Une cohérence mise à l’épreuve dans un contexte d’ouverture accrue de l’économie
Une adaptation nécessaire au cadre économique et juridique supranational
Lutte contre l’évasion des bases fiscales, sécurité juridique et convergence des taux : une stratégie gagnante à court et moyen terme
Une cohérence mise à l’épreuve dans un contexte d’ouverture accrue de l’économie
L’IS est payé par une moitié d’entreprises, concentrant cependant près des deux tiers de la valeur ajoutée produite en France. S’il ne représente que 5 % des prélèvements obligatoires, il constitue néanmoins le premier impôt direct et le deuxième prélèvement obligatoire pour les entreprises. En 2015, son produit net s’est élevé à 33,5 Md€, une fois déduits 17,5 Md€ de remboursements et dégrèvements (hors crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises - CICE), dont 5,3 Md€ de crédit d’impôt recherche (CIR).
Les travaux du CPO permettent d’infirmer plusieurs idées reçues sur l’IS. Si le taux français est bien l’un des plus élevés d’Europe (38 % en incluant la contribution sociale sur les bénéfices et la contribution exceptionnelle selon les données Eurostat), son assiette est désormais large, du fait d’une série de mesures intervenues depuis 2011. Le fait qu’en dépit de ces évolutions, le rendement brut de l’IS en proportion du PIB reste dans la fourchette basse de l’OCDE (2,6 points de PIB) provient de la profitabilité relativement plus faible des entreprises françaises. Son rendement net est par ailleurs fortement affecté par l’utilisation de l’IS comme « véhicule d’imputation » du CIR et du CICE.
Enfin, l’idée selon laquelle les grands groupes parviendraient à alléger considérablement l’impôt acquitté par le biais de mécanismes de déductions inaccessibles aux PME n’est pas confirmée : la taille d’une entreprise, une fois atteint le stade de la PME, ne conditionne pas significativement son taux d’imposition. Pour le CPO, l’existence de taux différenciés selon les strates d’entreprises ne peut pas être justifiée par des taux de marge différents.
Une adaptation nécessaire au cadre économique et juridique supranational
Trois facteurs contribuent à une convergence européenne dans la définition de l’assiette et du taux de l’IS.
En premier lieu, la lutte contre l’évasion et la planification fiscale agressive, menée au sein de l’OCDE et de l’Union européenne (UE) et à laquelle la France prend une part active, a abouti à des définitions harmonisées et à des outils communs et entraîne la disparition progressive de dispositifs fiscaux nationaux susceptibles d’être utilisés comme vecteurs d’optimisation (directive « ATA »). Ce processus devrait conduire notamment à réexaminer la question du plafond de déductibilité des intérêts d’emprunts, ainsi que le taux réduit applicable aux revenus tirés de la propriété intellectuelle.
En deuxième lieu, une convergence des assiettes est engagée depuis plusieurs années, sous le double effet de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE et des initiatives de la Commission européenne. Son aboutissement devrait permettre, avec le soutien actif de la France, la définition d’une assiette commune consolidée de l’IS.
En troisième lieu, la baisse des taux enclenchée depuis la fin des années 1990 exerce des effets sur la compétitivité et l’attractivité relative des États-membres. Le mouvement de baisse des taux, initialement circonscrit aux petites économies, s’est étendu au sein de l’UE. L’intensité de la concurrence ne semble pas s’atténuer : le Royaume-Uni s’est ainsi fixé l’objectif d’abaisser son taux de 20 à 17 % à l’horizon 2020 ; la Hongrie et le Luxembourg ont également annoncé vouloir suivre ce mouvement ; hors d’Europe, les États-Unis pourraient eux-aussi enclencher un mouvement de baisse.
Lutte contre l’évasion des bases fiscales, sécurité juridique et convergence des taux : une stratégie gagnante à court et moyen terme
Le CPO formule des propositions d’adaptation de l’IS pragmatiques et prenant en compte la dimension temporelle, qui s’articulent en quatre ensembles de mesures – relatives au taux, à l’assiette, à la sécurité juridique et à la lutte contre l’optimisation fiscale – dont la mise en œuvre pourrait être échelonnée.
À court terme, la France pourrait, sans se lancer dans une course préjudiciable au moins-disant fiscal, faire converger son taux vers la moyenne européenne des grandes économies, soit autour de 25 % pour toutes les entreprises. Cet effort pourrait être en partie gagé par des évolutions de l’assiette et des modalités de calcul de l’impôt.
À court-moyen terme, des techniques offrant plus de sécurité juridique et de prévisibilité aux acteurs économiques, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, seraient utilement adaptables au contexte français, dans le respect des prérogatives parlementaires.
À moyen-long terme, le soutien de la France au projet d’assiette européenne de l’IS nécessiterait des analyses approfondies de son impact et la mise en place d’un « tunnel de taux », analogue à celui en vigueur pour la TVA.
Enfin, de manière permanente, ces mesures pourraient être complétées par la poursuite active des initiatives engagées aux échelons européen et international pour lutter contre l’optimisation fiscale agressive, par exemple en améliorant les références internationales en matière de prix de transfert.