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Les notes du CPO
N° 12
Juin 2025
La prévision des recettes publiques en Europe : quel rôle
pour les institutions budgétaires indépendantes ?
Cette note a été préparée par Xavier Debrun, chef du département des Études de la Banque nationale de Bel-
gique et ancien membre du Comité Budgétaire européen, Galaad Defontaine et Charlotte Poulon, auditeurs à
la Cour des comptes. Elle a été validée par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) le 7 mai 2025
1
.
La crédibilité est indispensable à
l’efficacité des politiques macroéconomiques
en général et de la politique
budgétaire en particulier. Par crédibilité, on entend ici que les agents économiques
et notamment les acteurs
des marchés financiers
ne mettent pas en doute
l’engagement d’un gouvernement à faire face à ses obliga-
tions financières en toutes circonstances. Cet engagement
fait des titres d’endettement public des actifs
dits
« sans risque ».
Cette position d’emprunteur de
très haute qualité
permet à l’
État de lever à tout moment et
au meilleur prix les fonds nécessaires pour financer ses actions. Ainsi, sans crédibilité, les pouvoirs publics ne
disposeraient pas d
es marges de manœuvre
indispensables
pour protéger l’économie des aléas perturbant sa
trajectoire.
La crédibilité des décisions de politique économique repose généralement sur un cadre légal combinant règles
et institutions indépendantes. Les règles visent à établir un périmèt
re d’action cohérent avec l’engagement
principal. Les institutions indépendantes veillent quant à elles
à fournir l’expertise
technique éclairant la prise
de décisions conformes aux engagements. En matière monétaire ou de réglementation de certains secteurs,
ces institutions indépendantes exercent directement le pouvoir décisionnel dans les limites
d’un mandat stric-
tement défini par le pouvoir politique. Pour la politique budgétaire, qui ne saurait être déléguée à des institu-
tions non-élues, la crédibilité passe principalement par le respect de règles
contraignant l’accumulation de
dette publique, comme des limites chiffrées sur les dettes et déficits.
Pour les pays de la zone euro, il s’agit d
u
Pacte de stabilité et de croissance, en vigueur depuis 1999 et réformé en avril 2024, et de règles nationales,
exigées depuis 2011. Outre le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) du 2 mars 2012
qui a donné une première impulsion, un règlement européen de 2013 oblige les États
utilisant l’euro
à établir
des institutions budgétaires indépendantes (IBI). Celles-ci doivent vérifier la conformité du budget avec les
règles budgétaires européennes et nationales et veiller à la qualité des prévisions sous-jacentes à la prépara-
tion du budget.
La prévision des recettes publiques constitue une composante essentielle du cadre financier des États. Cette
prévision fixe les ressources disponibles pour les dépenses publiques et constitue donc le fondement de tout
engagement sur une trajectoire de finances publiques financièrement soutenable. Dans plusieurs pays euro-
péens dont la France, des écarts importants entre les prévisions et les recettes encaissées ont été observés
depuis la crise sanitaire. Ces erreurs de prévision
ont affecté l’exécution budgétaire et
se sont traduites en des
1
M. Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du CPO et du HCFP, et M. Carnot, membre du CPO jusqu’à sa
nomination comme conseiller maître en service extraordinaire à la Cour
des comptes et rapporteur général au HCFP, n’ont pas parti-
cipé à la séance. Mme Marie-
Christine Lepetit n’a pris part au vote. La direction générale du Trésor a pu faire valoir ses observations
tout au long de l’examen de la note par le Conseil.
2
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
dérapages majeurs par rapport aux objectifs de déficit public. Or une perte de confiance dans la solidité des
prévisions budgétaires
affaiblirait le rôle d’ancrage
des règles budgétaires, menaçant ainsi la crédibilité de la
politique budgétaire elle-même. Il importe donc de lever les doutes sur la robustesse des procédures de pré-
vision et
d’
assurer la transparence de leur élaboration. Dans le cadre de son avis relatif au projet de loi relatif
aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024
rendu le 30 avril 2025, le Haut
Conseil des finances publiques (HCFP) a invité « le Gouvernement et le législateur organique à considérer toute
disposition complémentaire permettant
d’assurer l’absence de biais dans l’établissement des prévisions
».
Le parangonnage mené dans le cadre de cette note sur plusieurs pays européens
s’appuie sur l’expertise du
CPO en matière de comparaisons internationales sur les incidences économiques, sociales, budgétaires et fi-
nancières de l'ensemble des prélèvements obligatoires
.
Il part du principe
qu’u
ne procédure robuste de pré-
visions de recettes ne devrait susciter aucun doute sur la possible
politisation d’un
exercice qui relève, par
nature et dans les pays comparables
, d’un travail technique. Si les choix budgétaires sont l’expression d’orien-
tations politiques, la construction des hypothèses économiques et fiscales doit, en amont, reposer sur des
méthodologies solides, transparentes et partagées, ainsi que sur un jugement
d’expert
s protégés de toute
pression ou injonction politique. Pour tous les pays, l
e but ultime n’est pas tant
de réduire à néant les erreurs
de prévision
une mission impossible
mais
d’améliorer leur précision et
de supprimer tout biais ainsi que
toute « suspicion » de biais, afin de se prémunir contre le risque que ces écarts ne menacent la crédibilité de
la politique budgétaire.
Un des leviers pour répondre à
cette exigence réside dans l’intervention des institutions budgétaires indépen-
dantes (IBI)
. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’obligation pour tous les
États membres de la zone euro de se
doter d’une (ou plusieurs) IBI
chargées de contrôler, de valider ou, dans certains cas, de produire des prévi-
sions macroéconomiques et budgétaires. Le HCFP, en France remplit une mission à la fois
d’évaluation
du
réalisme des prévisions macroéconomiques et de finances publiques du Gouvernement et de la cohérence des
prévisions de finances publiques au regard des textes financiers adoptés et des engagements européens de la
France. Toutefois, son rôle et ses prérogatives sont plus limités que certaines institutions comparables en Eu-
rope, notamment en matière de prévision.
Dans ce contexte et face aux questions soulevées par les révisions successives des prévisions de recettes pu-
bliques, le renforcement du mandat et des moyens
du HCFP fait l’objet
de plusieurs réflexions au sein des
pouvoirs publics. Le Gouvernement
(comité scientifique d’experts
), le Sénat (
mission d’information
) et
l’
As-
semblée nationale (
commission d’enquête)
ont chacun lancé leurs propres travaux
2
, et un
plan d’action
a été
présenté le 3 mars 2025
par le Gouvernement pour améliorer la prévision de recettes en France.
Afin d’identifier les bonnes pratiques européennes
, la présente
Note
du Conseil des prélèvements obligatoires
analyse le rôle et les moyens des IBI en Europe, notamment en matière de prévisions de recettes (
1
). Elle
procède à une revue de littérature visant à déterminer les caractéristiques attendues des IBI pour que celles-
ci remplissent effectivement leur rôle, et examine empiriquement leur influence sur les révisions des prévi-
sions de recettes publiques sur longue période (
2
) avant de proposer une liste de bonnes pratiques qui pour-
raient être mobilisées à l’occasion d’une
révision des missions du HCFP afin de contribuer à restaurer la con-
fiance dans les prévisions de prélèvements obligatoires en France (
3
).
2
Cf.
recommandations_comite_scientifique_previsions_finances_publiques.pdf
;
Mission d’infor
mation sur la dégradation des fi-
nances publiques depuis 2023, son suivi par l’administration et le Gouvernement et les modalités d’information du Parlement s
ur la
situation économique, budgétaire et financière de la France | Sénat
;
Enquête sur les variations et les écarts des prévisions fiscales et
budgétaires 2023-2024 : publication du rapport - Commission des finances - Assemblée nationale
.
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
3
1. Les institutions budgétaires indépen-
dantes (IBI) jouent un rôle croissant mais
variable dans les prévisions de finances pu-
bliques.
À quelques exceptions
3
, la prévision macroécono-
mique et celle des finances publiques ont long-
temps relevé principalement des administrations
financières, qui en détenaient la prérogative histo-
rique
4
.
Ce monopole s’accompagnait parfois d’un
optimisme dans les projections officielles, les gou-
vernements ayant tendance à surestimer la crois-
sance économique et les recettes attendues. Dans
ce contexte, de nombreux pays européens ont créé
au cours des dernières décennies des institutions
budgétaires indépendantes (IBI) afin notamment
de fiabiliser ces prévisions
5
. Le rôle exact de ces IBI
varie sensiblement selon les pays, en fonction de
leur mandat juridique et du cadre institutionnel na-
tional
6
: certaines di
sposent d’un
ancrage juridique
fort (loi organique ou même constitutionnelle
7
,
comme en Italie
), d’autres résultent de pratiques
informelles ou d’initiatives gouvernementales an-
térieures à tout cadre européen comme aux Pays-
Bas. De même, leur implication d
ans l’élaboration
des prévisions diffère : dans quelques pays, l’IBI
produit elle-même les prévisions macroécono-
miques et de finances publiques servant de base au
budget, tandis qu’ailleurs elle se limite à valider
(approuver) ou à évaluer de manière critique les
prévisions préparées par le gouvernement. Les
moyens et les méthodes de travail variables des IBI
reflètent cette divergence des mandats. Le Conseil
des prélèvements obligatoires a mené une série
d’entretien
s
et d’échanges avec un panel d’IBI eu-
ropéennes (Annexe n°1 et n°4) sur laquelle repose
l’analyse ci
-dessous.
3
Cf. ci-dessous les cas belge et néerlandais.
4
Dans plusieurs États européens, des instances de confronta-
tion avec le consensus des économistes existaient néanmoins,
comme en France la commission des comptes et des budgets
économiques de la nation, créée en 1952 et devenue en 1999
la commission économique de la nation.
5
Voir par exemple Roel Beetsma, Xavier Debrun, Xiangming
Fang,
et al.
“Independ
ent fiscal councils: Recent trends and
performance”,
European Journal of Political Economy
, 2019,
1.1. Le cadre juridique et institutionnel des
institutions budgétaires indépendantes varie
sensiblement d’un
É
tat à l’autre.
Les institutions budgétaires indépendantes pré-
sentent une grande diversité de statuts juridiques
en Europe.
Plusieurs IBI ont été instituées par des textes au
sommet de la hiérarchie des normes
constitu-
tion ou loi organique
traduisant une volonté de
leur conférer une légitimité et une indépendance
fortes dès
l’origine.
Tel est le cas par exemple de
l’Italie, où l’
Ufficio Parlamentare di Bilancio
(UPB) a
été créé en 2014 et consacré par une loi constitu-
tionnelle, ou de la France, où le HCFP a été institué
par la loi organique du 17 décembre 2012. De
même, en E
spagne, l’
Autoridad Independiente de
Responsabilidad Fiscal
(AIReF) est définie par la loi
organique 6/2013 en tant qu’autorité
administra-
tive indépendante. Au Royaume-Uni,
pays qui n’a
pas de constitution écrite,
l’Office for budget Res-
ponsibility
(OBR) a été institué par le
Budget Res-
ponsibility & Audit Act
de mars 2011 dans le but
précis de restaurer la confiance dans les prévisions
budgétaires.
La littérature académique souligne
que ces cho
ix relèvent autant de l’environnement
institutionnel que de facteurs politiques et cultu-
rels tels que la confiance dans les institutions et la
qualité de la gouvernance des finances publiques
d’un
État
8
. 
Alors que le droit européen exige depuis 2013 des
f
ondements légaux à l’autonomie fonctionnelle
des IBI, l
’indépendance de
certaines institutions
plus anciennes reposait parfois antérieurement
sur des textes réglementaires, voire sur la seule
pratique.
Aux Pays-Bas, le Bureau central de plani-
fication (CPB), fondé en 1945 par simple décret
gouvernemental, a produit pendant des décennies
les prévisions économiques officielles sans qu’un
texte de loi formel n’ait initialement encadré son
intervention. De même, le Danemark ou la Suède
vol. 57, p. 53-69 ; Kopits, George, ed.
Restoring public debt sus-
tainability: the role of independent fiscal institutions
. OUP Ox-
ford, 2013.
6
European Fiscal Board,
Annual Report
, 2024.
7
Voir par exemple Cristina Fasone. “The Constitutional Role of
Independent Fiscal Institutions in the Eurozone.”
German Law
Journal,
2022
,
23, no. 2, p. 257
79.
8
Martin Larch, Andrea Cubells Enguídanos, Laszlo Jankovics,
« The independence of fiscal councils in the EU »,
VoxEU
CEPR
,
7 juin 2024.
4
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
se sont
dotés d’instances consultatives indépen-
dantes par simple décision gouvernementale. Ces
deux pays ont toutefois démontré un engagement
fort sur la soutenabilité des finances publiques et
bénéficient d’une confiance élevée
de la popula-
tion dans les institutions publiques.
9
Ces différences reflètent souvent les spécificités
des régimes politiques et de l’organisation admi-
nistrative des finances publiques
de chaque État
.
Certaines IBI sont des autorités administratives in-
dépendantes spécialisées
, comme l’OBR britan-
nique ou l
’A
IReF espagnole.
Dans d’autres pays l’IBI
peut être adossée à une autre instance indépen-
dante du Gouvernement. Par exemple, le HCFP
français est placé auprès de la Cour des comptes,
juridiction financière indépendante, le
Fiskalrat
au-
trichien est rattaché administrativement à la
Banque centrale, et l
’UPB
italien est rattaché au
Parlement. Aux Pays-Bas, le CPB, organisme de pla-
nification économique, exerce de façon ancienne
une compétence en matière de prévision. Le cas
particulier de la Finlande illustre une solution inter-
médiaire, avec une unité de prévision interne au
ministère bénéficia
nt de garanties d’indépen-
dance. Son responsable est notamment protégé de
toute intervention politique.
Par ailleurs, l’organisation territoriale influe sur le
statut des IBI.
Dans les États fédéraux ou régiona-
lisés, plusieurs entités peuvent être associées. En
Belgique, la gouvernance des prévisions écono-
miques s’articule autour du Bureau fédéral du Plan
(BFP), organisme indépendant d’intérêt public
chargé non seulement des prévisions macroécono-
miques mais aussi des prévisions démographiques,
énergétiques
ou de transport et de l’évaluation de
l’impact macroéconomique des réformes structu-
relles et de chocs exogènes (prix du pétrole, du
gaz). Le BFP réalise deux fois par an des prévisions
macroéconomiques et une prévision de recettes à
9
Voir Larch et
al
. (2024), cité précédemment.
10
Au sein des huit Etats examinés, seul le Royaume-
Uni n’est
pas partie au TSCG.
