14, rue du Marché au Filé - 62012 – Arras cedex
Téléphone : 03 21 50 75 00
www.ccomptes.fr
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
ET SA RÉPONSE
SOCIÉTÉ ANONYME
D’HABITATIONS À LOYER
MODÉRÉ « LE COTTAGE SOCIAL
DES FLANDRES »
(Nord)
Exercices 2019 et suivants
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés, a
été délibéré par la chambre le 9 octobre 2024.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
1
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
...............................................................................................................................
3
RECOMMANDATIONS
...........................................................................................................
4
INTRODUCTION
......................................................................................................................
5
1
LA GOUVERNANCE
..........................................................................................................
6
1.1
Présentation de la société
................................................................................................
6
1.2
Présentation du groupe
....................................................................................................
8
1.2.1 Un groupe contrôlé par la SA Sorimmo
...........................................................................
9
1.2.2 La Sorimmo est elle-même, de fait, contrôlée par des cadres cooptés du groupe
............
9
1.3
Un siège social démesuré et coûteux
............................................................................
10
2
LA POLITIQUE ENERGETIQUE ET DE RENOVATION THERMIQUE DES
BATIMENTS
......................................................................................................................
12
2.1
La politique d’économies d’énergie
..............................................................................
13
2.2
La rénovation thermique de l’îlot du collège
................................................................
14
3
UNE FONCTION ACHAT DEFAILLANTE
.....................................................................
19
3.1
Le cottage social des Flandres est un pouvoir adjudicateur
..........................................
19
3.2
Des fournisseurs, membres bienfaiteurs de Domopale développement
.......................
20
3.3
Une commission d’appel d’offres à composition variable
...........................................
21
3.4
Une fonction achat non pilotée
.....................................................................................
22
3.4.1 La multiplicité des acheteurs
..........................................................................................
22
3.4.2 Des procédures internes inefficaces
................................................................................
23
3.4.2.1
L’absence d’outil de suivi et le manque de rigueur dans la tenue des dossiers
..............
23
3.4.2.2
Une mauvaise définition des besoins et l’absence de nomenclature des achats
.............
24
3.5
De nombreuses irrégularités
.........................................................................................
25
3.5.1 L’attribution d’un marché à une société membre de Domopale dont l’offre avait été
rejetée par la commission d’appel d’offres du groupement de commande
.....................
25
3.5.2 Des achats réalisés hors procédure interne et sans publicité
...........................................
25
3.5.3 Des achats hors procédure de la commande publique
....................................................
26
3.5.4 Des fournisseurs avec lesquels la directrice générale partage un intérêt à titre privé
.....
26
3.5.4.1
Société X
........................................................................................................................
26
3.5.4.2
Société Y
........................................................................................................................
27
4
LA QUALITÉ DE L’INFORMATION COMPTABLE ET LA SITUATION
FINANCIÈRE
.....................................................................................................................
29
4.1
La qualité de l’information comptable et financière
.....................................................
29
4.1.1 L’information financière et l’adoption des comptes
.......................................................
29
4.1.2 La fiabilité des comptes
..................................................................................................
29
4.1.2.1
Les créances locataires
...................................................................................................
29
4.1.2.2
Les provisions pour créances clients douteux ou litigieux
.............................................
30
4.1.2.3
Les autres provisions
.....................................................................................................
31
4.1.2.4
Les immobilisations et les amortissements
....................................................................
31
4.2
La situation financière de la société
..............................................................................
32
4.2.1 La formation du résultat
..................................................................................................
32
4.2.1.1
L’évolution des charges
.................................................................................................
32
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
2
4.2.1.2
L’évolution des produits
................................................................................................
33
4.2.1.3
Un résultat net excédentaire en diminution
....................................................................
34
4.2.2 L’évolution de la capacité d’autofinancement
................................................................
35
4.2.3 Le financement des investissements
...............................................................................
36
4.2.3.1
L’évolution du besoin de financement
...........................................................................
36
4.2.3.2
La gestion de la dette
.....................................................................................................
36
4.2.3.3
La trésorerie et le fonds de roulement
............................................................................
37
4.2.4 Les perspectives
..............................................................................................................
38
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
3
SYNTHÈSE
La société anonyme d’habitations à loyer modéré « Le Cottage social des Flandres »
gère un parc de 7 500 logements situés essentiellement dans l’agglomération dunkerquoise.
Concernée par les dispositions légales qui imposent aux organismes gérant moins de
12 000 logements de se regrouper, elle fait partie, depuis 2019, du groupe Habitat
Hauts-de-France.
Ce dernier est contrôlé, au travers de la société de droit commun Sorimmo, par certains
de ses cadres, cooptés au sein d’une société
ad hoc
, et par des cadres et anciens cadres cooptés
au sein de l’association « Domopale développement ». Cette situation est susceptible de créer
des conflits d’intérêts, au regard des missions d’intérêt général de la société.
En outre, l’association Domopale coopte en son sein des sociétés en tant que membres
bienfaiteurs. Celles-ci bénéficient, à ce titre, de relations privilégiées constituant une rupture
d’égalité avec leurs concurrents lorsqu’elles sont soumissionnaires d’achats publics effectués
par « Le Cottage social des Flandres ».
La société ne s’est pas organisée pour satisfaire à ses obligations de pouvoir
adjudicateur. Elle effectue, de manière récurrente et assumée, une quantité importante d’achats
en dehors de toute procédure du code de la commande publique. Cette situation,
particulièrement préoccupante, est aggravée par des intérêts communs de la directrice générale
avec des fournisseurs.
La société a passé, sans difficultés majeures, la crise sanitaire, et s’est partiellement
protégée des risques liés au taux d’intérêt du livret A. Elle doit mettre à jour sa stratégie, par
l’actualisation de son plan stratégique du patrimoine et la signature, avec le représentant de
l’État, de la prochaine convention d’utilité sociale, afin que cette entreprise sociale pour
l’habitat remplisse pleinement sa mission d’intérêt général.
Elle a réalisé, en 2019, un important projet de rénovation thermique de 7,5 M€, dont les
résultats en termes d’économies d’énergie montrent que les diagnostics de performance
énergétique et les certificats d’économie d’énergie ne sauraient suffire à prédire l’efficacité
d’une telle démarche. Le coût de l’opération dépasse 2 000 € par tonne de CO
2
évitée.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
4
RECOMMANDATIONS
(classées dans l’ordre de citation dans le rapport)
Rappels au droit (régularité)
Degré de mise en œuvre
Totalement
mis en
œuvre
1
Mise en
œuvre en
cours
2
Mise en
œuvre
incomplète
3
Non mis
en
œuvre
4
Page
Rappel au droit n
o
1 :
établir les
rapports annuels de la commission
d’appel d’offres, conformément à
l’article R. 433-6 du code de la
construction et de l’habitation.
X
22
Rappel au droit n
o
2 :
conserver les
documents relatifs à la passation des
marchés, conformément aux articles
L. 2184-1 et R. 2184-1 à R. 2184-13
du code de la commande publique.
X
23
Recommandation (performance)
Degré de mise en œuvre
Totalement
mise en
œuvre
Mise en
œuvre en
cours
Mise en
œuvre
incomplète
Non mise
en œuvre
Page
Recommandation n
o
1 :
redéfinir la
composition et le fonctionnement de la
commission d’appel d’offres afin de
prévenir les conflits d’intérêts
X
22
Recommandation n
o
2 :
améliorer la
fonction achat en restructurant le
pilotage et le suivi des marchés
publics.
X
24
1
L’organisme contrôlé indique avoir mis en œuvre la totalité des actions permettant de répondre à la
recommandation.
2
L’organisme contrôlé affirme avoir mis en œuvre une partie des actions nécessaires au respect de la
recommandation et fait part d’un commencement d’exécution. Il affirme avoir l’intention de compléter ces
actions à l’avenir.
3
L’organisme contrôlé indique avoir mis en œuvre une partie des actions nécessaires sans exprimer d’intention
de les compléter à l’avenir.
4
L’organisme contrôlé indique ne pas avoir pris les dispositions nécessaires mais affirme avoir la volonté de le
faire. Aucun commencement d’exécution n’est mis en avant.
L’organisme contrôlé indique ne pas avoir pris les dispositions nécessaires, ou précise ne pas avoir le souhait
de le faire à l’avenir ou ne fait pas référence dans sa réponse à la recommandation formulée par la chambre.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
5
INTRODUCTION
Le contrôle des comptes et de la gestion de la société anonyme d’habitation à loyer
modéré « Le Cottage social des Flandres » a été ouvert par lettres du président de la chambre
régionale des comptes adressées le 28 novembre 2023 à M. Jean-Pierre René, président du
conseil de surveillance, et à Mme Nathalie Brocq, directrice générale, représentante légale de
la société.
L’entretien de fin d’instruction mentionné à l’article L. 243-1 du code des juridictions
financières s’est tenu le 22 avril 2024, avec la représentante légale de la société.
La chambre, dans sa séance du 23 mai 2024, a arrêté ses observations provisoires. Elles
ont été communiquées à la directrice générale, qui a répondu par courrier du 5 septembre 2024.
Des extraits des observations provisoires ont été communiqués à des tiers, qui ont répondu par
courriers du 4 septembre 2024. À leur demande, ces derniers ont été auditionnés par la chambre
le 9 octobre 2024.
Après avoir examiné les réponses reçues, et après cette audition, la chambre, dans sa
séance du 9 octobre 2024, a arrêté les observations définitives suivantes.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
6
1
LA GOUVERNANCE
1.1
Présentation de la société
« Le Cottage social des Flandres » (CSF) est une société anonyme d’habitation à loyer
modéré à conseil de surveillance. Elle est dirigée par Mme Nathalie Brocq, présidente du
directoire et directrice générale, qui en est la représentante légale depuis le mois de juillet 2015.
Son conseil de surveillance est présidé par M. Jean-Pierre René, ancien directeur général.
Son siège social est implanté à Dunkerque. Elle gère un parc de 7 500 logements (dont
un quart de logements individuels), essentiellement situés dans l’agglomération dunkerquoise
(85 %), dont 21 % en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).
Patrimoine de la société
Données au 31 décembre
2019
2020
2021
2022
2023
2024
(prév.)
