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La prestation de compensation du handicap

À la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour publie son premier rapport exclusivement consacré à la prestation de compensation du handicap (PCH), après deux décennies de mise en œuvre. La PCH, l’une des trois allocations individuelles de solidarité versées par les départements, a été instaurée par la loi « Handicap » de 2005 qui a reconnu un droit individuel à la compensation, fondé sur une évaluation personnalisée des besoins. Elle rassemble cinq types d’aides  – dont les aides humaines qui représentent environ 90 % de son coût – et a connu une forte dynamique de dépenses, accélérée depuis 2021 sous l’effet de nombreuses réformes favorables aux bénéficiaires. Malgré plus de 400 000 bénéficiaires en 2023, la PCH reste marquée par un non-recours probablement élevé quoique mal évalué, et par de fortes disparités territoriales dans les délais,  les taux d’accord et les montants attribués. La dépense de PCH pèse de manière croissante sur les départements et n’est plus couverte qu’à hauteur d’un tiers environ (contre 60 % en 2010) par le concours financier que leur verse à ce titre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), le mécanisme de ce concours étant  par ailleurs devenu illisible au fil du temps. Cette prestation souffre également d’un manque de cohérence avec d’autres dispositifs de compensation, notamment à destination des enfants ou des personnes âgées. À cela s’ajoutent une réforme du soutien à la parentalité mal calibrée et des politiques de contrôle d’effectivité encore embryonnaires et disparates, malgré une esquisse récente de pilotage par la CNSA. Le rapport souligne la nécessité de clarifications, d’harmonisations et de rationalisations, détaillées dans plusieurs recommandations visant à améliorer l’équité d’accès, la maîtrise financière et le pilotage national.

Une prestation complexe par sa structure et dynamique dans son évolution

La prestation de compensation du handicap, entrée en vigueur en 2006, a été instituée par la loi « Handicap » du 11 février 2005. Elle concrétise le droit à la compensation reconnu aux personnes en situation de handicap et a pour ambition d’apporter à celles-ci une réponse personnalisée à leurs besoins. Cette prestation est complexe par sa structure (cinq éléments d’aide distincts, mais cumulables) et ses conditions d’éligibilité, liée à l’identification précise des difficultés rencontrées par la personne dans sa vie quotidienne. La dépense de PCH des départements a connu une montée en charge rapide, pour dépasser 1 Md€ à partir de 2010, 2 Md€ en 2018 et désormais plus de 3 Md€. Deux décennies après sa création, la PCH n’est pas encore un dispositif d’aide totalement stabilisé : les nombreuses réformes survenues à partir de 2020 ont en effet conduit à étendre la population éligible (en particulier les personnes dont le handicap est lié à une altération des fonctions psychiques, cognitives, mentales ou à des troubles du neurodéveloppement), à assouplir les conditions d’attribution et à couvrir de nouveaux besoins. Dans le même temps, des revalorisations tarifaires significatives sont intervenues en faveur des aides humaines, pour mieux solvabiliser les bénéficiaires et soutenir les professionnels de ce secteur, qui souffre d’un déficit d’attractivité.

Une prestation mise en œuvre de manière hétérogène sur le territoire

Le fonctionnement de la PCH a pour particularité de faire coexister un cadre législatif et réglementaire national extrêmement détaillé et prescriptif avec un pilotage décentralisé au niveau des départements. Cette prestation est de ce fait soumise à une tension forte entre le respect d’un objectif d’égalité de traitement des demandes sur tout le territoire – au respect duquel la CNSA est chargée de veiller – et la grande variété des organisations et pratiques retenues au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les données d’activité consolidées par la CNSA en provenance de ces dernières font ressortir des écarts significatifs en termes de délais de traitement, de taux d’accord et de montants attribués dans les plans de compensation accordés aux bénéficiaires, sur des fondements qui ne sont pas toujours objectivés. Ces disparités peuvent aussi résulter de paramètres exogènes, tels que le volume et la qualité de l’offre en établissements médico-sociaux, variables d’un département à l’autre. Une telle hétérogénéité est préjudiciable pour les usagers des MDPH et soulève la question de l’égalité d’accès au droit à la compensation sur le territoire.

Une articulation avec les dispositifs connexes et une coexistence des financements à rationaliser

La PCH s’inscrit dans le panorama institutionnel plus large de l’aide et de l’action sociales à destination des personnes en situation de handicap, caractérisé par la multiplicité de ses acteurs et par l’imbrication de ses dispositifs. Ce système, peu réformé dans son architecture depuis 2005, est devenu de moins en moins lisible. Sur le seul périmètre des allocations individuelles assurant la compensation de la perte d’autonomie, la volonté initiale du législateur de supprimer les distinctions d’âge pour conférer à la PCH une forme de monopole ne s’est pas concrétisée. Le caractère subsidiaire de la PCH par rapport aux financements de l’assurance maladie s’avère aujourd’hui une source d’inefficiences, particulièrement manifeste dans le cas de la prise en charge des aides techniques. L’examen montre que la compensation du handicap reste morcelée entre plusieurs dispositifs aux logiques différentes, créant une architecture peu compréhensible pour les usagers et avec des conséquences inéquitables. La Cour recommande de créer les conditions, à coûts constants, d’une suppression du droit d’option entre la PCH enfant et le complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), de réformer le financement des aides techniques en les faisant relever par défaut de l’assurance maladie, et d’envisager la suppression ou à tout le moins l’harmonisation des fonds départementaux de compensation, censés contribuer à la maîtrise du reste à charge pesant sur l’usager, mais dont le pilotage s’avère lacunaire et qui contribuent à renforcer les disparités territoriales.

Des composantes de la prestation qui restent à réformer 

Conçue comme une prestation individualisée, destinée à solvabiliser l’achat de biens et de services limitativement énumérés et spécifiquement liés à la couverture des besoins d’autonomie identifiés lors de l’évaluation individuelle, la PCH comporte cependant plusieurs éléments de nature forfaitaire qui s’écartent de cette logique personnalisée. Ces forfaits concernent les personnes atteintes de déficiences sensorielles (surdité, cécité et surdicécité) mais aussi, depuis une réforme intervenue en 2021, la prise en charge des besoins de compensation associés à l’exercice de la parentalité. Ce dernier volet concentre de très nombreuses critiques, car il conduit 
à accorder une aide financière significative – comprise entre 450 € et 1 350 € mensuels selon la structure du foyer et l’âge des enfants – qui n’est pas nécessairement adaptée à la réalité des besoins effectifs des bénéficiaires et est laissée à leur libre utilisation. Par ailleurs, l’absence d’une politique nationale unifiée de contrôle d’effectivité et de lutte contre la fraude, dans un contexte de gestion décentralisée, n’a été que partiellement comblée avec la mise en place de la cinquième branche de la sécurité sociale. La Cour recommande donc de revenir à une logique individualisée pour le volet parentalité de la PCH, de réexaminer l’opportunité du maintien des forfaits sensoriels et de renforcer la coordination nationale des politiques de contrôle d’effectivité et de lutte contre la fraude assurée par la CNSA.

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