11
L’article 2 du règlement n°473/2013 du Parlement euro-
péen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions
communes pour le suivi et l'évaluation des projets de plans
budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les
États membres de la zone euro définit un organisme indépen-
dant par un ensemble de critères. Il s’agit
« des organismes
structurellement indépendants ou jouissant d'une autonomie
fonctionnelle par rapport aux autorités budgétaires de l'État
membre, et qui sont fondés sur des dispositions juridiques na-
tionales garantissant un niveau élevé d'autonomie fonction-
nelle et de responsabilité, notamment : i) un régime statutaire
politique inchangée Le Conseil supérieur des fi-
nances (CSF) émet quant à lui des avis
ex ante
sur
les objectifs budgétaires et
ex post
sur l’exécution
budgétaire
de l’
État fédéral et des régions, pouvant
activer des mécanismes correctifs en cas de dévia-
tion significative. Toutefois, ses effectifs étant limi-
tés (1,5 ETP), le CSF s’appuie
souvent sur les ana-
lyses de la Banque nationale de Belgique dont le
Gouverneur préside le CSF
ex-officio
. En Espagne,
l’AIReF intervient également dans le processus de
prévision en recalculant de manière indépendante
les perspectives macroéconomiques qui sous-ten-
dent les budgets nationaux et régionaux. Ce rôle
permet d’assurer une cohérence entre les prévi-
sions du gouvernement fédéral et celles des com-
munautés autonomes, en apportant un regard cri-
tique sur les hypothèses retenues par l’exécutif.
1.2. Le cadre européen a largement contri-
bué à formaliser le rôle et les missions des IBI
au sein des finances publiques nationales.
Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gou-
vernance (TSCG) du 2 mars
2012 a introduit l’obli-
gation pour chaque État partie
10
de se doter d’un
organisme indépendant chargé de veiller au res-
pect de la discipline budgétaire
. Le règlement
n°473/2013 du «
Two Pack
» a précisé la définition
et le rôle de ces organismes : depuis 2013, les États
membres de la zone euro doivent fonder leurs bud-
gets sur des prévisions macroéconomiques « réali-
sées ou approuvées par des organismes indépen-
dant
s »
11
. Ainsi, l’article
4 du règlement 473/2013
exige que le scénario macroéconomique sous-ten-
dant les projets de loi de finances soit élaboré di-
rectement par une instance indépendante ou va-
lidé formellement par celle-ci
12
. Cette réforme a
entraîné la créati
on ou le renforcement d’IBI dans
de nombreux pays. Aujourd’hui, tous les États
membres
de l’UE
comptent une IBI. La Pologne fait
ancré dans les droits nationaux, les réglementations ou des
dispositions administratives contraignantes ; ii) l'interdiction
de prendre des instructions des autorités budgétaires de l'État
membre concerné ou de tout autre organisme public ou privé ;
iii) la capacité de communiquer publiquement en temps utile ;
iv) des procédures de nomination des membres fondées sur
leur expérience et leur compétence ; v) des ressources suffi-
santes et un accès approprié à l'information afin de mener à
bien leur mission. »
12
László Jankovics et Monika Sherwood, « Independent Fiscal
Institutions in the EU Member States: The Early Years »,
Euro-
pean Economy Discussion Papers
, DG ECFIN, juin 2017.
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
5
figure d’exception
,
bien qu’un débat
interne soit
en cours sur ce point.
Le mécanisme d’«
endossement » de la prévision
macroéconomique
c’est
-à-
dire l’approbation for-
melle par l’IBI du scénario de croissance retenu
pour le budget
est désormais au cœur de l’inter-
vention de la plupart des IBI européennes. Confor-
mément au
Two Pack
, cet endossement est en
théorie binaire (accord ou refus) et conditionne
l’acceptation du budget. Ce rôle d’endossement de
la prévision macroéconomique a un impact direct
sur la prévision des recettes : en effet, c’est la cré-
dibilité du scénario de croissance, d’inflation et de
masse salariale qui conditionne celle des recettes
fiscales anticipées.
Néanmoins, le mandat de prévision confié aux IBI
de la zone euro varie
. Seuls quelques pays
histo-
riquement dotés d’un organisme de prévision indé-
pendant
ont opté pour un modèle où l’IBI produit
directement les prévisions macroéconomiques of-
ficielles utilisées par le gouvernement. D’après les
données du Comité budgétaire européen, 5 États
sur 19 de la zone euro (Autriche, Belgique, Luxem-
bourg, Pays-Bas et Slovénie) ont maintenu ou
adopté ce schéma d’e
xternalisation de la prévision
macroéconomique.
Ces pays s’appuient
le plus
souvent sur des institutions reconnues de longue
date pour leur expertise et la fiabilité de leurs pro-
jections, comme le CPB néerlandais ou le
Österrei-
chisches Institut für Wirtschaftsforschung
(WIFO)
autrichien
13
.
La plupart des autres institutions se concentrent
sur l’évaluation et la validation des projections
macroéconomiques
fournies par l’exécutif,
en les
confrontant aux projections d’autres organismes
et, le cas échéant, à leurs propres projections.
La
méthode s’inscrit généralement dans un processus
itératif : en amont, l’IBI examine les hypothèses de
croissance, échange avec le gouvernement et peut
demander des révisions avant de rendre son avis.
En Espagne, l’AIReF re
çoit dès le mois de juillet les
projections macroéconomiques préliminaires de
l’État et des 17 communautés autonomes, afin de
les examiner et de les approuver avant qu’elles ne
soient définitivement intégrées aux avant-projets
de budgets régionaux. Elle a la possibilité de ne pas
valider le cadrage macroéconomique d’un budget
(national ou régional). Ses réserves doivent alors
13
Parmi les institutions de création récente, la plus notable
qui produit ses propres prévisions est l’OBR britannique, dont
l’intervention ne s‘inscrit
toutefois pas dans le cadre de la mise
être levées par des mesures correctrices ou des ex-
plications publiques de la part de la collectivité
concernée dans un délai d’un moi
s.
En Italie, l’UPB
reçoit les projections du gouvernement dès le mois
de mars. Il doit valider les prévisions macroécono-
miques figurant dans le
Documento di economia e
finanza
(DEF) et sa mise à jour. Une fois le projet de
loi de finances soumis au Parlement, il publie une
analyse détaillée des mesures budgétaires et de
leur incidence sur les recettes et les dépenses pu-
bliques.
S’agissant plus spécifiquement des prévisions de
recettes publiques, leur production par les IBI de-
meure relativement rare.
En pratique, seules
quelques IBI
généralement celles déjà chargées
de la prévision macroéconomique
préparent de
manière autonome des prévisions de recettes.
C’est le cas du Royaume
-Uni, où
l’OBR réalise l’en-
semble des prévisions de recettes et de dépenses
pour le gouvernement. En Autriche, le
Fiskalrat
dis-
pose d’un modèle propre simulant plus de 50 caté-
gories de revenus publics. Le Conseil des finances
publiques portugais (CFP) réalise une prévision de
recettes de huit impôts à politique inchangée. Aux
Pays-Bas,
le Conseil d’
État (
Raad van State
) est
chargé d’évaluer la conformité du budget avec
les
règles budgétaires européennes. Il utilise pour ce
faire les prévisions du Bureau central de planifica-
tion (CPB).
La grande majorité des autres pays ont retenu un
modèle de validation indépendante
: la prévision
reste établie par le ministère des finances, généra-
lement le Trésor, mais doit être examinée et en-
dos
sée par l’IBI avant d’être finalisée.
Le principe «
se conformer ou s’expliquer
» («
com-
ply or
explain
») est censé décourager les dérives
par rapport aux recommandations des IBI. Si le
gouvernement décide de ne pas suivre l’avis de l’IBI
(par exemple, en maintenant une prévision contes-
tée), il doit en expliquer expressément les raisons,
que ce soit devant le Parlement ou par écrit dans
les documents budgétaires. Ce principe, introduit
par le TSCG en
2012, vise à responsabiliser l’exécu-
tif et à éviter les divergences non justifiées par rap-
port aux analyses indépendantes. Par exemple, en
Italie, l’UPB
a, à plusieurs reprises, refusé d’endos-
ser les prévisions de croissance du gouvernement
en œuvre de l’encadrement des finances publiques par l’Union
européenne.
6
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
jugées trop optimistes. Lors de la révision du bud-
get en 2016, face à cet avis négatif, le gouverne-
ment italien a été contraint de fournir des explica-
tions détaillées dans ses documents budgétaires
pour justifier le maintien de ses hypothèses écono-
miques initiales. Au Royaume-
Uni, lorsqu’une di-
vergence significative entre les projections offi-
cielles et les évaluations indépendantes est consta-
tée, l’OBR oblige le gouvern
ement à réviser ses hy-
pothèses et à fournir des explications détaillées. En
septembre 2022, une tentative explicite du gouver-
nement d
’ignorer l’OBR par l’annonce surprise de
réductions massives d’impôts
a contribué à créer
des mouvements sur les marchés financiers qui ont
abouti à la chute du gouvernement de Liz Truss le
20 octobre 2022.
Le mandat
de l’IBI est plus limité dans d’autres
pays de la zone euro et notamment en France.
Le
Conseil des finances publiques portugais (CFP) ne
valide pas de façon explicite mais analyse de façon
critique les prévisions du gouvernement en les con-
frontant à ses propres analyses et à celles d’institu-
tions tierces telles que la Banque du Portugal, la
Commission européenne et le FMI. En France, le
HCFP examine le réalisme des prévisions macroé-
conomiques, de recettes et de dépenses des textes
financiers, la cohérence des prévisions de finances
publiques au regard des textes financiers et des en-
gagements européens de la France et formule un
avis non contraignant sans proposer de chiffre al-
ternatif. En Allemagne, la coordination des prévi-
sions repose sur une étroite collaboration entre le
ministère fédéral des Finances et les
Länder
, qui,
par le biais de processus de concertation, valident
et ajustent collectivement les projections budgé-
taires avant une validation indépendante du
Beirat
des Stabilitätsrates
(comité consultatif composé
d’experts indépendants et placé auprès du Conseil
de stabilité qui est inscrit dans la Loi fondamentale
ou
Grundgesetz
depuis 2010).
Trois modèles coexistent donc en Europe, avec
plusieurs variantes intermédiaires :
- des IBI qui produisent les prévisions utilisées
dans le cadre de l’élaboration
de la programma-
tion budgétaire à moyen terme et du budget an-
nuel ;
-
d’autres qui
valident explicitement les prévi-
sions gouvernementales ;
- enfin des IBI qui, comme le HCFP, procèdent seu-
lement à leur évaluation critique.
1.3. Les IBI européennes
s’appuient sur d
es
méthodes hétérogènes pour remplir leur
mandat
Dans les
pays où l’institution indépendante produit
elle-même la prévision macroéconomique et bud-
gétaire, celle-
ci s’appuie généralement sur des mo-
dèles économétriques complexes et une expertise
interne conséquente.
L’OBR britannique élabore
deux fois par an une prévision détaillée des fi-
nances publiques (
Economic and Fiscal Outlook
),
couvrant plus de 30 taxes et contributions, en col-
laboration étroite avec l’administration fiscale qui
lui fournit les modèles et données nécessaires. Aux
Pays-Bas, le CPB met à jour son cadre macroécono-
mique deux fois par an en intégrant les mesures fis-
cales envisagées afin d’en estimer les effets de ré-
troaction sur l’économie. L’IBI autrichienne com-
bine quant à elle deux niveaux d’expertise
. D
’une
part, l’institut WIFO réalise depuis près d’un siècle
les prévisions de croissance et d’assiette macroé-
conomique (PIB, emploi, etc.). D’autre part, le
Fis-
kalrat
dispose en interne d’un modèle de prévision
des recettes couvrant l’essentiel des impositions
(plus de 30 taxes, 8 contributions sociales, etc.)
pour projeter les rentrées fiscales attendues. Ces
approches quantitatives permettent aux IBI de for-
muler des projections autonomes complètes, ser-
vant soit directement de base au budget
c’est le
cas au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas
soit de scé-
nario de référence pour apprécier l’exactitude des
prévisions gouvernementales comme en Autriche,
où les projections du
Fiskalrat
encadrent celles du
gouvernement.
À l’inverse, de nombreuses IBI n’assum
ent
qu’un
rôle
d’expertise
des prévisions et utilisent des mé-
thodes d’analyse comparative plutôt que de déve-
lopper leurs propres modèles de prévisions. Faute
de ressources suffisantes, ces institutions confron-
tent les projections du gouvernement à celles
d’autres organismes indépendants comme les ins-
tituts de conjoncture ou les organisations interna-
tionales, afin d’en vérifier la cohérence. Ainsi,
même si le HCFP
dispose d’outils de contre
-exper-
tise, il apprécie les hypothèses gouvernementales
à partir des prévisions disponibles de la Commis-
sion europ
éenne, du FMI, de l’OCDE, ou encore du
consensus des économistes. De même, les conseils
budgétaires de certains pays comme Chypre, l’Es-
tonie, la Lituanie, ou encore Malte utilisent les pré-
visions externes comme référence principale pour
juger du réalisme des scénarios officiels. Cette mé-
thode du
benchmarking
(parangonnage) permet
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
7
de détecter un optimisme excessif éventuel sans
nécessairement disposer soi-
même d’un modèle
économétrique sophistiqué. Elle
s’accompagne
souvent d’analyses de sensibilité et de te
sts de scé-
narios alternatifs, afin d’évaluer les risques pesant
sur la réalisation des recettes, à l’image des effets
d’une croissance moins élevée que prévu sur les
rentrées fiscales.
Entre ces deux cas extrêmes, certaines IBI produi-
sent elles-mêmes des prévisions et doivent valider
les prévisions gouvernementales en combinant
modélisation interne et expertise externe. Par
exemple, l’IBI italienne (UPB) dispose d’une équipe
d’économistes qui exploite ses propres modèles
pour vérifier la plausibilité des prévisions gouver-
nementales, tout en consultant un panel d’instituts
indépendants pour situer le scénario officiel par
rapport à d’autres projections du secteur privé ou
d’organismes publics. De même, l’AIReF espagnole
recalcule elle-même les perspectives macroécono-
miques sous-jacentes aux budgets nationaux et ré-
gionaux afin de pouvoir les approuver ou non en
toute objectivité. Pour ce faire, elle s’est dotée
d’environ 70 exper
ts et de ses propres outils éco-
nométriques, couvrant tant l’évolution du PIB que
celle des recettes publiques à court, moyen et long
terme. Cette capacité technique lui permet de for-
muler un jugement indépendant sur chaque bud-
get régional et sur le budget de l’État, y compris en
produisant au besoin une prévision à politiques in-
changées
des finances publiques lorsqu’une région
ne fournit pas suffisamment d’informations sur ses
nouvelles mesures fiscales.
La plupart des IBI s’appuient sur un conseil scien-
tifique pour consolider l’analyse et l’expertise
qu’elles produisent
. Composé d’univer
sitaires re-
connus et de représentants d’organismes publics,
ce conseil apporte un éclairage extérieur, complé-
mentaire
à
celui
des équipes
internes.
Ses
membres sont en général nommés pour plusieurs
années sur la base de leurs compétences et de
leurs expériences passées
. C’est par exemple
le cas
en Espagne où
l’AIReF dispose d’un conseil consul-
tatif c
hargé d’émettre des avis
, principalement en
matière d’évaluation de politiques transversales.
Le rôle du conseil est exclusivement délibératif et
technique sur les questions soumises à consulta-
tion par la présidente de l’AIReF. Il est composé de
9 membres issus du monde académique.
14
Le Two Pack prévoit « un
accès approprié à l’information
afin de mener à bien leur mission ». De même, la directive sur
1.4. Pour exercer efficacement leurs mis-
sions, les institutions budgétaires indépen-
dantes doivent disposer de ressources adap-
t
ées, tant en termes d’expertise humaine
que d’accès à l’information.
De fortes disparités existent en Europe sur la taille
des équipes et les moyens alloués.
