausse des index de révision contractuelle des prix
................
12
1.2.2
Un risque limité, à fin 2022, d’indemnité d’imprévision
........................
14
1.3
Un risque de révision à la hausse de l’hypothèse de taux d’intérêt
..................
16
1.3.1
Des prêts risqués non sécurisés à fin 2022, dont le coût et la
volatilité continueront à peser sur les charges
.........................................
16
1.3.2
Une levée d’emprunts nouveaux sans calendrier précis
: un risque
de souscription contrainte
........................................................................
17
2
LA TRAJECTOIRE FINANCIÈRE DU CHU CONDITIONNE LA
SOUTENABILITÉ
DE L’AUTOFINANCEMEN
T DU PROJET
........................
19
2.1
Des prévisions de recettes qui d
épendent d’objectifs d’efficience
ambitieux, et passent par une diminution de l’absentéisme actuel
...................
19
2.2
Une trajectoire de dépenses dont la dynamique pourrait être supérieure
aux prévisions, notamment en matière de personnel
........................................
20
2.2.1
Une variation globale des charges projetée en deçà du réalisé
...............
20
2.2.2
Des dépenses de personnel dont le poids est déterminant dans la
trajectoire mais
dont l’évolution est potentiellement minorée
................
21
2.3
Une prévision d’autofinancement optimiste, sans marges de manœuvre
significatives en trésorerie
................................................................................
23
2.3.1
Une trajectoire optimiste de marge croissante entre 2022 et 2027,
mais qui reste en deçà de la cible
............................................................
23
2.3.2
Un objectif de baisse du besoin en fonds de roulement
difficilement atteignable
..........................................................................
26
2.3.3
Un enjeu de trésorerie en 2023
................................................................
27
3
UN CHANTIER DÉBUTÉ DANS LES DÉLAIS, MALGRÉ UN
CHANGEMENT DE MAÎ
TRISE D’ŒUVRE, QUI P
OURRAIT
S’AV
ÉRER COÛTEUX
........................................................................................
27
3.1
Une phase de conception de l’ouvrage marquée par la mésentente entre
le premier groupement de maîtrise d’œuvre et le CHU
...................................
27
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
3
3.1.1
Le différend relatif à la demande de rémunération complémentaire
du groupement
.........................................................................................
29
3.1.2
La question de la fixation du coût prévisionnel des travaux
...................
30
3.1.3
Un changement de maîtrise d’œuvre facilité par la signature d’un
protocole transactionnel, mais qui met le CHU en position
d’assumer seul le risque financier découlant d’éventuelles erreurs
de conception de l’ouv
rage
.....................................................................
30
3.2
La désignation d’une nouvelle équipe de maîtrise d’œuvre d’exécution
dont le tuilage s’opère, à fin 2022, de manière p
lutôt efficiente
......................
34
4
UNE GOUVERNANCE DE P
ROJET DONT L’ARTICUL
ATION AVEC
NANTES MÉTROPOLE EST IMPORTANTE
....................................................
35
4.1
Une gouvernance interne spécifique au projet a été mise en place
..................
35
4.1.1
Une information assez limitée du conseil de surveillance du CHU
........
35
4.1.2
Des groupes de travail sur le projet de nouvel établissement sans
lien avec les arbitrages sur les moyens
....................................................
36
4.2
Un enjeu de coordination avec Nantes Métropole
...........................................
36
4.2.1
Des modalités d’échange foncier
qui pourraient être revues avec la
mise en option d’un bâtiment sur l’île de Nantes
....................................
36
4.2.2
Hôpital Nord Laënnec : un calendrier de cessions décalé
.......................
37
4.2.3
Transports : une coordination des calendriers qui reste un point
d’attention
................................................................................................
37
ANNEXES
......................................................................................................................
39
Annexe n° 1. Les capacités installées
.....................................................................
40
Annexe n° 2. Évolution de l’activité
......................................................................
42
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
4
SYNTHÈSE
La chambre régionale des comptes Pays de la Loire a mené un nouveau contrôle d’étape
sur l’opération de reconstruction du CHU sur l’Ile de Nantes, aujourd’hui en phase de
réalisation. Depuis son précédent rapport, rendu public en octobre 2020, plusieurs événements
importants sont en effet intervenus, justifiant cette démarche : survenue de la crise sanitaire,
moindre fermeture de lits, changement de maîtrise d’œuvre, augmentation du coût de
l’opération notamment. L’instruction de ce contrôle a été menée sous forme d’«
audit flash »
dans des délais resserrés, de septembre à novembre 2022.
Dès 2021, la trajectoire du « projet Ile de Nantes » a été modifiée, notamment pour
répondre aux besoins nés de l’augmentation et du vieillissement de la population à l’horizon
2030. La capacité d’accueil est aujourd’hui
fixée à 1 417 lits, en hausse de 17 % par rapport à
la cible fixée en 2013. Le projet d’origine, de regroupement de toute l’activité de médecine,
chirurgie, obstétrique sur un seul
site, a été infléchi avec le maintien d’une activité de médecine
gériatrique à l’hôpital Nord Laënnec, notamment pour accueillir les lits supplémentaires.
Un surcoût prévisionnel observé fin 2022, pour l’heure non financé
Le coût du projet a nettement
augmenté à la suite des résultats d’appels d’offres en 2020
(+ 35 % après négociations). Afin de limiter la hausse, des économies ont été réalisées,
notamment en mettant un bâtiment en option. Certains lots n’ont pas été attribués en 2020, ce
qui pourrait
encore faire augmenter le coût lorsqu’ils le seront. En 2021, la part de subventions
a augmenté. Cette hausse pourrait ne pas être suffisante, les hypothèses d’inflation et de taux
d’intérêt ayant été révisées de façon trop optimiste en 2021.
Le CHU fait face à une augmentation importante des coûts de travaux. Ses simulations
financières restent fondées sur une hypothèse trop favorable à cet égard (2 %) par rapport aux
prévisions officielles. Le surcroît de coût découlant d’hypothèses d’inflation plus prud
entes,
serait très important, de l’ordre de 55 M€ au minimum et n’est, à fin 2022, pas financé. Le choix
de ne pas retenir dans la revue de projet nationale l’inflation constatée sur l’année en cours et
une prévision pour l’année à venir retarde la réflexi
on sur la prise en charge des surcoûts ainsi
engendrés. Ce retard se fait au détriment du CHU qui, à ce stade, est censé les compenser par
des mesures d’économie, des recettes supplémentaires ou un surcroît d’emprunts. L’ampleur
potentielle de ces derniers rendrait peu soutenable leur financement par le seul CHU. Une
réflexion serait utile pour déterminer le niveau d’inflation au
-delà duquel les projets
d’investissement hospitalier pourraient faire l’objet d’un financement complémentaire. Le taux
d’inflation défini à l’origine du projet, soit 3,5
%, pourrait être une référence utile. Dans sa
réponse à la communication administrative que la chambre lui a adressée en janvier 2023,
l’ARS annonce « qu’une révision de la trajectoire financière sera engagée dès 2
023 à partir
d’une évaluation précise du niveau de ce surcoût et de ses modalités de financement ».
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
5
La trajectoire financière du CHU conditionne la soutenabilité de l’auto
-financement du
projet
Les prévisions de recettes ont été définies par le CHU en f
onction d’objectifs d’activité
et d’efficience dont l’atteinte n’est pas garantie. Le CHU n’est pas parvenu à atteindre ses
objectifs de taux d’occupation et de durée moyenne de séjour, notamment en chirurgie, alors
qu’ils constituent des leviers d’efficie
nce essentiels de la trajectoire capacitaire. Depuis 2019,
la durée moyenne de séjour se dégrade continument en médecine, chirurgie et obstétrique. Le
maintien d’un taux d’absentéisme élevé pourrait aussi fragiliser la trajectoire de recettes. La
pérennisa
tion de l’hôpital Nord Laënnec devrait limiter les gains d’efficience, les transferts
entre sites étant maintenus. Le CHU considère
que l’orientation gériatrique qui sera donnée au
site de l’hôpital Nord Laënnec contribuera positivement à sa marge d’exploi
tation. Le niveau
d’excédent attendu devrait toutefois être inférieur à celui envisagé initialement, d’environ 40
%,
compte tenu des investissements de remise à niveau nécessaires.
L’évolution des charges passées est supérieure à celle projetée, notamment
en matière
de dépenses de personnel. Ce sont les principales dépenses du CHU et leur projection est
inférieure de 0,4 point de pourcentage par an à leur trajectoire passée. La hausse des
rémunérations individuelles paraît sous-estimée dans la prospective, au vu de la trajectoire
passée et de l’évolution du contexte des ressources humaines. La titularisation de contractuels
et le développement de dispositifs d’attractivité salariale, pour faire face aux difficultés de
recrutement, risquent de pousser à la hausse la masse salariale.
La masse salariale progresse fortement en 2020 et 2021 du fait de mesures liées à la
crise sanitaire puis au Ségur de la santé. Ces mesures ont été compensées par la revalorisation
nationale des tarifs. Pour l’avenir, cette compensation dépend du maintien d’une dynamique
favorable de volume et de type de soins. Dans sa prospective, le CHU fige jusqu’en 2027
l’évolution spontanée des rémunérations de 2022. Le choix de ne retenir que le budget principal
pour la projection financière
minore aussi l’évolution réelle. Au total, une projection de la
tendance passée de la masse salariale réduirait la marge d’exploitation d’un demi
-point par an
en moyenne, limitant d’autant l’auto
-financement du projet Ile de Nantes (28
M€ de 2023 à
2027). Si la trajectoire d'exploitation devait être ajustée, le CHU de Nantes dispose
théoriquement soit de leviers sur les dépenses, dont la réduction des effectifs, soit de leviers sur
les recettes. L’optimisation liée à l’augmentation de la taille des unités
médicales permettrait
d’effectuer des économies, mais est subordonnée à sa présentation au personnel.
Si la dynamique plus favorable en recettes qu’en dépenses projetée sur 2022
-2027
permet au CHU d’afficher des excédents sur cette période, il anticipe un
e érosion progressive
de ses résultats après 2027. Pour maximiser ses marges d’exploitation, le CHU s’est donné
comme objectif une forte réduction de son besoin en fonds de roulement, à 10 M€. La chambre
estime qu’une cible de 20 M€ serait plus réaliste. S
i le CHU souhaite aller au-delà, il devra
renoncer aux remises de ses fournisseurs en échange d’un paiement anticipé ou supporter les
frais d’une avance du paiement aux fournisseurs par une banque. Une hypothèse de besoin en
fonds de roulement peu réaliste pourrait minorer le niveau de sa trésorerie par rapport à ses
prévisions. Cette trésorerie a nettement diminué en 2022, compte tenu du démarrage effectif du
chantier, en l’absence de levée d’emprunt. Le niveau de trésorerie attendu en 2023 dépend en
grand
e partie d’un nouvel emprunt, qui n’est pas obtenu à fin 2022.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
6
La dette est un autre facteur de risque. D’abord parce que Le CHU n’est pas parvenu à
sécuriser l’intégralité de sa dette, notamment son emprunt structuré le plus risqué. Ce dernier
aurait pu être sécurisé en 2021, les conditions de marché étant favorables. Le CHU a pourtant
renoncé à cette sécurisation pour éviter de majorer le résultat comptable avec la reprise sur
provision. Ensuite parce que les conditions de souscription des nouveaux emprunts nécessaires
peuvent s’avérer défavorables. La révision, en 2021, à 2
% de l’hypothèse de taux d’intérêt
apparaît peu prudente. Le CHU retarde la mobilisation des nouveaux emprunts et se trouve
désormais confronté à une forte incertitude quant à l’évolution des conditions d’emprunt, dans
un contexte de remontée des taux. Le CHU prend le risque de devoir souscrire des emprunts à
des conditions et calendrier contraints par les décaissements prévisionnels du chantier.
Un chantier débuté dans les délais
malgré un changement de maîtrise d’œuvre, qui pourrait
conduire le CHU à supporter seul le coût d’une erreur de conception
pendant les travaux
La collaboration du CHU avec la première maîtrise d’œuvre a été conflictuelle,
principalement en raison d’un dif
férend relatif à sa rémunération, ce que la chambre avait déjà
relevé dans son précédent rapport. Le CHU a résilié le marché pour faute en avril 2021. Les
parties ont signé un protocole transactionnel en juillet 2021. Ce procédé a été utile pour solder
le
contentieux et relancer le projet sur des bases apaisées avec l’attribution, en octobre 2021,
d’un marché de maîtrise d’œuvre d’exécution à un nouveau prestataire. La transaction a
toutefois été conclue au prix d’une importante concession du CHU, qui a ren
oncé à la garantie
contractuelle de la première maîtrise d’œuvre. Les conséquences dommageables des erreurs qui
auraient pu être commises par celle-ci lors de la conception et qui se révéleraient lors de
l’exécution des travaux devront être assumées par le
CHU, et celui-ci pourrait difficilement se
retourner contre le groupement de maîtrise d’œuvre ou ses assureurs. Eu égard à l’ampleur et à
la complexité du projet Ile de Nantes, le CHU est ainsi exposé à un risque financier pendant la
durée du chantier.
L’arrivée d’une nouvelle équipe de maîtrise d’œuvre semble s’opérer, à fin 2022, de
manière efficiente. Il est toutefois trop tôt pour apprécier si ce nouveau groupement
s’appropriera parfaitement les études de conception du précédent titulaire pour mener à
bien la
construction de l’ouvrage.
Une gouvernance de projet dont l’articulation avec Nantes Métropole est importante
En 2021, aucun point formellement à l’ordre du jour du conseil de surveillance n’a été
consacré au projet cette année-là, malgré des décisions importantes comme la résiliation du
contrat de la première maîtrise d’œuvre et la redéfinition des paramètres financiers du projet.
La gouvernance interne du projet est bien structurée mais la dissociation entre le projet
d’évolution des métiers et le
s moyens qui y seront consacrés risque de fragiliser ou de reporter
certains arbitrages en matière d’efficience.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
7
La coordination avec Nantes Métropole est un élément important de réussite du projet.
Le montant et le calendrier de cessions foncières pos
sibles autour du site de l’hôpital Nord
Laënnec, qui doivent financer le projet Ile de Nantes, dépendent du résultat d’une étude de
programmation urbaine. La coordination des calendriers avec les services de Nantes Métropole
sera importante pour assurer le
bon dimensionnement de l’offre de transport vers le CHU. Plus
largement, dans un contexte de multiplication des chantiers importants dans la métropole sur la
période, la coopération entre les maîtres d’ouvrage sera essentielle afin d’optimiser l’emploi de
ressources limitées, dans un contexte inflationniste.
Principales conclusions de l’audit
-
Le coût prévisionnel du projet risque d’augmenter sensiblement, notamment en raison de
l’application des clauses de révision des prix en fonction de l’inflation dans les marchés de
travaux.
-
Le surcoût prévisionnel dû à l’inflation n’est, à fin 2022, p
as financé et semble difficilement
soutenable dans son intégralité pour les finances du seul CHU.