Logements en propriété (hors
logements spécialisés)
7114
7085
7190
7290
7467
7507
dont logements conventionnés
7072
7037
7143
7243
7415
7455
dont logements situés en QPV
1485
1485
1504
1501
1502
1502
Type de logement
Individuels
1673
1650
1674
1743
1769
1754
Collectifs
5441
5435
5516
5547
5698
5753
Mode de gestion
Gestion directe
7114
7085
7190
7290
7467
7507
Gestion par des tiers
0
0
0
0
0
0
Gestion pour des tiers
0
0
0
0
0
0
Logements spécialisés (nombre
d’équivalents logement)
118
140
140
140
140
140
dont destinés aux étudiants
0
0
0
0
0
0
dont foyers
118
140
140
140
140
140
Mode de gestion
Gestion directe
0
0
0
0
0
0
Gestion par des tiers
118
140
140
140
140
140
Source : chambre régionale des comptes, à partir des données du CSF.
La société a été créée en 1928, et plus des deux tiers de son parc ont plus de 50 ans. Elle
produit, en moyenne, 120 logements par an.
Les caractéristiques sociales de ses locataires sont proches des moyennes régionales,
avec 59 % des ménages ayant des revenus inférieurs à 60 % des plafonds de ressources (65 %
au niveau régional), et 37 % de ménages très précaires (moins de 40 % des plafonds, contre
42 % au niveau régional). L’APL bénéficie à 52 % des locataires.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
7
Époque de construction du parc (en % des logements)
Source : chambre régionale des comptes, à partir du plan stratégique du patrimoine du Cottage social des
Flandres.
La société est signataire d’une convention d’utilité sociale
5
, valable jusque fin 2024.
Elle définit :
la politique patrimoniale et d’investissement de l’organisme ;
la politique sociale de l’organisme, développée dans un cahier des charges de gestion sociale ;
la politique de l’organisme pour la qualité du service rendu aux locataires.
Ce document souligne une inadéquation dans l’offre de CSF, avec notamment une forte
offre de grands logements (48 % de T4 et plus), alors que la demande de petits logements (39 %
des demandes, contre 20 % de l’offre) se fait pressante. Elle souligne des bons taux de
satisfaction des locataires, mais relève toutefois des marges de progrès quant aux demandes
d’intervention et réclamations des locataires.
La dernière actualisation du plan stratégique du patrimoine (PSP) remonte à 2016. Ce
document, essentiel au pilotage à moyen-terme d’un organisme HLM, gagnerait à être actualisé.
Il repose sur une version ancienne des diagnostics de performance énergétique, sur un parc qui
a évolué depuis, et sur des hypothèses économiques (taux du Livret A, inflation, etc.)
aujourd’hui dépassées.
En outre, la convention d’utilité sociale de l’organisme arrive à terme mi 2025, et la
préparation d’une nouvelle convention nécessite, aux termes de l’article R. 445-2-2 du code de
la construction et de l’habitation (CCH), un PSP approuvé ou actualisé depuis moins de trois
ans. La chambre prend acte de l’affirmation de la directrice générale selon laquelle le CSF s’est
rapproché d’un cabinet spécialisé afin de pouvoir disposer à cette échéance d’un PSP à jour.
5
La convention d’utilité sociale est un contrat passé entre un organisme HLM et l’État. Elle définit la politique
patrimoniale de l’organisme HLM, ses engagements et ses objectifs.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
8
La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du
numérique (dite loi Elan) a introduit l’obligation, pour les sociétés de HLM gérant moins de
12 000 logements sociaux, de constituer des groupes. Cette obligation peut être satisfaite au
moyen de la constitution d’un groupe
6
au sens capitalistique du terme, ou au moyen de la
participation à une société anonyme de coordination (SAC)
7
.
Le CSF satisfait doublement à cette obligation, puisqu’elle est membre de la société
anonyme de coordination (SAC) Habitat réuni (26 organismes, 175 000 logements) et, par
ailleurs, une des sociétés du groupe Habitat Hauts-de-France (HHDF).
1.2
Présentation du groupe
Liens capitalistiques du groupe Habitat Hauts-de-France
Source : chambre régionale des comptes, à partir du registre national du commerce « Le Cottage social des
Flandres ».
6
1° de l’article L. 423-1-1 du code de la construction et de l’habitation.
7
2° de l’article L. 423-1-1 du code de la construction et de l’habitation.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
9
Le CSF fait partie, depuis 2019, du groupe Habitat Hauts-de-France, qui regroupe
30 000 logements.
Le CSF est ainsi contrôlé par un pacte d’actionnaires (article L. 422-2-1 du code de la
construction et de l’habitation) regroupant la Caisse d’épargne des Hauts-de-France, la société
coopérative de production HLM Notre cottage et la SA HLM Habitats Hauts-de-France.
La chambre constate que la société coopérative de production de HLM Notre Cottage
est entièrement contrôlée par les dirigeants du groupe, qui, même si le code de la construction
et de l’habitation (article R. 422-6) donne au moins 51 % des droits de vote en assemblée
générale
aux
associés
coopérateurs,
occupent
l’ensemble
des
postes
du
conseil
d’administration, à l’exception du poste de représentant des locataires. Cette société a la même
directrice générale que le CSF, et son siège est à la même adresse.
La SA HLM Habitat Hauts-de-France détient à elle seule plus de la moitié du capital de
CSF.
1.2.1
Un groupe contrôlé par la SA Sorimmo
La SA HLM Habitat Hauts-de-France
est
elle-même
contrôlée
par
un
pacte
d’actionnaires regroupant la commune de Calais, Notre cottage, et la Société interrégionale de
l’immobilier (Sorimmo).
La Sorimmo, société anonyme de droit commun, contrôle à elle seule 65 % de la
SA d’HLM Habitat Hauts-de-France (HHDF). Elle est sise au siège de HDDF, à Coquelles.
Parmi les actionnaires du groupe A de la Sorimmo (membres fondateurs), qui contrôlent
la société selon ses statuts, en désignant la moitié plus un des administrateurs, l’association
« Domopale développement » et la société civile de portefeuille des membres de la direction
du groupe Habitat Hauts-de-France (MDH) sont prépondérantes et détiennent, ensemble,
50,02 % du capital total de la Sorimmo.
Durant la période contrôlée, le président de la Sorimmo est celui de l’association
Domopale développement.
1.2.2
La Sorimmo est elle-même, de fait, contrôlée par des cadres cooptés du groupe
La société civile de portefeuille MDH, créée en 2003, est composée, selon ses statuts,
de membres de la direction du groupe, cooptés à l’unanimité. Elle est sise au siège de HHDF,
à Coquelles. Elle compte 35 sociétaires, ayant apporté chacun entre 1 500 € et 8 350 € de
capital. Mme Brocq en est sociétaire. La MDH compte ainsi un capital social qui lui permet de
détenir 166 700 € d’actions (16,68 % des parts) de la Sorimmo.
L’association Domopale développement a été créée, en 2001, à l’initiative du groupe
Habitat Hauts-de-France. Elle est sise au siège du groupe. Mme Brocq en est membre à titre
personnel, de même que le CSF.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
10
Elle compte, selon ses statuts :
des membres fondateurs (4 personnes physiques, collège 1) ;
des membres cooptés par le conseil d’administration, lui-même composé exclusivement de
membres fondateurs et cooptés (19 personnes physiques, qui « ont les mêmes obligations et
prérogatives que les membres fondateurs », collège 2) ;
des membres associés (collège 3) ;
et des membres bienfaiteurs (sociétés, collège 4).
L’association est contrôlée par un conseil d’administration composé exclusivement de
membres fondateurs et cooptés. Cette instance agrée toute demande d’adhésion. Au vu de la
liste des membres fondateurs et cooptés, Domopale développement est contrôlée par un groupe
coopté de cadres et anciens cadres du groupe.
Ainsi, le groupe est entièrement contrôlé, directement ou indirectement, par ses cadres
cooptés dans la société civile MDH et dans l’association Domopale développement.
En réponse aux observations provisoires de la chambre, la directrice de CSF indique
que cette situation mériterait d’être « réévaluée ».
1.3
Un siège social démesuré et coûteux
Le siège regroupe 58 salariés de la société. Le bâtiment, situé au 1-3-5-7 de la place de
la République à Dunkerque, est la propriété de la Société dunkerquoise d’investissement (SDI).
Il est loué à la société Créanor, et sous-loué partiellement à la SA d’HLM.
Les locaux sont très vastes et manifestement sous-occupés. Le bail de novembre 2015
indique une surface totale de 3 033 m², soit 52 m² par salarié.
Le loyer annuel hors charges s’élève à 298 000 €, auquel s’ajoutent 10 800 € pour
30 places de parking. Il est automatiquement actualisé selon l’indice des loyers des activités
tertiaires (ILAT). La SA HLM a ainsi consacré 502 892 € à la location de son siège, en 2021,
soit 165 €/m². Les charges de chauffage du siège s’élevant à 49 605 €, le total des dépenses
afférentes à ce site s’élève à environ 9 000 € par an et par salarié.
La directrice de CSF indique que les locaux abritaient, en 2016, 90 collaborateurs. Elle
indique avoir « profité » des observations provisoires de la chambre pour obtenir une baisse du
loyer, ce qui tend à accréditer l’idée selon laquelle les conditions du bail de 2015, valable jusque
2028, étaient défavorables. La chambre constate toutefois que CSF n’a pas profité de cette
renégociation précipitée pour adapter la surface à ses besoins.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
11
______________________
CONCLUSION INTERMÉDIAIRE
______________________
La SA d’HLM Cottage social des Flandres gère un parc de 7 500 logements situés
essentiellement dans l’agglomération dunkerquoise. Elle doit actualiser son plan stratégique
de patrimoine en vue de la signature, avec l’État, de la prochaine convention d’utilité sociale,
en 2025. Concernée par les dispositions légales imposant aux organismes qui gèrent moins de
12 000 logements de se regrouper, elle fait partie, depuis 2019, du groupe Habitat
Hauts-de-France. Cette entité est contrôlée, au travers de la société Sorimmo, par des cadres
cooptés au sein d’une société ad hoc, et par des cadres et anciens cadres cooptés au sein de
l’association « Domopale développement ».
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
12
2
LA
POLITIQUE
ENERGETIQUE
ET
DE
RENOVATION
THERMIQUE DES BATIMENTS
Les charges de chauffage des logements sont récupérées auprès des locataires, en
application du décret n° 87-713 du 26 août 1987 pris en application de l'article 18 de la loi du
23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de
logements sociaux et le développement de l'offre foncière et fixant la liste des charges
récupérables.
Les organismes HLM n’ont donc pas d’intérêt financier direct à l’amélioration de la
performance énergétique des bâtiments.