Les pays ayant
confié aux IBI un large mandat de prévision leur al-
louent en général des équipes et des moyens con-
séquents. Le CPB néerlandais compte ainsi plus de
130 analystes et économistes dont les missions ne
se limitent cependant pas à la réalisation de prévi-
sions macroéconomiques et de finances publiques.
De même le Bureau fédéral du Plan belge au péri-
mètre d’action large compte
environ 100 collabo-
rateurs à compétences
pluridisciplinaires, l’AIReF
espagnole mobilise près de 70 experts, et l’OBR bri-
tannique autour de 50 spécialistes des finances pu-
bliques. À l’inverse, dans de plus petits États ou
lorsque le champ d’action de l’IBI est restreint, les
effectifs peuvent être très réduits (de l’ordre de 5
à 15 personnes). Par exemple, le Conseil fiscal mal-
tais ou le comité budgétaire letton opèrent avec
quelques économistes seulement. Cette taille va-
riable conditionne en partie les méthodes em-
ployées : une IBI de petite taille privilégiera l’ana-
lyse comparative, faute de pouvoir modéliser fine-
ment toutes les recettes.
L’accès aux données détaillées et aux modèles des
ministères est crucial pour les IBI.
Des dispositions
européennes
14
prévoient que l’IBI obtienne com-
munication de tous les éléments utiles de la part
du gouvernement. Dans la pratique, des protocoles
d’accord (MoU) sont conclus pour organiser
l’échange d’information (calendrier d’envoi des
projets de prévision, transmission des micro-don-
nées fiscales, etc.). Des difficultés
n’en
subsistent
pas moins
parfois. L’AIReF a par exemple signalé
que les documents budgétaires transmis par cer-
taines régions restaient incomplets, la contrai-
gnant à formuler ses propres hypothèses faute
d’information exhaustive sur les mesures nou-
velles. De même, le CFP portugais a un accès privi-
légié aux données administratives de la Banque du
Portugal et de l’Institut national de statistiques
,
mais pas aux données de l’
administration fiscale.
Grâce à ces accès, son équipe technique resserrée
le cadre budgétaire 2024/1265 prévoit « un accès étendu et
en temps utile aux informations nécessaires ».
8
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
six personnes pour la prévision macroécono-
mique, de recettes et de finances publiques
spé-
cialisée en finances publiques et modélisation éco-
nomique, peut produire des prévisions autonomes
avec
un budget modeste (moins d’un million d’eu-
ros).
La question des moyens financiers des IBI est néan-
moins déterminante pour garantir leur indépen-
dance. Beaucoup disposent d’un budget propre,
souvent minime
au regard de l’ensemble des dé-
penses publiques. Lorsque l’IBI est adossée à une
autre institution (Cour des comptes, Banque cen-
trale), elle bénéficie des ressources logistiques de
celle-
ci, mais peut souffrir d’un manque de visibi-
lité sur ses moyens dédiés.
Les organisations internationales (OCDE) recom-
mandent d’assurer un financement stable et suffi-
sant aux IBI, pour renforcer leur indépendance et
limiter les risques propres aux aléas politiques
15
. Le
droit européen (Directive (UE) 2024/1265 du Con-
seil du 29 avril 2024 sur les cadres budgétaires na-
tionaux
16
) exige des É
tats membres qu’ils garantis-
sent aux IBI des ressources suffisantes et stables
pour accomplir leur mission sans interruption, ainsi
qu’un accès
à l’information en temps opportun
.
1.5. La réforme du Pacte de stabilité modifie
le rôle des institutions budgétaires indépen-
dantes
Nombre d’institutions budgétaires indépendantes
jouent un rôle
ex post
en évaluant les réalisations
et en vérifiant le respect des engagements. Ce tra-
vail de suivi porte notamment sur les écarts entre
les prévisions et les recettes réellement encais-
sées, contribuant à identifier les causes des erreurs
éventuelles. L’OBR, par exemple, publie chaque an-
née un rapport examinant en détail pourquoi les
recettes fiscales effectives ont pu différer de ses
projections initiales, ce qui permet d’affiner si né-
cessaire le calibrage des modèles et d’améliorer
leur capacité prédictive.
Les IBI de la zone euro sont également chargées de
veiller à la cohérence du cadre budgétaire national
et au respect des règles budgétaires européennes
et nationales.
Dans l’ancienne version du Pacte,
15
European Fiscal Board,
Annual Report
, 2024
elles devaient notamment vérifier chaque année si
le solde structurel correspondait aux objectifs an-
noncés et indiquer si les circonstances menant au
déclenchement des mécanismes correctifs étaient
en place. Ce cadre inspire encore la plupart des
règles budgétaires nationales. Dans le cas belge, le
Conseil supérieur des finances formule un avis
ex
ante
au printemps sur les objectifs de solde à ins-
crire dans le Programme de stabilité, puis un rap-
port
à l’été sur l’exécution en cours du budget, ce
qui alimente les discussio
ns avant l’ajustement
éventuel des trajectoires en cours d’exécution. En
France, le HCFP intervient en émettant ses avis sur
les projets de loi de programmation et de finances
et
de loi de règlement de la gestion et d’approba-
tion des comptes. Il apprécie s
i l’écart cumulé de
solde structurel avec la programmation plurian-
nuelle dépasse 0,5 % du PIB potentiel et, le cas
échéant, déclare officiellement l’existence d’un
« écart important ». Cela peut conduire à des me-
sures correctrices dans les plus prochains textes fi-
nanciers, ou, comme cela a été le cas en 2014, à
une révision à la baisse des objectifs pluriannuels.
La réforme d’avril 2024 du Pacte de Stabilité et de
Croissance (PSC) a remplacé les programmes de
stabilité annuels glissants par des plans budgé-
taires et structurels à moyen terme fixes, fondés
sur une trajectoire de dépense primaire nette et
non de solde structurel.
Le PSC révisé n’impose pas
l’examen des documents de suivi annuels de ce
plan budgétaire et structurel à moyen terme
(PSMT) par les IBI. Les États peuvent demander à
une IBI d’évaluer le respect de la trajectoire de dé-
pense nette établie par le Conseil dans le cadre du
nouveau bras préventif du Pacte et, le cas échéant,
d’identifier les facteurs expliquant d’éventuelles
déviations. Le nouveau règlement relatif au bras
préventif précise cependant que ces analyses indé-
pendantes ne revêtent aucun caractère contrai-
gnant et viennent seulement en complément du
travail de la Commission.
En matière de prévisions, les États peuvent sollici-
ter l’opinion d’une IBI nationale sur les hypothèses
et prévisions macroéconomiques sous-jacentes à
la trajectoire (et au plan de réformes qui l’accom-
pagne). Cette dernière possibilité deviendra une
obligation à partir de mai 2032, à condition que
l’IBI ait développé des capacités suffisantes pour
16
Les É
tats membres ont jusqu’au 31
décembre 2025 pour
prendre les dispositions législatives, réglementaires et admi-
nistratives nécessaires pour se conformer à la présente direc-
tive.
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
9
effectuer cette tâche. En ce qui concerne la procé-
dure pour déficit excessif (PDE), la nouvelle direc-
tive sur les cadres budgétaires nationaux
suggère
que les IBI produisent des analyses aidant à appré-
hender les facteurs pertinents pour une éventuelle
révision d’une recommandation du Conseil sur la
correction d’un déficit excessif. 
Ces nouvelles dis-
positions impliquent des modifications des man-
dats des IBI qui, en France, comme dans la plupart
des autres É
tats membres, n’ont pas encore eu
lieu,
même si elles ont d’ores et déjà été lancées
dans plusieurs pays.
2. L
’efficacité des IBI pour renforcer la crédi-
bilité de la politique budgétaire dépend de
leur rôle effectif
2
.1. Renforcer l’indépendanc
e des prévisions
tend à réduire le biais optimiste des prévi-
sions officielles et à améliorer leur précision
La mise en place d’IBI disposant d’un mandat en
matière de prévision macroéconomique et/ou
budgétaire reste trop récente pour porter une ap-
préciation définitive de leur impact sur la qualité
des prévisions
. La taille limitée des échantillons et
la difficulté d’établir de
s liens de cause à effet invi-
tent à interpréter avec beaucoup de prudence les
études existantes.
En dépit de ces limites, la littérature économique
met en évidence certaines tendances
dignes d’in-
térêt.
Elle constate
d’abord
sur des périodes anciennes
la présence d’un biais optimiste dans les prévi-
sions gouvernementales de finances publiques
.
Ainsi, Jonung et Larch (2006)
17
quantifient empiri-
quement le biais optimiste dans les prévisions de
déficit structurel sur la période 1987-2003 en
17
Jonung, L., and M. Larch. 2006. “Improving Fiscal Policy in
the EU: the Case for Independent Forecasts.”
Economic Policy
21 (47): 492
534.
18
Roel Beetsma, Xavier Debrun, Xiangming Fang, Young Kim,
Victor Lledo, Samba Mbaye et Xiaoxiao Zhang
(2019), “Inde-
pendent fiscal councils: recent trends and performance,”
Eu-
ropean Journal of Political Economy
, 57, pp. 53-69. Les résul-
tats économétriques sont obtenus sur base d’un sous
-échan-
tillon des Etats
membres de l’Union Européen
ne.
19
Le biais optimiste observé dans les pays soumis à des règles
budgétaires a été largement théorisé et bien documenté dans
la littérature empirique. Il reflète la volonté de se soustraire à
l’effet contraignant de la règle en donnant l’illusion qu’elle
France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie.
Ils attribuent
également, à l’aide d’un modèle
théorique, les causes de ce biais essentiellement,
en recettes,
à l’optimisme de la prévision de crois-
sance et, en dépenses,
à l’inertie de l’exécution
budgétaire. Pour réduire le biais dans les prévisions
de finances publiques, les auteurs préconisent de
confier à une autorité indépendante la mission de
produire des projections impartiales de la crois-
sance et d’autres variables cruciales pour la prévi-
sion de finances publiques.
Dans une analyse en panel très complète de 39 IBI
à travers le monde, Beetsma et
al
. (2019) suggè-
rent que
les
pays dotés d’une IBI
parviennent à ré-
duire le biais optimiste observé dans les prévi-
sions budgétaires
, un biais qui s’avère p
lus pro-
noncé pour les pays dotés de règles budgé-
taires
1819
. L
estimation économétrique
de l’effet
sur le biais de prévision est cependant imprécise.
En revanche,
la présence d’une IBI est associée à
une amélioration notable de la précision des pré-
visions
: les erreurs sont en moyenne plus petites.
Il est à noter que cette étude se concentre sur les
prévisions de solde budgétaire et ne distingue donc
pas recettes et dépenses. Une autre conclusion de
cette étude est que le biais de prévision émergerait
principalement au niveau des projections budgé-
taires elles-mêmes et non du cadrage macroécono-
mique. Il ne
s’agit toutefois
que d
’un
e tendance
moyenne dans un panel hétérogène qui doit donc
être nuancée au cas par cas.
Au niveau national
, un rapport récent de l’UPB ita-
lien montre que le biais dans les prévisions ma-
croéconomiques sous-jacentes au budget a été for-
tement réduit suite à l
’introduction de l’
Ufficio
.
20
En France, les différents travaux menés
par l’Ins-
pection générale des finances (IGF)
21
le secrétariat
peut être respectée sans arbitrage politiquement délicat entre
baisse de dépense et hausse des impôts. Voir notamment Jef-
frey Frankel et Jesse Schreger (2013), “Over
-optimistic official
forecasts and fiscal rules in the eurozone,”
Review of World
Economics
, 149, pp. 247-272.
20
Ufficio Parlamentare di Bilancio,
Budgetary Policy Report
,
Juin 2024.
21
Inspection générale des finances, «
Les prévisions de re-
cettes des prélèvements obligatoires
»
,
Rapport n°2024-M-
028-04
, juillet 2024.
10
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
permanent
22
du HCFP
23
et la Cour des comptes
24
ont conclu à une absence de biais caractérisé dans
l’élaboration des prévisions de recettes
sur les dix
ou vingt dernières années.
Le secrétariat permanent du HCFP identifie toute-
fois, sur la période 2004-2023, un biais optimiste
dans les prévisions de croissance françaises qui
s’est toutefois réduit depuis sa création en 2014
25
.
L
’indépendance du processus de prévision
ne peut
évidemment rien changer au fait que
certaines er-
reurs de prévision, occasionnellement considé-
rables, restent inévitables
. Ainsi, dans le cas de
l’OBR britannique
, Atkins et Lanski (2023) mon-
trent
qu’il subsist
e un biais optimiste dans les pré-
visions de croissance réelle et de déficit après
l’ins-
tauration de l’
Office
en 2010.
L’optimisme par rap-
port au déficit est toutefois dû à une sous-estima-
tion systématique des dépenses publiques, et non
des recettes
(là où l’exercice de
prévision reflète
avant tout un travail
d’expert
).
26
Même si cette
étude montre que les prévisions macroécono-
miques
officielles préparées par l’OBR
ne sont pas
uni
formément meilleures que celles d’autres pré-
visionnistes, elles sont moins biaisées et plus pré-
cises que celles effectuées par le Trésor britan-
nique avant la
création de l’
Office
.
En résumé, les analyses empiriques indiquent que
la simple
présence d’un
e IBI est en général asso-
ciée à une réduction du biais optimiste, souvent
présent dans les prévisions officielles de pays sou-
mis à des règles budgétaires. La précision des pré-
visions officielles est aussi plus grande en présence
d’une IBI.
La valeur ajoutée
d‘une IBI dans le processus de
prévision tient beaucoup moins à la présomption
d’une
plus grande qualité technique
qu’à
la per-
ception
d’un
risque moindre
d’interférence poli-
tique.
La crédibilité des engagements budgétaires
en sort renforcée.
22
Il est dirigé par un rapporteur général, assisté d’un rappor-
teur général adjoint et de cinq rapporteurs.
23
Eric Dubois et Guillaume Gilquin, «
Les prévisions macroéco-
nomiques et de finances publiques du Gouvernement et leur
réalisation
»,
Note d’étude
n° 2024- 2
, Secrétariat permanent
du HCFP, septembre 2024.
24
Cour des comptes, «
La prévision des recettes fiscales de
l’État
entre 2014 et 2023
», décembre 2024.
25
Avis n° HCFP-2025-2 relatif au projet de loi relatif aux résul-
tats de la gestion et portant
approbation des comptes de l’an-
née 2024.
2.2. Dans les trois pays (Autriche, Belgique,
Pays-Bas) où une institution indépendante
réalise la prévision macroéconomique, l’am-
pleur des révisions de prévisions de recettes
liées à une révision de croissance est plus
faible.
La prévision des recettes de prélèvements obliga-
toires repose généralement sur une approche dé-
sagrégée, où chaque impôt est modélisé séparé-
ment selon ses caractéristiques intrinsèques. En
France, les méthodes utilisées par la direction gé-
nérale du Trésor ont fait l’objet d’une publ
ication
récente
27
.
Il existe schématiquement trois types de méthodes
de prévision des prélèvements obligatoires qui re-
posent toutes sur
l’hypothèse que chaque impôt
évolue d’une année sur l’autre en fonction des me-
sures nouvelles discrétionnaires mises en œ
uvre
pendant l’année et d’une évolution spontanée, à
législation constante.
