SYNTHÈSE
La société d’économie mixte d’équipement du Pays d’Aix (SEMEPA), dont le capital est majoritairement détenu par la ville d’Aix-en-Provence, gère dans le cadre de deux délégations de service public, le stationnement payant de cette commune. Elle réalise également des opérations d’aménagement pour le compte des collectivités du territoire du Pays d’Aix.
La SEMEPA entretient des liens étroits avec la société publique locale d’aménagement (SPLA) Pays d’Aix Territoires crée en 2010 et également détenue majoritairement par la ville d’Aix-en-Provence. Ils se manifestent à travers des directions communes et des mutualisations de personnels.
Le groupement d’employeurs EPAGE, créée entre les deux sociétés est le support de cette mutualisation qui a permis de diviser par deux l’effectif propre de la SEMEPA entre 2011 et 2016. Compte tenu de leurs liens, les trois entités ont formé une unité économique et sociale, qui a notamment servi de cadre à la création d’accords d’intéressement et de participation. Les montants redistribués à ce titre ont été croissants en raison de plusieurs révisions de leurs formules de calculs favorables aux salariés.
Les trois entités partagent les mêmes bureaux, situés dans un immeuble appartenant à la SEMEPA. Le contrôle a montré que les prix des loyers versés par EPAGE étaient environ trois fois inférieurs au prix du marché, ce qui constitue une forme d’acte de gestion anormal pour la SEMEPA. Cela était également le cas pour les loyers versés par la SPLA Pays d’Aix Territoires, et même si postérieurement au contrôle de la chambre il a été décidé d’augmenter son loyer, il demeure bien en-deçà du prix du marché.
La SEMEPA s’est associée avec la Caisse des dépôts et une start’up spécialisée dans la conception de vaccins pour créer une société civile immobilière (SCI) intitulée SIPPA. La start’up, locataire de la SCI, n’a honoré quasiment aucun de ses loyers, ce qui a fait perdre à ses deux autres associés un peu plus de 550 000 € TTC de loyers.
Les évolutions du droit de la commande publique et du contexte de la coopération intercommunale sur son territoire d’intervention, ont conduit la SEMEPA à réduire peu à peu son rôle historique d’aménageur public au profit de la SPLA Pays d’Aix Territoires. Fin 2016, son portefeuille d’opérations ne comprenait plus que deux concessions publiques d’aménagement conclues avec la ville d’Aix-en-Provence.
La première, relative à la ZAC de la Duranne, a été conclue en 1992 et devait s’achever en 2015. La révision substantielle de son programme et le doublement de son budget en 2013, passé de 58 à 130 M€ (soit + 124 %) est intervenue sans même qu’un avenant à la concession n’ait été conclu. De sérieux doutes pèsent sur la légalité d’un tel bouleversement de l’économie du contrat qui aurait amplement justifié un nouvel appel à concurrence.
La seconde concession d’aménagement, relative à la ZAC Sextius-Mirabeau, devait s’achever fin 2018. Elle aurait pu se solder par un excédent de 12 M€ devant revenir à la ville d’Aix-en-Provence. Cette dernière a toutefois choisi d’intégrer à cette opération des équipements supplémentaires (poste, office de tourisme, conservatoire de musique municipal). Les 7,8 M€ de dépenses supplémentaires qui en résultent, ont ainsi pu être financées plus aisément que si la commune les avait inscrites à son propre budget. L’excédent prévisionnel de l’opération a ainsi été ramené à 4,6 M€.
La création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, à laquelle la loi a transféré les compétences d’aménagement et de stationnement à partir du 1er janvier 2018, a incité la ville d’Aix-en-Provence à organiser le rachat par la SEMEPA des parkings communaux qui lui sont concédés dans le but de faire échec à ces transferts et notamment aux dispositions légales obligeant la ville à mettre gratuitement lesdits parkings à disposition de la métropole. La cession consentie au prix de 65 M€, présentait le double avantage pour la ville, actionnaire majoritaire de la SEM, de conserver indirectement la maîtrise de la gestion des parkings et des tarifs de stationnement et de lui assurer de substantielles ressources financières destinées à financer ses projets d’investissements.
Préalablement à ce rachat, la ville devait notamment procéder par avenant à la résiliation partielle des concessions de stationnement attribuées la SEMEPA. Cependant, cet acte a été déféré par le préfet des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif. Après trois décisions de référé, de première, seconde instance et de cassation, le tribunal a prononcé l’annulation de la convention en raison du caractère illicite de son objet relevant que la SEMEPA et la ville d’Aix-en-Provence ont en réalité, cherché à faire échec à l’application de la loi qui emportait le transfert des parkings à la métropole. Il a jugé en autre que la modification substantielle apportée au contrat initial en bouleversait l’économie. Le projet de la ville et de la SEMEPA semble donc être compromis.