La convention d’utilité sociale (CUS) de 2019 estime que les enjeux énergétiques sont
modérés. Elle fixe cependant à CSF l’objectif de limiter fortement la proportion de logements
dont l’étiquette de diagnostic de performance énergétique (DPE) est E, F ou G.
Situation mentionnée à la convention d’utilité sociale de 2019
Classe DPE
Nombre de
logements
%
A, B et C
3 909
56 %
D
2 423
35 %
E
467
7 %
F et G
109
2 %
Source : chambre régionale des comptes, à partir du CUS 2019-2024. Ces DPE suivent la règlementation
antérieure à 2021, et ne sont plus valables. La société poursuit une politique d’établissement de DPE selon la
nouvelle règlementation, celle-ci étant plus défavorable aux logements chauffés au gaz, en ce qu’elle introduit une
appréciation des émissions de gaz à effet de serre.
Le plan stratégique du patrimoine de 2016 évoquait cependant le fait que 28 % du parc
de la société souffrait d’une qualité de conception mauvaise ou moyenne
8
du point de vue
énergétique (68 % du parc est chauffé au gaz).
L’état du parc est ainsi plus mitigé en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de
serre, avec presque la moitié du patrimoine classée E, F ou G. Le plan stratégique du patrimoine
de 2016 prévoit ainsi, sur les 81 M€ de maintenance, entretien et réhabilitation prévus en 10
ans, 37 M€ de « réhabilitations Grenelle
9
».
8
Outre les huisseries ou la conduction des matériaux de construction, certaines résidences collectives sont
alimentées en chaleur par le moyen de colonnes réglables uniquement globalement.
9
Réhabilitations financées par des outils créés par l’État, à l’occasion du Grenelle de l’environnement,
aboutissant, en 2009, à la mise en place d’un éco-prêt logement social, à un « fonds chaleur renouvelable », à
un dégrèvement de taxe foncière, etc.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
13
Situation mentionnée au plan stratégique du patrimoine de 2016
Bilan carbone
Nombre de
logements
%
A, B et C
413
6 %
D
3 296
49 %
E
2 582
39 %
F et G
403
6 %
Source : chambre régionale des comptes, à partir du plan stratégique du patrimoine 2016.
La
loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, a introduit des
critères de consommation énergétique dans la définition du caractère décent d’un logement.
Sont ainsi programmées les interdictions de mise en location de logements selon des seuils de
consommation :
à partir du 1
er
janvier 2025, des logements de classe DPE G ;
à partir du 1
er
janvier 2028, des logements de classe DPE F ;
à partir du 1
er
janvier 2034, des logements de classe DPE E.
Ces dispositions constituent actuellement la principale motivation du CSF en faveur de
la rénovation énergétique.
2.1
La politique d’économies d’énergie
La société dispose, pour près de 2 000 de ses logements collectifs, d’un contrat de
fourniture et de prestations avec la société Dalkia, renouvelé en 2020, pour une durée de six
ans. Ce contrat prévoit :
P1 : fourniture d’énergie : un mécanisme d’intéressement aux économies d’énergie, que ce
soit pour les bâtiments gérés par température-cible, ou ceux disposant de compteurs
individuels ; dans les cas où la production d’eau chaude sanitaire est centralisée, celle-ci est
incluse ;
P2 : conduite et maintenance des équipements : la surveillance, le pilotage des équipements,
l’entretien courant, le suivi et le
reporting
, etc. ;
P3 : garantie totale : le remplacement programmé, par le prestataire, de certains équipements,
ainsi que tous remplacements nécessaires.
Le prestataire est donc incité, grâce au mécanisme d’intéressement mis en place, à
piloter les équipements dont il a la charge et à faire des choix d’investissement en faveur des
économies d’énergie.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
14
Certains immeubles du CSF ne disposent pas de compteurs individuels, et font alors
l’objet, en période de chauffe, de températures-cibles fixées par le bailleur. Celui-ci a décidé, à
partir de novembre 2022, de réduire cette cible
10
à 19°C pour répondre à la hausse brutale du
coût de l’énergie et limiter la hausse des charges des locataires.
2.2
La rénovation thermique de l’îlot du collège
Cet ensemble compte quatre bâtiments, pour un total de 244 logements.
Ce programme de rénovation thermique a été terminé courant 2019, pour un coût total
de 7,5 M€ (soit près de 31 000 € par logement). Il a été financé majoritairement par emprunt
(prêt PAM, Eco-prêt), et minoritairement sur fonds propres, la communauté urbaine de
Dunkerque ayant par ailleurs versé une subvention de 1 500 € par logement.
Opération de rénovation thermique de l’îlot du collège, par bâtiment
Pâquerettes
Azalées
Cyclamens
Myosotis
Nombre de logements concernés
24
39
85
98
Surface concernée
1 583 m²
2 446 m²
5 315 m²
6 384 m²
Consommation estimée en kWhEP
11
/m²/an (et
classe DPE avant travaux)
232 (D)
Env. 125 (C)
Env. 150 (C/D)
231 (E)
DPE visé après travaux
111 (C)
ND
ND
81 (B)
DPE après travaux
C
C
C
C
Coût
810 900 €
1 237 900 €
2 641 100 €
2 820 900 €
Subventions
36 000 €
(CUD)
78 000 €
(CUD)
170 000 €
(CUD)
192 000 €
(CUD)
Gain espéré en kWhEP/an
191 500
ND
ND
957 600
Gain CEE en MWhcumac
5 770
8 395
16 015
19 922
Gain CEE en tonnes de CO
2
cumulées
actualisées
1 350
1 964
3 748
4661
Source : chambre régionale des comptes, à partir des fiches d’engagement, des DPE, des certificats CEE.
Ce programme visait, pour les deux bâtiments pour lesquels les économies prévues
étaient mentionnées, des objectifs ambitieux en matière de consommation d’énergie (- 50 %
pour les Pâquerettes, - 65 % pour les Myosotis).
Les DPE réalisés après travaux suivent, sauf pour ce qui concerne les Pâquerettes, la
nouvelle réglementation sur les DPE le 1
er
janvier 2021. Celle-ci, outre de nouvelles méthodes
de calcul, dispose qu’un logement d’une classe donnée doit respecter un critère de
consommation d’énergie et d’émissions de CO
2
:
classe A : moins de 70 kWh/m² par an et de 6 kg CO2/m² par an ;
10
L’objectif du prestataire est d’obtenir cette température dans le logement le plus défavorable de l’ensemble.
11
kWh d’énergie primaire. Par convention, pour les DPE s’appliquant à un logement chauffé au gaz,
1 kWhEP = 1kWhEF. Le Wh est une unité de quantité d’énergie (1 Watt pendant 1 heure).
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
15
classe B : 71 à 110 kWh/m² par an et 7 à 11 kg CO
2
/m² par an ;
classe C : 111 à 180 kWh/m² par an et 12 à 30 kg CO
2
/m² par an ;
classe D : 181 à 250 kWh/m² par an et 31 à 50 kg CO
2
/m² par an ;
classe E : 251 à 330 kWh/m² par an et 51 à 70 kg CO
2
/m² par an ;
classe F : 331 à 420 kWh/m² par an et 71 à 100 kg CO
2
/m² par an ;
classe G : plus de 421 kWh/m² par an et de 101 kg CO
2
/m² par an.
Ce sont ainsi les émissions de CO
2
qui expliquent, pour ces logements chauffés au gaz,
qu’une classe plus favorable n’ait pas été atteinte. Pour ce qui concerne la seule consommation
d’énergie, après travaux, selon les DPE effectués :
les logements des Azalées consomment environ 90 kWh/m²/an selon leur taille
12
et leur
disposition
13
;
les logements des Cyclamens, environ 105 kWh/m²/an ;
les logements des Myosotis, environ 82 kWh/m²/an ;
les logements des Pâquerettes, 148 kWh/m²/an.
La diminution de consommation d’énergie obtenue, au vu des DPE réalisés avant et
après l’opération, est de 48 %, passant de 2 944 MWh à 1 536 MWh par an pour l’ensemble.
De la même manière, les gains estimés, selon le mécanisme des CEE
14,
sont estimés de
manière théorique, selon une nomenclature de travaux.
La consultation des consommations énergétiques réelles refacturées par le prestataire du
contrat de chauffe permet de vérifier les économies d’énergie que ce programme de rénovation
a réellement permis. S’agissant de chauffage au gaz, ces consommations sont exprimées en
chaleur PCS
15
.
12
L’eau chaude sanitaire a un impact plus fort sur un petit logement, qui s’en trouve désavantagé. Une
modification des modes de calcul des DPE applicable à partir du 1
er
juillet 2024 palliera ce problème.
13
L’exposition, l’étage, etc., influencent le DPE, en ce qu’ils modifient les transferts de chaleur.
14
Certificats d’économies d’énergie : Les CEE sont un mécanisme européen visant à inciter financièrement les
clients des fournisseurs d’énergie à réaliser des opérations d’économies, évaluées selon un référentiel théorique
en kWh cumulés (sur la durée d’amortissement de l’investissement réalisé) et actualisés (en raison de la perte
d’efficacité dans le temps), ou kWhcumac.
15
Pouvoir calorifique supérieur : Il s’agit de l’énergie thermique maximale théorique qu’on peut tirer de la
combustion optimale d’une unité de combustible.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
16
DJU et consommation d’énergie de l’ilot du collège en MWh PCS
Source : chambre régionale des comptes, à partir des données « Le Cottage social des Flandres ».
Les données concernant 2019 (année de réalisation des travaux) sont manquantes. La
consommation d’énergie pour le chauffage dépend de la rigueur hivernale : celle-ci s’exprime
en degrés jours unifiés (DJU
16
). Il faut donc rapporter la consommation d’énergie pour le
chauffage aux DJU observés pour obtenir un indice de performance énergétique d’un
bâtiment
17
.
Consommation d’énergie de l’ilot du collège en MWh PCS par DJU
Source : chambre régionale des comptes, à partir des données de la société.
16
Il est considéré qu’avec une température extérieure de 18°C, le chauffage n’est pas nécessaire ; 1 DJU
correspond à un degré d’écart pendant une journée. Une température extérieure de 0°C pendant 10 jours
correspond ainsi à 180 DJU.
17
La consommation d’eau chaude sanitaire, ici incluse, est cependant vraisemblablement moins sensible aux
DJU, mais elle est minoritaire dans le total.