La première famille de mé-
thodes
consiste à projeter la tendance ajustée des
mesures discrétionnaires, ce qui nécessite de dis-
poser d’une série longue de mesures nouvelles et
repose
sur l’hypothèse forte que la composante
non discrétionnaire continuera de croître au même
rythme.
La deuxième famille de méthodes
con-
siste à utiliser des élasticités à des facteurs macroé-
conomiques pour établir une relation entre les re-
cettes fiscales et leurs variables macroécono-
miques sous-jacentes.
La troisième famille de mé-
thodes de prévision
est principalement utilisée
pour des catégories de prélèvements obligatoires
qui ne sont pas directement liées aux évolutions
macroéconomiques et ne suivent pas de tendance
stable
28
. Elle repose donc sur des estimations
ad
hoc
, basées sur la recherche ou l’avis d’experts.
En-
fin, faute de mieux, la prévision des petits impôts
repose parfois sur la reconduction des chiffres de
l’année précédente
, en se fondant
sur l’hypothèse
26
Graham Atkins et Luke Lanskey (2023),
“The OBR’s forecast
performance
,”
OBR Working Paper
N°19.
27
Direction générale du trésor, «
Comment sont réalisées les
prévisions de finances publiques et quelles sont les incertitudes
qui les entourent ?
», mars 2025
28
Par exemple, les recettes provenant d’une taxe récemment
introduite.
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
11
que la meilleure estimation des flux futurs est le ni-
veau de l’année précédente
29
.
Les prévisions macroéconomiques jouent donc un
rôle essentiel
dans l’analyse de la dynamique
des
prélèvements obligatoires,
dès lors que la seconde
famille de méthodes de prévision de recettes est
utilisée. L
’évolution des prélèvements obligatoires
est alors scindée en deux composantes
: l’une dis-
crétionnaire, l’autre spontanée. L’évolution spon-
tanée des prélèvements obligatoires est corrélée
empiriquement à la croissance du PIB
30
. À ce titre,
l’évolution spontanée des prélèvements obliga-
toires peut s’écrire en fonction de l’élasticité des
prélèvements obligatoires au PIB, c’est
-à-dire la
croissance des prélèvements obligatoires associée
à une hausse de 1 % du PIB à législation donnée, et
de la croissance du PIB (
cf
. Annexe II).
La prévision de recettes est entourée d’incerti-
tudes, qui rendent inévitables les révisions des
prévisions
dont les origines sont multiples (surve-
nance d’événements inattendus ou
modifications
soudaines dans les comportements des ménages
et des entreprises
, …
). L
’ampleur de ces révisions
de prévision peut être un des indicateurs de la ro-
bustesse et de la qualité de la prévision.
L’
analyse statistique qui suit vise à évaluer
l’am-
pleur des révisions des prévisions de recettes, se-
lon les prérogatives des institutions budgétaires in-
dépendantes,
au sein d’
un panel de huit pays euro-
péens
31
. La révision de prévision de recettes cor-
respond à
l’écart entre
les prévisions de recettes
inscrites en octobre de l’année précédente dans les
projets de plan budgétaires transmis par les États
membres à la Commission européenne et leur ac-
tualisation une année plus tard.
Il ne s’agit pas ici
de confronter les précisions à l’exécution réelle
(telle que publiée par exemple dans les comptes de
la nation de l’Insee pour la France)
,
mais bien d’éta-
blir l’ampleur des révisions des prévisions elles
-
mêmes, une année après
. Pour mesurer l’ampleur
des écarts de prévision, l’étude utilise la moyenne
quadratique
32
des révisions de prévisions.
29
L’hypothèse d’une marche aléatoire est principalement uti-
lisée pour des impôt de faible rendement pour lesquels le
signe de la tendance pass
ée n’est pas suffisamment robuste
pour déterminer une tendance pour la prévision.
30
D’autres variables macroéconomiques contribuent égale-
ment à expliquer la croissance spontanée des prélèvements
obligatoires comme la croissance de la part des salaires du sec-
teur privé (cf. Haut Conseil des Finances Publiques, L’élasticité
L’étude couvre l
a période 2013-
2023. En effet, l’an-
née 2013 correspond à la date
d’entrée en vigueur
du traité sur la stabilité, la coordination et la gou-
vernance (TSCG), chaque État membre devant à
cette date disposer
d’
une institution indépendante
chargée de surveiller l’application des règles bud-
gétaires
. C’est aussi la date de mise
en application
du mécanisme de correction en cas de non-respect
de celles-ci.
La révision de la prévision de recettes est décom-
posée en plusieurs effets
, détaillés dans l’Annexe
II. Ceux-ci tiennent à :
i)
la précision des prévisions macroéco-
nomiques
pour l’année à venir
(effet
croissance en volume et effet défla-
teur),
ii)
la modification des prévisions des an-
nées antérieures (effet base) qui trou-
vent parfois leur origine dans des
changements méthodologiques opé-
rés par les instituts statistiques natio-
naux,
iii)
la fiabilité des prévisions des mesures
discrétionnaires (effet mesures nou-
velles),
iv)
l’analyse de la sensibilité de la crois-
sance des recettes à la croissance du
PIB (effet élasticité) qui intègre notam-
ment la qualité des modèles de prévi-
sion.
L’étude repose sur des statistiques descriptives
mais n’est pas une analyse économétrique
. Elle ne
cherche pas à établir un lien de causalité entre
l’ampleur
de la révision des prévisions et la pré-
sence ou non d’un
e IBI.
L’analyse montre un
accroissement des révisions
des prévisions de recettes
pour l’ensemble des
pays du panel depuis la pandémie de Covid 19,
signe d’une hausse généralisée de l’incertitude
. En
particulier, l’effet de la révision de la croissance no-
minale du PIB sur la révision des recettes a doublé
(passant de 0,3 pt de PIB sur la période 2014-2019
des prélèvements obligatoires au PIB : définition, interpréta-
tion et limites, Note méthodologique n°2023-01, février 2023).
31
Figurent dans le groupe de parangonnage, en plus de la
France (FR)
: l’Allemagne (DE), l’Autriche (AT), la Belgique (BE),
l’Italie (IT), l’Espagne (SP), le Portugal (PT) et les Pays
-Bas (NL).
32
La moyenne quadratique des révisions de prévision est la
racine carrée de la moyenne arithmétique du carré des révi-
sions de prévision sur la période.
12
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
à 0,7 pt de PIB sur la période 2021-2023
), l’effet de
la révision des mesures nouvelles a également dou-
blé (passant de 0,2 pt de PIB à 0,5 pt de PIB) et l’ef-
fet des révisions de l’élasticité a triplé (passant de
0,5 pt de PIB à 1,4 pt de PIB).
Graphique 1 : Ampleur des révisions des prévi-
sions de recettes imputables à la croissance en va-
leur, aux m
esures nouvelles (MN) et à l’élasticité
en moyenne dans les pays du panel
Source : CPO
Champ : huit pays européens
Note de lecture : moyenne quadratique des révi-
sions, en point de PIB sur les périodes 2014-2019
« avant covid » et 2021-2023 « après covid »
L’étude statistique
montre également que dans les
trois pays où une institution indépendante réalise
la prévision macroéconomique officielle (Autriche,
Belgique, Pays-Bas), qui est intégralement reprise
par le gouvernement, la révision des prévisions due
à une révision de la croissance en volume
est d’am-
pleur plus modeste en moyenne que dans les pays
où les institutions budgétaires indépendantes
n’as-
surent pas cette mission (
cf
. Graphique 2). Dans les
pays où l’IBI
réalise une prévision macroécono-
mique qui
n’est pas
reprise par le gouvernement
ou dans les pays où l’IBI ne réalise pas de prévision
macroéconomique, la part de la révision de la pré-
vision de recettes qui s’explique par une révision
de la croissance en volume est non seulement
d’ampleur
plus élevée mais également plus disper-
sée (
cf
. Annexe III).
Ce résultat est robuste à l’
ajout
de l’année 2020 dans la période considérée
.
Graphique 2 : Effet de révisions de la croissance
en volume sur les révisions des prévisions de re-
cettes selon les mandats des institutions budgé-
taires indépendantes
Source : CPO
Champ : huit pays européens
Note : moyenne quadratique des révisions, en
point de PIB. La « période avec Covid »
inclut l’an-
née 2020, la « période hors Covid » porte sur les
années 2014 à 2019 et 2021 à 2023.
Toutefois, dans les pays où une institution indé-
pendante réalise la prévision macroéconomique
officielle, l
’ampleur totale
des révisions des prévi-
sions de recettes
n’
est pas moins élevée en
moyenne que dans les pays où le gouvernement
réalise la prévision de recettes officielle. Ce résul-
tat s’explique essentiellement par l’ampleur des
révisions sur le chiffrage des mesures nouvelles,
sur lequel les institutions budgétaires indépen-
dantes disposent rarement d’information
s suffi-
santes au moment de leurs exercices de prévision.
Il tient aussi aux
révisions d’élasticité, surtout
après la pandémie de Covid 19, où les comporte-
ments des ménages et des entreprises ont connu
des modifications importantes.
Dans le seul pays
de l’échantillon
où une institution
indépendante réalise la prévision macroécono-
0,3%
0,7%
0,2%
0,5%
0,5%
1,4%
0,0%
0,2%
0,4%
0,6%
0,8%
1,0%
1,2%
1,4%
1,6%
1,39%
0,28%
1,85%
0,33%
1,87%
0,34%
0,00%
0,20%
0,40%
0,60%
0,80%
1,00%
1,20%
1,40%
1,60%
1,80%
2,00%
période avec
Covid
période hors Covid
la prévision macroéconomique est réalisée par un
institut indépendant
l'IBI réalise une prévision indépendante non reprise
par le gouvernement
l'IBI ne réalise pas de prévision macroéconomique
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
13
mique officielle et une prévision de finances pu-
bliques, à politique inchangée et avec évaluation
des effets des mesures discrétionnaires du gouver-
nement (Autriche),
l’ampleur
totale des révisions
de prévision de recettes
est plus faible qu’en
moyenne dans les autres pays où le mandat des
institutions budgétaires indépendantes est plus
restreint. Toutefois, ce dernier résultat est à inter-
préter avec prudence, compte tenu du faible
nombre d’
États européens
inclus dans l’échantillon
et de la présence de cette configuration institution-
nelle da
ns un seul d’entre eux
.
3. Les bonnes pratiques identifiées en Eu-
rope parmi les institutions budgétaires in-
dépendantes suggèrent des pistes
d’évolu-
tions possibles pour le HCFP.
Afin de consolider la crédibilité du budget, le rôle
du HCFP dans la gouvernance des prévisions de re-
cette pourrait évoluer. Les pratiques observées ail-
leurs dans l’Union Européenne suggèrent
quatre
axes complémentaires
d’évolutions
.
L’idée sous
-
jacente est de renforcer l’indépen-
dance opérationnelle du Haut Conseil et la trans-
parence des prévisions utilisées pour la confection
du budget. Toutes ces pistes peuvent, dans cer-
taines de leurs dimensions, conduire à un ajuste-
ment du cadre organique du HCFP, en tout état de
cause nécessaire pour mettre celui-ci en adéqua-
tion avec le nouveau cadre européen des finances
publiques. S’il va de soi que des interdépendances
existent entre ces axes, la présente note ne se pro-
nonce pas sur une combinaison précise de mesures
mais esquisse un panorama de marges possibles
d’amélioration susceptibles d’inspirer
le Gouverne-
ment et le Parlement à la lumière des bonnes pra-
tiques européennes.
Un premier axe d’évolution concerne
l’accès à l’in-
formation, y compris le degré de détail, les délais
de transmission et le temps laissé au HCFP pour
effectuer son analyse.
Dans plusieurs États (Au-
triche, Belgique, Italie), la loi impose la transmis-
sion systématique, sous forme électronique, des
bases de données et des codes de modélisation dès
33
Même s’
elle
n’effectue pas
elle-même le chiffrage des me-
sures nouvelles,
un rôle étendu de l’IBI dans la prévision des
recettes la positionnerait idéalement pour apprécier la soute-
nabilité budgétaire à moyen terme et exercer à partir de 2032
qu’ils sont disponibles, avec un préavis pouvant
in-
tervenir plusieurs mois avant la présentation du
budget. Pour avoir le temps d’étudier en profon-
deur les prévisions
bonne pratique constante ob-
servée dans toutes les IBI
, une option serait de
demander au Gouvernement, soit de rendre pu-
bliques, soit de transmettre au HCFP les données
des « budgets économiques » d’été et d’hiver (hy-
pothèses macroéconomiques, paramètres de mo-
délisation, etc.). Elle implique toutefois
d‘anticiper
en amont de ce processus l’information du mi-
nistre par son administration. En tout état de
cause, les délais actuels (une semaine) sont insuffi-
sants pour permettre au HCFP de se prononcer. Les
chroniques « à politique inchangée » élaborées par
l’administration pourraient aussi être systémati-
quement transmises, idéalement au fil de l’eau, ac-
compagnées de détails techniques sur la méthodo-
logie de prévision. Les précautions d’usage rela-
tives à la confidentialité des données
à l’instar du
protocol
e de sécurité appliqué par l’OBR au
Royaume-Uni
s’imposeraient naturellement.
Un deuxième axe concerne les
capacités tech-
niques
du HCFP afin d’améliorer son potentiel
d’analyse.
Disposer de capacités de prévision
propres confère une plus grande crédibilité aux
avis que les institutions budgétaires indépen-
dantes sont appelées à émettre. Les exemples de
l’Office for Budget Responsibility
au Royaume-Uni
ou du Bureau fédéral du plan en Belgique montrent
qu’une équipe d’une quinzaine à une trentaine
d’économistes permet de produire des prévisions
macroéconomiques complètes et, le cas échéant,
des projections des principales recettes à législa-
tion constante. À l’autre extrémité du spectre, cer-
taines IBIs se limitent à des contre-expertises quan-
titatives sur la base de micro-
modèles. L’étendue
des capacités techniques peut ainsi varier, allant de
la production d’une simple prévision macroécono-
mique portant sur les agrégats clés (croissance, in-
flation, emploi) à la réalisation de l’ensemble des
prévisions officielles utilisées pour élaborer le bud-
get, y compris l’impact estimé des mesures nou-
velles
33
.
La montée en puissance de ses capacités de prévi-
sion impliquerait, pour le HCFP, un accès sécurisé
aux bases de données administratives (cf. ci-des-
sus). En mi
roir, il convient d’éviter qu’un rôle accru
dans les meilleures conditions le suivi annuel du PSMT prévu
par le nouveau cadre européen.
14
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
de l’IBI dans la prévision officielle ne réduise la ca-
pacité de l’administration à capter et
à mobiliser
les informations nouvelles nécessaires pour reflé-
ter le meilleur état des informations macroécono-
miques et
comptables à date, ou n’alourdisse ex-
cessivement le processus budgétaire. Une commu-
nication ouverte et continue entre les équipes du
ministère des finances et celles du HCFP serait en
tout état de cause essentielle au succès d’une
éventuelle réforme dans ce sens.
Le troisième axe d’évolution a trait au
vecteur
d’influence du HCFP sur les prévisions
.
