Seul organisme de gestion des droits d’auteurs en Nouvelle-Calédonie, la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de Nouvelle-Calédonie (SACENC) remplit une mission essentielle de collecte et de répartition des droits d’auteurs, ainsi que de soutien à la culture sur le territoire dans le domaine musical. À la suite de signalements de difficultés de gouvernance, la chambre a souhaité contrôler la SACENC pour s’assurer de l’efficacité de la collecte et du reversement des droits d’auteurs aux artistes, auditer la gestion de la société et analyser les perspectives financières.
Le contrôle de la chambre porte sur les exercices 2019 et suivants. Les graves troubles à l’ordre public survenus sur le territoire depuis le 13 mai 2024 sont susceptibles d’avoir un impact sur l’activité culturelle et donc sur la collecte et la redistribution des droits d’auteurs qui n’est pas analysé dans le présent rapport.
La société des auteurs, compositeurs et éditeurs de Nouvelle-Calédonie (SACENC) a été constituée en juillet 2004 pour, selon ses statuts, collecter et redistribuer les droits d’auteur de ses membres et protéger leurs intérêts. Elle a aussi pour mission de soutenir la création artistique en Nouvelle-Calédonie. La chambre note que la société, qui est agréée par le gouvernement depuis juin 2024 pour percevoir la rémunération pour copie privée, ne dispose pas de l’agrément prévu au code de la propriété intellectuelle pour la perception et la distribution des droits d’auteurs qui garantit qu’elle respecte des obligations de transparence, de gouvernance démocratique et de redistribution équitable des droits et l’invite à se rapprocher du gouvernement pour régulariser cette situation.
Schéma n° 1 : Schéma de fonctionnement d’un organisme de perception et de répartition
Source : chambre territoriale des comptes
La collecte des droits d'auteur, basée uniquement sur des processus déclaratifs de la part des diffuseurs, a diminué de 13 % entre 2019 et 2023 (232 MF CFP de droits perçus en 2023). Afin de garantir l’exhaustivité du recouvrement des droits de ses membres, la chambre recommande à la SACENC de mettre en place un plan d’action relatif à l’information des diffuseurs quant à leurs obligations et au contrôle du respect de celles-ci et à présenter annuellement au conseil d’administration le suivi des litiges en cours. La chambre invite aussi la société à formaliser sa politique d’information et de communication vis-à-vis des diffuseurs et à renouveler l’agrément des agents en charge de constater les infractions au code de la propriété intellectuelle.
La société est liée à un réseau de sociétés d’auteurs pour valoriser son répertoire au-delà des frontières de la Nouvelle-Calédonie par des conventions de réciprocité avec la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et la société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SDRM) et avec la société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD), la société civile des auteurs multimédia (SCAM) et la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP). La SACENC a d’ailleurs confié, dans le cadre de cette convention, la mission de répartition des droits collectés à la SACEM sur la base d’échanges d’information concernant les auteurs, leurs œuvres et les droits associés, ainsi que les programmes de diffusion des diffuseurs. La chambre recommande que ces conventions soient mises à jour afin d’assurer une transparence des frais de répartition prélevés par la SACEM et d’améliorer l’échange d’information entre les sociétés.
La SACENC constitue une source d'information pour les créateurs musicaux et pour les autres disciplines artistiques et mène des actions de promotion de la culture. Elle accorde des aides aux auteurs, compositeurs, éditeurs, ainsi qu'aux diffuseurs qui programment et promeuvent ces artistes. Pour ce faire, elle dispose d’un fonds des œuvres sociales et culturelles alimenté en partie par une subvention de la Nouvelle-Calédonie jusqu’en 2020 puis exclusivement par les retenues statutaires opérées sur les droits bruts. Ce fonds a permis d’aider entre 50 et 100 projets par an (albums, œuvres audiovisuelles, clips, concerts et festivals, actions de promotions et tournées) pour un montant total de 45,3 MF CFP entre 2019 et 2023.
La chambre a relevé plusieurs points d’amélioration nécessaires dans la gouvernance de la société. La société doit faire pleinement application des dispositions fixées par les statuts ou bien les modifier, au risque sinon d’entacher d’irrégularité les décisions de l’assemblée générale comme du conseil d’administration concernant la distinction entre les sociétaires et les sociétaires définitifs au regard de leur nombre de voix et de leur capacité à administrer la société. De plus, les statuts de la société prévoient la gratuité des fonctions d’administrateurs. Toutefois, une rémunération mensuelle est versée au président du conseil d’administration et des jetons de présence sont payés aux administrateurs. La société doit arrêter ces versements qui sont contraires aux statuts.