- Les prévisions de recettes et de dépenses intègrent des hypothèses relativement optimistes, qui
s’éloignent des données passées pour la masse salariale.
- L
’activité du CHU est dynamique mais l’indicateur de durée moyenne de séjour se dégrade,
ce qui pourrait tempérer l’évolution espérée de la marge d’exploitation.
-
Le chantier a débuté dans les délais, malgré un changement de maîtrise d’œuvre.
- La
transaction avec la première maîtrise d’œuvre n’a pas conduit à verser des montants
disproportionnés.
- Néanmoins, la transaction prévoit la fin de la responsabilité contractuelle de la première
maîtrise d’œuvre avant même le début du chantier, ce qui
risque de priver
le maître d’ouvrage
de garantie financière, notamment assurantielle, en cas d’erreur de conception.
- La coordination avec Nantes métropole est essentielle pour finaliser le plan de cession prévu
autour de l’hôpital Nord Laënnec et conditionne
l’accessibilité en transports du nouveau site.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
8
INTRODUCTION
Procédure
L’audit flash a été notifié le 30 août 2022 au directeur général du CHU, M. El Saïr, seul
ordonnateur concerné par les présentes observations. La présidente du conseil de surveillance,
Mme Rolland, en a été informée à la même date. Le contrôle s’est déroulé sur le fondement de
l’article L.
211-
5 du code des juridictions financières et de l’arrêté du Premier président de la
Cour des comptes du 12 décembre 2017
1
. L’entretien de début de contrôle s’est déroulé le
5 septembre 2022, avec le directeur général du CHU. Des entretiens ont été menés avec les
services du CHU, de l’ARS, de la DRFiP, de la trésorerie du CHU ainsi qu’avec l’avocat du
CHU, le mandataire du CHU pour les travaux, la préfecture et la présidente de Nantes
métropole. L’entretien de fin de contrôle, avec le directeur général du CHU, a eu lieu le
28 novembre 2022. La chambre a délibéré le 14 décembre
2022 le rapport d’observations
provisoires. Le 3 janvier 2023, le
rapport d’
observations provisoires a été communiqué au
directeur général du CHU, et une communication administrative adressée au directeur général
de l’ARS. Un extrait
du rapport provisoire a été communiqué à la même date à la présidente de
Nantes Métropole, par ailleurs présidente du conseil de surveillance du CHU. La réponse de la
présidente de Nantes Métropole a été reçue le 1
er
février 2023. La réponse du directeur général
du CHU
au rapport d’observations provisoires
a été reçue le 3 février 2023. La réponse du
d
irecteur général de l’ARS
à la communication administrative a été reçue le 7 février 2023. Le
directeur général du CHU a été auditionné par la chambre le 28 février 2023. Le rapport
d’observations définitives a été délibéré le 28 février 2023 par la
chambre.
Projet de reconstruction du CHU de Nantes
À
l’automne 2013, la ministre en charge de la santé donne son accord définitif sur le
projet de reconstruction du centre hospitalier universitaire (CHU)
sur l’Ile de Nantes et sur son
financement partiel p
ar l’
É
tat. Le projet de construction du nouveau CHU s’inscrit dans le cadre
plus large de la création d’un ensemble hospitalo
-universitaire.
Le précédent rapport de la chambre, délibéré en avril 2020, est intervenu avant la remise
des offres des entreprises de travaux, étape clef dans la définition précise des coûts du projet et
des modalités de financement qui en découlent. Ce rapport recommandait au CHU de procéder,
en lien avec les autorités concernées, à un ajustement de la marge budgétaire pour actualisation
du coût du projet « Ile de Nantes » après la conclusion des marchés de travaux. Le rapport
soulignait que le niveau et les modalités de la participation de l’établissement devront être
confirmés en 2020-
2021, après le résultat des appels d’offres d
es travaux et la confirmation
d’une stratégie de recours à l’emprunt, ce qui appellerait la définition d’une nouvelle trajectoire
financière.
1
Arrêté relatif à la délégation par la Cour des comptes aux chambre régionales et territoriales des comptes du
jugement des comptes et du contrôle des comptes et de la gestion de certaines catégories d’organismes publics
(dont les établissements publics de santé)
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
9
La décision d’effectuer
en 2022 un « audit flash », contrôle ciblé et accéléré, sur la
reconstruction, aujourd’hui en cours, du CHU sur l’Ile de Nantes se justifie au regard des enjeux
financiers du projet et des évolutions intervenues depuis le précédent rapport. Les principaux
paramètres ont été revus en 2021 (subventions, taux de marge), pour tenir compte du niveau
élevé des offres déposées par les entreprises de travaux, de la révision à la hausse de la capacité
d’accueil, du maintien de l’hôpital Nord Laënnec et du nouveau contexte des établissements de
santé postérieur à la crise sanitaire et au Ségur de la santé.
Le présent audit
s’est concentré sur
le coût prévisionnel du projet
2
(1.), la trajectoire
financière du CHU
3
(2.), les relations avec les maîtrises d’œuvres successives (3.) et la
gouvernance du projet (4).
1
UN COÛT PRÉVISIONNEL DU PROJET SOUS-ESTIMÉ
1.1
Un coût et des modalités de financement du projet qui ont évolué en
fonction des ajustements opérés
1.1.1
Un résultat d’appel d’offres qui modifie l’économie générale du projet,
conduisant à mettre en option un bâtiment
En juillet 2020, les résultats des appels
d’offres de travaux ont montré un important
dépassement du budget (54
% pour l’estimation basse). Le résultat de l’appel d’offres
s’explique par
divers facteurs. Le choix du type de marché (macro-lots
4
plutôt qu’entreprise
générale), sur lequel la chambre
ne porte pas en soi d’appréciation, a pu conduire à une
insuffisance de mise en concurrence à la suite de la défection d’entreprises de premier plan,
conduisant à des prix élevés lorsque le soumissionnaire est seul. Le niveau de risque a pu être
jugé élevé pour les entreprises, du fait de la complexité et des pénalités du marché. Le planning
a pu être considéré trop serré, imposant de recourir au travail posté. Enfin, la crise sanitaire a
amorcé un mouvement d’inflation des prix. La présence d’une part fixe
(15 %) dans
l’application de la clause de révision des prix aurait pu conduire certains candidats à surévaluer
leur prix
5
. Les formules d’ajustement sur une référence de prix, ce qui est le cas des marchés
du CHU, ne comportent pas toujours une partie fixe
6
, ou alors pour un niveau moindre (12,5 %).
Le montant des clauses de pénalités a pu être intégré au prix par les soumissionnaires. Si ce
type de clause est un instrument utile de pilotage pour la maîtrise d’ouvrage, il peut avoir un
coût pour celui-ci.
2
L’évolution des capacités d’accueil est présentée en annexe n°1.
3
L’évolution de l’activité est présentée en annexe n°2.
4
Le CHU indique dans sa réponse aux observations provisoires que « le choix du type de marché en macro-lots
est fondé sur une stratégie achats du CHU
qui s’est notamment nourrie d’une démarche de
sourcing
réalisée en
2018 en amont du lancement de la consultation »
5
Ministère de l’économie et des finances, DAJ, guide du prix dans les marchés publics, avril 2013
, page 37
6
Ministère de l’économie et des finances, DAJ, guide du prix dans les marchés publics, avril 2013
, page 30
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
10
En novembre 2020, la revue de projet d’investissement
7
a validé un prix cible, fondé sur
une opération d’ampleur comparable, mais attribuée avant la crise sanitaire. L’objectif est de
2 932
€
HT/m² (soit 696 M€ HT). Le CHU a conduit une procédure négociée
, après déclaration
d’infructuosité de 13 lots. L’objectif d’économies de 97,9
M€ a été atteint à travers des
optimisations
8
. Il a aussi été permis, à hauteur de 23,7 M€, par la mise en option du bâtiment
O
9
. L’offre finale pour les travaux est de 696
M€,
pour un périmètre diminué du bâtiment mis
en option et avec un surcoût de 35 % par rapport au coût prévisionnel. En mars 2022, le CHU
a conclu un marché de gardiennage du chantier pour 1,3
M€. Ce marché n’ayant pas été prévu
initialement, il s’ajoute au bu
dget des travaux. La dernière estimation du coût total
10
du projet
par le CHU, à l’été 2022, est de 1,254 Md€ décomposés en 834
M€ de travaux, 140
M€
d’études, 90 M€ d’équipements, 50 M€ d’aléas travaux, 140 M€ d’actualisation (révision des
prix suivant l’i
nflation).
En septembre 2022, sept lots n’avaient pas été attribués, pour un montant d’au moins
24
M€, ce qui ne permet pas de fixer définitivement le budget, ni le calendrier, du projet.
L’appel d’offres a été relancé pour deux lots (fluides médicaux et g
éothermie. Cinq autres lots
11
sont différés, représentant au moins 15,2
M€. Un de ces lots
12
n’a pas encore fait l’objet d’un
appel d’offres, son montant n’est donc pas connu. En octobre 2022, le lot «
fluides médicaux »
a été attribué avec un surcoût de 10
M€ (+111%) par rapport au budget estimé. Ce budget initial
sert toujours de référence budgétaire pour les lots non attribués, notamment pour les simulations
d’inflation, alors que les estimations de la première maîtrise d’œuvre ont été dépassées de 35%
en
moyenne. Pour maintenir les lots non attribués dans l’enveloppe initiale, le CHU estime que
des arbitrages pourraient être nécessaires,
tout en affirmant qu’il «
n’envisage pas de diminuer
ses exigences en matière de qualité des prestations ». La dernière simulation budgétaire du CHU
qui intègre une prévision d’inflation un peu plus réaliste, uniquement pour 2022 (5
% au lieu
des 2 % retenus officiellement), conduirait à un dépassement de 29,5
M€.
À fin 2022, le coût
total du projet en valeur finale TTC serait donc de 1,294
Md€
13
, soit 3,2 % de plus que le
montant examiné dans le cadre de la revue de projet de novembre 2022 au ministère de la santé
et 3,7 %
de plus que la revue de projet 2021. Une estimation d’inflation supérieure à 2
% pour
l’avenir, conduirait à des dépassements plus importants, au moins de l’ordre de 25
M€ en plus.
7
Examen annuel du projet par un comité du ministère de la santé (COPERMO puis CNIS).
8
Effort commercial (33 M€), optimisations techniques (32 M€) et optimisations architecturales (7,9 M€).
9
Il devait regrouper : école des sages-femmes, centre
d’enseignement des soins d’urgence, institut de formation
des ambulanciers, centre de vaccination, médecine du travail, maison de la recherche et de l’administration.
10
Pour passer du coût à une date au coût toutes dépenses confondues en valeur finale, des coefficients de
majoration sont appliqués : aléas travaux (travaux supplémentaires) de 6% ; inflation : 2
% par an pour l’avenir.
11
Hypervision, appel malade, sureté, équipements médico-techniques, et signalétique.
12
L’hypervision (interopérabilité entre les systèmes d’information de l’hôpital).
13
1,254 M€ + 29,5 M€ (inflation à 5 % en 2022) + 10 M€ (surcoût lot fluides médicaux).
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
11
1.1.2
Une part croissante de subventions et un taux de marge plus réaliste
Le coût prévisionnel du projet et ses modalités de financement dépendent fortement
d’hypothèses, substantiellement révisées en septembre 2020. Certains paramètres sont fixés
avec plus de prudence.
Le taux de marge
14
passe ainsi de 10 à 8
%, l’aléa travaux de
1,5 % à
6
%. Le plan d’investissements courants est abondé de 37,5
M€ pour la mise à niveau des
équipements. En revanche, d’autres paramètres évoluent dans un sens opposé, moins prudent
selon la chambre
: le taux d’intérêt des emprunts passe de 4 à 2
%, l
’inflation des coûts de
construction de 3,5 % à 2
%. La réévaluation de l’hypothèse de taux dégagerait de l’ordre de
104
M€ de charges potentielles en moins, celle de l’évolution des coûts de construction
dégagerait une marge théorique de 82
M€. Or ces 186
M€ d’économies prévisionnelles ne
reposent que sur un simple changement d’hypothèses, invalidé
ensuite
par l’évolution des taux
bancaires et des prix en 2022. Par conséquent, la soutenabilité de la trajectoire n’est que
faiblement confortée, les ajustemen
ts plus prudents étant compensés par d’autres très
optimistes.
Graphique n° 1 :
Révision des hypothèses principales du projet fin 2020
Note de lecture : vert : révision prudente / orange : révision peu prudente Source : CRC
La révision de l’objectif de marge d’exploitation est le résultat d’une révision des
principales composantes de la trajectoire financière. Certaines hypothèses du projet en 2013
présentaient un décalage très important avec les données historiques, notamment en matière de
dépenses de personnel, avec une baisse, pourtant jamais réalisée sur la période antérieure.
L’ancienne trajectoire financière était essentiellement construite en fonction de l’objectif
d’auto
-
financement, indépendamment des données réelles d’exploitation du CHU. Le plan de
financement
du projet a nettement évolué entre 2020 et 2022. La part d’autofinancement passe
de 34 à 29 %. En février 2021 une allocation supplémentaire de 175
M€ a été annoncée par le
Gouvernement, portant le montant des aides nationales à 400 M€. En juin 2021, l’ARS
a
accordé une subvention supplémentaire de 23
M€, qui s'ajoute aux 7
M€ déjà alloués
précédemment. Au total les subventions passent de 232
M€ à 430
M€, soit de 19 à 34
% du
total.
14
La marge brute non aidée est calculée par différence entre les produits et les charges d’exploitation courante.
coût global
0,9Md€
=>1,2Md€
taux d'intérêt :
4% => 2%
actualisation
des coûts
construction :
3,5% =>2%
taux de marge :
10=>8%
aléas travaux :
1,5% =>6%
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
12
En l’absence de surcroît de subventions ou de hausse de l’emprunt,
les surcoûts de
travaux devront être financés par le CHU. Le programme d’équipement du site de l’Ile de
Nantes (90
M€), pourrait en partie servir de variable d’ajustement. L’investissement courant
pourrait être revu à la baisse. Le taux de vétusté des sites actuels est toutefois déjà élevé. La
principale marge de manœuvre théorique sur l’exploitation courante concern
ait les effectifs
dans le projet arrêté en 2013. Ce levier pourrait être toutefois plus complexe à actionner que
dans le projet initial, compte tenu de
l’évolution à la hausse des capacités d’accueil par rapport
à la prévision et du contexte en matière de ressources humaines. La part de l’endettement dans
le projet (37
%) pourrait être revue à la hausse, mais la remontée des taux d’intérêt rend une
telle option plus coûteuse. Dans sa réponse aux observations provisoires, le CHU indique que
«
si la trajectoire d'exploitation devait être ajustée, sa principale marge de manœuvre reposerait
sur les recettes
». Il ajoute qu’il est «
en cours de définition de ses organisations en tenant
compte d'un cadrage sans rendu d'effectifs ». Dans sa réponse précitée
, l’ARS annonce
pour sa
part «
qu’une révision de la trajectoire financière sera engagée dès 2023 à partir d’une
évaluation précise du niveau de ce surcoût et de ses modalités de financement ».