Compte tenu du fait que la gestion des parcs de stationnement relève désormais de la compétence de la métropole, la ville aurait légalement dû lui transférer ces ouvrages dès le 1er janvier 2018, ce qu’elle n’avait toujours pas fait à la date où la chambre a arrêté ses observations définitives.
La SEMEPA réalise également des opérations pour son propre compte, dans le but de dégager des excédents d’exploitation. Il est cependant apparu que, sous couvert de cette dénomination, la SEM se comporte parfois comme le concessionnaire de fait de collectivités territoriales du Pays d’Aix, qui profitent de l’abondance de sa trésorerie pour lui faire porter, sans contrat, des opérations sans en courir les risques. Cette pratique contrevient aux règles de mise en concurrence auxquelles sont soumises les SEM. Dans d’autres cas, la SEMEPA a appelé opérations en propre le financement d’études préalables à des opérations d’aménagement ou le portage de foncier pour le compte de collectivités ou de sociétés liées, dans lesquelles il n’est pas assuré que les intérêts patrimoniaux de la SEM aient été préservés.
L’examen de la qualité des comptes et de l’information financière a révélé que la SEM avait cherché à dissimuler dans ses comptes les risques qu’elle encourt dans le cadre de l’emprunt contracté en vue de la réalisation du parking de la Rotonde, qui représentait 85 % de l’encours de sa dette fin 2016.
Pour financer cet équipement, la SEM avait souscrit un contrat d’emprunt à taux fixe. Espérant réaliser des économies de frais financiers, elle a substitué à celui-ci un emprunt à taux structuré, comprenant des risques très élevés. Pour couvrir ce risque elle a ensuite conclu un contrat de swap, qui s’est révélé encore plus risqué, même si dans un premier temps il lui a permis de réaliser des économies. L’application des formules de ce contrat de swap, basées sur des indices propres à la banque, a abouti par la suite à un doublement de la charge d’intérêts depuis 2015.
Elle a depuis lors assigné la banque devant le tribunal de commerce et suspendu le paiement des intérêts qu’elle lui doit au titre du contrat de swap, à savoir 3,9 M€ fin 2017. Pour autant les comptes de la SEM ne mettent pas en évidence le risque de paiement de cette charge, puisque les comptes de provisions n’ont à dessein pas été utilisés et que les intérêts figurent parmi les charges décaissées. Les annexes aux comptes dans lesquelles ces risques contractuels devraient être retracés n’ont pas davantage été renseignées et le conseil d’administration n’en a pas été informé.
La SEM jouit néanmoins d’une situation financière solide. Elle a dégagé des excédents substantiels qui lui ont permis de renforcer ses capitaux propres de plus de 58 % entre 2011 et 2016. Les résultats tirés de l’activité de stationnement ont connu une progression constante sur toute la période contrôlée, favorisée par la révision des tarifs opérée en 2015 à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi imposant une tarification au quart d’heure. L’activité d’aménagement a tiré des opérations en propre l’immense majorité de ses profits, qui lui ont permis de dégager 8 M€ de marges sur la période 2011-2016.
Elle disposait enfin d’une trésorerie très abondante (68 M€ en moyenne par an sur la période 2011-2016), issue notamment des excédents des opérations concédées par la ville. La gestion active de cette trésorerie lui a permis de dégager des produits financiers élevés, qui ont concouru à ses bons résultats.
Cependant, dans le contexte de transfert à la métropole des compétences relatives à la voirie et au stationnement, quelques incertitudes fortes demeurent quant à son avenir, une fois atteint le terme des délégations de service public de stationnement qui lui sont concédées.
RECOMMANDATIONS
- n° 1 : Mettre un terme à la réalisation d’opérations dites en propre qui constituent en réalité des concessions publiques d’aménagements n’ayant pas respecté les principes fondamentaux de la commande publique, notamment posés par l’article L. 3 du code de la commande publique.
- n° 2 : Inscrire en provisions pour risques le montant des risques courus sur le contrat de swap et renseigner de manière exhaustive et sincère les annexes aux comptes financiers relatives aux conditions de taux des emprunts et à l’existence d’instruments financiers comportant des risques de taux.
- n° 3 : Indiquer de manière précise les modalités de gestion et de rémunération de la trésorerie des opérations dans les contrats passés avec les collectivités.