0
500
1000
1500
2000
2500
2014/2015
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
DJU
Chaleur PCS (MWh)
0,00
0,10
0,20
0,30
0,40
0,50
0,60
0,70
0,80
0,90
2014/2015
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
17
Ces données, ainsi corrigées des variations météorologiques et des incertitudes relatives
aux dates et périodes précises des relevés, font apparaître, sur le graphique n° 3, le bénéfice du
programme de rénovation énergétique de 2019. La baisse de consommation d’énergie
effectivement réalisée est de 28 % par rapport à la situation qui prévalait avant les travaux.
Les DJU des années 2016 à 2018 et 2020 à 2022 étant sensiblement identiques en
moyenne, la consommation observée d’énergie a, entre ces deux périodes, diminué de 29 %.
Elle est passée de 94 kWhPCS/m² (1 486 MWhPCS au total) en moyenne avant les travaux, à
67 kWhPCS/m² (1 061 MWhPCS au total) après.
Il existe une grande différence entre les économies d’énergie observées et celles
estimées par les DPE. Cette différence est amplifiée par le fait que les DPE après travaux,
réalisés selon la méthode introduite à partir de 2021, incluent désormais l’éclairage et les
consommations électriques auxiliaires et des parties communes, qui peuvent dépasser 20 % du
total. Si les DPE réalisés avec les nouvelles spécifications semblent se rapprocher de la réalité
observée, la différence entre les économies d’énergie espérées et celles effectivement réalisées
est significatif.
Consommation évaluée par les DPE et consommation observée
pour l’îlot du collège, en MWhPCS
Source : chambre régionale des comptes, à partir des données de la société.
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
Avant travaux
Après travaux
Consommation selon DPE
Consommation observée
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
18
Les travaux réalisés permettent donc une économie réelle d’environ 425 MWhPCS par
an, soit, concernant du gaz
18
, 92 tonnes de CO
2
par an. Même si les travaux réalisés étaient
amortis en moyenne sur 40 ans, et sans appliquer le coefficient d’actualisation prévu pour le
calcul des CEE
19
, le cumul des émissions évitées de CO
2
serait de 3 680 tonnes, alors que les
certificats CEE obtenus par la société sont également très surestimés, puisqu’ils considèrent
que les travaux permettraient une économie cumulée, sur la période d’amortissement des
travaux, de 11 723 tonnes.
En considérant l’estimation optimiste de 3 680 tonnes cumulées de CO
2
évitées, on
aboutit à un coût de 2 000 € par tonne de CO
2
évitée. Il convient cependant de tenir compte du
fait que les travaux en question correspondent également à une amélioration générale de l’état
et du confort des bâtiments, et qu’ils engendreront des économies financières pour les
locataires, qui, si elles sont inférieures aux prévisions, n’en restent pas moins substantielles.
______________________
CONCLUSION INTERMÉDIAIRE
______________________
Si ses documents stratégiques ne font pas des économies d’énergie un champ d’action
prioritaire, la société anonyme d’HLM « Le cottage social des Flandres », dont la majorité du
parc est chauffée au gaz, prévoit toutefois un mécanisme d’intéressement aux économies
d’énergie dans ses contrats de chauffage.
Elle a conduit, en 2019, un important projet de rénovation thermique de 7,5 M€, dont
les résultats, en termes d’économies d’énergie, sont difficiles à évaluer. Les diagnostics de
performance énergétique et les certificats d’économies d’énergie ne sauraient suffire à attester
du succès de la démarche. Le coût du programme examiné est supérieur à 2 000 € par tonne
de CO
2
évitée.
18
1 kWh PCS EF de gaz émet 0,216 kg de CO2 selon l’Ademe. Cette valeur est susceptible d’évoluer en fonction
de l’évolution du mix d’approvisionnement du pays.
19
Le calcul des CEE se fait en totalisant les économies sur la durée de vie des travaux, après application d’un
coefficient d’actualisation conventionnel de 4 % (en considérant que l’efficacité des travaux perde 4 % par an).
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
19
3
UNE FONCTION ACHAT DEFAILLANTE
Entre 2019 et 2022, la SA d’HLM « Le Cottage social des Flandres » a réalisé, selon
ses propres données, des achats publics pour un montant total de 53 M€, dont 67 % réalisés
dans le cadre de marchés formalisés (307 marchés de travaux, 61 marchés de services et
7 marchés de fournitures), et 33 %
20
réalisés en dehors de toute procédure prévue par le code
de la commande publique (CCP).
La SA d’HLM Cottage social des Flandres a produit, à la demande de la chambre, au
cours du contrôle, deux tableaux de recensement des achats qu’elle a passés entre 2019 et 2022 :
le premier, censé donner la liste des marchés passés après une procédure de publicité et de mise
en concurrence (intégrant les procédure formalisées et les procédures adaptées) totalise
734 marchés pour un total de 57,7 M€ ; le second recense près de 24 000 achats réalisés sans
publicité ni consultation, pour un total de 17,7 M€.
La chambre constate toutefois que le premier tableau contient de nombreuses lignes non
renseignées quant à la date, au montant, au type de procédure, etc. Il contient en outre un certain
nombre d’achats censément réalisés après simple consultation de trois devis, dont il s’avère
(voir plus bas) qu’une partie a été faite sur la base d’un seul ou d’aucun devis. Le second tableau
contient, quant à lui, des dépenses qui ne relèvent pas du code de la commande publique et ne
sont pas des achats (subventions, charges de copropriétés dont CSF n’assure pas la fonction de
syndic, cotisations, taxes, etc.).
Si la directrice générale produit, en réponse aux observations provisoires de la chambre,
des totaux infirmant ceux obtenus au cours du contrôle, elle n’assortit cependant pas ses
affirmations des pièces à l’appui qui permettraient d’établir avec certitude un tableau des
marchés passés par exercice, par nature et par type de procédure.
3.1
Le cottage social des Flandres est un pouvoir adjudicateur
Conformément à l’article L. 433-1 du code de la construction et de l’habitation, les
marchés publics conclus par les organismes privés d'habitations à loyer modéré sont soumis
aux dispositions du code de la commande publique.
Ainsi, « Le Cottage social des Flandres » est tenu de respecter les principes et règles de
la commande publique opposables à tout contrat, quels que soient sa nature et son montant.
En application de l’article 19 des statuts de la société, la présidente du directoire est
investie des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société,
dans la limite de ceux attribués par la loi au conseil de surveillance et à l’assemblée générale.
Elle représente le pouvoir adjudicateur.
20
Ces 33 % incluent cependant des dépenses qui ne sont pas des achats soumis au code de la commande publique.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
20
3.2
Des fournisseurs, membres bienfaiteurs de Domopale développement
L’association Domopale revendique le fait que des fournisseurs du groupe en soient
membres, après agrément par le conseil d’administration de l’association.
L’association indique mobiliser des salariés « donneurs d’ordres » des sociétés du
groupe (représentant les services construction, patrimoine ou achat), pour des conférences
trimestrielles à l’intention de ces fournisseurs. Ces conférences permettent « de présenter et
d’expliquer clairement les attentes et exigences de [HHDF] et d’aider les entreprises à y
répondre ». Par ailleurs, a lieu chaque année une conférence de présentation de la
programmation des marchés et commandes en cours et à venir.
La chambre considère que ces pratiques constituent une rupture d’égalité entre les
soumissionnaires aux marchés publics du CSF admis dans Domopale, en tant que bienfaiteurs,
et ceux qui ne le sont pas.
Outre la rupture d’égalité, revendiquée par le groupe, entre ces sociétés et leurs
concurrentes, cette situation est source d’insécurité juridique pour l’ensemble des marchés
passés entre elles et le CSF, en raison du conflit d’intérêts ainsi créé. Le Conseil d’État rappelle
en effet, dans sa décision 454466 du 25 novembre 2021 publiée au recueil Lebon qu’
« au
nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute
autorité administrative figure le principe d'impartialité, qui implique l'absence de situation de
conflit d'intérêts au cours de la procédure de sélection du titulaire du contrat. Aux termes du
5° du I de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics,
applicable au marché litigieux, désormais codifié à l'article L. 2141-10 du code de la
commande publique :
" Constitue une situation de conflit d'intérêts toute situation dans laquelle
une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché public ou
est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier,
économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son
indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché public "
. L'existence d'une
situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure d'attribution du marché est constitutive
d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d'entacher
la validité du contrat »
.
La directrice générale est susceptible de participer à toutes les procédures de passation
de marchés publics de la société qu’elle dirige et d’en influencer l’issue, que ces procédures
soient internes ou externes (groupement de commandes). Le fait qu’elle-même (ainsi que le
CSF en tant que personne morale) soit associée personnellement, au sein de Domopale, avec
des fournisseurs, fait courir le risque d’une situation de conflit d’intérêts susceptible d’entacher
la validité de l’ensemble des contrats passés avec ceux-ci.
En l’espèce, la chambre a relevé que 23 membres bienfaiteurs de Domopale sont
fournisseurs du CSF, pour un total moyen de plus de 4 M€ par an.
La présente situation, qu’elle concerne des commandes publiques passées avec ou sans
publicité, contrevient aux principes généraux de la commande publique rappelés à l’article L. 3
du code de la commande publique, qui précise que
« Les acheteurs et les autorités concédantes
respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la
commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence
des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. / Ces principes permettent
d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
21
Par ailleurs, l’article L. 2141-10 alinéa 1 du code de la commande publique dispose que
« L'acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur
candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres
moyens ».
Le CSF doit prendre toutes mesures pour prévenir le risque juridique que représente le
fait de passer des commandes à des fournisseurs bénéficiant d’une rupture d’égalité en
contrepartie des bienfaits qu’ils ont accordés à l’association qui contrôle la société.
Si la directrice générale indique ne connaître que quelques-uns des 150 membres de
l’association Domopale Développement, et si elle insiste sur le faible nombre de membres de
l’association fournisseurs de CSF, la chambre considère que les 17,4 M€ d’achats réalisés
auprès de ces sociétés entre 2019 et 2022 sont significatifs à l’échelle de la société.
3.3
Une commission d’appel d’offres à composition variable
Le CSF dispose d’une commission d’appel d’offres dont les attributions sont arrêtées
dans la politique d’achat de la société, en conformité avec les dispositions du code de la
commande publique.