1.2
Un risque de révision à la hausse des hypothèses de prix
1.2.1
Une forte hausse des index de révision contractuelle des prix
Les marchés de travaux ont été conclus avec une clause de révision des prix en fonction
d’index de coûts, qui permettent de réévaluer le prix en fonction de l’évolution des coûts et
donc de l’inflation
15
. Entre septembre 2017 et septembre 2022, l’évolution annuelle des index,
spécifiques à chaque lot, utilisés par le CHU a été de + 3,4 % en moyenne pondérée, inférieure
à l’index du bâtiment tous corps d’état (+
3,6
%). Depuis 2022, la tendance s’est inversée, dans
un sens défavorable au CHU, sept index progressant plus vite que l’index général. En 2022, un
surcroît de hausse par rapport à l’index général
est enregistré pour les lots les plus importants
et pourrait, s’il se poursuit, avoir un impact financier conséquent pour le CHU.
Graphique n° 1 :
Taux d’évolution annuel de l’index du bâtiment tous corps d’état
Évolution annuelle de décembre à décembre, sauf 2022 (de décembre 2021 à août 2022) Source : Insee (BT01)
15
La révisio
n est calculée, en fonction d’un indice représentatif des coûts pour chaque lot (index), sur une part
égale à 85 % du montant initial des marchés. Le coefficient de révision des prix est appliqué mensuellement au
prix des travaux exécutés pendant le mois.
0%
2%
4%
6%
8%
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
13
L’index du bâtiment tous corps d’état connaît depuis 2021 une forte augmentation en
raison du contexte inflationniste et des tensions sur les approvisionnements. Ainsi, pour le mois
de septembre 2022
16
, l’index tous corps d’état s’établit à +
6,2 % par rapport à sa valeur de
décembre 2021. Les autres index, spécifiques à chaque lot, utilisés par le CHU sont en hausse
de + 6,4 % en moyenne pondérée. Or, le CHU retient une hypothèse de révision des prix de
+ 2 % pour en 2022 et au-delà. Cette hypothèse paraît très largement sous-évaluée au regard de
l’évolution des index constatée en novembre pour 2022, même en tenant compte du fait que la
date d’application des index prévue dans les marchés est potentiellement f
avorable au CHU
17
.
Un scénario alternatif, élaboré par le CHU, présente un taux de révision de 5
% pour l’exercice
2022, ce qui apparaît un peu plus réaliste
18
, avec un coût financier supplémentaire chiffré à
29,5
M€ en valeur finale de l’ouvrage par rapport
au scénario à 2 %. Le scénario à 5% ne sert
pourtant pas, à fin 2022, de base de travail dans le cadre de la revue de projet avec le ministère
de la santé. Or ce surcoût de 29,5
M€, à tout le moins très probable, n’est, à fin 2022, pas
financé. Il représente un montant supérieur à celui de la construction du bâtiment O mis en
option (23,6
M€
HT), dont la réalisation avant 2027 semble compromise, à financement
constant.
Dans les deux scénarios envisagés, l’hypothèse d'évolution de l'indice moyen de la
construction a été retenue à hauteur de 2 % pour les exercices 2023 à 2027, ce qui est très
optimiste au vu des prévisions officielles pour 2023-2024. En novembre 2022, sur demande de
la chambre, le CHU a fait réaliser une simulation avec des hypothèses un peu plus prudentes :
5,5 % en 2022 ; 4 % en 2023 ; 2,5 % à partir de 2024. Ces hypothèses ont été fixées en référence
aux dernières prévisions d’inflation de institutions économiques et du Gouvernement,
disponibles en novembre 2022
19
. Le résultat de la simulation est un surcoût de 55
M€ en valeur
finale par rapport au montant présenté en revue de projet en novembre 2022. Or le surcoût d’une
actualisation plus réaliste des coûts de construction n’est pas financé à fin 2022. Il pourra
difficilement être pris en
charge par un surcroît d’emprunt ou de marge d’exploitation, sauf à
prendre le risque de tensions sur l’exploitation, qui résulteraient d’une charge d’intérêt plus
élevée ou d’une contrainte plus forte sur les dépenses, notamment les effectifs, principal l
evier
théorique
dans le projet arrêté en 2013. Dans sa réponse aux observations provisoires, le CHU
considère que sa marge de manœuvre repose
essentiellement sur les recettes. Cette difficulté
dans le financement du projet aurait pu être limitée par le
maintien de l’hypothèse de taux
d’actualisation des coûts de construction initialement arrêté à 3,5
%. La baisse de ce taux à 2 %
en 2021 perturbe l’analyse de l’évolution du coût du projet et réduit les marges de manœuvre
en cas d’inflation, risque qui se
réalise depuis 2021. Une prise en charge par l’
État (subvention
ou reprise de dette) des surcoûts d’inflation au
-delà de 3,5 % par an permettrait de consolider
le financement le projet en cohérence avec une hypothèse fixée dès le début.
16
Dernière valeur d’actualisation publiée à la fin de l’instruction du rapport (J.O. du 15/11/2022).
17
L’index appliqué est celui en vigueur 4 mois avant la fin des prestations, ce qui retarde l’impact financier à la
hausse des index, mais vient symétriqu
ement limiter le gain lorsque l’inflation diminue.
18
La simulation de la Soderec, présente des biais de méthode dont certains majorent le résultat. Il n’y a ainsi pas
de prise en compte de la part fixe de la formule de révision. D’autres biais minorent le
résultat. Le budget utilisé
pour les lots non attribués est celui de la maîtrise d’œuvre de conception, pourtant largement sous
-estimé (de 35 %
dans l’ensemble en 2020 et de 111 % pour dernier lot attribué, en octobre 2022).
19
Gouvernement : 5,3 % pour 2022, 4,2% pour 2023 ; Banque de France : 5,8 % pour 2022, fourchette basse de
4,2 % pour 2023 ; 2,7 % au-delà.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
14
Tableau n° 1 :
Conséquences de l’
inflation sur le coût du projet en fonction des scenarios, par
rapport à l’hypothèse d’inflation à 2%
Scenario classé par date
d’élaboration
hypothèses d’inflation par année
Surcoût dû à
l’inflation
,
au-delà de
l’
hypothèse
du projet
(2%)
2022
2023
2024-
2027
Juin 2022 -
calculé à l’initiative du
CHU (scenario n°2)
5%
2%
2%
29,5 M€
Novembre 2022 - présenté au
ministère de la santé en revue de
projet
2%
2%
2%
0€
Novembre 2022 - calculé à
l’initiative de la CRC
5,5%
4%
2,5%
55
M€
Note : le
scenario de novembre 2022, à 2% d’inflation, étant conforme à l’hypothèse du projet arrêtée en
septembre 2020, il ne génère pas de surcoût, ces 2% étant déjà intégrés au coût en valeur finale.
Source
: CRC d’après CHU
1.2.2
Un risque limité, à fin 2022,
d’indemnité d’imprévision
En
2022,
la
hausse
des
prix
des
matières
premières
et
les
difficultés
d’approvisionnement ont entraîné une inflation des coûts de production qui, dans certains cas,
pourraient n’être que partiellement couverts par la révision des
prix des marchés. Dans un avis
de 2022
20
, le Conseil d’
É
tat estime en effet qu’en dépit du caractère définitif des prix des
marchés, des modifications de prix pourraient être consenties en vue de compenser les surcoûts
résultant de circonstances imprévisibles lors de la conclusion des marchés. En octobre 2022, le
CHU a été saisi par l’un des titulaires de marchés d’une demande d’augmentation par avenant
du prix du marché ou d’indemnité d’imprévision, d’un montant équivalent à 11,2
% du marché
initial, corres
pondant aux surcoûts liés à l’inflation qui resteraient à la charge de l’entreprise à
l’issue de la révision des prix contractuelle. Au total, l’entreprise demande une hausse du prix
du marché de 0,7
M€, composée pour moitié d’une demande d’application de
la clause de
révision du prix et pour l’autre moitié d’une augmentation de prix ou de l’application de
l’imprévision. S’agissant des demandes d’augmentation des prix, il n’existe pas de droit du
titulaire à la modification du contrat et le CHU n’entend pas
ouvrir ce type de négociations.
20
Avis d’Assemblée générale, 15 septembre 2022
et
circulaire Première ministre, 29 septembre 2022
- exécution
des contrats de la commande publique dans le contexte de hausse des prix de certaines matières premières
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
15
L’imprévision est un dispositif, prévu par la loi
21
, destiné à indemniser le titulaire du
marché du préjudice résultant de son exécution en raison de circonstances imprévisibles
bouleversant temporairement l’économie du c
ontrat
22
. La preuve de l’existence d’une situation
d’imprévision ouvrant droit à indemnisation incombe au titulaire du marché. Afin de limiter le
renchérissement du coût des travaux que pourrait engendrer le versement d’indemnités
d’imprévision, le CHU indique qu’il fera réaliser systématiquement une contre
-expertise des
déficits d’exécution des marchés invoqués. Dans l’hypothèse d’une situation d’imprévision
dûment justifiée, le CHU pourrait avoir à choisir, au cas par cas, entre le versement d’une
indemnit
é d’imprévision si le bouleversement est temporaire et, dans le cas contraire, une
résiliation du marché pour force majeure. Cette dernière n’induit qu’une faible indemnisation
du co-contractant mais comporte des risques significatifs (coûts liés à la remise en concurrence
des entreprises, indemnisation éventuelle des autres entreprises si leur calendrier de travaux est
nettement décalé, délais globaux du chantier dépassés, etc.).
Les indemnités éventuellement versées seraient limitées à la couverture du déficit
d’exploitation non compensé par la mise en œuvre des clauses de révision des prix. Alors que
l’index général du bâtiment a une vocation statistique et que son utilisation dans un marché est
déconseillée
23
, le CHU l’utilise comme index de révision dans
quatre lots. À
défaut d’index
plus représentatif, le maître d’ouvrage a la possibilité de construire un index spécifique. Cette
possibilité aurait été facilitée par une négociation des lots concernés. Afin de limiter
l’incertitude, le CHU aurait pu recourir au dispositif d’acompte pour approvisionnement. Ce
dispositif, prévu par le cahier des clauses administratives générales des marchés publics de
travaux, permet de déterminer le montant des acomptes en fonction des approvisionnements
effectivement réalis
és. Cela permet aussi d’appliquer la révision des prix directement aux
approvisionnements et non seulement aux prestations effectuées. Le CHU n’a pas retenu cette
possibilité mais a entendu faciliter les approvisionnements en accordant un montant d’acompte
supérieur au minimum réglementaire. Le choix du CHU est plus simple en gestion, les
justificatifs d’approvisionnement ne sont pas à contrôler. Ce choix permet aussi de retarder
l’application de la hausse des index de révision des prix, ceux
-
ci ne s’appliq
uant pas aux
acomptes lorsqu’ils ne sont pas calculés en fonction des approvisionnements. Cet avantage en
trésorerie présente toutefois le risque ne pas inciter directement l’entreprise à s’approvisionner
en avance.
21
Art. L. 6 du code de la commande publique,
qui reprend la jurisprudence du Conseil d’État.
22
Le droit à indemnisation requiert trois conditions
: l’imprévisibilité et l’extériorité des circonstances
; le
bouleversement de l’économie du marché
; et le caractère temporaire de cet évènement. L’indemnité se limite à
compenser partiellement le déficit d’exploitation en lien direct et certain avec l’évènement imprévis
ible.
23
Ministère de l’économie et des finances, DAJ, guide du prix dans les marchés publics, avril 2013
, p.27
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
16
1.3
Un risque de révision à la hausse de l’hypothèse de taux d’intérêt
1.3.1
Des prêts risqués non sécurisés à fin 2022, dont le coût et la volatilité
continueront à peser sur les charges
Dans son précédent rapport, la chambre relevait que les opérations de sécurisation de sa
dette, menées par le CHU dep
uis 2015, n’étaient pas encore achevées en raison des coûts de
sortie trop importants de ses quatre emprunts structurés particulièrement risqués
24
. Le CHU
restait ainsi exposé à un niveau de risque important lié à la présence de ces emprunts dits
« toxiques », indexés sur des parités entre devises
25
. Le CHU envisageait une renégociation
progressive à compter de 2020, en priorisant la sécurisation du contrat le plus risqué, dont le
taux d’intérêt annuel, fondé sur la parité entre le Franc suisse et l’Euro, a a
tteint 28 % en 2020
et 26 % en 2021. Des discussions en ce sens étaient en cours avec le Crédit foncier de France
dans le cadre de la mobilisation de nouveaux emprunts pour le financement du projet Ile de
Nantes, mais elles n’ont pas abouti. Ces emprunts s
tructurés ont généré environ 5,5
M€ de
charges d’intérêts par an entre 2019 et 2021, soit près de la moitié des charges financières
supportées par le CHU, alors qu’ils ne représentent que 18
% de son encours de dette.
En 2022, deux emprunts (SFIL) ont fait
l’objet d’une sécurisation, mais les deux contrats
les plus risqués sont restés inchangés. L’emprunt lié au Franc suisse donne lieu à la constitution
d’une provision
pour risques
très importante à chaque clôture d’exercice comptable sur la base
du montant
de l’indemnité de remboursement anticipé (41
M€ en 2021). Le CHU n’a pas fait
de la sécurisation de ces emprunts une condition
sine qua non
de levée des emprunts dans le
cadre du projet Ile de Nantes. L’attente de meilleures conditions de marché et, en 20
21, le souci
de ne pas majorer de façon trop importante le résultat comptable par une reprise de provision
ont conduit le CHU à différer la sécurisation de ses deux derniers emprunts risqués. La
prospective financière du CHU comprend par conséquent un élément de volatilité notable en
matière de frais financiers. La revue de projet intègre un gain (24
M€) de sécurisation des
emprunts risqués, dont la renégociation n’est pourtant qu’hypothétique à fin 2022 pour les
emprunts les plus risqués.
24
Classés 6F, dépassant les niveaux prévus dans
la classification des emprunts structurés
, (« Gissler ») selon deux
critères : l’indice sous
-jacent servant au calcul, de 1 (risque faible) à 5 (risque élevé) ; la structure du calcul, de A
(risque faible) à E (risque élevé). Une cotation 6F signifie donc un risque très élevé sur les deux critères.
25
EUR/USD, EUR/CHF ou USD/CHF
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
17
1.3.2
Une levée d’em
prunts nouveaux sans calendrier précis : un risque de
souscription contrainte
La période 2018-2022 correspond à une phase de désendettement en vue de préparer le
projet Ile de Nantes, associée à une évolution positive de la capacité d’autofinancement. Les
indicateurs de dette ont poursuivi leur amélioration sur cette période. Le ratio d’indépendance
financière
26
, qui mesure le poids de l’endettement dans les ressources stables de l’établissement
(28 % au CHU de Nantes), est inférieur au plafond réglementaire fixé à 50 %. La durée
apparente de la dette
27
, s’établit à 2,6 années en 2022, en
-deçà du plafond réglementaire de 10
ans et de la durée médiane des établissements de santé (5,7 ans en 2021). Avec la réduction de
l’encours et l’augmentation des produits,
le poids de la dette du CHU en pourcentage de ses
produits atteint son plus bas niveau à 15 % en 2022, soit moitié moins que le taux médian des
établissements de sa catégorie (31 %). Le CHU se positionne parmi les établissements de santé
les moins endettés
en 2022, ce qui est souhaitable avant une levée de dette importante pour l’Ile
de Nantes.