A minima
,
une institution budgétaire indépendante formule
pour une date donnée un avis sur les prévisions of-
ficielles. Il faut alors compter exclusivement sur la
réputation et la stature institutionnelle de l’IBI
dans le débat public pour espérer que son avis soit
pris en compte. Plusieurs pays
dont l’Italie (UPB)
les Pays-
Bas (CPB) et l’Espagne (AIReF) –
appli-
quent une version plus contraignante du principe
«
se conformer ou s’expliquer
» : toute divergence
substantielle doit alors être motivée dans les docu-
ments budgétaires et discutée devant le Parle-
ment. Obliger le gouvernement à justifier d’éven-
tuels écarts par rapport à l’avis de l’IBI renforce la
visibilité des analyses de cette dernière et vise à in-
citer le gouvernement à mieux justifier ses choix
sans pour autant le contraindre. Dans le cas du
HCFP,
l’application de ce principe pourrait être for-
malisée davantage. Le Gouvernement serait par
exemple tenu d’expliquer précisément, dans les
documents budgétaires, les raisons d’un éventuel
écart avec l’avis du Haut Conseil, afin d’accroître la
transparence et de limiter les écarts non justifiés.
À l’instar de la pratiqu
e portugaise (CFP), cette obli-
gation pourrait être assortie d’un suivi
ex post
.
Une option maximaliste consisterait à imposer au
Gouvernement d’utiliser des prévisions émanant
de l’IBI pour l’élaboration du budget
, comme cela
existe au Royaume-Uni. Ici encore, une gradation
existe entre l’utilisation de prévisions macroécono-
miques uniquement et l’adoption pure et simple
de l’ensemble des prévisions budgétaires élabo-
rées par l’IBI.
En règle générale, les gouvernements
restent responsables des projections budgétaires.
Le quatrième axe
d’évolution
concerne la liberté
d’action du HCFP.
En principe, une IBI peut être
soumise à une liste limitative de tâches spécifiques
enfermées dans un calendrier strict de communi-
cation au grand public. Si cette approche protège
l’institution de toute suspicion de poursuivre son
propre agenda politique en choisissant stratégi-
quement ses interventions dans le débat public,
elle contraint par la même occasion la réactivité et
le rôle d’alerte de l’institution
.
L’option inverse est
de laisser une liberté complète à l’IBI de définir
elle-même son programme de travail (au-delà des
obligations légales découlant directement de son
mandat) ainsi que le moment de ses interventions.
L’AIReF espagnole dispose par exemple d’un pou-
voir d’auto
-saisine lui permettant de publier, à tout
moment, des « avis d’alerte », notamment
lorsqu’un dérapage se profile. En matière de prévi-
sion, l’introduction explicite d’un pouvoir d’auto
-
saisine permet notamment à l’IBI de se saisir elle
-
même de toute question relative aux hypothèses
macroéconomiques ou budgétaires, à n’importe
quel stade du cycle budgétaire, sans attendre la
saisine formelle par le Gouvernement ou le Parle-
ment. Dans le cas spécifique du HCFP, le pouvoir
d’auto
-saisine lui donnerait par exemple la capa-
cité d’émettre des alertes
hors du calendrier d
’exa-
men des projets de lois financières par le Parle-
ment. Le Haut Conseil pourrait ainsi contribuer uti-
lement à éclaire
r le comité d’alerte
, nouvellement
mis en place, qui réunit autour des ministres des
finances et des comptes publics les parlementaires
des commissions concernées, et qui est appelé à
examiner trois fois par an les risques d’écart aux
prévisions de recettes et de dépenses publiques.
En définitive,
chacun de ces axes de bonnes pra-
tiques
amélioration de l’accès à l’information, dé-
veloppement de capacités internes de prévision,
renforcement du principe «
comply or explain
»,
élargissement des capacités
d’a
lerte du HCFP
est
étayé par des expériences européennes abouties.
Le calibrage précis des évolutions que pourrait con-
naître le HCFP relèvera d’une décision politique ar-
bitrant entre moyens disponibles, besoin de réacti-
vité et exigence de crédibilité accrue.
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
15
Principaux constats et orientations
Cette note
examine la place des institutions budgétaires indépendantes (IBI) dans la prévision des recettes
publiques en Europe, domaine où la crédibilité des engagements financiers conditionne la capacité d’un État
à protéger son économie. En s’appuyant sur un larg
e panorama de pratiques nationales et sur une revue de
la littérature, les auteurs rappellent d’abord que, depuis le TSCG (2012) et le règlement 473/2013, chaque
pays de la zone euro doit fonder son budget sur des prévisions au moins validées par une IBI.
Trois modèles
coexistent 
parmi les neuf pays examinés dans la note : des institutions qui produisent elles
mêmes les prévi-
sions officielles (Autriche, 
Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni), celles qui les valident formellement (Espagne,
Italie) et celles, comme le
Beirat des Stabilitätsrats
allemand, le HCFP français ou le CFP portugais, qui se limi-
tent à une évaluation critique
qui n’oblige pas le gouvernement à infléchir ses prévisions
. Cette diversité tient
aux cadres juridiques (constitution ou loi fondamentale
, loi organique ou simple décret), au degré d’indépen-
dance garanti, aux effectifs disponibles (de quelques économistes à plus d’une centaine) et à l’accès effectif
à
l’information
.
L
analyse statistique menée sur un échantillon de huit pays européens entre 2013 et 2023 montre que même
si les fortes incertitudes post
Covid 19
ont fait exploser l’ampleur des révisions partout, dans les
trois pays où
l’IBI élabore la prévision macroéconomique reprise par le gouverneme
nt dans les textes financiers,
l’impact
des révisions des prévisions de croissance sur les recettes est plus modeste et moins dispersé. En revanche, la
qualité globale des prévisions de recettes
reste tributaire d’autres facteurs, en particulier la fiabilité du chif-
frage des mesures nouvelles et la capacité à réviser rapidement les élasticités fiscales lorsque les comporte-
ments économiques changent.
C’est d
ans ce contexte que devra intervenir la révision des mandats des IBI nationales rendue nécessaire par
la
réforme d’avril 2024 du Pac
te de stabilité.
Afin que cette révision contribue au renforcement de la crédibilité des prévisions de recettes publiques, le
CPO identifie dans les pratiques de huit autres États européens quatre axes
d’évolution
complémentaires pos-
sibles qui méritent d’être mis dans le débat public
:
-
améliorer l’accès à l’information
,
-
développer les capacités techniques internes du Haut Conseil,
-
renforcer la portée de ses avis,
-
accroître sa liberté d’action
.
16
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
Annexe I
Tableau comparatif du rôle de plusieurs institutions budgétaires indépendantes en matière de prévisions macroéconomiques et fis-
cales
Pays
Institution
(IBI)
Mandat de prévi-
sion (macroéco-
nomique
et/ou
fiscale)
Degré d’indépendance
(statut juridique)
Moment d’intervention
dans la procédure bud-
gétaire
Méthodes de prévision des re-
cettes
Ressources (effectifs et budget)
Autriche (AT)
Fiskalrat
(Conseil bud-
gétaire)
et
WIFO
(Insti-
tut autrichien
de recherche
économique)
WIFO : produit les
prévisions
ma-
croéconomiques
indépendantes
(croissance, em-
ploi) utilisées par
le gouvernement;
Fiskalrat : élabore
sa propre prévi-
sion
budgétaire
(recettes,
dé-
penses) pour éva-
luer le budget
WIFO : fondé en 1927
institut de recherche in-
dépendant (privé à but
non
lucratif,
subven-
tionné par l’État);
Fiskal-
rat : créé par loi (2013)
organe indépendant af-
filié à la Banque cen-
trale, composé de 15
membres et d’un secré-
tariat
Ex ante : au printemps,
Fiskalrat réalise une pré-
vision flash publiée avant
le Programme de stabi-
lité; à l’automne, nou-
velle prévision en 4 se-
maines intégrant les me-
sures du projet de bud-
get; Ex post : rapports de
conformité
et
recom-
mandations
WIFO
:
modèle
macroécono-
mique national avec projections
trimestrielles;
Fiskalrat : modèle de prévision
des recettes couvrant environ 50
catégories
(taxes,
cotisations),
comparaison avec la prévision
gouvernementale
WIFO : environ 25 économistes
dédiés (130 employés au total);
Fiskalrat : secrétar
iat d’environ 7
experts; budget financé par la
Banque centrale et le Ministère
des Finances
Belgique (BE)
Bureau fédé-
ral
du
Plan
(BFP) et Con-
seil supérieur
des
finances
(CSF)
BFP : réalise deux
fois par an les
prévisions
ma-
croéconomiques
officielles et une
prévision
auto-
nome de recettes
à
politique
in-
changée. L'admi-
nistration produit
également
sa
propre prévision
de recettes, com-
parée à celle du
BFP
en
cas
d'écarts significa-
tifs. CSF : avis ex
BFP : institué par loi
(1945, réorg. 1959), or-
ganisme
indépendant
d’intérêt public sous tu-
telle du Premier Mi-
nistre et du Ministre de
l’Économie ; CSF : créé
par arrêté royal (1989),
comité consultatif indé-
pendant appuyé opéra-
tionnellement
par
la
Banque nationale en rai-
son de ses ressources li-
mitées.
Ex ante : le BFP fournit
deux fois par an (budgets
économiques) les prévi-
sions macro et une prévi-
sion de recettes à poli-
tique inchangée ; le CSF
émet avis sur les objectifs
de soldes publics. Pen-
dant : le CSF publie un
rapport en été sur l’exé-
cution
budgétaire
en
cours. Ex post : le CSF éva-
lue
l’exécution
budgé-
taire
annuelle
et
dé-
clenche
éventuellement
les mécanismes correc-
tifs.
BFP : modèle macroéconomé-
trique (modèle HERMES) pour
prévisions macroéconomiques et
prévision autonome des recettes
à politique inchangée, confrontée
aux prévisions de l'administration
en cas d'écarts significatifs. CSF :
analyse critique fondée sur les
données du BFP et de la Banque
nationale.
BFP : environ 100 collaborateurs,
dont une trentaine dédiée spécifi-
quement aux prévisions macroé-
conomiques et budgétaires. CSF :
ressources humaines très limitées
(1,5 équivalent temps plein), s’ap-
puyant
principalement
sur
la
Banque nationale pour ses ana-
lyses. Budget du BFP financé par
dotation fédérale.
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
17
ante sur les ob-
jectifs
budgé-
taires et ex post
sur
l'exécution
budgétaire, avec
déclenchement
possible de mé-
canismes correc-
tifs.
Allemagne
(DE)
Stabilitätsrat
(Conseil
de
stabilité)
et
Unabhängi-
ger Beirat (co-
mité
consul-
tatif indépen-
dant)
Ne produit pas di-
rectement
de
prévisions macro
ou de recettes,
mais surveille la
soutenabilité des
finances
pu-
bliques et le res-
pect des règles
budgétaires
(frein à l’endette-
ment, règles eu-
ropéennes).
Inscrit à l’article 109a de
la
Loi
fondamentale
(Grundgesetz) ; le Con-
seil de stabilité réunit
Fédération
(Bund)
et
Länder. Son comité con-
sultatif
est
considéré
comme
l’institution
budgétaire
indépen-
dante (IFI) allemande.
Se réunit régulièrement
pour surveiller le budget
fédéral et ceux des Län-
der
afin
de
détecter
d’éventuels déséquilibres
et recommander des me-
sures correctives ; suit
également la trajectoire
d’endettement au regard
du cadre européen.
Les
prévisions
macroécono-
miques sont fournies par la Joint
Economic Forecast (cinq instituts
de recherche indépendants), vali-
dées par le ministère de l’Écono-
mie ; les prévisions de recettes fis-
cales
sont
élaborées
par
un
groupe de travail présidé par le
ministère des Finances.
Le comité indépendant est com-
posé
d’experts
(Bundesbank,
Sachverständigenrat, etc.) ; il ne
dispose pas d’un budget propre et
s’appuie sur les ressources coor-
données entre Bund, Länder et or-
ganismes membres.
Espagne (ES)
Autoridad In-
dependiente
de Responsa-
bilidad Fiscal
(AIReF)
Endosse les prévi-
sions macroéco-
nomiques natio-
nales
et
régio-
nales, produit des
projections indé-
pendantes de re-
cettes publiques
à court, moyen et
long terme pour
évaluer les bud-
gets
Créée par loi organique
(2013)
autorité admi-
nistrative
indépen-
dante,
conseil
de
9
membres avec pouvoir
de
recommandation
contraignant (comply or
explain en 1 mois)
Ex ante : validation du
scénario
macro
de
chaque projet de budget
(État et 17 régions); Pen-
dant : rapport à la sortie
du projet; Ex post : suivi
infra-annuel
et
avis
d’alerte en cas de dérive
Modélisation
interne
sophisti-
quée
:
modèles
macroécono-
miques pour chaque niveau, pro-
jections des principales recettes
fiscales et sociales, techniques à
politique inchangée, comparaison
avec Banque d’Espagne, Commis-
sion
Environ 70 experts (économistes,
statisticiens) répartis en divisions
macro et budgétaires; budget an-
nuel d’environ 6 millions € (dota-
tion d’État) avec autonomie de
gestion
France (FR)
Haut Conseil
des
finances
publiques
(HCFP)
Formule un avis
sur le
réalisme
des
prévisions
scénario
ma-
croéconomiques,
Créé par loi organique
(2012)
organisme in-
dépendant,
placé
au-
près de la Cour des
comptes,
composition
Ex ante : avis obligatoire
sur le cadrage macro des
projets de loi de finances
et Programme de stabi-
Analyse
comparative
sur
cer-
taines variables et contre-exper-
tise des prévisions macroécono-
miques et de finances publiques
Secrétariat permanent restreint
(quelques personnes, mis à dispo-
sition par la Cour des comptes);
budget intégré à celui de la Cour
18
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
et la prévision de
recettes et de dé-
penses des textes
financiers du pro-
jet de loi de fi-
nances, et la co-
hérence des pré-
visions
de
fi-
nances publiques
entre
textes
fi-
nanciers et avec
les engagements
européens de la
France
mixte (magistrats, ex-
perts nommés par le
Parlement)
lité (avant dépôt au Parle-
ment); Ex post : Avis sur
les lois de règlement, si-
gnifie si l’écart sur le
solde structurel est im-
portant au sens de la loi
organique
(certains
prélèvements
obliga-
toires à politique inchangée, en
estimant notamment les bases
taxables par des modèles écono-
métriques
ou
une
approche
comptable, dépenses et plan de
relance)
Italie (IT)
Ufficio Parla-
mentare
di
Bilancio
(UPB)
Endosse les prévi-
sions macroéco-
nomiques
du
gouvernement et
évalue les prévi-
sions budgétaires
(recettes,
dé-
penses)
du
DPB/DEF
Créé par loi constitu-
tionnelle (2012)
auto-
rité indépendante ratta-
chée au Parlement, col-
lège
de
3
membres
nommés par le Parle-
ment, droit d’accès à
toutes les données pu-
bliques
Ex ante : validation du ca-
drage macro du Docu-
ment d’économie et de fi-
nance (printemps) et de
sa mise à jour (automne);
avis sur la Loi de finances
lors du dépôt (analyse
des mesures); Ex post :
rapport annuel d’évalua-
tion
Modèles
économétriques
in-
ternes (modèle néokeynésien),
comparaison
avec
un
panel
d’autres prévisions privées et pu-
bliques, micro-simulation
Environ
30
analystes
(écono-
mistes des finances publiques);
budget financé par le Parlement
Pays-Bas (NL)
Centraal
Planbureau
(CPB)
Produit
le
ca-
drage macroéco-
nomique
sous-
tendant les prévi-
sions budgétaires
; intègre l’impact
macro
de
me-
sures
fiscales,
sans évaluer sys-
tématiquement
la trajectoire de
finances
pu-
bliques
Créé en 1946, institut in-
dépendant d’intérêt pu-
blic ;
bénéficie d’une
tradition
d’autonomie
non codifiée par une loi
organique spécifique
Publication
du
Central
Economic Plan au prin-
temps
(avant
le
pro-
gramme de stabilité) et
d’une prévision macro à
l’automne (jour du bud-
get) ; pas de contre-éva-
luation formelle lors de la
revue budgétaire
Modèles macroéconomiques et
comptables, intégration des ef-
fets de mesures fiscales ; réalise
également
des
études
ponc-
tuelles sur l'impact redistributif
de politiques ciblées
Environ 130 experts (dont 100
économistes et analystes) ; bud-
get dédié, ancré dans la tradition
d’indépendance scientifique
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
19
Portugal (PT)
Conselho das
Finanças Pú-
blicas (CFP)
Produit
ses
propres
prévi-
sions de recettes
à
politique
in-
changée (no po-
licy change) mais
sur seulement 8
impôts ; évalue
également
de
manière critique
les prévisions of-
ficielles (macro et
fiscales) du gou-
vernement.