L’article R. 433-6 du code de la construction et de l’habitation dispose que
« Les
organismes privés d'habitation à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte exerçant une
activité de construction ou de gestion de logements sociaux constituent une commission d'appel
d'offres dont ils déterminent la composition, les modalités de fonctionnement et les
pouvoirs. […] »
. Or, le conseil de surveillance n’a désigné nominativement que son
représentant. La commission est composée comme suit :
M. A, représentant du conseil de surveillance ;
le directeur ou le responsable de la direction ou du service du CSF concerné par l’achat ;
le collaborateur de la direction ou du service, à l’origine du marché ;
le collaborateur chargé de la passation, s’il diffère de celui à l’origine du marché ;
le directeur relation clientèle ;
en cas de groupement d’achats, un représentant de chaque membre du groupement.
La composition de cette commission est variable, sujette à interprétations pour chaque
marché, et ne prévoit pas de suppléants. Cette situation est source d’insécurité juridique.
De plus, des collaborateurs directement concernés par l’achat prennent part au vote, ce
qui les place en situation de conflit d’intérêts dans tous les cas où le respect des règles de la
commande publique contrarie, par exemple, leurs objectifs professionnels de délai ou de
quantité. Enfin, le fait qu’un ou deux collaborateurs directs du directeur ou du responsable de
service concerné aient voix délibérative est également source de conflit d’intérêts, du fait de
leur lien de subordination, dans tous les cas où les opinions divergent.
Il est, dès lors, indispensable que la société fixe une composition nominative de la
commission d’appel d’offres et adopte un règlement intérieur garantissant le respect des règles
de la commande publique et susceptible de prévenir les conflits d’intérêts.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
22
Recommandation n°
1 : redéfinir la composition et le fonctionnement de la commission
d’appel d’offres afin de prévenir les conflits d’intérêts.
Un nouveau « règlement d’achat » a été rédigé par la directrice générale, en avril 2024.
La chambre observe toutefois que la commission d’achat demeure à composition variable, et
donne toujours deux voix délibératives sur quatre au directeur opérationnel et à son subordonné
à l’origine de la procédure. Ce document ne répond pas à la recommandation de la chambre et
ne fait aucune place au référent achats, ni au futur responsable de la commande publique.
Par ailleurs, la chambre constate un manque d’information dans les rapports annuels sur
les marchés examinés par la commission. Bien que ce document recense le montant initial de
chaque contrat, il ne respecte pas l’article R. 433-6 du code de la construction et de l’habitation,
en ce qu’il ne présente pas le montant total des sommes effectivement versées et les raisons des
écarts entre les montants initial et réalisé. Cette carence nuit à l’information complète du conseil
de surveillance.
Rappel au droit n° 1 : établir les rapports annuels de la commission d’appel d’offres,
conformément à l’article R. 433-6 du code de la construction et de l’habitation.
3.4
Une fonction achat non pilotée
3.4.1
La multiplicité des acheteurs
La société ne dispose pas de service dédié à la commande publique. Cette fonction est
répartie entre les six directions, qui réalisent leurs propres achats.
Elles sont responsables de la passation et du suivi de l’exécution du marché. Il en résulte
que chaque agent de la direction concernée par l’achat peut prendre en charge toutes les étapes
de la procédure, allant de la définition du besoin à la rédaction des pièces administratives, et de
la publication à la notification des marchés publics.
Bien que les directeurs et les chefs de service soient sensibilisés à la règlementation, les
agents ne sont pas formés à la commande publique. Ils s’appuient sur des documents d’aide à
la rédaction pour préparer l’acte d’engagement, le cahier des clauses administratives
particulières et son annexe technique, et le règlement de consultation.
À la suite d’un diagnostic des processus métiers, mené en 2020 par un cabinet extérieur,
qui relevait un risque élevé d’achats « non maîtrisés », la société a désigné le directeur clientèle
en tant que référent marchés. Il est théoriquement destinataire des documents administratifs des
marchés rédigés par les autres directions et contrôle seul, en sus de ses autres attributions, la
bonne application du code de la commande publique. Il peut également être saisi par les autres
directeurs pour fournir un appui juridique sur la passation des contrats.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
23
3.4.2
Des procédures internes inefficaces
À la suite de la désignation du référent marchés, la société a actualisé sa procédure
interne relative aux achats. Elle présente les grands principes de la commande publique, les
seuils à respecter, les différentes modalités de passation, le fonctionnement de la commission
d’appel d’offres ou encore les obligations d’archivage.
Toutefois, la procédure interne mise en place ne permet pas d’assurer un pilotage
satisfaisant.
3.4.2.1
L’absence d’outil de suivi et le manque de rigueur dans la tenue des dossiers
La société ne dispose pas d’outil informatique ou de procédure de suivi de ses marchés,
ce qui ne permet pas de délivrer une information fiable au conseil de surveillance.
Sur la base de l’information disponible, la chambre a relevé que 336 marchés n’avaient
pas de durée renseignée, 224 marchés n’avaient pas date de publication, 35 marchés ne
précisaient pas la date de signature de l’acte d’engagement. La procédure utilisée n’est pas
systématique indiquée et les numéros de marché, de code de famille homogène, et les
informations sur l’exécution ou la date de livraison étaient lacunaires.
Seuls les marchés transmis pour expertise juridique au référent marchés se voient
attribuer un numéro.
L’examen d’un échantillon de 61 marchés publics a révélé des manquements dans la
tenue des dossiers. Bien que les articles R. 2184-12 et R. 2184-13 du code de la commande
publique imposent une obligation de conservation des pièces constitutives d’un marché
(obligation rappelée dans la procédure interne), les services ont éprouvé des difficultés pour les
retrouver. Outre l’éclatement des archives entre les six directions, la prédominance du format
papier, le manque de rigueur dans le classement des dossiers et le départ d’agents chargés du
suivi sont à l’origine de ces difficultés.
Certaines pièces manquent, comme par exemple l’acte d’engagement du marché de
renouvèlement des liaisons internet et de téléphonie fixe, confié à Orange en 2022 pour un
montant de 120 880 €, ou encore l’acte d’engagement du marché relatif au dépannage des
installations de plomberie, confié à ENGIE HOME en 2020, sans montant minimum ni
maximum. L’acte d’engagement étant la pièce contractuelle par laquelle le soumissionnaire
adhère aux clauses du marché public, il doit être daté, signé et conservé durant toute la durée
d’exécution, puis archivé. En cas de manquement, la sécurité juridique du contrat n’est pas
garantie.
La chambre rappelle que les pièces de marchés publics constituent, aux termes des
articles L. 211-1 et L. 211-4 du code du patrimoine, des archives publiques qu’il convient de
conserver.
Rappel au droit n° 2 : conserver les documents relatifs à la passation des marchés,
conformément aux articles L. 2184-1 et R. 2184-1 à R. 2184-13 du code de la commande
publique.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
24
3.4.2.2
Une mauvaise définition des besoins et l’absence de nomenclature des achats
Concernant l’identification du besoin, la société ne réalise aucun recensement annuel.
Les directions ont une vision des procédures à engager en fonction de leur activité, et leurs
besoins s’expriment au fil de l’année. Or, la régularité et la performance des procédures d’achat
sont directement conditionnées à une phase d’analyse et de définition des besoins.
Cette absence de recensement des besoins a conduit le pouvoir adjudicateur à procéder
à des modifications de marchés de travaux supérieures au seuil de 15 % de leur montant initial
toléré par l’article R. 2194-8 du code de la commande publique.
C’est notamment le cas du marché de travaux relatif à la voirie et réseaux divers (lot
n° 11) dans la commune de Spycker, signé le 9 août 2021 pour un montant initial de 119 315 €
et modifié le 26 octobre 2021 par un avenant de 22 072 €, soit une hausse de 18 % du montant
initial, liée à la mise en place d’une plateforme sur pieux nécessaire au bon déroulement des
travaux.
C’est également le cas du marché de travaux relatif à l’électricité dans des logements
situés à Calais (lot n° 10), confié à l’entreprise SET TERTIAIRE, le 28 novembre 2019, pour
un montant initial de 102 678 €, et modifié le 12 mai 2021, par avenant d’un montant de
35 738 €, soit une augmentation de 35 % du montant initial, pour réaliser une prestation
supplémentaire d’installation d’antenne collective et d’éclairage public.
Enfin, afin de lui permettre de recenser ses besoins, chaque pouvoir adjudicateur doit
mettre en œuvre une nomenclature d’achats par famille homogène, adaptée à ses propres
spécificités. En l’absence d’une telle nomenclature, la société n’est pas en mesure d’assurer une
computation des seuils efficace, et son organisation actuelle l’expose au risque de
fractionnement et de manquement aux règles des seuils de procédure de passation des marchés
publics.
L’agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) avait déjà relevé, en 2018,
un contrôle insuffisant de la commande publique, et observé des irrégularités dans ce domaine.
La chambre constate que cette situation critique persiste à ce jour.
Recommandation n°
2 : améliorer la fonction achat en restructurant le pilotage et le
suivi des marchés publics.
La directrice générale indique, en réponse aux observations provisoires de la chambre,
que « le contrôle opéré a indubitablement mis en exergue une faiblesse dans l’organisation du
CSF sur la question des achats, la pratique d’une « dilution » auprès des services opérationnels
ayant montré ses limites au titre du suivi et du contrôle ».
La chambre constate l’embauche, à la suite de son contrôle, d’un responsable de la
commande publique, en observant toutefois qu’il ne siègera, aux termes du nouveau
« règlement d’achat », ni à la commission d’appel d’offres, ni à la commission d’achat.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
25
3.5
De nombreuses irrégularités
3.5.1
L’attribution d’un marché à une société membre de Domopale dont l’offre
avait été rejetée par la commission d’appel d’offres du groupement de
commandes
En 2019, la direction de l’exploitation a, au moyen d’un groupement de commandes,
passé un marché sous la forme d’un accord cadre à bons de commandes pour 14 lots d’un
montant total estimé à 18,43 M€. La commission d’appel d’offres, réunie le 12 novembre 2019
en l’absence de la directrice générale de CSF, a déclaré fructueux 12 lots.
En revanche, elle a déclaré infructueux le lot n° 12 (travaux tous corps d’état), en raison
de la réception d’une seule offre émise par une entreprise (membre de Domopale), d’un montant
de 12,68 M€, supérieur de 26 % à l’estimation. La commission a décidé de procéder à une
nouvelle consultation, publiée le 27 novembre 2019, et dont l’ouverture des plis reçus était
prévue le 7 janvier 2020.