Graphique n° 2 :
É
volution des principaux ratios d’endettement
Source : Rapports financiers (2018-2021) et RPI 2022
26
Encours de dette à long terme / capitaux permanents
27
Nombre d’années pour éteindre la dette si la capacité d’auto
-financement y était intégralement consacrée.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
2025
2026
2027
2028
2029
2030
2031
2032
2033
2034
2035
Poids de la dette (encours / produits consolidés)
indicateur d'alerte de poids de la dette
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
18
Sur 2022-2035, le CHU le poids de la dette devrait dépasser les 30 % réglementaires
28
entre 2025 et 2030 avec la forte hausse de l’encours de dette (+
228 %) sur 2023-2026, liée à la
mobilisation de 460
M€ d’emprunts. Initialement prévue par le CHU en 2021
-2022, la
mobilisation des emprunts pour la réalisat
ion du projet Ile de Nantes n’interviendrait pas avant
2023. Le CHU envisage une durée d’emprunt sur 30 ans pour 410
M€ et sur 7 ans pour 50
M€.
L’hypothèse de taux d’intérêt retenue dans sa trajectoire financière est de 2
%. À fin 2022, le
CHU ne dispose
pas d’offres de prêts et n’a qu’une visibilité limitée sur les conditions
financières
29
qui lui seront proposées par les organismes prêteurs. Dans sa réponse aux
observations provisoires, le CHU indique avoir signé le 23 décembre 2022 un accord-cadre
avec l
a Banque Européenne d’Investissement qui lui permet de connaître le cadre général de
financement pour une partie significative de son objectif d’emprunt.
Cependant, les éléments
communiqués à la CRC ne permettent pas d’estimer la hausse des charges d’intér
êts, faute de
précision sur les taux. Le CHU sera contraint de s’adapter à la remontée déjà observée des taux
de marché
30
. Les conditions d’emprunt se sont dégradées en 2022, et les taux d’intérêt moyens
proposés aux collectivités locales fin 2022 sont supérieurs à 3 % sur les emprunts à 10 ans
comme à 20 ans
31
. L’ARS
indique pour sa part avoir
proposé au CHU d’optimiser ses frais
financiers par l’intermédiaire d’une prise d’emprunt sur une durée plus courte que celle de
30 ans. Si cela peut faire baisser le taux, cela majorera les échéances de remboursement en
capital. En tout état de cause,
l’hypothèse de taux d’intérêt
, revue à la baisse de 4 % à 2 % en
2021, n’apparaît plus pertinent en 2022 et comporte le risque d’une augmentation non anticipée
des charges financières.
28
Art. D. 6145-70 du code de la santé publique
29
Taux fixe ou taux variable ; niveaux de taux.
30
Le taux à 10 ans pour l’Etat est passé de 0,2 % fin 2021 à 2,4 % fin novembre 2022
.
31
4
ème
trimestre 2022 : 3,21 % taux fixe, durée supérieure à 2 ans et inférieure à 10 ans ; 3,28 % à taux fixe, durée
comprise entre 10 et 20 ans ; 3,45 %, taux fixe de plus de 20 ans.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
19
2
LA TRAJECTOIRE FINANCIÈRE DU CHU CONDITIONNE LA
SOUTENABILITÉ
DE L’AUTOFINANCEMENT
DU PROJET
2.1
Des prévisions de recettes qui dépendent d’objectifs d’efficience
ambitieux, et passent par une diminution de l’absentéisme actuel
La trajectoire financière produite par le CHU dans le cadre de la revue de projet
d’investissement 2022
retrace
l’évolution attendue de ses recettes d’exploitation jusqu’en 2035.
Les fermetures de lits liées à l’absentéisme
32
ayant réduit l’activité au premier semestre
2022,
le CHU anticipe une exécution de ces produits inférieure d’environ 5
% aux prévisions
budgétaires. Pour l’exercice 2027, le montant des produits a été réhaussé d’environ 25 M€ dans
la trajectoire financière élaborée à l’été 2022, compte tenu des ouve
rtures de lits
supplémentaires dans l’hôpital Nord Laënnec. Le CHU considère que la spécialisation
gériatrique des 140 lits maintenus pourrait lui permettre d’améliorer sa marge de 6,1 M€, soit
un tiers de la marge comptable prévisionnelle en 2027. Le CHU retient une marge de 43 885
€
par lit gériatrique. Néanmoins, ce calcul n’intègre pas les investissements de remise à niveau
du site, pour 20
M€. Une fois ces investissements réintégrés et amortis sur leur durée
prévisionnelle d’utilisation (2027
-2035, soi
t environ 8 ans), la marge par lit n’est plus que de
l’ordre de 27
000
€ pour une marge globale de 3,8 M€ soit 41
% de moins que la marge intégrée
par le CHU dans sa trajectoire financière.
L’évolution des recettes projetée par le CHU atteint 2,5
% par an en moyenne sur la
période 2022-
2027. Cette cible tient compte de l’atteinte progressive des cibles de performance
fixées à l’échéance 2027 (taux d’occupation et durée moyenne de séjour)
33
et de l’amélioration
de la valorisation de l’activité via la professi
onnalisation du codage
34
. La tendance projetée
pour 2022-
2027 sur les produits d’activité financés par l’Assurance
maladie rejoint celle
observée avant la crise du Covid-19, leur croissance annuelle moyenne sur cette période
(2015-19) étant de 2,45 %. Ces prévisions intègrent une hausse des tarifs journaliers de
prestations du CHU (+ 9 % en 2023 et 2024) dans le cadre de la période de transition vers la
tarification nationale journalière des prestations à compter du 1
er
janvier 2022 (rattrapage
progressif des tarifs nationaux), puis leur revalorisation de 2 % par an à partir de 2025. Cette
projection table sur un retour à la dynamique de l’Ondam enregistrée entre 2016 et 2020 pour
les établissements de santé (2 % par an), ce qui apparaît comme une hypothèse relativement
prudente. Pour 2027-2035, les produits calculés (quotes-
parts des subventions d’investissement
virées au résultat, reprises sur amortissements, provisions et dépréciations) ne font pas l’objet
d’une modélisation, alors qu’ils devraient connaître d’importantes variations après la livraison
du projet Ile de Nantes. En réponse aux observations provisoires, le CHU considère qu’il
pourrait bénéficier d’un regain d’attractivité lié à l’ouverture du nouvel établissement, estimé à
«
4 à 5 points d’activ
ité supplémentaires pendant trois ans environ ». Par ailleurs le CHU met
en avant « un travail important visant à la professionnalisation du codage », qui correspondrait
à un objectif de «
gains de 11,5 M€ sur trois ans
».
32
Cf. annexe n° 2, relative à l’analyse de l’activité du CHU.
33
Cf. annexe n° 2, relative à l’analyse de l’activité du CHU.
34
Pour 11,5
M€ sur trois ans.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
20
La méthode de projection de recet
tes tarifées à l’activité à partir d’objectifs de
performance diffère en partie de celle retenue pour les dépenses de personnel. En effet, ces
dernières sont principalement fondées sur la trajectoire passée. La méthodologie de la
prospective financière n’e
st ainsi pas homogène entre dépenses et recettes. Cette différence de
méthode risque de majorer les recettes en les fondant sur des cibles de performance ambitieuses
dont l’atteinte n’est pas garantie, notamment après une année 2022 marquée par les tension
s sur
les ressources humaines. Le risque est particulièrement élevé pour la durée moyenne de séjour,
cet indicateur s’étant dégradé sur la période récente
35
. Le principal frein à son amélioration est
le manque de débouchés en aval. Or le manque de place dan
s les établissements d’aval
36
pouvant accueillir les patients du CHU après l’intervention de celui
-ci est une difficulté
structurelle, sur laquelle le CHU a peu de prise et qui pourrait s’aggraver à l’avenir. Les
difficultés de recrutement que rencontrent les établissements de débouché pour le CHU sont
importantes et ont tendance à s’accroître
37
. En 2022, la part de lits fermés en soins de suite et
de réadaptation évolue ainsi entre 10 et 20 %. Une hausse du nombre de places est bien prévue
par l’ARS, mais l
eur ouverture effective restera conditionnée à la résorption des difficultés de
recrutement. Le maintien de l’absentéisme au niveau élevé atteint en 2022 pourrait fragiliser la
trajectoire de recettes. Il passe de 8,4 % en janvier 2019 à 12,6 % en janvier 2022. En septembre
2022, il est à 9,4 %, mais reste supérieur aux niveaux de 2019 et 2020 à la même période.
L’absence de personnel pourrait conduire à fermer des lits ou déprogrammer des interventions,
venant minorer les recettes alors que les charges de personnel se maintiennent. Ce risque,
matérialisé en 2022 par une activité inférieure à celle anticipée, n’est pas intégré dans la
trajectoire financière. En réponse aux observations provisoires, le CHU indique avoir mis en
place plusieurs démarches pour atteindre sa cible, portant sur l'attractivité des professionnels
tout comme l'aval des parcours patients.
2.2
Une trajectoire de dépenses dont la dynamique pourrait être supérieure
aux prévisions, notamment en matière de personnel
2.2.1
Une variation globale des charges projetée en deçà du réalisé
La projection financière du CHU ne prend en compte que le budget principal. Cela
conduit notamment à négliger l’évolution de 36,4
M€ de dépenses de personnel dans les
budgets annexes. Or, de 2015 à 2021, la masse salariale progresse plus rapidement en moyenne
par an au sein des budgets annexes (+ 5,9 %) que dans le budget principal (+ 3,7 %). Pour
disposer d’exercices représentatifs
38
,
la chambre a comparé l’évolution des exercices passés
hors effet Covid et Ségur (2017-19) avec la projection sur les exercices 2023-2026. Il en ressort
une trajectoire de charges projetées (2,08 %) inférieure au réalisé (2,48 %).
35
Cf. annexe n° 2,
relative à l’analyse de l’activité du CHU.
36
EHPAD, Maisons d’accueil spécialisées (adultes handicapés dépendants) et soins de suite et de réadaptation.
37
Cour des comptes, rapport public annuel 2022, Les personnes âgées hébergées dans les Ehpad
; Taux de postes
vacants qui passe de 7,5% à 13,1% pour les infirmiers en ESMS (
Fédération hospitalière de France, mai 2022
).
38
L’année 2022 est atypique avec la fin des dispositifs Covid et Ségur, qui exercent un effet déflationniste. De
même l’exercice 2027 comporte un biais inflationniste en recettes et en dépenses lié à l’ajout de 140 lits et des
effectifs associés dans la trajectoire capacitaire.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
21
Tableau n° 1 :
Projections d’évolution des dépenses entre 2023 et 2026 par le CHU
Source
: CRC d’après la trajectoire financière
du CHU (juillet 2022)
Les charges financières ont été projetées au réel des emprunts actifs, alors que le CHU
n’a pas encore souscrit les emprunts pour le projet Ile de Nantes et n’en connaît donc pas les
conditions de taux d’intérêts, ce qui tempère le réalisme de sa trajectoire s’agissant des frais
financiers.
2.2.2
Des dépenses de personnel dont le poids est déterminant dans la trajectoire
mais dont l’évolution est potentiellement minorée
Le CHU retient comme hypothèses d’évolution de la masse salariale des variations qui
sont cen
sées refléter l’évolution des années passées. Or l’évolution de la masse salariale des
années précédentes est supérieure aux hypothèses retenues, même en excluant les années 2020
et 2021, atypiques du fait de la crise sanitaire et des mesures salariales du Ségur de la santé. La
sous-
estimation sur le budget consolidé du CHU est de l’ordre de 0,4 points de pourcentage
chaque année. La réintégration d’une trajectoire de masse salariale plus réaliste
39
dans la
prospective financière conduit à un impact significatif sur la marge. En effet, les 28,6
M€ de
dépenses de personnel supplémentaires cumulées sur la période 2022-2027 réduisent la marge
en moyenne d’un demi
-point de pourcentage. La combinaison de mesures nationales de
revalorisation et de tensions sur les ressources humaines pourrait conduire le CHU à maintenir
un rythme de revalorisation salariale plus élevé qu’anticipé. Des mesures d’attractivité décidées
au niveau local pourraient ainsi devoir être prises, sans garantie de compensation. En 2022, une
mesu
re salariale d’attractivité a été mise en place pour les contractuels acceptant un poste de
nuit ou sur un site isolé. La variation des effectifs des années passées, hors Covid, est assez
proche du projeté par le CHU. En revanche, la variation des rémunérations est largement sous-
estimée, d’environ 0,6 points. En réponse aux observations provisoires, le CHU précise qu’«
il
fait l'hypothèse que si d'importantes mesures salariales devaient intervenir dans le futur, elles
seraient financées ». Il indique par ailleurs que « sur les effets volume, la trajectoire révisée en
2021 est basée sur une stabilité des emplois par rapport à 2022 ». Dans sa réponse à la
communication administrative, l’ARS indique qu’elle «
rejoint [la chambre] sur la nécessité
d’approfondir
ces projections très prudentes de dépenses [de personnel] compte tenu des
évolutions constatées ces dernières années ».
39
2017-19 : évolution récente hors Covid-Ségur.
0%
1%
2%
3%
4%
5%
6%
7%
8%
9%
Charges de personnel
Charges à caractère médical
Charges
à caractère hôtelier et général
Charges d'exploitation totales
projection 2023-26
évolution 2017-19
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
22
Graphique n° 3 :
Effets prix et volume : réalisé (2017-19) et projeté (2023-26)
Effet volume : variation des effectifs ; effet prix : variation des rémunérations
Source
:
CRC d’après CHU (données sur le budget principal)
L’évolution
spontanée
des
rémunérations
individuelles
(glissement
vieillesse
technicité)
40
, qui traduit «
l’effet prix
» de l’évolution des dépenses de personnel était
historiquement bas au CHU de Nantes. Pour les personnels non médicaux, il était ainsi de
0,27 % en 2019. Il a toutefois nettement augmenté, pour atteindre 0,55 % en 2022. La projection
de dépenses post 2022 est construite sur la base d’une évolution spontanée des rémunér
ations
individuelles stabilisée à son niveau de 2022. Cette hypothèse est favorable au CHU mais reflète
mal l’état du marché du travail des professions de santé, caractérisé par des difficultés fortes de
recrutement pour les employeurs, y compris désormais des CHU sur certains postes. En 2022,
à l’issue de négociations collectives, la direction du CHU et les organisations syndicales ont
signé un accord local portant sur la mise en œuvre du dernier volet du Ségur de la santé. Les
principales mesures sont la
mise en stage de personnels contractuels pour résorber l’emploi
précaire et la révision du niveau de rémunération de tous les infirmiers et aides-soignants
contractuels en les alignant sur les salaires qui résultent du Ségur pour les professionnels
titulai
res. Le plan de titularisation des contractuels devrait majorer l’évolution spontanée des
rémunérations individuelles en augmentant progressivement l’ancienneté moyenne des agents.