Créé par loi (2011) et
opérationnel
depuis
2012
institution indé-
pendante
associée
à
l’Assemblée,
conseil
composé d'un président
et de quatre membres
nommés pour un man-
dat de sept ans, non re-
nouvelable, sauf pour
les membres non exécu-
tifs dont le mandat peut
être renouvelé une fois,
garantissant la neutra-
lité
Ex ante
: avis détaillé sur
la crédibilité des prévi-
sions macroéconomiques
et budgétaires avant pré-
sentation du projet de
budget au Parlement. Pu-
blication semestrielle de
prévisions
macroécono-
miques et fiscales sur un
horizon de cinq ans.
Ex post
: évaluation com-
plète de l’exécution bud-
gétaire annuelle.
Analyse critique et comparative,
complétée par des projections in-
ternes de recettes à politique in-
changée. Vérification des hypo-
thèses du gouvernement par rap-
port à ses propres prévisions et à
celles
d’institutions
tierces
(Banque du Portugal, Commission
européenne, FMI).
Équipe technique composée d’
ex-
perts spécialisés en finances pu-
bliques et modélisation écono-
mique (6 personnes au total).
Budget modeste (moins de 1 mil-
lion €), financé sur fonds publics.
Accès régulier aux données des
administrations publiques natio-
nales (sauf administration fiscale)
et coopération étroite avec la
Banque du Portugal, l’Institut na-
tional de statistiques (INE) et insti-
tutions européennes.
Royaume-
Uni (UK)
Office
for
Budget
Re-
sponsibility
(OBR)
Élabore toutes les
prévisions
offi-
cielles macroéco-
nomiques et bud-
gétaires
(re-
cettes, dépenses,
solde)
pour
le
gouvernement
Créé par loi (BRNA Act
2011)
organisme
d’État indépendant, rat-
taché au Trésor, sans su-
bordination
fonction-
nelle
Ex ante : deux prévisions
annuelles
(Budget
et
Énoncé d’Automne); Ex
post
:
rapport
annuel
d’évaluation des écarts
de prévision
Modèles
économétriques
propres (macro et fiscal), collabo-
ration avec HMRC pour micro-si-
mulations, transparence métho-
dologique
Environ 50 experts permanents;
budget annuel d’environ £3 mil-
lions (financement public sécu-
risé)
20
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
Annexe II
Méthodologie de comparaison des déterminants des révisions de prévision de recettes
Chaque année en octobre les gouvernements de l’Union européenne soumettent à la Commission européenne un projet de plan budgé
taire qui présente la prévi-
sion de recettes de l’année en cours et de l’année suivante. Ainsi, la prévision des recettes publiques attendues en t est présentée une première fois l’année
précédente (en octobre t-
1) et une deuxième fois en cours d’exécution (en octobre t). A partir de
ces deux versions d’une même prévision
34
, l’analyse vise d’abord
à caractériser l’ampleur de la révision de prévision selon les pays en rapportant au PIB l’écart dans le niveau de prélèvemen
ts obligatoires entre les deux exercices
de prévision :
(??
𝑡
?
− ??
𝑡
?
)/?𝐼𝐵
𝑡
?
, avec
??
𝑡
?
le niveau de prélèvements obligatoires pour l’année t figurant dans le projet de plan budgétaire d’octobre t.
Ensuite, l’analyse cherche à identifier
les déterminants principaux de la révision des prévisions de recettes, en distinguant les effets liés à la révision de la croissance
de ceux liés à la révision des mesures nouvelles, de l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB et du niveau de prélèvements obligatoires de l’année précé-
dente. Le détail de la décomposition est donné ci-dessous.
La dynamique des prélèvements obligatoires est la suivante :
??
𝑡
= ?? + (1 + 𝜀𝑦) ∗ ??
𝑡−1
Avec
??
𝑡
le niveau de prélèvements obligatoires de l’année,
??
les mesures nouvelles adoptées,
𝜀
l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB,
𝑔
la croissance
volume et
𝜋
le déflateur du PIB, et
𝑦
la croissance nominale.
On suppose que la dynamique des prélèvements obligatoires peut être approchée par la formule, en supposant que la croissance nominale peut être approximée
par
𝑔+𝜋
:
??
𝑡
= ?? + (1 + 𝜀(𝑔 + 𝜋)) ∗ ??
𝑡−1
La révision de deux prévisions de prélèvements obligatoires pour l’année
t peut être décomposée en plusieurs effets :
??
𝑡
?
− ??
𝑡
?
= ??
?
+ (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ ??
𝑡−1
?
− ??
?
− (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ ??
𝑡−1
?
1/ Un effet des mesures nouvelles en recettes
??
𝑡
?
− ??
𝑡
?
= (??
?
− ??
?
) + (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ ??
𝑡−1
?
− (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ ??
𝑡−1
?
Effet mesures nouvelles
2/ Un effet « base » lié à la révision du niveau de prélèveme
nts obligatoires de l’année précédente
:
??
𝑡
?
− ??
𝑡
?
= (??
?
− ??
?
) + (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ (??
𝑡−1
?
− ??
𝑡−1
?
) + (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ ??
𝑡−1
?
− (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ ??
𝑡−1
?
Effet mesures nouvelles
Effet base
34
Distinguées dans les notations par les exposants a et b, qui correspondent respectivement à la prévision réalisée en octobre t et en octobre t-1.
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
21
3/ Un effet déflateur du PIB
??
𝑡
?
− ??
𝑡
?
= (??
?
− ??
?
) + (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ (??
𝑡−1
?
− ??
𝑡−1
?
)+𝜀
?
(𝜋
?
−𝜋
?
) ∗ ??
𝑡−1
?
+ (𝜀
?
𝑔
?
−𝜀
?
𝑔
?
) ∗ ??
𝑡−1
?
+𝜀
?
𝜋
?
∗ ??
𝑡−1
?
−𝜀
?
𝜋
?
∗ ??
𝑡−1
?
Effet mesures nouvelles
Effet base
Effet déflateur
4/ Un effet croissance volume
??
𝑡
?
− ??
𝑡
?
= (??
?
− ??
?
) + (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ (??
𝑡−1
?
− ??
𝑡−1
?
)+𝜀
?
(𝜋
?
−𝜋
?
) ∗ ??
𝑡−1
?
+𝜀
?
(𝑔
?
−𝑔
?
) ∗ ??
𝑡−1
?
Effet mesures nouvelles
Effet base
Effet déflateur
Effet croissance volume
−𝜀
?
𝑔
?
∗ ??
𝑡−1
?
+𝜀
?
𝑔
?
∗ ??
𝑡−1
?
+𝜀
?
𝜋
?
∗ ??
𝑡−1
?
−𝜀
?
𝜋
?
∗ ??
𝑡−1
?
5/ U
n effet d’élasticité
??
𝑡
?
− ??
𝑡
?
= (??
?
− ??
?
) + (1 + 𝜀
?
(𝑔
?
+𝜋
?
)) ∗ (??
𝑡−1
?
− ??
𝑡−1
?
)+𝜀
?
(𝜋
?
−𝜋
?
) ∗ ??
𝑡−1
?
+𝜀
?
(𝑔
?
−𝑔
?
) ∗ ??
𝑡−1
?
Effet mesures nouvelles
Effet base
Effet déflateur
Effet croissance volume
+(𝜀
?
−𝜀
?
)(𝑔
?
+𝜋
?
) ∗ ??
𝑡−1
?
Effet d’élasticité
22
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
Annexe III
Etude de la dispersion des révisions de prévision de recettes sur un panel de pays eu-
ropéens
L’étude empirique sur les révisions de prévision de recettes utilise
la moyenne quadratique afin de mesurer
l’ampleur des révisions. Une analyse complémentaire à l’aide de la déviation standard permet de mesurer la
dispersion des révisions des prévisions de recettes. La moyenne quadratique
??
et la déviation standard
𝜎
sont calculées comme suit pour un pays donné, avec
𝑟𝑒𝑣
𝑡
la révision à la date t et
𝑟𝑒𝑣
̅̅̅̅̅
la moyenne des révi-
sions sur la période :
?? = √
1
𝑇
𝑟𝑒𝑣
𝑡
2
𝑇
𝑡=1
et
𝜎 = √
1
𝑇
(𝑟𝑒𝑣
𝑡
− 𝑟𝑒𝑣
̅̅̅̅̅)
2
𝑇
𝑡=1
L’analyse
montre une augmentation de la variabilité des prévisions de recettes
pour l’ensemble des pays du
panel depuis la Covid
, signe d’une plus grande volatilité économique et d’une complexité accrue de l’estima-
tion des recettes. En particulier, la dispersion des révisions de recettes dues aux révisions de la croissance
nominale du PIB a connu une hausse de 50 % (passant de 0,6 pt de PIB sur la période 2014-2019 à 0,9 pt de
PIB sur la période 2021-
2023 en moyenne quadratique), l’effet de la révision des mesures nouvelles a doublé
(passant de 0,2 pt de PIB à 0,4
pt de PIB) et l’effet des révisions de l’élasticité a triplé (passant de 0,
6 pt de PIB
à 1,4 pt de PIB).
Graphique 3 :
Dispersion des révisions des prévisions de recettes imputables à la croissance en valeur, aux
mesures nouvelles (MN) et à l’élasticité en moyenne dans les pays du panel
, mesurée par la déviation standard
et non comme dans le graphique 1 du corps de la note qui raisonne en moyenne quadratique des révisions,
en point de PIB
Source : CPO
Champ : huit pays européens
Note de lecture : déviation standard des révisions, en point de PIB sur les périodes 2014-2019 « avant covid »
et 2021-2023 « après covid »
L’étude statist
ique montre également que dans les pays où une institution indépendante réalise la prévision
macroéconomique officielle, qui est intégralement reprise par le gouvernement, la déviation des révisions des
prévisions
due à une révision de la croissance en volume
est d’ampleur plus faible
en moyenne que dans les
pays où les institutions budgétaires indépendantes n’assurent pas cette mission.
0,6%
0,9%
0,2%
0,4%
0,6%
1,4%
0,0%
0,2%
0,4%
0,6%
0,8%
1,0%
1,2%
1,4%
1,6%
avant
covid
croissance
après
covid
croissance
avant
covid MN
après
covid MN
avant
covid
élasticité
après
covid
élasticité
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
23
Graphique 2 :
Dispersion des révisions des prévisions de recettes imputables aux révisions de la croissance en
volume selon les mandats des institutions budgétaires indépendantes, mesurée par la déviation standard
Source : CPO
Champ : huit pays européens
Note : déviation standard des révisions, en point de PIB. La « période avec Covid
» inclut l’année 2020, la «
pé-
riode hors Covid » porte sur les années 2014 à 2019 et 2021 à 2023.
Toutefois, dans les pays où une institution indépendante réalise la prévision macroéconomique officielle, la
déviation des révisions des prévisions de recettes n’est pas moins élevée en moyenne que dans les pays où le
gouvernement réalise la prévision de recettes officielle. Ce résultat s’explique essentiellement par la volatilité
des révisions de prévisi
ons de recettes dues aux révisions d’élasticité et aux révisions de mesures nouvelles,
surtout après la Covid.
1,32%
0,52%
1,83%
0,71%
1,71%
0,64%
0,00%
0,20%
0,40%
0,60%
0,80%
1,00%
1,20%
1,40%
1,60%
1,80%
2,00%
période avec
Covid
période hors Covid
la prévision macroéconomique est réalisée par un institut indépendant
l'IBI réalise une prévision indépendante non reprise par le gouvernement
l'IBI ne réalise pas de prévision macroéconomique
24
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
Annexe IV -
Etudes de cas sur la gouvernance des prévisions de recettes dans d’autres pays euro-
péens
La gouvernance des prévisions de recettes en Autriche : la réalisation des prévisions macroéconomiques et
de finances publiques par plusieurs institutions budgétaires indépendantes
35
Les prévisions de recettes en Autriche sont soumises à un double contrôle qualité.
Le premier, antérieur, à
la publ
ication de la prévision de recettes du gouvernement par le ministère des finances, est assuré par l’ins-
titut WIFO (Österreichsches Institut für Wirtschaftsforschung) qui est en charge de la production indépen-
dante des prévisions macroéconomiques sous-jacentes à la prévision des recettes par le gouvernement. Le
deuxième contrôle a lieu après la transmission du projet de budget à la Commission européenne, en amont
du débat budgétaire, lorsque le Fiskalrat, rattaché à la banque centrale nationale (OeNB), émet un avis sur la
situation des finances publiques autrichiennes.
La prévision de croissance n’est pas réalisée par le gouvernement mais externalisée depuis près de 100 ans
à un institut indépendant.
Depuis 1927, le
département « macroéconomie et finances publiques
» de l’institut
indépendant WIFO, composé de 25 personnes
36
, publie une prévision de croissance du PIB, d’évolution de ses
composantes et réalise une prévision de chômage à court et moyen terme. En particulier, il a la charge d’esti-
mer l’écart de pr
oduction.
Si le gouvernement autrichien réalise des prévisions de finances publiques, celles-
ci ne peuvent pas s’écarter
significativement des prévisions de l’institution budgétaire indépendante
, le Fiskalrat, qui dans ses recom-
mandations peut demander la
mise en œuvre de mesures de corrections. Le
Fiskalrat, rattaché organiquement
à la banque centrale autrichienne, mais indépendant de celle-ci, est en charge de veiller au respect des règles
budgétaires nationales. Il est composé d’un collège de 15 personnes et d’un secrétariat de sept
37
personnes.