Le 28 janvier 2020, la même entreprise a fait une nouvelle offre, du même montant.
Cette offre était donc tardive. Le CSF l’a pourtant acceptée, le 1
er
juillet 2020, sans examen de
la commission d’appel d’offres. Cette dernière s’est réunie pour régulariser cette situation, le
6 janvier 2021, en présence de la directrice générale. Elle a ainsi retenu l’offre de l’entreprise
qu’elle avait initialement écartée, et avec laquelle le CSF était déjà lié.
3.5.2
Des achats réalisés hors procédure interne et sans publicité
Le code de la commande publique dispose qu’un pouvoir adjudicateur peut passer des
marchés sans publicité ni mise en concurrence en dessous de certains montants
21
. Cependant,
même dans ce cas,
« L'acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne
utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur
économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin. »
(article
R. 2122-8 de ce code).
La pratique de la comparaison de trois devis est généralement retenue. Elle est prévue
dans la procédure interne de la société.
La chambre a observé un échantillon de 23 achats réalisés sans publicité, entre 2019 et
2022, d’un montant total de 0,62 M€. Il ressort des pièces produites que la société ne respecte
pas le principe interne de consultation de trois devis, 12 de ces achats ayant été réalisés sur la
base d’un seul.
Parmi ceux-ci, trois, dont une société membre de Domopale Développement, dépassent
les seuils règlementaires de publicité et auraient donc dû faire l’objet d’une publicité.
21
En 2024 : 40 000 €HT pour les marchés de services et 100 000 €HT pour les marchés de travaux.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
26
3.5.3
Des achats hors procédure de la commande publique
Entre 2019 et 2022, le CSF a réalisé un total d’environ 11,4 M€
22
d’achats, directement
auprès des entreprises, sans aucune consultation.
La société procède ainsi pour des travaux de maçonnerie, peinture, revêtement,
plomberie, menuiseries, électricité, ou encore pour des services de nettoyage, de
déménagement, d’informatique et de téléphonie. La chambre a identifié 29 entreprises pour
lesquelles le montant annuel des prestations dépasse les seuils des procédures adaptées du code
de la commande publique, pour un total de 8,1 M€ entre 2019 et 2022. Ces achats constituent
des besoins courants et répétés, au sens du code précité, tels que définis dans ses articles
R. 2121-1 à R. 2121-9. Ils auraient donc dû faire l’objet d’une publicité et d’une mise en
concurrence.
Parmi les entreprises attributaires de marchés passés en méconnaissance de l’obligation
de publicité, certaines sont adhérentes de Domopale.
Le manque de contrôle interne des dépenses réalisées en autonomie par les directions
23
,
et l’absence de nomenclature d’achat par famille homogène pour computer les seuils, ont
favorisé la multiplication des achats directs et permis au bailleur de rester artificiellement sous
les seuils des procédures adaptées et formalisées, pour des marchés dont les enjeux financiers
ne sont pas négligeables.
3.5.4
Des fournisseurs avec lesquels la directrice générale partage un intérêt à titre
privé
L’époux de la directrice générale a, entre juillet 2018 et février 2022, constitué une
société civile immobilière avec M. B, dirigeant des sociétés X et Y.
Dès lors, la directrice générale a des intérêts communs indirects avec ces deux sociétés,
qui sont des prestataires du CSF.
3.5.4.1
Société X
Il s’agit d’une société de plomberie créée en 1992.
Concernant le marché dont l’attribution du lot n° 12 a été examiné dans la partie 3.5.1
ci-dessus, la chambre constate que, pour le lot n° 14 relatif à des travaux d’accessibilité PMR,
trois entreprises avaient initialement candidaté. L’offre la moins-disante étant 8 % plus élevée
que l’estimation, la commission d’appel d’offres a, le 12 novembre 2019, déclaré ce lot
infructueux (alors même qu’elle a toléré un dépassement de prix équivalent pour le lot n° 13).
22
Total obtenu à partir d’un fichier produit par CSF en cours d’instruction, présentant des dépenses pour un total
de 17,6 M€, et contenant non seulement des achats, mais aussi d’autres dépenses (cotisations, subventions,
taxes, etc.) ne relevant manifestement pas du code de la commande publique.
23
Chaque directeur dispose dans sa délégation de pouvoir, d’un seuil d’engagement financier fixé à 20 000 €.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
27
Le 31 janvier 2020, le CSF a reçu une nouvelle offre de l’entreprise X, hors délai de la
consultation, et l’a acceptée, le 1
er
juillet 2020, alors que le marché lui avait été notifié le
2 janvier 2020, soit 29 jours avant que l’entreprise ne lui adresse son offre, et sept mois avant
la signature de l’acte d’engagement.
Afin de régulariser cette pratique, la commission d’appel d’offres s’est réunie, le
6 janvier 2021, pour retenir deux attributaires, dont la société X, initialement écartés.
Ce marché a donné lieu, selon la liste des marchés produite par le CSF, à des montants
exécutés par X de 173 617 € en 2021 et 309 696 € en 2022. Il n’aurait pas donné lieu à exécution
de la part de cette société en 2020.
Selon les grands livres des comptes, la société X a bénéficié d’un total de 751 000 € de
paiements entre 2019 et 2022.
3.5.4.2
Société Y
Il s’agit d’une société d’électricité fondée en 1998, et placée en redressement judiciaire
le 30 août 2018. En septembre 2018, elle est acquise par deux sociétés, la première contrôlée
par M. B, la seconde par l’époux de la directrice générale du CSF. Elle a donc eu, jusqu’à la
sortie de la société de son époux du capital, un intérêt direct dans cette dernière.
Selon la liste des marchés, la société Y a bénéficié, depuis 2015, d’un accord-cadre ayant
donné lieu, en 2019, à 0,18 M€ de commandes. De 2019 à 2022, la société s’est vu attribuer 11
marchés en procédure adaptée, 17 marchés après consultation de plusieurs devis (la chambre
relève toutefois qu’une partie des commandes répertoriées par le CSF comme ayant été faites
après plusieurs devis l’ont en réalité été avec un seul), et 11 commandes de nature inconnue.
Leur total s’élèverait à 0,69 M€.
Par ailleurs, selon la liste des commandes passées sans procédure produite par le CSF,
sept commandes auraient été passées, en 2019, pour un total de 8 836 € ; 1374 l’auraient été,
en 2020, pour 179 940 € ; 545, en 2021, pour 270 612 € ; et 164, en 2022 pour 72 456 €.
Comme cela a été mentionné précédemment, les commandes directes passées en 2020,
2021 et 2022 auraient dû donner lieu à un marché avec publicité, ces prestations faisant partie
de la même famille homogène, et dépassant le seuil de dispense de publicité, fixé à 40 000 €,
sans même computer les prestations de la même famille acquises via d’autres fournisseurs.
Ces totaux retracent une somme de 1,2 M€ de dépenses, alors que les grands livres des
comptes retracent 2,5 M€ décaissés au profit de la société Y.
Cette dernière a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 10 janvier 2023.
______________________
CONCLUSION INTERMÉDIAIRE
______________________
En s’abstenant de respecter les règles de publicité et de mise en concurrence prévues
par le code de la commande publique pour une partie conséquente de ses achats, « Le Cottage
Social des Flandres » contrevient aux principes généraux de la commande publique que sont
la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la
transparence des procédures.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
28
Cette situation, particulièrement préoccupante, est aggravée par le fait qu’une partie
de ses fournisseurs partagent des intérêts communs avec la directrice générale et la société, au
sein de l’association Domopale développement, et que la directrice générale partage, à titre
personnel, des intérêts avec certains autres fournisseurs.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
29
4
LA QUALITÉ DE L’INFORMATION COMPTABLE ET LA
SITUATION FINANCIÈRE
4.1
La qualité de l’information comptable et financière
4.1.1
L’information financière et l’adoption des comptes
Chaque année, la société adopte son budget prévisionnel fin novembre ou début
décembre de l’exercice N-1. Depuis la mise en place d’une nouvelle organisation, le directoire
arrête les comptes annuels le 15 février, et l’assemblée générale les approuve en juin,
conformément à l’article L. 225-100 du code de commerce.
Par ailleurs, le CSF respecte l’obligation de déposer ses comptes annuels sur la
plate-forme Harmonia, conformément à l’article R. 423-78 du code de la construction et de
l’habitation.
4.1.2
La fiabilité des comptes
Le CSF est une société anonyme d’habitations à loyer modéré à comptabilité privée.
Conformément à l’article R. 423-68 du code de la construction et de l’habitation, ses comptes
sont soumis au cadre comptable fixé par l’arrêté du 7 octobre 2015 et le règlement relatif aux
comptes annuels des organismes de logement social.
Le commissaire aux comptes a certifié sans réserve que les comptes annuels étaient, au
regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères, et qu’ils donnaient une
image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé et de la situation financière et
patrimoniale, sur toute la période 2019-2022. Conformément à l’article L. 225-100 du code de
commerce, les rapports du commissaire aux comptes ont été présentés à l’assemblée générale.
4.1.2.1
Les créances locataires
Les créances détenues sur les locataires s’élèvent à 3,3 M€ par an, en moyenne.
Créances clients
En €
2019
2020
2021
2022
2023
411-autres créances clients
3 405 274
3 241 079
3 267 463
3 468 611
3 556 818
416-créances clients douteux ou litigieux
1 839 610
1 480 416
944 226
531 750
424 151
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états règlementaires de la société.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
30
La société dispose d’un tableau de suivi de ses créances, et enregistre celles des
locataires dont la durée est inférieure à 12 mois, au compte 411 « autres créances clients ».
Lorsqu’elles dépassent 12 mois, la direction des finances considère qu’il y a un risque pour la
société de ne pas recouvrer la créance, et la comptabilise au compte 416 « créances clients
douteux ou litigieux » pour la provisionner à 100 %. Entre 2019 et 2022, ces créances ont
diminué de 77 %, passant de 1,8 M€ en 2019 à 0,4 M€ en 2023.
Créances locataires (comptes 411 et 416) et provision
En €
2019
2020
2021
2022
2023
Inf. ou égale à 3 mois
2 221 518
2 002 333
2 090 624
2 082 982
2 243 629
entre 3 et 6 mois
251 998
161 505
161 860
200 750
228 185
entre 6 et 12 mois
269 807
218 512
126 268
189 738
150 587
supérieure à 12 mois
1 839 610
1 480 416
944 226
531 750
424 151
Total des créances
4 582 933
3 862 767
3 322 981
3 005 219
3 046 552
Montant de la provision
2 157 314
1 739 263
1 168 327
792 299
683 579
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états règlementaires de la société.