Les mesures d’attractivité validées en 2022
41
sont financés pour cette année par le volet 2 du
Ségur pour près de 8
M€. La neutralisation de ces surcroîts de charges étant assurée par une
revalorisation des tarifs, elle dépend toutefois à l’avenir du maintien d’une dynamique favorable
d’activité et de type de soins (
case-mix
). La conférence des directeurs généraux (DG) de CHU
estime, dès fin 2021, que les charges liées au Ségur seraient sous-compensées de 15 %
42
.
40
Le glissement vieillesse technicité mesure la variation de la masse salariale à effectif constant.
41
Raccourcissement des délais de mise en stage, alignement des salaires d’entrée des CDD aux grilles Ségur,
renforcement des moyens de remplacement heures supplémentaire et mensualités
42
Conférence des DG de CHU, 17 décembre 2021.
0%
2%
effet volume
effet prix
total
2017-2019
2023-2026
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
23
La prospective financière de la revue de projet n’est, en théorie, pas incompatible avec
des créations d’emplois nette
s. Ces dernières sont toutefois conditionnées à la capacité du CHU
à contenir l’effet prix sur la masse salariale nettement en deçà de son évolution des années
passées ou à identifier de nouvelles recettes. La trajectoire réellement visée, afin de compenser
le risque d’effet prix supérieur à celui anticipé, se traduirait par une quasi stabilité des effectifs
(-
20 ETP sur le périmètre du CHU par rapport à aujourd’hui)
43
. Il est espéré des gains
d’efficience liés à une réorganisation des services, optimisée d
u fait de la hausse du nombre de
lits par service. Les 52 lits ajoutés sur l’Ile de Nantes à la suite de la révision de la trajectoire
capacitaire en 2021 seront créés par dédoublement de chambres. Il est attendu des
réorganisations de services en tenant compte des nouveaux locaux optimisés, des évolutions de
prises en charge (ambulatoire notamment) et de la modernisation des outils (digitalisation du
parcours administratif du patient, automatisation de la logistique). D’autres pistes d’efficience
sont iden
tifiées afin de diminuer les effectifs de personnels non médicaux. Il s’agit de
l’optimisation de la prise en charge administrative du patient (secrétariats médicaux,
admissions, facturation), le processus restauration et la prestation hôtelière, le bionettoyage, la
gestion des médicaments et des dispositifs médicaux. Ces gains potentiels ne sont pas chiffrés
et sont subordonnés à leur présentation aux partenaires sociaux et ne porteraient que sur la
période postérieure à 2027. En réponse aux observations provisoires, le CHU « insiste sur le
fait que, d’une part, l’opération ne prévoit pas de réduction des effectifs, et d’autre part, qu’
elle
n’emporte pas de dégradation du temps soignant par patient, bien au contraire
».
2.3
Une prévision d’autofinancement optimiste, sans marges de manœuvre
significatives en trésorerie
2.3.1
Une trajectoire optimiste de marge croissante entre 2022 et 2027, mais qui reste
en deçà de la cible
Le CHU a enregistré entre 2018 et 2020 des résultats excédentaires de 3,2
M€ en
moyenne. Le ré
sultat courant du budget principal atteint jusqu’à 9
M€ en 2021 malgré le repli
de la marge, grâce à l’évolution favorable des autres postes
44
. De même, en prospective, la
dynamique plus favorable projetée en recettes qu’en dépenses par le CHU permet d’affi
cher
des excédents annuels en hausse jusqu’en 2027. Cependant, le CHU anticipe une inversion de
cette tendance après 2027, avec un ralentissement de la croissance de ses recettes aboutissant à
une érosion progressive de ses résultats, en dépit de l’inciden
ce favorable attendue de
l’augmentation du capacitaire à vocation gériatrique.
43
Revue de projet d’inv
estissement 2021.
44
Augmentation des reprises et baisse des dotations aux provisions, baisse des charges financières.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
24
Graphique n° 4 :
Marge brute non aidée
Source
: CRC d’après la trajectoire financière du CHU pour la RPI 2022
La marge brute non aidée est calculée par différence entre les produits et les charges
d’exploitation courante
45
. Elle mesure la capacité de l’établissement à financer par la ressource
issue de sa seule exploitation ses investissements passés et futurs : ses investissements courants
ainsi que le service de la dette couvrant les investissements lourds. Après avoir suivi une
trajectoire ascendante portée par une croissance soutenue des produits et une maîtrise des
charges d’exploitation, et culminé à 81,9
M€ en 2020, la marge s’est contractée en 2021
(71,8
M€), comme dans les autres étab
lissements de santé. La dynamique des charges
d’exploitation est plus forte que celle des produits sur cet exercice, du fait notamment de
l’impact des mesures du Ségur sur la masse salariale. Pour 2022, la marge brute non aidée
prévisionnelle s’établit à 7
1,2
M€, très proche de son niveau de 2019. En raison de la hausse
globale des produits et des charges en 2020 et 2021, le taux de marge brute non aidée chuterait
en 2022 à 6,7 %, son plus bas niveau depuis 2014.
Le CHU projette une progression de sa marge
brute non aidée jusqu’en 2027 pour
atteindre 94,6
M€ et approcher la cible désormais fixée à 8
% (contre une cible à 10 % dans la
trajectoire initiale), après une révision de sa trajectoire financière en 2016 puis en 2020. Il
anticipe ensuite une stabilisation de sa marge brute non aidée autour de 90
M€, qui conjuguée
à l’évolution plus favorable de ses produits, se traduira par une dégradation progressive du taux
de marge brute non aidée. L’évolution mesurée du service de la dette projetée par le CHU
perm
ettrait de maintenir une marge disponible pour l’investissement courant autour de 4
%
après 2027, au-
dessus du seuil d’investissement courant incompressible estimé à 3
% des
produits d’exploitation
46
. La trajectoire financière du CHU fixe un volume d’invest
issements
courants inférieur à ce seuil après 2022 (2,1
% en moyenne). Le taux d’investissements courants
envisagé est faible et devrait se traduire négativement sur le taux de vétusté des équipements
du CHU (87,4 %), supérieur à la médiane des établissements de même catégorie (76 % en 2021)
et en dégradation constante. Or, il est probable que l’investissement courant serve en partie de
variable d’ajustement aux surcoûts des travaux dus à l’inflation non financés à fin 2022.
Conjuguée aux niveaux très élevé
s d’amortissements du projet Ile de Nantes, on note que la
marge brute ne permettrait plus à elle seule de couvrir les charges liées aux investissements
(amortissements et charges financières) à compter de 2031. Dans sa réponse à la communication
administrative
, l’ARS indique, s’agissant de l’investissement courant,
avoir demandé « au CHU
une analyse fine des composantes de l’investissement pour apprécier au plus juste le
renouvellement des équipements et leur amortissement ».
45
Avant dotations aux amortissements, dépréciations et provisions.
46
IGAS-IGF, «
L’évaluation du financement et du pilotage de l’investissement hospitalier
», mars 2013
6,0%
7,0%
8,0%
9,0%
10,0%
0 M€
20 M€
40 M€
60 M€
80 M€
100 M€
2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 2032 2033 2034 2035
Marge brute
non aidée CRPP
Taux de marge brute non aidée
Cible RPI
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
25
Graphique n° 5 :
Trajectoire d’investissement et d’amortissements
Source : comité de suivi CHU-ARS, 31 mars 2021
Le fonds de roulement net global augmente de 33
M€ entre 2018 et 2021, mais surtout
en raison de la baisse des investissements sur l’exercice 2021. Il représente environ 56 jours de
charges courantes, ce qui correspond au niveau médian des établissements de santé similaires.
En 2022, le CHU prévoit de mobiliser fortement son fonds de roulement pour financer les lourds
investissements du projet Ile de Nantes, en l’absence de recours à l’emp
runt sur cet exercice.
Le prélèvement sur fonds de roulement envisagé (73
M€) est moins important que dans l’état
prévisionnel des dépenses et recettes 2022 du fait d’un montant d’immobilisations moindre que
prévu initialement. Il porterait le niveau du fonds de roulement à 28,9 jours de charges
courantes, au-dessus du seuil prudentiel de la DGOS
47
pour les établissements de santé
(20 jours) mais légèrement en-deçà de celui recommandé par la DGFiP
48
(30 jours).
Sur les exercices suivants, le CHU a intégré dans sa trajectoire financière un
abondement régulier de son fonds de roulement, dans la mesure où les investissements seront
financés en partie par l’emprunt et les subventions, de façon à faire face au règleme
nt de la
TVA sur la livraison à soi-
même des constructions de l’Ile de Nantes, qui sera à régulariser en
2029. Au vu de la trajectoire d’autofinancement projetée par le CHU pour la période de
réalisation du projet Ile de Nantes, la ressource dégagée permet
trait d’autofinancer jusqu’à 46
%
des emplois (immobilisations et charge de la dette) sur cette période, la différence étant financée
par des emprunts et des subventions. Sur la période 2022-
2027, la marge brute d’exploitation
hors aides est estimée à un t
otal de de 393 M€. L’autofinancement du projet Ile de Nantes est
fixé, en 2022, à 339 M€. Ce dernier montant ne tient toutefois pas compte des surcoûts de
travaux liés à l’inflation (de l’ordre de 55
M€). En outre la marge brute doit aussi couvrir
l’invest
issement courant (157
M€) et les charges d’intérêt (117
M€).
47
Direction générale de l'offre de soins, ministère de la santé.
48
Direction générale des finances publiques, ministère du budget.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
26
2.3.2
Un objectif de baisse du besoin en fonds de roulement difficilement atteignable
Le fonds de roulement couvre le financement de l’investissement et du cycle
d’exploitation, à travers la couve
rture du besoin en fonds de roulement. Sur les cinq dernières
années, ce dernier s’établit à 55 M€ en moyenne, avec des variations d’un exercice à l’autre et
une tendance à la baisse. La plupart des pistes d’optimisation du besoin en fonds de roulement
ont été utilisées. Pour aller au-delà il faudrait mettre fin au paiement anticipé de certains
fournisseurs en échange d’une réduction du prix de leurs prestations (escompte commercial),
au profit d’un paiement à la date limite. Le gain sur le besoin en fonds
de roulement serait alors
contrebalancé par une hausse des charges. Le montant annuel des ristournes, rabais et remises
au bénéfice du CHU a augmenté de 2017 à 2021, passant de 0,9 à 2,7
M€. La remise en cause
de l’escompte viendrait annuler ces gains et o
pérer une remise en cause de la politique
développée vis-à-
vis des fournisseurs. Le CHU étudie le recours à l’affacturage inversé
49
avec
certains fournisseurs, qui consisterait à ce qu’un tiers financier paye pour son compte les
factures, faisant ainsi l’avance des fonds au CHU, qui n’aurait pas à mobiliser sa trésorerie pour
les besoins de l’escompte tout en en conservant les avantages. Ce dispositif présente toutefois
un coût (frais financiers) qui risque d’être croissant avec la remontée des taux d’intérê
t en cours.
Alors que la plupart des paramètres du projet ont été révisés en 2021, la cible de besoin
en fonds de roulement est restée inchangée. En outre, l’atteinte de cette cible n’est pas
progressive, elle était censée être atteinte dès 2021 puis main
tenue jusqu’à la fin de la
prospective financière (2035). La chambre estime que le besoin en fonds de roulement
atteignable par le CHU, sans générer de coûts (perte de remises ou frais d’affacturage), est de
l’ordre de 20
M€. Le point bas atteint en 2020 (
13
M€) résulte d’éléments favorables ponctuels
liés à la crise du Covid. Le besoin en fonds de roulement du CHU exprimé en jours de charges
courantes se situe déjà parmi les plus bas des établissements de santé. La cible fixée risque de
sous-estimer les be
soins de financement de l’exploitation courante et de surestimer les marges
de financements que celle-ci peut dégager pour financer le projet Ile de Nantes. Dans sa réponse
à la communication administrative
, l’ARS indique «
rejoindre pleinement » la préconisation de
la chambre de réévaluer la cible de besoin en fonds de roulement.
49
Il permet de financer le poste fournisseurs au lieu du poste client.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
27
2.3.3
Un enjeu de trésorerie en 2023
Les efforts de réduction du besoin en fonds de roulement conjugués au renforcement du
fonds de roulement sur la période 2018-2021 ont permis au
CHU d’atteindre un niveau de
trésorerie important de 109,7
M€ fin décembre 2021, l’équivalent de 40 jours de charges. En
2020 et 2021, le niveau de trésorerie du CHU à chaque fin de mois a oscillé entre 57
M€ et
125
M€. En 2022, elle a enregistré des fluc
tuations bien plus importantes (entre 17
M€ et
175
M€) du fait de l’avancement du chantier. Pour sécuriser sa trésorerie, le CHU a contracté
deux lignes de crédit de court terme (pour 25
M€ et 12,5
M€) en sus de sa ligne de 10
M€. Fin
2022, la trésorerie s
’élevait à 101
M€, d’après les indications du CHU
. Le report de la levée
d’emprunts pour le projet Ile de Nantes pourrait générer des tensions de trésorerie en 2023. Sur
les 93
M€ de trésorerie prévisionnelle à fin 2023, 90
M€ proviennent d’un emprunt qui
reste à
lever. L’accord cadre du 23 décembre 2022 avec la Banque Européenne d’Investissement
, que
le CHU indique avoir conclu, devrait toutefois faciliter la levée de fonds. En réponse à la
communication administrative
, l’ARS indique qu’elle a «
prévu de mobiliser le soutien régional
en début de période de chantier […]
» et de « travailler rapidement sur un calendrier concerté
de délégation de crédits complémentaires relevant des financements Ségur avec un contrat
assorti d’objectifs issus des dernières revues pluriannuelles d’investissement
».
3
UN CHANTIER DÉBUTÉ DANS LES DÉLAIS, MALGRÉ UN
CHANGEMENT DE MAÎ
TRISE D’ŒUVRE, QUI P
OURRAIT
S’AV
ÉRER COÛTEUX
3.1
Une phase de conception de l’ouvrage marquée par la mésentente entre
le premier groupement de maîtrise d’œuvr
e et le CHU
Le marché de maîtrise d’œuvre
50
a été signé en 2015. L’opération était initialement
décomposée en quatre ensembles, définis par le programme technique détaillé adopté par le
CHU le 31 janvier 2014 : « CHU phase 1 » : totalité du court séjour adulte, Institut de
Recherche en Santé 2020 et le transfert de l’Institut de Cancérologie de l’Ouest, l’achèvement
de ces trois phases étant prévue en 2023. La quatrième phase, « CHU phase 2 », dédiée à
l’activité Femme / Enfant / Adolescent et au SAMU, était
prévue pour être achevée en 2026.