Pour rédiger ses avis sur la qualité des prévisions de finances publiques gouvernementales et leur respect des
règles budgétaires nationales, le secrétariat du Fiskalrat dispose de son propre modèle de prévision en recette
qui simule plus de 50 types de recettes fiscales (plus de 30 impôts, 8 cotisations sociales et d’autres recettes
hors prélèvements obligatoires), à l’aide de techniques de prévision spécifiques à chaque recette. Il se fonde
Les prévisions de fina
nces publiques de l’institution budgétaire indépendante autrichienne peuvent parfois
être publiées avant la prévision gouvernementale, ce qui participe de la sincérité des prévisions budgétaires.
Au printemps, avant la publication du programme de stabilité, il réalise des prévisions « flash » dans des délais
resserrés (2 semaines). Il publie ensuite en juin son avis et ses recommandations sur le programme de stabilité.
A l’automne, en amont de l’examen de la loi de finances, le
Fiskalrat dispose de quatre semaines pour réaliser
sa prévision, qui intègre l’ensemble des mesures discrétionnaires envisagées par le gouvernement dans son
projet de loi de finances.
Par ailleurs, si le Fiskalrat ne dispose pas de conseil scientifique, l’institut WIFO en charge des p
révisions ma-
croéconomique est soutenu par un conseil scientifique sur les questions stratégiques et des débats scienti-
fiques. Ce conseil est composé de 16 chercheurs à la renommée internationale.
La gouvernance des prévisions de recettes en Belgique : une prévision de finances publiques à politique
inchangée fondée sur une prévision macroéconomique indépendante et comparable avec une prévision
indépendante.
La prévision de recettes du gouvernement en Belgique se fonde sur les prévisions macroéconomiques réa-
lisées par le bureau fédéral du plan (BFP),
qui est une institution indépendante également chargée de l’ana-
lyse ex ante et ex post de l’impact macroéconomique de réformes structurelles.
La prévision de recettes à
35
L’étude de cas a été vérifiée et commentée par le Fiskalrat le 24 février
36
Le département est composé de 14 économistes, 8 assistants de recherches, 2 professeurs associés et 1 doctorant.
37
Le secrétariat est composé de 5 économistes, 1 assistante de recherche et d’un responsable du marketing et de la communicatio
n.
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
25
politique inchangée, réalisée par l’adminis
tration,
38
peut être comparée avec celle produite par le bureau
fédéral du plan. A partir de cette prévision, le gouvernement évalue l’impact sur les finances publiques et
sur les agrégats macroéconomiques de mesures discrétionnaires en recette
et en dépens
es permettant d’at-
teindre les conseils
ex ante
du conseil supérieur des finances (CSF) sur la trajectoire de finances publiques.
Sans qu’aucune disposition normative ne l’impose, les prévisions macroéconomiques belges sont produites
par le BFP, qui est un
organisme indépendant d’intérêt public
39
. Dans le cadre de ses deux exercices de pré-
visions appelés « budgets économiques », le BFP réalise une prévision de recettes à politique inchangée, qui
repose notamment sur l’utilisation d’un modèle macro
-économétrique
40
. Au-delà de ses éclairages sur les
perspectives économiques en Belgique, le BFP réalise certaines des missions qui incombent usuellement aux
instituts statistiques (prévisions démographiques, énergétiques, de transport) et à des organismes d’évalua-
tio
n des politiques publiques (mesure de l’impact de politiques publiques structurelles sur des agrégats ma-
croéconomiques). Par ailleurs, le BFP a pu évaluer l’impact de chocs exogènes (hausse des prix du pétrole ou
du gaz). Pour remplir ses nombreuses missio
ns, le BFP est composé d’une centaine de collaborateurs dont une
trentaine de personnes dédiées aux prévisions macroéconomiques et budgétaires.
A partir des prévisions macroéconomiques du BFP, l’administration belge réalise une prévision de recettes
à politique inchangée.
En cas d’écarts significatifs avec la prévision de recettes du BFP, la prévision de l’admi-
nistration peut être confrontée à celle du BFP, ce qui offre des garanties sur la robustesse de la prévision.
Cette prévision à politique inchangée sert de base pour les discussions du « conclave » budgétaire sur les me-
sures nouvelles à mettre en œuvre, en dépense et en recette, pour
a minima
atteindre les objectifs de finances
publiques fixés dans les avis du conseil supérieur des finances et se conformer ainsi au cadre budgétaire eu-
ropéen. Lors du
conclave, le gouvernement évalue l’impact sur les finances publiques et sur les grands agrégats
macroéconomiques de mesures discrétionnaires et peut faire appel au BFP, à l’administration, ou à d’autres
sources pour réaliser ces analyses. Toutefois, la qualité de la prévision des mesures discrétionnaires est va-
riable
41
et est parfois reprise l’année suivante par l’administration dans le scénario à politique inchangée.
Ex post, le CSF émet un avis sur l’exécuti
on de la loi de finances et le respect des règles budgétaires natio-
nales.
Il est également en charge de déclencher le mécanisme de correction s’il détecte une déviation signifi-
cative. Il a aussi la possibilité d’activer
la clause de sauvegarde (nationale)
s’il conclut en la présence de cir-
constances exceptionnelles. Toutefois, le conseil supérieur des finances ne dispose pas des ressources hu-
maines suffisantes pour remplir seul sa mission de conseil
ex ante
et de contrôle
ex post
. Certes, le conseil est
dot
é d’un collège composé de 12 membres
nommés pour la moitié d’entre eux par l’administration publique
fédérale (3 par la banque centrale, 3 par le gouvernement) et pour l’autre moitié par les communautés et les
régions. Toutefois, le secrétariat du CSF ne compte que 1,5 équivalents temps plein
42
. Le CSF étant présidé
ex-
officio
par le gouverneur de la Banque Nationale de Belgique, les avis du Conseil bénéficient régulièrement du
soutien technique de
l’
équipe en charge des finances publiques au département des études de la Banque
Nationale.
38
L’administration fédérale belge est structurée en «
services publics fédéraux,
» tels que le SPF Finances qui jouissent d’une
autono-
mie opérationnelle significative concernant des tâches techniques, telles que le prévisions.
39
Bien qu’il relève de la tutelle du Premier ministre et du ministre de l’économie.
40
Un document de travail présente les caractéristiques du modèle économétrique HERMES utilisé par le BFP :
Description et utilisation
du modèle HERMES | Bureau fédéral du Plan
41
Comme l’ont souligné plusieurs audits réalisés par l
a Cour des comptes belge.
42
En 2023 d’après la fiscal governance database de la Commission européenne.
26
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
Le cas allemand : des prévisions de recettes fondées sur des hypothèses macroéconomiques validées par
des instituts de recherche indépendants et produites par un groupe de travail collégial présidé par le mi-
nistère fédéral des Finances. Un suivi assuré par le Conseil de stabilité et son comité consultatif indépen-
dant
43
La prévision macroéconomique conjointe (Die Gemeinschaftsdiagnose)
En Allemagne, une prévision économique conjointe est réalisée deux fois par an (en avril et en octobre) par
cinq instituts de recherche économique indépendants (Ifo, DIW, IWH, IfW et RWI). Cette prévision macroéco-
nomique commune sert de référence au ministère fédéral de l’Économie (Bundesministerium für Wirtschaft
und Energie
, BMWi). Conformément au règlement « Two Pack », la prévision du ministère fédéral de l’Écono-
mie est ensuite soumise à validation auprès de la Joint Economic Forecast.
Le groupe de travail sur les prévisions de recettes fiscales (Arbeitskreis Steuerschätzungen)
La responsabilité principale en matière de prévisions de recettes fiscales en Allemagne incombe au
Working
Group on Tax Revenue Forecasts
(Arbeitskreis Steuerschätzungen), un conseil placé sous la présidence du mi-
nistère fédéral des Finances (Bundesministerium der Finanzen, BMF). Ce groupe réunit des représentants du
BMF, du ministère fédéral de l’Économie, des cinq instituts de recherche économique susmentionnés, de l’Of-
fice fédéral de la statistique (Destatis), de la Bundesbank, du Conseil allemand des experts économiques (Sach-
verständigenrat), ainsi que des ministères des Finances des Länder et des communes.
Le groupe se réunit deux fois par an, en mai et en novembre, pour actualiser les prévisions de recettes fiscales.
Il prend en comp
te la Joint Economic Forecast, les modifications législatives, ainsi que d’autres facteurs sus-
ceptibles d’influer sur les rentrées fiscales. Les projections ainsi établies servent de base à la préparation des
budgets au niveau fédéral, des Länder et des municipalités, et constituent également le socle des projections
budgétaires à moyen terme.
Le Conseil de stabilité (Stabilitätsrat)
Le
Stability Council
(Stabilitätsrat) est un organe commun de la Fédération (Bund) et des Länder. Son existence
est inscrite
à l’article 109a de la Loi fondamentale (Grundgesetz) et vise à renforcer le cadre institutionnel
garantissant la soutenabilité des finances publiques à long terme, tant au niveau fédéral que pour les Länder.
Le Conseil se compose du ministre fédéral des Finances, des ministres des Finances des Länder et du ministre
fédéral de l’Économie. Sa coprésidence est assurée conjointement par le ministre fédéral des Finances et le
président de la Conférence des ministres des Finances des Länder.
La mission principale du Conseil consiste à surveiller régulièrement la situation budgétaire du Bund et des
Länder pour détecter rapidement tout risque de déséquilibre financier et permettre la mise en œuvre de me-
sures correctives appropriées. Il veille également au respect d
e la « règle d’or » (ou frein à l’endettement)
ancrée dans la Loi fondamentale, ainsi qu’au respect des règles budgétaires européennes.
Le Comité consultatif indépendant du Conseil de stabilité (Unabhängiger Beirat des Stabilitätsrats)
Le Conseil de stabil
ité s’appuie sur un comité consultatif indépendant, composé d’experts issus de diverses
institutions, parmi lesquelles la Deutsche Bundesbank et le Conseil allemand des experts économiques (Sach-
verständigenrat). Ce comité émet des avis sur le respect des limites supérieures de déficit structurel des ad-
ministrations publiques et, le cas échéant, formule des recommandations pour corriger des déficits jugés ex-
cessifs. Le Comité consultatif du Conseil de stabilité est considéré comme l’institution budgétaire in
dépen-
dante (IFI) allemande et fait partie du réseau des IFI au niveau de l’Union européenne.
43
L’étude de cas a fait l’objet d’un échange entre les rapporteurs
et le comité budgétaire européen le 6 mars 2025
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
27
La gouvernance de la prévision des recettes en Espagne : une institution budgétaire indépendante qui réa-
lise une prévision macroéconomique et une prévision de finances publiques à haute fréquence
44
La prévision des recettes en Espagne, tant au niveau national que régional, fait l’objet d’un contrôle par une
institution budgétaire indépendante relativement mise en place dans un contexte budgétaire fragile en
2013,
l’AIReF (Autoridad Independiente de Responsabilidad Fiscal).
Pour remplir ses missions inscrites dans
une loi organique
45
, l’AIReF réalise ses propres prévisions macroéconomiques et ses prévisions de finances
publiques, à l’échelle nationale mais également
à l’échelle régionale. Chaque mois, elle met à jour ses prévi-
sions de finances publiques pour tous les sous-secteurs des administrations publiques nationales.
En Espagne, où l’organisation territoriale laisse une grande autonomie aux régions,
les gouvernements au ni-
veau central et régional doivent
46
demander à l’AIReF d’élaborer un rapport sur les prévisions macroécono-
miques intégrées dans leurs plans budgétaires, dans lequel elle indique si elle approuve les prévisions gouver-
nementales.
Pour valider les prévisions macroéconomiques sous-jacentes à la prévision de finances pu-
bliques
, l
’AIReF réalise, au niveau national et régional, ses propres prévisions macroéconomiques.
Cet exer-
cice de prévision donne lieu à une publication, deux fois par an : à la mi- avril et à la mi-octobre.
De plus, en vertu de la Directive 2011/85/UE qui exige que les prévisions macroéconomiques et budgétaires
contenues dans les plans budgétaires fassent l’objet d’évaluations régulières afin d’améliorer leur qualité et
de détecter d’éve
ntuels biais systématiques
, l’AIReF suit la situation des finances publiques à un rythme
mensuel. Elle publie ainsi une mise à jour de ses prévisions de finances publiques au niveau national chaque
mois.
Toutefois, l’AIReF déplore souvent que les gouvernements ne fournissent pas suffisamment d’informations
pour lui permettre de réaliser ses prévisions, en particulier concernant les mesures discrétionnaires ayant un
impact budgétaire. Par conséquent, l’AIReF est parfois contrainte de produire uniquement une
prévision à
politique inchangée, excluant ainsi l’impact des nouvelles mesures fiscales.
En théorie, les recommandations de l’AIReF sur le scénario macroéconomique et les projections des finances
publiques doivent être mises en œuvre par le gouvernement.
Si le gouvernement décide de ne pas les suivre,
il doit fournir une justification dans un délai d’un mois. Les recommandations de l’AIReF ont suscité des débats
sur des questions telles que la soutenabilité financière du système de sécurité sociale et le calcul de la règle
de dépenses au niveau national et régional. Cependant, dans de nombreux cas, les réponses du gouvernement
sont tardives et sommaires.
Enfin, pour
accroître la transparence, l’AIReF réalise également une évaluation ex post de ses propres pr
évi-
sions, qui servent de base à l’analyse du degré de conformité aux scénarios gouvernementaux et, dans le cas
des prévisions macroéconomiques, à leur validation.
Par ailleurs, l’AIReF dispose d’un conseil consultatif qui apporte un conseil technique en pa
rticulier en matière
d’évaluation de politiques transversales. Le rôle du conseil est exclusivement délibératif et technique sur les
questions soumises à consultation par la présidente de l’AIReF.
Il est composé de 9 membres issus du monde
académique.
44
L’étude de cas a été vérifiée et commentée par l’AIReF le 2
1
février, et a fait l’objet d’un échange entre les rapporteurs et leur équipe
le 6 mars 2025.
45
BOE-A-2013-11935 Ley Orgánica 6/2013, de 14 de noviembre, de creación de la Autoridad Independiente de Responsabilidad Fiscal.
46
Par la loi organique du 14 novembre 2013 portant sur la création de l’AIReF
, prise en application du règlement (UE) 473/2013, les
prévisions macroéconomiques servant de base à l’élaboration
des plans budgétaires et des programmes de stabilité doivent être pro-
duites ou validées par des institutions budgétaires indépendantes.
28
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
La gouvernance des prévisions de recettes en Italie : une instance indépendante rattachée au Parlement
italien pour superviser les prévisions budgétaires et garantir leur sincérité
47
L’Italie se distingue de la plupart des autres pays européens par l’existence
d’une institution budgétaire
directement rattachée au Parlement tout en maintenant une indépendance fonctionnelle
48
, dont l’existence
est inscrite dans une loi constitutionnelle
49
: l’Ufficio Parlamentare di Bilancio (UPB).
Créé en 2014 pour
répondre aux ex
igences européennes, l’UPB joue un rôle central dans l’endossement des prévisions macroé-
conomiques et l’évaluation des finances publiques italiennes.
L’UPB exerce une double fonction d’endossement et d’évaluation critique des prévisions gouvernemen-
tales.