4.1.2.2
Les provisions pour créances clients douteux ou litigieux
Les provisions pour créances locataires douteux et litigieux représentent 1,3 M€ par an,
en moyenne, entre 2019 et 2023, et le solde au 31 décembre de l’année N est systématiquement
repris au 1
er
janvier suivant, en tenant compte des dotations et reprises réalisées sur chacun des
exercices.
Compte tenu des risques élevés de non recouvrement des créances des locataires ayant
quitté le logement ou dont les arriérés de paiement sont très importants, les règles de
provisionnement pratiquées par le CSF correspondent à ce qui est prévu à l’article R. 423-1-5
du code de la construction et de l’habitation, qui dispose que « l
es sommes dues à titre de loyers,
charges et accessoires par les locataires partis et par les locataires dont la dette est supérieure
à un an font l'objet d'une dépréciation en totalité
».
Règles de provisionnement pratiquées par la société pour les créances locataires
douteux ou litigieux
En %
Créance équivalente en mois de loyer
Moins de 3 mois
de loyer
Entre 3 et 6 mois
de loyer
Entre 6 et 12 mois
de loyer
Supérieure à 12
mois de loyer
Locataires en place
6 %
25 %
45 %
100 %
Locataires sortis
100 %
100 %
100 %
100 %
Source : chambre régionale des comptes, à partir des règles de provisionnement de la société.
Pour les autres créances, la société calcule une provision sur la base de taux plus
exigeants que ceux imposés par la réglementation, avec trois tranches intermédiaires définies à
partir de la circulaire de la fédération des sociétés HLM relative à une étude de dépréciation des
créances locataires de moins d’un an.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
31
4.1.2.3
Les autres provisions
Au-delà des provisions pour créances douteuses ou litigieuses, le CSF a constitué,
depuis 2019, d’autres provisions d’un montant annuel moyen de 2,1 M€ pour les travaux de
gros entretien, pour des risques, et pour des pensions ou obligations similaires.
Évolution des provisions
En €
2019
2020
2021
2022
2023
Provisions pour gros entretien (c157)
2 395 980
854 524
866 520
769 995
1 079 365
Provisions pour risques (c151)
41 000
41 000
12 500
17 500
21 500
Autres provisions pour charges (c153 -
c158)
671 714
711 258
1 183 015
899 933
939 477
Total
3 108 694
1 606 782
2 062 035
1 687 428
2 040 342
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états règlementaires de la société.
Les plus importantes sont celles relatives au gros entretien, tel que découlant du plan
stratégique de patrimoine. Conformément à l’article 214-9 du plan comptable général, les
dépenses d’entretien faisant l’objet de programmes pluriannuels ayant pour objet l’entretien des
logements sans prolonger leur durée de vie sont comptabilisées sous la forme de provisions
pour gros entretien, d’un montant annuel moyen de 1,2 M€ sur la période.
Elles ont diminué de 55 % de 2019 à 2023, notamment à la suite d’un changement de
méthode intervenu en 2020, conduisant à un provisionnement limité aux seules dépenses de
revêtement, de façades et de peinture.
4.1.2.4
Les immobilisations et les amortissements
L’amortissement est la constatation comptable d’un amoindrissement de la valeur d’un
élément d’actif. Il a pour but d’assurer les ressources nécessaires à son renouvellement, sous la
forme d’une dotation, constituant une dépense obligatoire. La société constate une dépréciation
de ses immobilisations, au travers des amortissements, à hauteur de 9,9 M€ par an en moyenne
entre 2019 et 2023.
Dotations aux amortissements
En €
2019
2020
2021
2022
2023
Immobilisations locatives
8 988 917
9 353 212
9 755 566
10 031 246
10 548 641
Autres immobilisations
502 287
472 782
415 755
448 434
522 590
Total
9 491 204
9 825 994
10 171 321
10 479 680
11 071 231
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états règlementaires de la société.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
32
4.2
La situation financière de la société
4.2.1
La formation du résultat
4.2.1.1
L’évolution des charges
Au cours de la période contrôlée, le total des charges du CSF a augmenté de 6 %.
Évolution des charges du « Cottage social des Flandres »
En €
2019
2020
2021
2022
2023
Charges d'exploitation
37 370 073
36 719 225
37 752 991
35 474 524
38 210 358
dont frais liés à la production de stocks
immobiliers
1 107 993
2 205 193
2 083 863
15 750
296 713
dont achats non stockés de matières et
fournitures
1 175 131
1 261 902
1 172 607
1 294 903
1 567 818
dont sous-traitance pour travaux
d'exploitation
3 500 173
3 340 947
4 261 391
4 371 797
4 608 676
dont entretien et réparations courants
sur biens immobiliers locatifs
1 304 438
1 408 956
1 807 426
1 606 171
1 737 747
dont dépenses gros entretien sur biens
immobiliers locatifs
2 109 487
2 676 403
2 897 611
2 419 830
2 704 641
dont autres
1 072 841
1 052 721
1 137 058
1 108 523
1 149 123
dont impôts, taxes et versements
assimilés
5 453 567
5 508 070
5 600 924
5 717 013
5 979 225
dont charges de personnel
4 965 453
4 596 888
4 470 636
5 055 903
5 150 242
dont dotations aux amortissements,
dépréciations et provisions
14 044 499
11 753 325
11 724 102
11 394 442
12 337 719
Charges financières
4 074 204
3 765 224
3 218 605
3 802 847
7 085 697
Charges exceptionnelles
3 444 066
2 843 279
3 607 915
2 710 871
2 194 242
Total des charges
44 888 343
43 327 728
44 579 511
41 988 242
47 490 297
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états règlementaires de la société.
Les dépenses d’exploitation sont globalement maîtrisées. Malgré un contexte
inflationniste, elles n’ont progressé que de 2 % sur la période 2019-2023.
Les impôts, taxes et versements assimilés constituent le premier poste de dépenses, soit
environ 15 % des charges d’exploitation, et plus de 5,6 M€ par an en moyenne. Ces charges
fiscales sont en hausse de 10 %, notamment en raison de l’évolution des taxes foncière et
d’enlèvement des ordures ménagères.
Les dépenses de personnel représentent environ 13 % des charges d’exploitation. Elles
progressent de 4 % sur la période, passant de 4,9 M€ en 2019 à 5,1 M€ en 2023, en raison
notamment des hausses salariales liées à l’effet glissement, vieillissement et technicité.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
33
Les charges de sous-traitance correspondent essentiellement aux dépenses énergétiques
de fourniture de gaz et d’entretien des chaufferies. Elles représentent 11 % des charges
d’exploitation, soit un montant moyen de 4 M€ par an. Elles augmentent de 32 % sur la période,
passant de 3,5 M€ en 2019 à 4,6 M€ en 2023, notamment en raison de la hausse du prix du gaz
et des revalorisations annuelles des contrats d’entretien.
Enfin, la dette du CSF étant indexée sur le taux du livret A (0,5 % en 2020 et 3 % en
2023), les charges financières augmentent de 74 % sur la période, passant de 4 M€ en 2019 à
7 M€ en 2023.
4.2.1.2
L’évolution des produits
Au cours de la période, le total des produits de la société a augmenté de 2 %.
Évolution des produits du Cottage social des Flandres
En €
2019
2020
2021
2022
2023
Produits d'exploitation
44 720 199
45 903 653
44 719 383
43 143 074
44 622 910
dont ventes d'immeubles bâtis
1 529 601
365 971
0
1 617 857
1 414 613
dont récupération des charges
locatives
6 513 553
6 123 802
6 806 884
7 149 534
7 538 335
dont loyers des logements non
conventionnés
419 184
481 364
498 412
418 072
393 902
dont loyers des logements
conventionnés
28 545 310
28 721 280
29 363 851
30 000 602
31 657 355
dont loyers résidences étudiantes -
foyers
1 026 621
1 030 688
1 087 773
1 089 083
1 023 553
dont autres (7044-7045-7048)
1 328 983
1 387 784
1 418 435
1 415 079
1 435 045
dont autres (autre 708)
414 236
278 793
377 177
344 760
307 936
Produits financiers
445 296
196 240
203 428
643 967
1 072 646
Produits exceptionnels
5 428 964
7 339 811
8 050 090
6 267 932
5 715 474
Total des produits
50 594 459
53 439 704
52 972 901
50 054 973
51 411 030
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états règlementaires de la société.
Les produits d’exploitation sont constants, à 44,6 M€ par an en moyenne. Ils se
composent essentiellement des loyers conventionnés (66 %), soit 29,6 M€, en hausse de 3,1 M€
(+ 11 %) sur la période.
Les loyers sont adossés à l’indice de référence des loyers (IRL), plafonné à 3,5 %
d’octobre 2022 à avril 2024 par la loi du 16 août 2022 portant les mesures d’urgence pour la
protection du pouvoir d’achat, qui comprend un « bouclier loyer », afin de limiter les effets de
l’inflation et rendre prévisibles les dépenses que les ménages consacrent à leur logement.
Chaque année, le CSF révise ses loyers selon la valeur maximale de l’évolution de l’IRL.
Par ailleurs, la société a mis en place des procédures permettant de minimiser les pertes
de recettes locatives, avec un taux de vacance globale des logements (0,9 %), inférieur tant au
niveau régional (5,1 %) que national (4,1 %).
La société bénéficie également de produits relatifs à la location de cellules commerciales
ou administratives et de garages et places de stationnement (1,3 M€ par an), en progression de
8 % sur la période.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
34
Les recettes liées à la récupération des charges locatives ont connu une bonne
dynamique à compter de 2021. En effet, après avoir diminué de 6 % de 2019 à 2020, elles ont
augmenté de 23 % de 2020 à 2023, pour atteindre 7,5 M€ en 2023. Cette hausse s’explique par
celle du coût de l'énergie et les revalorisations annuelles des contrats d’entretien des
équipements.
Les produits liés aux ventes d’immeubles bâtis ont diminué de 8 % sur la période,
passant de 1,5 M€ en 2019 à 1,4 M€ en 2023, avec notamment l’absence de ventes en accession
sociale en 2020 et 2021.
Ces produits d’exploitation sont consolidés par des produits financiers dynamiques
(+ 141 %), qui atteignent 1 M€ en 2023. Une partie de la trésorerie du CSF étant placée sur un
livret A, les hausses successives du taux, passé de 0,5 % en 2020 à 3 % en 2023, lui ont permis
de produire des intérêts.