50
Un maître d'œuvre établit les plans, élabore les documents techniques, coordonne les travaux et assiste le maître
d’
ouvrage dans ses relations avec les entreprises.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
28
Schéma n° 1 :
Phasage initial du nouveau CHU
Source
: premier groupement de maîtrise d’œuvre
La phase de conception de l’ouvrage s’est déroulée entre 2015 et 2020 et a été marquée
par d’importantes modifications du projet, en parti
culier en 2017, année pendant laquelle furent
en effet actés la fusion des phases « CHU 1 » et « CHU 2 », la relocalisation de l’IRS 2020 au
sein de l’emprise principale et l’abandon du transfert de l’ICO.
Schéma n° 2 :
Déroulement de la phase de conception du projet Ile de Nantes
Source
: CRC d’après les données fournies par le CHU de Nantes
2015
•
Attribution du marché de
maîtrise
d'oeuvre
et
lancement de la phase de
conception du projet Ile de
Nantes
2015-2017
•
Elaboration
de
l'avant-
projet sommaire (APS) de
l'ouvrage
2017-2018
•
Elaboration
de
l'avant-
projet définitif (APD) de
l'ouvrage
2018-2020
•
Fin
de
la
phsae
de
conception
de
l'ouvrage
par
la
remise
du
projet
(PRO) en 2020
•
Lancement
de
la
phase
d'exécution de l'ouvrage la
même
année
par
la
publication
des
appels
d’offress
des marchés de
travaux
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
29
Des tensions sont apparues entre le maître d’œuvre et le CHU durant la phase de
conception autour de deux points principaux : la rémunération complémentaire du groupement
et la fixation du coût prévisionnel des travaux.
3.1.1
Le différend relatif à la demande de rémunération complémentaire du
groupement
Le groupement réclamait une rémunération complémentaire de 11,7
M€ fondée en
grande partie sur les modifications apportées tout au long des différentes phases de conception
de l’ouvrage par le CHU. Par ailleurs, selon lui, la décision du CHU, en juillet 2018, de procéder
à un allotissement géographique de l’exécution de l’ouvrage en quatre blocs à travers un appel
d’offres unique e
t une seule phase de travaux était également de nature à bouleverser les
conditions dans lesquelles la maîtrise d'œuvre s'était engagée.
Schéma n° 3 :
Allotissement géographique des marchés de travaux
Source : CHU de Nantes
Face à cette demande de rémunération
complémentaire, un projet d’avenant n°
2 avait
été préparé par le CHU, qui prévoyait notamment le versement de la somme d’1,1 M € au maître
d’œuvre en raison des modifications de programme de l’ouvrage et la somme de 1,4 M€ au titre
de l’allotissement géographique. Toutefois, compte tenu de l’écart très important entre les
positions des parties, et ce depuis parfois plusieurs années, les négociations n’ont pas abouti.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
30
3.1.2
La question de la fixation du coût prévisionnel des travaux
Une forte opposition apparaissait sur la fixation du coût prévisionnel des travaux,
pourtant essentielle dans l’économie générale du contrat de maîtrise d’œuvre
,
puisqu’elle sert
de base à la fixation du forfait définitif de rémunération et définit par ailleurs les engagements
écon
omiques de cette dernière à l’égard du maître d’ouvrage. Le marché prévoyait que le maître
d’œuvre s’engageait à respecter le coût prévisionnel des travaux tel que défini à l’issue de la
phase d’avant
-projet définitif et que si ce coût était supérieur au r
ésultat des appels d’offres des
marchés de travaux
51
, il devait reprendre les études. Une résiliation pour faute du marché
pouvant être prononcée dans le cas où malgré la reprise des études, le coût prévisionnel n’était
pas atteint. Ce dernier était fortement contesté par le groupement qui considérait que les
modifications demandées, l’allotissement géographique des travaux et la conjoncture
économique, provoquant un renchérissement du coût des travaux, devaient conduire à le
revaloriser. La rupture du lien de confiance entre les parties rendait ainsi très probable une
collaboration conflictuelle lors de la phase d’exécution des travaux. L’ampleur de l’opération
et la difficulté technique de celle-ci nécessitaient pourtant une parfaite entente entre le CHU et
l’équipe de maîtrise d’œuvre. Le CHU a donc pris la décision, très rare dans
une opération de
telle envergure, de remplacer celle-
ci par un nouveau groupement chargé de l’exécution des
travaux.
3.1.3
Un changement de maîtrise d’œuvre facilité par la signature d’un protocole
transactionnel, mais qui met le CHU en position d’assumer seul le risque
financier découlant d’éventuelles erreurs de conception de l’ouvrage
Le résultat en 2020 des appels d’offres des marchés de travaux a été décevant pour le
CHU puisque le montant global des offres moins-
disantes s’est élevé à la somme de 793 M€,
de 54
% supérieur au coût prévisionnel des travaux de 514,5 M€. Estimant, à la suite de sa mise
en demeure du 28 septembre 2020, que le groupement n’avait pas pu ramener le coût de
s
marchés au coût prévisionnel en dépit de la reprise de ses études et des négociations, le CHU a
prononcé
la résiliation pour faute du marché de maîtrise d’œuvre le 5 avril 2021. Le groupement
a contesté cette résiliation devant le tribunal administratif de Nantes, demandant, en outre,
9,6
M€ au titre des préjudices subis. Toutefois, le CHU et la maîtrise d’œuvre
ont ensuite décidé
de se rapprocher afin de négocier un protocole transactionnel.
51
Avec un seuil de tolérance de 2,5 %.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
31
Le recours à la transaction est apparu rapidement au CHU - à juste titre selon la chambre
-
comme une solution permettant un règlement rapide de différends susceptibles d’être
préjudiciables en termes d’image, source de contentieux longs et coûteux ne permettant pas de
se projeter sereinement dans la phase d’exécution de l’opération. Il règle quatre points
principaux
52
.
Il résout la question des demandes de rémunération complémentaire.
Le CHU verse
3,3
M€
HT, qui correspond à des prestations assumées par le groupement et imputables aux
nombreuses modifications de programme décidées par le CHU qui devaient donc, en principe,
recevoir un honoraire supplémentaire
53
.
Le protocole détermine ensuite
les droits de propriété intellectuelle
du groupement
sur l’ouvrage, question qui commençait à faire l’objet de réclamations pré
contentieuses de sa
part et pouvait potentiellement perturber la phase d’exécution de l’opération. En cas de
modification de l’œuvre architecturale, le CHU devra informer le groupement et en justifier le
caractère strictement nécessaire et proportionné. Le groupement résilié reconnaît au CHU le
droit d’utiliser l’ensemble des données architecturales, techniques et économiques du projet
pour réaliser et exploiter l’ouvrage. Cette apparente concession est de portée limité
e, les
stipulations du marché étant très protectrices des intérêts du CHU sur ce point.
Dans un troisième temps
,
la transaction prévoit le versement d’une indemnité
transactionnelle
d’un montant de 3,5 M€ au groupement,
après négociation,
ce qui n’apparaît
pas disproportionné au regard du mont
ant total du marché. L’indemnité concerne des préjudices
qui n’ont pas de lien entre eux (dépenses engagées à perte, frais consécutifs à la démobilisation
des équipes, publicité donnée à la résiliation et atteinte à la réputation professionnelle en
résulta
nt). Compte tenu du montant, significatif, de l’indemnité, la chambre souligne qu’il
aurait été préférable de procéder à un chiffrage de chacun de ces préjudices et à leur justification
circonstanciée plutôt qu’à une globalisation insuffisamment motivée.
52
Une transaction conclue par l'administration afin de prévenir ou d'éteindre un litige relevant de la compétence
de la juridiction administrative, comme c’est le cas en l’espèce, constitue un contrat administratif et présente donc
le caractère d'un document administratif communicable dans les conditions définies par les dispositions des articles
L. 300-1 à L. 311-2 et du f) du 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration
(CRPA) : CE, 18 mars 2019, N° 403465, à la lumière des conclusions du rapporteur public
53
CE, 29 septembre 2010, n° 319481 ; CE, 10 février 2014, n° 365828.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
32
Enfin
,
le protocole règle la question des garanties offertes par le groupement au
titre de sa mission de conception de l’ouvrage
. C’est la plus importante concession du CHU
au profit de la maîtrise d’œuvre puisque le CHU renonce à engager toute action
fondée sur la
responsabilité contractuelle de la maîtrise d’œuvre. Les conséquences dommageables
imputables aux éventuelles fautes commises par le groupement lors de la conception de
l’ouvrage, qui se révéleraient avant la réception de celui
-ci, devront être assumées par le CHU
seul, sans recours possible contre le groupement ou ses assureurs. Si le CHU invoque, dans sa
réponse à la chambre, le maintien de la possibilité d’appeler en garantie le groupement au titre
de sa responsabilité contractuelle en cas
de litige avec le titulaire d’un autre marché
54
, le
protocole pourrait toutefois rendre plus complexe cette possibilité en prévoyant une
renonciation étendue aux dépens du CHU, lequel « s
e porte fort de toute réclamation, instance
ou action mettant en cause directement ou indirectement
le Groupement de maîtrise d'œuvre et
en conséquence tiendra le Groupement de maîtrise d'œuvre indemne
de toutes condamnations
susceptibles d’être prononcées à son encontre
». Or, cette garantie contractuelle est très
protectrice du maître d’ouvrage. L’éventail des manquements potentiellement imputables au
maître d’œuvre est vaste
55
. Le coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation
de l’ouvrage dans les règles de
l'art incombe, en cas de faute, au maître d’œuvre
56
, ce coût
pouvant atteindre des montants très élevés, d’autant plus lorsque l’ouvrage est complexe et
d’une ampleur exceptionnelle comme le projet de nouveau CHU. En renonçant à cette garantie
jouant en ca
s d’erreur de conception commise par le groupement, le CHU s’expose ainsi à un
important risque financier
57
. Dans sa réponse à la chambre, le CHU n’établit pas qu’il aurait été
contraint, sur un plan strictement juridique, à renoncer à cette garantie eu égard à
l’établissement du décompte de résiliation : son avocat l’avait d’ailleurs alerté, le 21 février
2021, sur l’importance des conséquences d’une telle concession, qu’il a alors déconseillée, et
sur la possibilité d’assortir le décompte de réserves afin
de maintenir une garantie
58
. Un tel
maintien aurait cependant, selon la réponse du CHU, dissuadé le groupement, dans la
négociation, de signer la transaction. Cela conforte le fait que la renonciation à la garantie
contractuelle est bien une concession significative
pour le CHU. Ce dernier n’a pourtant pas
attiré l’attention du ministère de la santé sur ce point. Dans sa réponse à la chambre, il le justifie
54
CE, 6 mai 2019, Société Icade Promotion, n°420765.
55
Erre
ur dans la conception de la toiture de l’ouvrage
: CE, 28 octobre 1970, n° 72196 ; faute dans la conception
des planchers
: CE, 20 décembre 1972, n° 78442 ; acoustique de l’immeuble
: CE, 29 décembre 2008, n° 286130
; erreur dans la conception des plans : CE, 26 mai 1993, n° 75507.
56
CE, 20 décembre 2017, n° 401747.
57
L’article 9.8.2 du CCAP prévoit que chacun des membres du groupement doit s’assurer, au titre de sa
responsabilité civile professionnelle, pour un minimum annuel de 8 millions d’euros pour les
dommages corporels,
4 millions d’euros pour les dommages matériels et immatériels et 1 million d’euros pour les atteintes à
l’environnement. Soit un montant global annuel de 52 M€ pour l’ensemble du groupement, montant qui dépasse
néanmoins la seule garan
tie au titre de la conception de l’ouvrage due par la maîtrise d’œuvre puisqu’il recouvre
également la phase d’exécution des travaux.
58
Aux termes de la consultation juridique du 21 février 2021, le conseil du CHU écrivait en effet que « (…)
Une
fois que le décompte général du marché de MOE résilié sera devenu définitif, la responsabilité contractuelle du
MOE ne pourra plus être recherchée par le CHU de Nantes.
(…)
Cette exigence
–
de loin, la plus importante à
devoir prendre en compte - milite, à tout le m
oins, pour que le CHU, soit, sursoit à l’établissement du décompte
de résiliation prévu à l’article 34 du CCAG
-
PI applicable en l’espèce, soit, assortisse ce décompte de réserves,
afin de ne pas conférer à celui-ci un caractère définitif qui le priverait alors irrémédiablement de toute possibilité
d’engagement ultérieur de la responsabilité contractuelle du MOE.
(…) ». Le conseil du CHU lui a finalement
conseillé de signer la transaction aux termes d’une consultation juridique du 9 juillet 2021 dès lors qu’
elle lui
apparaissait comme la solution la mieux adaptée juridiquement pour solder les différends entre les parties.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
33
en indiquant qu’il ne l’avait pas envisagé comme un élément essentiel du protocole
transactionnel.
Certes, le CHU reste bénéficiaire de la garantie décennale des constructeurs, à laquelle
il ne pouvait renoncer du fait de
son caractère d’ordre public
. Cette garantie a toutefois un
champ d’application beaucoup plus restreint car elle ne s’applique qu’après
la réception de
l’ouvrage et qu’en cas de désordres non apparents à la date de cette réception. Ces désordres
doivent également compromettre la solidité de l’ouvrage ou le rendre impropre à sa destination
pour donner lieu à l’indemnisation du maître d’ouvr
age
59
, alors que la garantie contractuelle ne
comporte pas de telles conditions restrictives. Aucune garantie contractuelle se substituant
entièrement à celle de la maîtrise d’œuvre de conception ne pourra être trouvée dans le marché
du maître d’œuvre d’exé
cution puisque celui-
ci prévoit que ce dernier n’est pas responsable
vis-à-
vis du CHU de Nantes des prestations de conception. Le nouveau maître d’œuvre n’est
redevable que d’un devoir de conseil et de surveillance dans le cas où une difficulté apparaîtrai
t.
Or des difficultés de conception ont déjà été identifiées. Le « reporting » à la direction générale
du CHU de septembre 2022 fait état de doutes sur la conception de l’auvent des urgences et
d’un «
problème de conception du désenfumage ». Ces difficultés de conception ne sont
toutefois pas, à ce stade, qualifiées par le CHU d’importantes.
S’il ne semble pas établi que la transaction est irrégulière au motif qu’elle comporterait,
au sens de la jurisprudence administrative
60
, des concessions manifestement disproportionnées
au détriment du CHU, il n’en demeure pas moins que les termes de cet accord ne lui sont pas
favorables de façon indiscutable
et l’exposent à un fort risque financier lors de la phase
d’exécution de l’ouvrage.
Tableau n° 2 :
Éléments négociés dans le cadre de la transaction
Éléments favorables à la maî
trise d’œuvre
Éléments favorables au CHU
Fin de la responsabilité contractuelle
Sécurisation de la propriété intellectuelle
Octroi d’une
rémunération complémentaire
(pour solde d
’h
onoraires supplémentaires)
Fin des contentieux
Octroi d’une
indemnité transactionnelle
P
oursuite de l’opération dans les délais
Source : CRC
59
CE, 2 février 1973, n
o
82706.
