La collectivité territoriale de Corse (CTC) dispose d’une compétence particulière en matière de tourisme. Conformément à l’article L. 4424-31 du code général des collectivités territoriales (CGCT), la CTC a créé, en 1992, une institution spécialisée placée sous sa tutelle : l’agence du tourisme de la Corse (ATC), qui a en charge la coordination de l’ensemble des actions de développement du tourisme en Corse. Chargée d’observer l’activité touristique, d’en assurer la promotion, de soutenir financièrement les acteurs du tourisme et d’instruire les demandes de dénomination de communes touristiques et de classement des hébergements et stations et tourisme, l’agence peine à accomplir ses missions.
Ces difficultés résultent d’une situation financière contraignante. D’une part, l’ATC est fortement tributaire de la subvention versée par la CTC. Celle-ci représentait, en 2016, la totalité des recettes d’investissement de l’établissement et 96 % de ses recettes de fonctionnement. La réduction de 25 % des recettes de fonctionnement de l’ATC depuis 2012 la prive de marges de manœuvre. D’autre part, ainsi que la chambre l’avait constaté lors de son précédent contrôle de l’ATC portant sur les exercices 2005 à 2011, l’agence est confrontée à une augmentation constante de ses charges de personnel. Elles s’élèvent à 58 % des dépenses réelles de fonctionnement en 2016, contre 38 % en 2012. De la sorte, l’ATC subit un effet de ciseau qui affecte sensiblement ses moyens d‘intervention.
Cette dégradation de la situation financière de l’agence révèle une gestion défaillante qui se caractérise de trois manières.
En premier lieu, l’ATC est confrontée à un déficit de gouvernance. Ainsi que la chambre l’avait relevé en 2012, en s’abstenant de réaliser des prestations commerciales, l’agence ne dispose pas de l’autonomie budgétaire lui permettant de justifier son statut juridique d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Elle doit en tirer les conséquences soit en adaptant son statut et celui de ses personnels qui relèvent en réalité du droit public, soit en concevant des prestations et des produits touristiques. L’absence de dialogue entre l’établissement et sa tutelle sur ce point met en évidence la nécessité de doter l’agence d’une véritable approche stratégique. Conformément aux statuts de l’ATC, un plan d’orientation de la politique du tourisme, défini avec sa tutelle, et assorti d’objectifs et d’indicateurs doit être élaboré. Ainsi que la chambre le préconisait également en 2012, l’agence est invitée à se doter d’une culture de l’évaluation, dans la présentation de ses rapports d’activité, dans le suivi des actions de promotion et dans le cadre d’un contrôle de gestion qui n’est toujours pas mis en place. Le développement de partenariats plus rigoureux avec les acteurs régionaux du tourisme est également attendu. Une clarification des intentions de l’agence et de sa tutelle au sujet de l’armature territoriale touristique est également souhaitable.
Dans le même sens, la chambre relève un déficit de dialogue s’agissant de la gouvernance interne de l’agence. Entre 2012 et 2015, l’ATC a été confrontée à un déficit de débat démocratique entre élus et représentants socioprofessionnels, au sein de ses organes délibérants. Cela vise à la fois le conseil d’administration de l’ATC, en raison d’une insuffisante assiduité de ses membres, et les commissions consultatives qui n’ont pas été en mesure de jouer un rôle de force de proposition. Les modifications successives de l’organigramme de l’établissement et les nombreux contentieux générés par les licenciements systématiquement irréguliers des directeurs généraux de l’agence ont également révélé des défaillances dans la gestion de l’établissement.
En deuxième lieu, l’examen de la gestion des ressources humaines fait apparaître plusieurs dérives déjà signalées par la chambre en 2012 :
- des effectifs de salariés qui demeurent artificiellement stables, depuis 2012, autour de 50 salariés permanents, puisque dans le même temps, l’agence a recouru à des contrats à durée déterminée (CDD), qui augmentent de 235 % en cinq ans ;
- la persistance d’une surreprésentation de cadres, qui ont bénéficié d’une politique généreuse de revalorisations salariales, se traduisant par une augmentation de 15,4 % du traitement indiciaire et de 23 % des primes et indemnités entre 2012 et 2016 ;
- une mise en place embryonnaire d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et compétences.
En troisième lieu, malgré l’adoption en 2012 du guide des procédures de la commande publique préconisé par la chambre dans son précédent contrôle, l’ATC a éprouvé des difficultés à anticiper ses besoins et à respecter les règles de passation et d’exécution des marchés publics. Ainsi, la chambre relève que sur les quatre marchés publics dans lesquels elle a constaté des erreurs de gestion ayant entraîné un surcoût, celui-ci représente près de 10 % du montant total de ces marchés.
L’ensemble de ces carences a contribué à une perte de marge de manœuvre financière pour l’agence, qui s’est ressentie dans l’exercice de ses missions.
L’observation de l’activité touristique est le principal point faible de l’agence. Dotée de moyens financiers et humains limités en la matière, l’ATC recourt à plusieurs partenariats publics et privés qui ne sont pas évalués. Compte tenu du défaut de fiabilité de nombreuses données relatives à la fréquentation touristique et à ses retombées économiques, l’agence doit tirer un bilan coût / pertinence de sa stratégie d’externalisation afin d’adapter sa politique d’observation.