Les frais de gestion prélevés par la société, au titre de son propre fonctionnement mais aussi pour alimenter le fonds des œuvres sociales et culturelles et pour rémunérer la SACEM pour la mission de répartition qui lui a été confiée, pèsent sur les droits reversés in fine aux bénéficiaires. La chambre estime que les droits nets reversés représentent près de 55 % des droits d’exécution publique collectés du fait des frais prélevés, alors que, selon la société, les frais de gestion des membres de la confédération internationale des sociétés d’auteurs et de compositeurs, dont la SACENC est membre, s’élèvent en moyenne à 30 %.
Organigramme n° 1 : Calcul des montants reversés aux bénéficiaires
Source : chambre territoriale des comptes d’après les données fournies par la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de Nouvelle-Calédonie
La société est confrontée à une hausse du nombre de sociétaires et du nombre de bénéficiaires et à une baisse de la collecte de droits d’exécution publique et une quasi disparition des droits de reproduction mécanique. Afin d’augmenter les droits reversés aux bénéficiaires ou le soutien apporté à la création culturelle, la société doit s’engager dans une réflexion stratégique en revoyant les modalités de réalisation de chacune de ses missions, y compris la délégation de la mission de répartition à la SACEM, au regard des frais de gestion prélevés. La société doit aussi formaliser les processus de gestion, identifier les points de contrôle clés et mettre en place une politique de protection de ses données et de sécurité de son système d’information afin de limiter les risques et d’améliorer la performance de la collecte et du reversement des droits.
Malgré l’impact de la crise sanitaire, la société a pu diminuer ses charges de personnel et ses charges externes. Elle a amélioré sa performance opérationnelle entre 2019 et 2023, se traduisant par une hausse de l’excédent brut d’exploitation de 32,3 % entre ces deux dates. La société dégage, de par son cycle d’exploitation, un excédent qui alimente sa trésorerie nette.
Son exploitation se caractérise par une augmentation des délais moyens de règlement des diffuseurs, encore supérieurs en 2023 au niveau atteint en 2019. La chambre invite la société à améliorer le processus de suivi des créances et d’identifier celles qui sont à risque de non recouvrement. Le cycle d’exploitation se caractérise aussi par un niveau élevé de dettes liées aux droits d’auteurs. La chambre invite la société à accélérer et à fiabiliser les échanges d’information avec la SACEM en vue de leur répartition et enfin le versement des droits individualisés aux sociétaires.
En 2023, la trésorerie en fin d’exercice est revenue, comme en 2019, à un niveau élevé au regard des droits perçus (respectivement 133 % et 134 % des droits perçus).
Graphique n° 1 : Évolution de la trésorerie de la SACENC au regard des droits perçus
Source : chambre territoriale des comptes d’après les états financiers certifiés par le commissaire aux comptes
Ce niveau élevé de trésorerie par rapport aux droits perçus est un indicateur des marges de progrès dont dispose la SACENC pour diminuer ses frais de gestion et pour accélérer, en liaison avec la SACEM, la répartition et le reversement des droits déjà perçus aux bénéficiaires.
Dans ce contexte, afin d’améliorer la gestion de la société, la chambre formule trois rappels du droit et cinq recommandations de performance.
Rappel du droit n° 1 : (SACENC) : Obtenir l’agrément prévu à l’article Lp.321-1-1 du code de la propriété intellectuelle applicable en Nouvelle-Calédonie pour la perception et la distribution des droits d’auteur. (2025)
Rappel du droit n° 2 : (SACENC) : Respecter les dispositions prévues par l’article 26 des statuts de la société concernant les voix des membres de l’assemblée générale selon qu’ils sont sociétaires définitifs ou pas (échéance 2025).
Rappel du droit n° 3 : (SACENC) : Arrêter le versement d’une rémunération mensuelle au président du conseil d’administration et de jetons de présence aux administrateurs conformément à l’article 16 des statuts de la société. (échéance 2025).
Recommandation n° 1. (SACENC) : Mettre en place un plan d’action relatif à l’information des diffuseurs quant à leurs obligations et au contrôle du respect de celles-ci (2025).
Recommandation n° 2. (SACENC) : Se rapprocher de la SACEM, de la SACD, de la SACAM et de l’ADAGP afin de mettre à jour les conventions de réciprocité en actualisant les données y figurant, notamment les frais de gestion appliqués par les parties, et en simplifiant et fiabilisant les échanges d’information. (échéance : fin 2025)
Recommandation n° 3. (SACENC) : Revoir le modèle économique de la société pour diminuer les frais de gestion et augmenter les droits reversés aux bénéficiaires ou les actions de soutien à la création culturelle. (échéance : 2025)
Recommandation n° 4. (SACENC) : Formaliser les processus, identifier les points de contrôle clés et mettre en place une politique de protection des données et de sécurité du système d’information. (échéance : 2025).
Recommandation n° 5. (SACENC) : Mettre en place un plan d’action pour accélérer et fiabiliser la chaîne de recouvrement, de répartition et de reversement des droits aux bénéficiaires (échéance : 2025)