60
CE, 11 juillet 2008, N° 287354.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
34
3.2
La désignation d’une nouvelle équipe de maîtrise d’œuvre d’exécution
dont le tuilage s’opère, à fin 2022, de manière plutôt efficie
nte
Le nouveau marché de maîtrise d’œuvre, uniquement pour la phase d’exécution de
l’ouvrage, a été attribué le 29 octobre 2021 à un second groupement. Ce groupement dispose
d’une expérience significative dans la construction hospitalière et les grands cha
ntiers. Le
marché organise la transition avec le premier groupement chargé de la conception en prévoyant
notamment que l’œuvre architecturale qu’il a conçue doit être respectée et en organisant les
modalités concrètes de transmission des informations numér
iques de la maquette de l’ouvrage
nécessaires à la bonne appréhension de la phase de conception par le second groupement.
Le prix du marché est fixé à 45,9 M€ HT, plus une tranche optionnelle d’un montant
d’1 M€ HT. Additionné au décompte définitif de rés
iliation du premier marché de maîtrise
d’œuvre (40,7 M€), et à l’indemnité transactionnelle (3,5 M€), le coût cumulé des deux marchés
de maîtrise d’œuvre atteint, en septembre 2022, environ 90
M€, ce qui n’est pas très éloigné du
coût total du premier marc
hé de maîtrise d’œuvre (84 M€ s’il était allé à son terme)
61
. La
résiliation du marché du premier groupement n’a pas, à fin 2022, renchéri de façon significative
le coût global de la maîtrise d’œuvre qui avait été acté au lancement de l’opération. Néanmoins
,
un risque financier substantiel pèse désormais sur le CHU en raison de la disparition de la
garantie contractuelle du premier groupement au titre de la conception de l’ouvrage. Le
changement de maîtrise d’œuvre n’a pas non plus entraîné de glissement pré
judiciable du
calendrier de début de chantier. Ce dernier prévoyait, dans sa version de janvier 2020, soit plus
d’un an avant la résiliation du marché du premier groupement, le lancement des travaux de gros
œuvre au troisième trimestre 2022, échéance qui a
bien été respectée par le lancement des
travaux relatifs aux fondations qui ont débuté en septembre 2022.
Schéma n° 4 :
Planning simplifié des travaux du nouveau CHU
Source
: CRC d’après les données fournies par le CHU de Nantes
61
Ce prix étant celui de 2015, sans prise en compte, ni de l’inflation, ni des prestations supplémentaires de 3,3 M€
réalisées par la maîtrise d’œuvre du fait des modifications de programme décidées par le CHU.
2021
•
Travaux de terrassement
2022
•
Installation des bases vie
du chantier
•
Lancement des travaux de
gros oeuvre
2023-2026
•
Travaux de construction
du nouveau CHU
2027
•
janvier : réception de
l'ouvrage et marche à
blanc pendant 6 mois.
•
septembre :
déménagement dans les
nouveaux locaux.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
35
Cette absence d’impact sur le délai de lancement de l’opération de travaux en septembre
2022 s’explique par le fait que le CHU a choisi, de façon pertinente, de changer de maîtrise
d’œuvre à la fin de la période de conception et de confier à la nouvelle maîtrise d’œuvre
uniquement la phase d’exécution des travaux. Cela a permis une transition beaucoup plus
harmonieuse sur le plan technique que si la rupture s’était produite au cours de l’une de ces
deux phases, le nouveau marché ayant été, en outre, signé rapidement après la résiliation. Le
changement de maîtrise d’œuvre n’a pas non plus révélé, à fin 2022, de conséquences néfastes
quant à la qualité du suivi de l’opération et à la bonne exécution des travaux, la supervision de
ces derniers par le nouveau ma
ître d’œuvre ne posant pas
à ce stade de difficulté notable. Il est
cependant trop tôt pour juger si celui-
ci s’appropriera parfaitement les études de conception du
précédent titulaire pour mener à son terme la phase de construction du nouveau CHU.
4
UNE GOUVERNANCE DE PROJET D
ONT L’ARTICULATION
AVEC NANTES MÉTROPOLE EST IMPORTANTE
4.1
Une gouvernance interne spécifique au projet a été mise en place
4.1.1
Une information assez limitée du conseil de surveillance du CHU
Entre janvier 2020 et juin 2022, le conseil de surv
eillance n’a été informé de
l’avancement du projet Ile de Nantes par un point formellement mis à l’ordre du jour
que lors
des séances des 12 octobre 2020 et 20 juin 2022. Le sujet est toutefois évoqué en préambule de
la séance du 7 juin 2021 et très succinctement en préambule de la séance du 15 mars 2021. Pour
autant le sujet de la résiliation du contrat de la première maîtrise d’œuvre n’a pas été évoqué en
conseil de surveillance. Le sujet a seulement été évoqué en directoire, lors des séances des
10 juin et 18 novembre 2021, postérieurement à la décision. Dans sa réponse aux observations
provisoires, la présidente du conseil de surveillance estime pour sa part «
n’avoir jamais
manqué d’informations sur le projet Ile de Nantes
». Le projet Ile de Nantes a été évoqué une
fois par an en commission médicale d’établissement et plusieurs fois par an en comité technique
d’établissement. La direction générale s’est dotée de ressources externes au CHU
: un
mandataire, interface technique et financière avec les entreprises chargées du chantier ; un
cabinet chargé du « reporting », afin de communiquer à la direction du CHU des tableaux de
bord de suivi du projet (délais, aspects juridiques, qualité, prix)
; un cabinet d’avocat spécialisé
en droit public économique, qui a apporté son concours sur la transaction avec la première
maîtrise d’œuvre et l’application de la théorie de l’imprévision au coût des travaux.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
36
4.1.2
Des groupes de travail sur le projet de nouvel établissement sans lien avec les
arbitrages sur les moyens
Le CHU a mis en place une comitologie spécifique au projet Ile de Nantes avec un
comité de pilotage qui rapporte au directoire et au conseil de surveillance. Le comité de pilotage
s’est réuni plusieurs fois par an entre 2020 et 2022. Depuis mi
-2021, il est complété par un
comité directeur mensuel du programme « convergence Ile de Nantes ». Ce programme doit
définir l’organisation du futur CHU, par exemple sur les plateaux d’hospitalisation avec des
zones partagées entre services. Il comporte 47 thématiques dont le pilotage a été confié à un
trinôme médecin-cadre-soignant ou expert-
directeur. L’objectif est d’identifier les perspectives
d’activités et d’organisation dans une recherche d’innovation et de performance. La revue de
projet d’investissement 2021 souligne l’importance d’«
affiner les chiffrages de ressources
humaines sur les unités médico-soignantes (en fonction des capacitaires précis par service) et
sur les fonctions logistiques. Il importe de stabiliser ces éléments très en amont de l’ouverture
».
Néa
nmoins, à ce stade, les groupes de travail du programme convergence n’intègrent pas de
données d’effectifs dans leurs réflexions sur l’organisation et le fonctionnement du nouvel
hôpital.
4.2
Un enjeu de coordination avec Nantes Métropole
4.2.1
Des modalités d’échan
ge foncier qui pourraient être revues avec la mise en
option d’un bâtiment sur l’île de Nantes
En 2020, le bâtiment O a été mis en option afin de réaliser des économies sur le projet
compte tenu du niveau élevé des offres des entreprises. Ce bâtiment devrait regrouper
: l’école
des sages-
femmes, le centre d’enseignement des soins d’urgence, l’institut de formation des
ambulanciers, un centre de vaccination, la médecine du travail, la maison de la recherche et de
l’administration.
À ce stade,
l’objectif du C
HU reste de réaliser le bâtiment, mais sans
calendrier arrêté ni financement disponible. S’il n’est pas construit, plusieurs options seront
étudiées : le maintien des activités sur leur site actuel, sous réserve de renégociation du
protocole d’échange foncier avec Nantes Métropole, ou d’une relocalisation sur les sites
existants du CHU. Le maintien des activités dans des locaux devant être transférés à Nantes
métropole pourrait se faire, en fonction de leur durée, soit sous le régime d’un différé de
transfert de propriété soit en tant que locataire. Les conditions de relogement des fonctions qui
étaient prévues dans le bâtiment O doivent être précisées.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
37
4.2.2
Hôpital Nord Laënnec : un calendrier de cessions décalé
L’étude commandée en 2019 par le CHU estime que la valorisation du site de l’hôpital
Nord permettrait de sécuriser 16,5 à 20,4 M€ de financements pour le CHU. Cette stratégie doit
être développée en étroite concertation avec Nantes Métropole compte tenu de la
réglementation urbaine en vigueur. Une étude de stratégie et de programmation urbaine a été
engagée en février 2022 par la Métropole concernant la définition des axes programmatiques
du site préalable à l’évolution de la réglementation urbaine, à laquelle le CHU est associé. Les
résultats devraient être livrés courant 2023 et permettre de préciser les scénarios de valorisation
du site. Cette étude va induire une pause dans la politique de vente du CHU. La préservation
des zones naturelles, notamment des zones humides, pourrait conduire à réviser à la baisse la
valorisation attendue de ces parcelles. Le calendrier de cessions sera en tout état de cause décalé
par rapport au projet initial. En effet, 14,5 M€ de cessions étaient prévues en 2022. Le maintien
de l’hôpital Nord Laennec, avec ses servitudes d’exploitation diminuera le potentiel des
cessions foncières à moyen terme sur le site. L’évaluation du potentiel de cessions à horizon
2027 est passé de 31,5
M€ en 2018 à 24,5
M€ en 2022.
4.2.3
Transports : une coordination des calendriers qui reste un point
d’attention
Le projet de desserte en nouvelles lignes de transport, porté par Nantes Métropole,
prévoit la construction de 3 nouvelles lignes structurantes de transports en commun à l’horizon
de mise en service du CHU, soit 2027. Une concertation a été men
ée en 2020 sous l’égide de
la Commission nationale du débat public
62
, qui portait sur la création de 3 nouvelles lignes de
tramway desservant le sud-ouest Île de Nantes et le futur CHU, ainsi que sur le réaménagement
du pont Anne de Bretagne. Le programme actualisé, validé le 30 juin 2022
63
précise le
programme des 3 lignes : lignes 6 et 7 de tramway desservant le futur CHU sur un axe Nord-
Sud ; ligne 8 de eBusway, desservant le futur CHU sur un axe Est-Ouest. Le calendrier confirme
que la desserte du futur CHU en transports en commun structurants sera assurée dès sa mise en
service, à horizon 2027. Le 7 septembre 2022, la maîtrise d’œuvre du pont Anne de Bretagne a
été choisie. La réalisation des deux nouvelles lignes de tramway desservant le CHU dépend de
l’
élargissement de ce pont. Le passage des voies de tramway sur le pont est envisagé en 2026,
le pont n’étant complètement aménagé qu’en 2027. En réponse aux observations provisoires,
Nantes Métropole indique qu
’ «
en ce qui concerne la desserte en transports en commun du
futur CHU, celle-
ci sera assurée dès sa mise en place, à l’horizon 2027 et Nantes
Métropole
met bien évidemment tout en œuvre pour garantir une étroite coordination des calendriers des
différents chantiers concourant à cet objectif ».
62
Délibération du conseil métropolitain du 9 a
vril 2021 d’approbation du bilan de la concertation.
63
Conseil métropolitain des 29 et 30 juin 2022.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
38
Pou
r le stationnement et le schéma de circulation, la métropole n’a pas modifié ses
engagements exprimés à l’occasion de l’enquête publique de 2019
: 2 250 places de
stationnement publiques seraient créées à proximité du CHU (1 600 avant 2027, et 650 en
2030
64
), en sus des 1 200 places en sous-sol créées par le CHU dans le cadre du projet de nouvel
hôpital. La mise à disposition d’une offre de stationnement
public
permettant d’assurer le
stationnement des salariés, patients et visiteurs à l’ouverture du CHU ser
ait facilitée par la
possibilité de recourir à un stationnement de surface provisoire sur les parcelles qui seront
encore libres à cette date. Le maintien de l’hôpital Nord Laënnec permet en outre de mieux
répartir les flux par rapport au projet initial. La Métropole et le CHU reconduiront le principe
de coûts de stationnement réduits pour la patientèle. Les voies de transports en commun seront
accessibles aux véhicules d’urgence en cas de congestion. Les transports sanitaires
stationneront directement sous
l’hôpital.
La conjonction de chantiers importants dans la métropole nantaise
65
durant la période
de construction du CHU sur l’Ile de Nantes est un point d’attention. Les donneurs d’ordre
pourraient se retrouver dans une situation de concurrence face à des ressources limitées
(disponibilité des entreprises, des matériaux, de la main d’œuvre). L’articulation des chantiers
nécessitera un effort de coordination et de priorisation important entre Nantes métropole, la
SAMOA
66
et les équipes du CHU. En réponse aux observations provisoires, Nantes Métropole
précise que « différents moyens ont été mobilisés pour toute la durée de ces chantiers. Les
missions d’assistant à maîtrise d’ouvrage dédiées à la coordination générale des phasages,
renforcées d’un OPC (Ordonnanc
ement, Pilotage et Coordination) inter-chantiers sur le secteur
de la plus forte coactivité peuvent notamment en témoigner ».
64
Délibération du conseil métropolitain du 24 mars 2022.
65
Aménagement de la petite Hollande, Bas Chantenay, pont Anne de Bretagne, opérations sur le logement social
(ANRU), etc.
66
Société d’Aménagement de la métropole Ouest Atlantique, chargée par la métropole de l’urbanisation de l’île
de Nantes.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
39
ANNEXES
Annexe n° 1. Les capacités installées
..............................................................................
40
Annexe n° 2. Évolution de l’activité
...............................................................................
42
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
40
Annexe n° 1.Les capacités installées
Une capacité d’accueil revue à la hausse par rapport à 2013 mais
qui intègre toujours des gains d’efficience
Lors du précédent contrôle, la chambre avait pu constater que le CHU était engagé dans
une trajectoire de réduction capacitaire, conformément aux objectifs fixés pour le nouvel hôpital
dans les projets d’établissement et le projet régional de santé.
À la fin du premier trimestre
2020, les simulations d’évolution étaient de 1
242 lits et 279 places et postes. Lors de la revue
de projet 2021, la capacité d’accueil cible du CHU a été révisée à la hausse avec un objectif
total de 1 417 lits et 296 places, dont 1241 lits et 286 places sur le site Ile de Nantes. Cette
nouvelle cible est en hausse de 14 % en hospitalisation complète et de 5 % en ambulatoire par
rapport à la cible de 2020 et de 17 % et 12 % par rapport à la cible de 2013.
L’écart résulte de la déci
sion prise en juin 2021 de maintenir 140 lits de médecine
gériatrique sur l’hôpital Nord Laennec et d’ajouter 52 lits de médecine (toutes filières de soins
confondues) sur le site de l’Ile de Nantes par le doublement d’une partie des chambres
individuelles, soit 192 lits supplémentaires au total. Cette évolution a été décidée suite à
l’actualisation des projections d’évolution démographique du territoire et notamment celle des
habitants de plus de 65 ans d’ici 2030, beaucoup plus importante que dans les pro
jections
initiales (+ 20 points par rapport aux projections de 2010).