C
haque année, il est chargé d’examiner et d’approuver les hypothèses macroéconomiques du Docu-
mento di economia e finanza (DEF), qui constitue le cadre des orientations budgétaires de l’Italie, ainsi que de
sa mise à jour. Si l’UPB juge ces hypothèses irréal
istes ou trop optimistes, il peut refuser de les approuver,
contraignant alors le gouvernement à les réviser ou à s’en justifier si au moins un tiers des membres des com-
missions parlementaires en charge des finances publiques l’exige. Cette procédure a déj
à entraîné des ajuste-
ments dans les projections du gouvernement, notamment en 2016 et 2018
50
, lorsque l’UPB a refusé d’endos-
ser les prévisions macroéconomiques initiales, jugées excessivement optimistes.
L’UPB est dirigé par un conseil de trois membres, nom
més pour des mandats de six ans, sélectionnés selon
leurs compétences en économie et en finances publiques au terme d’une procédure parlementaire.
Il est
soutenu par une équipe d’environ 30 analystes spécialisés en modélisation économique, en prévision bud
gé-
taire et en finances publiques. Cette équipe est structurée en départements, couvrant notamment l’analyse
macroéconomique, l’évaluation des finances publiques ainsi que l’analyse des recettes et dépenses de l’État.
Bien que l’UPB dispose de ses propres m
odèles économétriques internes pour analyser la plausibilité des
prévisions gouvernementales, il ne publie que ces dernières et non sa propre prévision de finances pu-
bliques
. Son rôle est donc double : valider les hypothèses macroéconomiques fournies par le gouvernement,
en évaluant leur robustesse et leur cohérence avec l’environnement économique global, et apprécier la plau-
sibilité des prévisions gouvernementales en matière de finances publiques. Son indépendance est renforcée
par la loi, qui prévoit que
l’UPB puisse demander et obtenir obligatoirement tous les éléments non publiés
nécessaires à l’exercice de ses missions, impliquant notamment des échanges avec l’Institut national de la
statistique, le ministère des Finances, d’autres ministères, l’Agence fiscale, la Banque d’Italie, etc.
Au-
delà des prévisions macroéconomiques, l’UPB publie également des évaluations sur la soutenabilité des
finances publiques, les risques budgétaires et l’impact, y compris redistributif, des mesures fiscales adop-
tées par le gouvernement
.
L’UPB intervient à toutes les étapes du processus budgétaire
. Avant la présentation du budget, il doit valider
les prévisions macroéconomiques figurant dans le DEF et sa mise à jour. Une fois le projet de loi de finances
soumis au Parlement, il publie une analyse détaillée des mesures budgétaires et de leur incidence sur les re-
cettes et dépenses publiques. L’UPB réalise en outre une évaluation ex post, notamment dans le cadre de son
rapport annuel, qui permet d’identifier et d’expliquer les
écarts entre les réalisations macroéconomiques et
budgétaires et les prévisions ou objectifs initiaux, ainsi que d’éclairer certains sujets qui varient chaque année.
Ainsi, l’UPB figure parmi les rares institutions budgétaires indépendantes en Europe à êtr
e rattachées au Par-
lement en termes de localisation et de financement. Grâce à ce statut et à ses travaux, il a acquis une position
centrale dans le débat budgétaire national. Cette situation particulière lui confère la capacité d’exercer sa
47
L’étude de cas a été vérifiée et commentée par l’UPB
le 25 février
, et a fait l’objet d’un échange entre les rapporteurs et leur équipe
le 26 février 2025.
48
Fasone, Cristina
.
Note sur
l’Ufficio parlamentare di bilancio nel quadro del costituzionalismo europeo e in prospettiva comparata
.
Osservatorio sulle Fonti
, no. 2, 2021.
49
Constitutional Law n. 1/2012
. Lucie Sponchiado.
L’UFFICIO PARLAMENTARE DI BILANCIO
.
Revue française de finances publiques
,
2016, 135, pp.243
50
.
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
29
fonction de co
ntrôle en dehors de toute interférence de l’exécutif ou politique, garantissant ainsi une évalua-
tion impartiale des finances publiques.
La gouvernance des prévisions de recettes aux Pays-Bas : une prévision macroéconomique indépendante,
qui assoit les prévisions de recettes et inclut les effets de bouclage des mesures fiscales
51
Le cadrage macroéconomique des prévisions de finances publiques aux Pays-Bas se fonde sur la prévision
indépendante du Centraal Planbureau (CPB).
Bien qu’elle ne se prononce pas sur le réalisme des prévisions
du gouvernement ni sur le respect des règles budgétaires nationales et européenne,
cette autorité budgétaire
indépendante publie également, concomitamment à la présentation du budget en automne, une évaluation
de l’impact macroéconomique des mesures budgétaires envisagées par le gouvernement
, sans toutefois
procéder systématiquement à une évaluation de l’impact sur les finances publiques de ces mesures en re-
cettes et en dépense.
Les prévisions macroéconomiques sous-jacentes à la prévision de finances publiques aux Pays-Bas sont ré-
alisées par le CPB depuis 1946.
Sous l’impulsion du prix Nobel d’économie Jan Tinbergen, directeur du CPB
depuis sa création en 1945 jusqu’en 1955, le CPB s’est doté de
modèles macroéconomiques et comptables à
même d’analyser et de prévoir les développements de l’économie néerlandaise. A l’aide de ces modèles, une
équipe composée de 130 personnes dont 100 économistes et analystes en politiques publiques, actualise deux
fois par an la prévision macroéconomique. Au printemps, en amont de la publication du programme de stabi-
lité, le CPB publie ainsi un « plan économique central
». A l’automne, le jour de la présentation du budget de
l’année suivante, le CPB publie une prévision macroéconomique actualisée, qui prend en compte l’effet retour
des mesures envisagées par le gouvernement.
Les prévisions de finances publiques ne font pas l’objet d’une contre
-
évaluation lors de l’examen du budget.
Toutefois, le CPB évalue les effets de bouclage macroéconomique des mesures gouvernementales, qui sont
ensuite soit directement
52
intégrés à sa prévision macroéconomique soit présentés dans une publication dé-
diée
53
. Ponctuellement, le CPB réalise également des études sur l’impact sur les finan
ces publiques et redistri-
butif
54
de certaines mesures. Par ailleurs, le Conseil d’Etat néerlandais (Raad van State) se prononce sur le
respect des règles budgétaires nationales et européenne.
A l’occasion des élections parlementaires, le CPB analyse la sout
enabilité à long terme des finances pu-
bliques
et réalise, à cet égard, ses propres prévisions de finances publiques, en considérant différents scéna-
rios de politique budgétaire. Le CPB analyse également l’impact macroéconomique et sur les finances pu-
bliques des programmes des différents partis politiques.
Par ailleurs, le CPB s’est doté depuis le 1
er
avril 2021 d’une commission d’intégrité scientifique. Composé de 3
chercheurs, il veille au respect des bonnes pratiques de recherche au sein du CPB mais égal
ement à l’honnê-
teté, à la diligence, à la transparence et à l’indépendance des publications du CPB
.
La gouvernance des prévisions de recettes au Portugal : un conseil indépendant garant de la fiabilité des
prévisions de recettes et de la soutenabilité budgétaire
55
Créé en 2011 et opérationnel depuis 2012, le Conseil des finances publiques portugais (Conselho das Finan-
ças Públicas, CFP) est un organisme indépendant chargé de surveiller et d’évaluer les finances publiques du
Portugal.
Comme l’AIReF espagnole, sa création s’inscrit dans le contexte de la crise souveraine
de 2009-2012,
où de nombreux pays européens cherchaient à cimenter la crédibilité de leur engagement envers la soutena-
bilité des finances publiques.
Son action s’inscrit dans un dispositif visan
t à assurer la discipline budgétaire, la
51
L’étude de cas a été vérifiée et commentée par
le Centraal Planbureau le 25 février
, et a fait l’objet d’
un échange entre les rappor-
teurs et leur équipe le 10 mars 2025.
52
A l’automne
53
Au printemps
54
Il dispose pour ce faire de modèles de microsimulation.
55
L’étude de cas a été vérifiée et commentée par
le Conselho das Finanças Públicas le 7 mars, et a fait
l’objet d’un échange entre les
rapporteurs et leur équipe le 11 mars 2025.
30
|
La prévision des recettes publiques : qui fait quoi en Europe ?
transparence fiscale et la soutenabilité de la dette publique. À ce titre, il analyse notamment les scénarios
macroéconomiques retenus par le gouvernement, la cohérence des prévisions budgétaires avec ces scénarios
et le respect des règles budgétaires établies.
Le CFP élabore ses propres projections de recettes à politique inchangée et apprécie de manière critique les
prévisions présentées par le gouvernement
. Ainsi, dans son rapport d’évaluation sur le projet de bud
get pour
2024
56
, il examine la plausibilité de la trajectoire des principaux indicateurs budgétaires au regard de ses
propres prévisions, exprimées en pourcentage du PIB.
Le Conseil est dirigé par un collège composé d’un président et de quatre membres, nomm
és pour un mandat
unique de sept ans, à l’exception des membres non exécutifs dont le mandat peut être renouvelé une fois
.
Il s’appuie sur une équipe technique d’experts en finances publiques et en modélisation économique, chargée
de suivre la trajectoire budgétaire et de confronter les prévisions gouvernementales aux exigences euro-
péennes. L’analyse du CFP repose sur une méthodologie rigoureuse, incluant non seulement les projections
du gouvernement, mais également les autres prévisions macroéconomiques disponibles, notamment celles
de la Banque du Portugal, de la Commission européenne et du Fonds monétaire international.
Une partie du calendrier de publication du CFP est alignée sur les principales étapes du cycle budgétaire.
Par exemple, il émet un avis sur la fiabilité des prévisions macroéconomiques avant la présentation du projet
de budget au Parlement.
Le CFP publie également deux fois par an ses projections macroéconomiques et budgétaires, couvrant un
horizon de cinq ans.
Auparavant, il intervenait l
ors de la publication de l’ancien Programme de stabilité et
continue à réaliser une évaluation annuelle de l’exécution du budget, actualisant ses observations sur l’évolu-
tion des finances publiques.
Le CFP entretient des relations régulières, tant au plan
national qu’international, avec la Banque du Portu-
gal, l’Institut national de la statistique (INE) et la Commission européenne dans le cadre du Semestre euro-
péen
. Il collabore également avec d’autres institutions budgétaires indépendantes, en vue de renfor
cer ses
méthodes d’évaluation et de garantir la cohérence analytique au niveau européen.
Depuis sa création, le CFP a joué un rôle structurant dans l’amélioration de la fiabilité des prévisions de re-
cettes gouvernementales, incitant les autorités à adopter
une approche plus prudente dans l’élaboration des
scénarios budgétaires.
La gouvernance des prévisions de recettes au Royaume-
Uni : un organe indépendant au cœur du proces-
sus budgétaire britannique et garant de la transparence des prévisions
. 
57
Créé en 20
10, l’Office for Budget Responsibility (OBR)
58
est chargé d’établir les prévisions économiques et
budgétaires officielles dont le gouvernement britannique se sert pour préparer son budget.
Organisme bud-
gétaire indépendant, sa mission consiste à assurer la crédibilité et la transparence des finances publiques du
Royaume-
Uni, en s’appuyant sur des analyses impartiales fondées sur des prévisions autonomes et transpa-
rentes. Son modèle de gouvernance et l’étendue de son mandat en font l’une des institutions budgé
taires
indépendantes phares
de l’OCDE
59
.
La création de l’OBR était un
e réponse directe du nouveau gouvernement
conservateur aux manipulations répétées des prévisions macroéconomiques et budgétaires
afin d’assurer une
conformité
ex-ante
des budgets avec une
règle budgétaire définie sur l’ensemble d’un cycle économique.
L’OBR joue un rôle déterminant dans la procédure budgétaire : il produit deux prévisions majeures chaque
année, sous la forme du Economic and Fiscal Outlook (EFO), publié en mars et en novembre, qui constitue
la référence clé pour toutes les décisions budgétaires.
Ces prévisions incluent une estimation détaillée des
recettes publiques issues de plus de 30 impôts et contributions sociales, ainsi qu’une évaluation de l’impact
56
Conselho das Finanças Públicas.
Análise da Proposta de Orçamento do Estado para 2024
. Relatório n.º 10/2023, 25th October 2023.
57
L’étude de cas a été vérifiée et commentée par l’OBR le 18 février.
58
https://obr.uk/
59
Lisa von Trapp & Peter Fontaine & Michal Horvath & Gemma Telow, 2021. "
OECD Review of the Office for Budget Responsibility in
the United Kingdom
,"
OECD Journal on Budgeting
,
OECD Publishing, vol. 21(2), p. 163-222
Note du CPO n
o
11, mars 2025
|
31
des mesures fiscales
annoncées par le gouvernement. En outre, l’OBR publie chaque année un Forecast Eva-
luation Report, qui compare ses projections aux résultats effectifs, afin d’améliorer la qualité des prévisions
et d’identifier d’éventuelles sources d’erreur.
L’OBR est dir
igé par un Budget Responsibility Committee (BRC) composé de trois membres, nommés pour
des mandats de cinq ans.
Ceux-
ci disposent d’une large autonomie dans le choix des méthodes de prévision
et des hypothèses sous-
jacentes. Le BRC s’appuie sur une équipe permanente d’environ 50 spécialistes en
économie et en finances publiques, répartis en divisions spécialisées : prévisions économiques, prévisions
budgétaires, analyse des dépenses de protection sociale et soutenabilité budgétaire de long terme.
Contrairem
ent à certains pays où les prévisions macroéconomiques sont externalisées, l’OBR élabore ses
propres projections à l’aide de modèles économiques internes et de scénarios
. Toutefois, il ne produit pas
entièrement ses prévisions de recettes de manière autonome : ses travaux sont réalisés en collaboration avec
HM Revenue & Customs (HMRC), qui fournit les modèles fiscaux et les données détaillées en matière d’impo-
sition. L’OBR évalue ensuite l’impact des politiques publiques et des hypothèses économiques pour a
ffiner ses
projections.
Le calendrier de prévision suit un échéancier précis, aligné sur le cycle budgétaire du Royaume-Uni.
L’OBR
dispose de 10 semaines, réparties en cinq séries de prévisions
60
, pour préparer l’EFO, incluant, dans les deux
dernières série
s, l’analyse des mesures discrétionnaires du gouvernement (la cinquième et ultime série étant
publiée dans l’EFO le jour même de la présentation du budget gouvernemental). Par ailleurs, l’OBR joue un
rôle clé dans l’évaluation des politiques fiscales et de
leurs conséquences à long terme, publiant à cet effet
des rapports thématiques sur la soutenabilité des finances publiques. L’indépendance de l’OBR est garantie
par un cadre législatif qui interdit toute ingérence politique dans ses travaux, renforçant ainsi sa crédibilité et
l’objectivité de ses analyses.
La publication indépendante des prévisions de l’OBR, y compris l’évaluation chiffrée des nouvelles mesures
(cos
tings) validées par l’OBR, au même moment que les annonces de décisions budgétaires, contrib
ue à une
transparence accrue et à une meilleure discipline budgétaire
. À l’exception du « mini
-
Budget » de septembre
2022, pour lequel aucune prévision économique ou budgétaire n’avait été sollicitée, tous les budgets et dé-
clarations financières d’envergure ont été accompagnés d’une prévision de l’OBR.
60
Institute for Government.
OBR Supply Policy Forecasting
. 2024.