Le redimensionnement capacitaire du CHU intègre également les gains de lits attendus
de la mise en œuvre des leviers d’efficience que sont le renforcement de l’offre ambulatoire et
l’amélioration du taux d’occupation et de la durée de séjour.
Le regroupement de l’activité de court séjour sur un seul site est
abandonnée avec le maintien d’une activité gériatrique à l’hôpital
Nord Laënnec
Le maintien d’une activité de médecine sur l’hôpi
tal Nord Laënnec revient sur
l’orientation initiale choisie pour le projet Ile de Nantes, à savoir rassembler tout le court séjour
sur un site unique. Le projet est double pour l’hôpital Nord Laënnec : maintenir 140 lits de
médecine à orientation gériatrique et installer un plateau de consultation pluridisciplinaire,
davantage axé sur la médecine gériatrique et les maladies chroniques. L’enjeu de ce plateau est
d’accompagner l’augmentation d’activité externe générée par la croissance démographique tout
en limitant les flux de patients vers le centre de Nantes, A ce stade du projet, la répartition des
activités entre les sites de l’Ile de Nantes et l’hôpital Nord Laënnec n’est pas encore définie, de
même que le dimensionnement du plateau technique de l’hôpita
l Nord Laënnec.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
41
Le maintien de ce site ne permettra plus de réaliser les gains d’efficience liés à la
suppression des transferts entre ce site et le site principal. Le CHU a ainsi indiqué que les
économies attendues initialement ont été neutralisées dans sa trajectoire financière. Les
modalités de facturation d’une hospitalisation multi
-sites devraient permettre de compenser les
surcoûts liés aux transferts. Cela n’est toutefois pas garanti,
car dépendant du type de prestataire
mobilisé pour le transfert. En outre, même si cela devait être neutre pour le CHU cela reste un
surcoût pour l’
Assurance maladie. À horizon 2035, le CHU envisage de transférer les 140 lits
gériatriques sur l’Ile de Nantes, en utilisant la réserve foncière constituée par la parcell
e
initialement destinée à l’Institut de Cancérologie de l’Ouest, dans un nouveau bâtiment à
construire (non prévu dans le projet actuel) et de ne conserver au Nord que les consultations.
La construction de ce bâtiment supplémentaire sera subordonnée à l’ap
préciation des capacités
de financement du CHU à l’issue du projet Ile de Nantes et impliquera de redéfinir très
substantiellement sa trajectoire financière post-2030. À
l’évidence, un tel projet ne pourra
reposer que très partiellement sur l’autofinanceme
nt.
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
42
Annexe n° 2.É
volution de l’activité
Un nombre de séjours en hausse malgré une activité contrainte par
la gestion de la crise Covid
Sur la période 2019-
2021, le nombre de séjours s’est accru de 4
%. Seule l’activité de
chirurgie marque un léger recul (- 1,3 % par rapport à 2018). Le premier semestre 2022 connaît
une stagnation du nombre de séjours, liée notamment à une nouvelle vague de Covid-19
enregistrée en début d’année et à une hausse de l’absentéisme
: 50
% de l’activité constatée sur
2021 en médecine et obstétrique, et 48,8
% pour l’activité en chirurgie.
En 2022, le CHU a de nouveau été contraint de fermer une quarantaine de lits (25 en
chirurgie et 15 en médecine) en cumulé à fin août, pour faire face à la hausse de l’absentéisme
des personnels non médicau
x, ce qui s’est répercuté sur le niveau d’activité au deuxième
trimestre 2022. Le taux d’absentéisme en moyenne mensuelle atteint en effet 10,4
% à fin
novembre 2022, contre 9,3 % à la même période en 2020 et 2021 et 9,1 % en 2019. On remarque
notamment un allongement de la durée des arrêts courts en 2022 par rapport aux années
précédentes. L’absentéisme étant revenu à son niveau normal à compter du mois d’août, les lits
et salles opératoires ont pu rouvrir progressivement à l’automne. Le CHU espère ainsi u
n
rattrapage partiel de l’activité d’ici à la fin de l’année. Le CHU indique avoir pris «
des mesures
d’attractivité fortes pour préserver sa réponse aux besoins de santé
» à travers un certain nombre
de mesures salariales.
Tableau n° 3 :
Taux d’absentéisme
Source : CHU de Nantes (Bilan social)
7%
8%
9%
10%
11%
12%
13%
2019
2020
2021
2022
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
43
Un objectif de virage ambulatoire maintenu
Le virage ambulatoire est un des leviers d’efficience de la trajectoire du projet Ile de
Nantes avec pour objectif prioritaire d’améliorer l’offre de soins tout en réduisant le nom
bre de
lits nécessaires afin de dégager des économies de gestion. Le CHU a poursuivi cette stratégie
avec la fixation en 2021 d’une nouvelle cible à 286 places sur le site Ile de Nantes, à l’horizon
2027. Sur la période 2019-
2021, l’établissement a poursui
vi sa mutation vers la prise en charge
en ambulatoire. En 2021, l’ambulatoire représente 58,4
% des séjours contre 56,4 % en fin de
période précédente. À
l’exception de la chirurgie, particulièrement
concernée par la
réaffectation des moyens au traitement de la pandémie de Covid-
19, toute l’activité ambulatoire
progresse par rapport à la période précédente (+ 11 % en médecine, + 3,6 % en obstétrique et
+ 10
% pour les séances) en dépit d’une
quasi-stabilité des places installées. Malgré cette
évolution favo
rable, le CHU ne parvient pas à s’aligner sur les objectifs fixés dans le contrat
pluriannuel d’objectif et de performance avec l’ARS.
Graphique n° 6 :
Evolution du nombre et du taux de séjours ambulatoires
Note : Absence de cible de chirurgie ambulatoire pour 2021-2022 Source
: CRC d’après réponse du CHU
Par rapport aux établissements de même catégorie, la position du CHU en chirurgie
ambulatoire s’est dégradée depuis 2019, et plus particulièrement pendant la crise sanitaire. En
2021, le CHU se situe 8 points au-dessous des 20 % les plus performants en la matière. On note
une forte disparité entre le taux de rotation des places en médecine ambulatoire, qui ne cesse
d’augmenter (172
% en juin 2022), et celui observé en chirurgie ambulatoire (92 % en juin
2022) qui stagne
depuis plusieurs années, signe d’une sous
-occupation des places exploitables
en unité de chirurgie ambulatoire. Le CHU ne remet pas en question l’atteinte de ses cibles de
taux d’ambulatoire et n’envisage pas de scénario alternatif, tel que la suppression d’un moindre
nombre de lits. Le CHU reste toutefois loin de la cible en matière de chirurgie ambulatoire.
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
35000
40000
45000
50000
30%
35%
40%
45%
50%
55%
60%
65%
70%
75%
2019
2020
2021
S1 2022
Nombre de séjours de
médecine ambulatoire
Nombre de séjours de
chirurgie ambulatoire
Taux cible de médecine
ambulatoire
Taux global de
médecine ambulatoire
Taux cible de chirurgie
ambulatoire
Taux global de chirurgie
ambulatoire
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
44
Un taux d’occupation des lits conforme aux objectifs, sauf en
chirurgie
Un des leviers d’efficience identifié dans la trajectoire IDN
est d’atteindre un taux
d’occupation en court séjour de 90
% à l’horizon 2027. Le taux d’occupation étant calculé sur
le nombre de lits installés et non sur le nombre de lits ouverts, son évolution a été affectée en
2021 et 2022 par les fermetures de lits
non programmées, liées à l’absentéisme des personnels
infirmiers
67
.
Tableau n° 4 :
Taux d’occupation des lits en MCO
Source : RPI 2022
En 2021, en dépit des fermetures de lits, le taux d’occupation cible de 90
% est atteint
en médecine et dépassé en obstétrique, les données du premier semestre 2022 restent cohérentes
avec la cible. En revanche, en chirurgie, le taux d’occupation s’est dégradé sur toute la période
et demeure très éloigné de la cible (77,7 % au premier semestre 2022). Le CHU, reconnaît avoir
« des marges de progression assez sensibles ». En conséquence, les réorganisations capacitaires
prévues en 2023 portent en priorité sur la chirurgie, avec la suppression de 25 lits dans trois
services. L’autre levier activé par le CHU correspond aux mesures d’attractiv
ité à destination
des personnels infirmiers afin de mettre fin aux fermetures non programmées de lits et de blocs
pour cause de manque de personnel. Enfin, le CHU a créé un comité de pilotage chargé de
synchroniser les actions d’optimisation de l’occupatio
n des blocs opératoires
68
.
67
Les fermetures effectuées en 2020 dans le cadre de la crise sanitaire ont été neutralisées par le CHU dans le
calcul du taux d’occupation, réalisé à partir du nombre de lits mis en service.
68
Optimisation du temps de vacation offert, c’est
-à-
dire du temps compris entre l’entrée au bloc du premier patient
et la sortie du dernier, par réallocation des plages de blocs aux disciplines à la plus forte demande.
70%
80%
90%
100%
110%
2019
2020
2021
1er semestre 2022
cible
Médecine
Chirurgie
Obstétrique
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
45
Une dégradation de l’indicateur de performance de la durée de
séjour
Un des autres leviers d’efficience identifiés est l’amélioration de la durée moyenne de
séjour, mesurée par comparaison aux autres établissements (IP-DMS)
69
. Le CPOM 2019-2022
fixait un IP-DMS cible pour 2022 à 1 en chirurgie, 0,93 en médecine et 1,05 en obstétrique.
Lors du précédent contrôle de la CRC portant sur la période 2014-
2018, l’IP
-DMS par
catégories d’activité de soins (CAS) et par activités de soins (ASO) témoignait d’une gestion
satisfaisante des séjours en médecine et chirurgie. Depuis 2019, tous les indicateurs se sont
dégradés. En 2021, ils sont tous supérieurs à 1, objectif cible maximum afin de permettre un
gain capacitaire dans le nouvel hôpital et les chiffres du premier semestre 2022 affichent une
nouvelle dégradation.
Tableau n° 5 :
Indicateur de performance de la durée moyenne de séjour (IP-DMS)
Source
: CRC d’après CHU
69
Indicateur de performance de la durée moyenne de séjour : ratio entre le nombre de journées réalisées par
l’établissement et le nombre de journées théoriques correspondant à l’éventail des cas médicaux et chir
urgicaux
de l’établissement multiplié par la durée moyenne de séjour de référence nationale pour chaque groupe homogène
de malades. Un IP-
DMS supérieur à 1 signifie que l’établissement présente une durée moyenne de séjour plus
longue que la durée moyenne nationale.
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
Médecine
Chirurgie
Obstétrique
2016
2017
2018
2019
2020
2021
1er semestre 2022
Cible
AUDIT FLASH SUR LA RECONSTRUCTION DU CHU DE NANTES
46
L’augmentation des séjours extrêmement longs (plus de 50 jours) explique cette
évolution défavorable en lien avec un manque de places effectivement ouvertes dans les
structures médico-sociales et de soins de suites sur le territoire. Le volume de séjours de plus
de 50 jours représente en 2022 0,99
% des séjours d’une nuit et plus, co
ntre 0,83 % en 2018.
Ces séjours ont toutefois connu une baisse en 2021, alors que la dégradation de l’IP
-
DMS s’est
poursuivie sur cet exercice. En gynécologie-obstétrique, la durée moyenne de séjour est
structurellement supérieure à 1 car le CHU est spécialisé dans le suivi des grossesses à haut
risque, conduisant à l’accueil de patientes sur des durées plus longues que les autres maternités.
Par ailleurs, l’accueil des patientes en grande précarité (migrantes et sans domicile fixe), est
une des raisons de
l’allongement de la durée de séjour à la maternité. Cette problématique s’est
accrue sur la période plus récente. D’après le CHU, hors séjours extrêmes, l’IP
-DMS de
gynécologie-obstétrique aurait été ramené à un niveau inférieur à 1 grâce aux sorties précoces
proposées pour les grossesses sans risques dans le cadre du programme d’accompagnement du
retour à domicile piloté par l’assurance maladie.
En 2021, le CHU a pris plusieurs mesures pour viser une durée moyenne de séjour
conforme à la cible. Ces action
s sont menées dans le cadre d’une mission « aval » confiée à un
directeur adjoint. L’expérimentation de la
récupération améliorée après chirurgie
70
est
également un enjeu essentiel, tant pour le développement de la chirurgie ambulatoire, que pour
optimiser la durée de séjour des patients. Ces mesures ont permis une baisse de la durée de
séjour dans les services fin 2021 mais ses effets sur la durée moyenne de séjour globale de
chirurgie ne sont pas encore perceptibles. De plus, la démarche est actuellement freinée par les
tensions sur les ressources humaines. Le CHU a mis en place une cellule de coordination et
d’appui des sorties complexes chargée de
les identifier et de traiter afin d’éviter les séjours
longs. Il expérimente depuis octobre 2021 une unité relais de 30 lits, destinée à faire la transition
entre l’hospitalisation aigüe et le domicile. Celle
-ci accueille des patients médicalement sortants
qui étaient maintenus dans des lits de médecine faute d’une structure d’aval plus adaptée.
D’autres mesures sont expérimentées ou poursuivies pour faciliter le retour à domicile
:
mise en place d’une équipe mobile de gériatrie en soutien de la médecine
de ville pour les
patients âgés en post-
urgence, déploiement de l’hospitalisation à domicile, travail en lien avec
les services de soins à domicile et les EHPAD. Enfin, le CHU poursuit la structuration du
maillage territorial appuyé sur le groupement hospitalier de territoire, le développement de
partenariats avec les SSR publics et privés du territoire et les acteurs du handicap. Le défaut de
structures d’aval apparaît en effet comme le principal frein à l’amélioration de l’IP
-DMS, sur
lequel le CHU a peu
de leviers d’action. Celui
-ci est à la fois structurel et conjoncturel, amplifié
par le manque de personnel qui s’est traduit par la fermeture de 300 lits de SSR à l’été 2022
(environ 15
% des lits ouverts), et par l’allongement des délais de prise en char
ge lié aux
procédures renforcées Covid. Le renforcement des capacités de SSR dans l’agglomération
nantaise constitue une priorité à l’horizon 2030, avec une augmentation projetée par l’ARS du
nombre de lits et places de + 16 % (soit +215 lits et places).
70
La démarche consiste à organiser le parcours du patient en amont, pendant et en aval de son hospitalisation selon
différentes techniques pour réduire les conséquences du geste chirurgical, permettre une récupération accélérée, et
par voie de conséquence, une sortie plus rapide.
Chambre régionale des comptes Pays de la Loire
25 rue Paul Bellamy
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44041 Nantes cédex 01
Adresse mél.
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Les publications de la chambre régionale des comptes
Pays de la Loire
sont disponibles sur le site :
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