Enfin, les produits exceptionnels s’élèvent à 6,5 M€ par an en moyenne, et sont en
hausse de 5 % sur la période. Ils correspondent aux produits des ventes HLM et aux
dégrèvements de taxes foncières pour travaux d’économie d’énergie et travaux d’adaptabilité.
4.2.1.3
Un résultat net excédentaire en diminution
De 2019 à 2023, le résultat net a été excédentaire de 7,2 M€ par an en moyenne.
Les produits d’exploitation étant supérieurs aux charges, le résultat d’exploitation de la
société est positif (7,5 M€ par an). Pour autant, son évolution est erratique et marquée par une
baisse de 13 % sur la période.
L’exercice 2020 se caractérise par un résultat particulièrement élevé (9,1 M€), 25 %
supérieur à celui de 2019, principalement grâce à des produits d’exploitation d’un niveau record
et à une baisse des charges. Après une première dégradation en 2021 (- 24 %) et une croissance
en 2022 (+ 10 %), le résultat d’exploitation atteint son niveau le plus bas en 2023 (6,4 M€).
Évolution des résultats d’exercice du « Cottage social des Flandres »
En €
2019
2020
2021
2022
2023
Résultat d'exploitation
7 350 126
9 184 428
6 966 392
7 668 550
6 412 552
Résultat financier
-3 628 908
- 3 568 984
- 3 015 177
-3 158 880
- 6 013 052
Résultat exceptionnel
1 984 898
4 496 532
4 442 175
3 557 061
3 521 232
Résultat net de l’exercice
5 706 116
10 111 976
8 393 390
8 066 731
3 920 733
Part de l’exceptionnel dans le résultat net
35 %
44 %
53 %
44 %
90 %
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états règlementaires de la société.
Les produits financiers ne permettant pas de compenser les charges financières, le
résultat financier est déficitaire sur la période. Il progresse de 66 %, pour atteindre son niveau
le plus élevé, en 2023 (- 6,01 M€). Le résultat exceptionnel contribue donc de façon importante
au résultat excédentaire, avec un minimum de 1,9 M€ en 2019 (soit 35 % du résultat net) et un
maximum de 3,5 M€ en 2023 (soit 90 %).
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
35
4.2.2
L’évolution de la capacité d’autofinancement
La capacité d’autofinancement (CAF) brute d’un organisme de logement social
correspond au résultat comptable de l’exercice, corrigé des dotations et reprises sur les
amortissements et les dépréciations d’actifs, de l’effet des cessions intervenues au cours de
l’exercice, et de la quote-part des subventions d’investissement qui a été virée au résultat. Elle
permet d’apprécier le montant de l’excédent d’exploitation qui peut être consacré au
remboursement de la dette et au financement des investissements.
La capacité d’autofinancement est dérivée du résultat net, et suit ses évolutions. Après
avoir progressé de 12 % entre 2019 et 2020, il diminue progressivement (- 13 %), passant de
14,8 M€ en 2020 à 12,8 M€ en 2023.
Évolution de la capacité d’autofinancement
En €
2019
2020
2021
2022
2023
Résultat net de l'exercice
5 706 116
10 111 976
8 393 390
8 066 731
3 920 733
+ dotations aux amortissements,
dépréciations et provisions
14 122 662
11 809 468
12 204 857
11 394 442
12 337 719
- reprises sur amortissements,
dépréciations et provisions
4 131 632
3 895 633
2 149 219
1 665 396
1 022 295
+ valeurs comptables des éléments
d'actifs cédés
2 387 445
1 695 876
2 013 550
1 530 625
1 117 603
- produits des cessions d'éléments d'actif
4 410 850
4 402 349
5 165 999
4 258 656
3 116 142
- quote-part des subventions
d'investissements virée au résultat
452 987
451 389
483 271
397 276
426 334
Capacité d’autofinancement (P.C.G)
13 220 753
14 867 948
14 813 308
14 670 470
12 811 284
-Remboursement d'emprunts locatifs
10 331 002
10 170 733
10 479 616
10 772 400
9 768 661
- dotations aux amortissements des
intérêts compensateurs
31 956
7 802
0
0
0
= Capacité d’autofinancement nette
HLM
2 857 796
4 689 414
4 333 692
3 898 070
3 042 622
Ratio d'autofinancement (R423-9 CCH)
8 %
14 %
14 %
13 %
8 %
Capacité d’autofinancement nette du
remboursement en capital de
l’ensemble des dettes
2 320 462
2 720 776 - 12 373 001
3 654 212
- 4 648 055
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états réglementaires de la société.
L’autofinancement net d’un organisme d’HLM, défini à l’article R. 423-1-4 du code de
la construction et de l'habitation, mesure sa capacité à financer ses dépenses d’investissement
grâce à ses ressources propres, une fois acquittée la charge obligatoire de la dette.
Il connaît la même évolution que l’autofinancement brut, avec une hausse de 64 % de
2019 à 2020, passant de 2,8 M€ à 4,6 M€. Cependant, il est en baisse pour le reste de la période
(- 35 %), pour s’établir à 3 M€ en 2023.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
36
Le ratio défini à l’article R. 423-9 du code de la construction et de l'habitation, qui
permet d’apprécier le rapport entre l’autofinancement net et les produits financiers et d’activité,
hors charges récupérables, est au-dessus du seuil de 3 %
24
. Il connaît son niveau le plus bas en
2019 et en 2023, avec 8 %.
Pour autant, la CAF nette du remboursement en capital de la dette se dégrade, passant
de 2,3 M€ en 2019 à - 4,6 M€ en 2023. Elle connaît son niveau le plus bas en 2021 (- 12,3 M€),
à la suite de la contraction, en 2020, d’un crédit-relais de 6 M€ (dont le taux était plus intéressant
que celui d’une ligne de trésorerie), et son remboursement en 2021.
Enfin, concernant l’exercice 2023, le remboursement en capital de la dette augmente
(+ 6,5 M€), car le CSF a remboursé un emprunt lié à l’arrêt d’un chantier d’un montant de
1,5 M€ et a procédé à une avance en compte courant d’Habitat Hauts de France, pour un
montant de 5 M€.
4.2.3
Le financement des investissements
4.2.3.1
L’évolution du besoin de financement
Entre 2019 et 2023, le CSF a réalisé environ 122 M€ d’investissement, autofinancé en
partie (7 %), et financé par la vente de patrimoine (20 %) et le recours à l’emprunt (72 %).
Le caractère obsolète du plan stratégique du patrimoine ne permet pas de constater si
les objectifs, notamment en termes de cession de patrimoine ou de construction, sont atteints.
Les dépenses d’investissement ont atteint leur niveau le plus haut en 2019 (28 M€),
avant de chuter sous l’effet de la crise sanitaire, en 2020 (19 M€). En 2023, elles s’établissent
à 25 M€ et demeurent moins élevées qu’en début de période (- 12 %), notamment en raison de
la baisse du nombre de constructions neuves.
Par ailleurs, les ressources hors emprunts ont été croissantes entre 2019 et 2021
(+ 21 %), passant de 4,8 M€ à 5,9 M€, grâce aux ventes de logements. Elles diminuent, dès
2022, pour atteindre 3,8 M€ en 2023.
4.2.3.2
La gestion de la dette
Au 31 décembre 2023, l’endettement de la société s’élève à 258 M€, dont 69 % relevant
du taux du livret A, et 31 % d’emprunts à taux fixes. L’annuité de la dette s’établit à 20 M€, et
représente 61 % des produits issus des loyers, contre 50 % en 2019.
En 2023, la capacité de désendettement du CSF est de 20 ans, contre 18 ans en 2021, et
18,9 ans au niveau national.
24
Le code de la construction et de l’habitat prévoit la mise en œuvre de mesures de redressement si ce ratio est
négatif sur un exercice, ou inférieur à 3 %, en moyenne, durant trois exercices.
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
37
Évolution de la dette du « Cottage social des Flandres »
En €
2019
2020
2021
2022
2023
Endettement au 31/12
247 335 942 253 130 917 262 493 589 253 459 798 257 916 482
capital remboursé
11 318 445
12 446 407
20 993 248
11 440 153
13 724 839
dont remboursements anticipés
801 095
2 098 418
10 341 856
490 237
3 638 650
+ charges financières
3 765 995
3 462 831
3 118 741
3 475 920
6 343 726
= annuité totale de la dette
15 084 440
15 909 238
24 111 989
14 916 073
20 068 565
CAF brute
13 220 753
14 867 948
14 813 308
14 670 470
12 811 284
Capacité de désendettement
25
(en année)
19
17
18
17
20
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états règlementaires de la société.
Après avoir pleinement bénéficié d’une période avec un taux d’intérêt de la dette
relativement bas, qui a permis de soutenir la politique d’investissement et de rénovation du
patrimoine, avec une charge d’intérêts faible, les charges financières ont presque doublé de
2022 à 2023, en raison du relèvement du taux du livret A à 3 %. La montée des charges
financières qui en résulte pourrait avoir des effets sur la politique d’investissement de la société.
4.2.3.3
La trésorerie et le fonds de roulement
La société bénéficie d’un fonds de roulement toujours positif, mais qui oscille. Il est
croissant de 2019 (15,9 M€) à 2021 (28,5 M€), avant de décroître en 2022, pour atteindre
14,5 M€ en 2023.
Par conséquent, le CSF est en capacité de couvrir, en moyenne, 264 jours de charges
d’exploitation sur cette période, avec un pic à 362 jours en 2021.
25
La capacité de désendettement correspond au nombre d’années que mettrait un organisme à rembourser sa
dette en y consacrant l’intégralité de sa CAF brute.
RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
38
Évolution de la trésorerie et du fond de roulement
Source : chambre régionale des comptes, à partir des états règlementaires de la société.
La trésorerie nette suit la même évolution. Elle s’établit à 18,8 M€ au
31 décembre 2023. Son niveau le plus bas était de 15,5 M€ en 2019, et le plus haut, en 2021
(23,9 M€).
4.2.4
Les perspectives
Pour éclairer les principales orientations et les décisions budgétaires, la société dispose
d’une projection qui porte sur la période 2022 à 2032.
Elle s’appuie sur des hypothèses macroéconomiques comme l’inflation (4,8 % en 2023,
2,8 % en 2024, 2,3 % en 2025 et 2 % jusqu’à 2032) et le taux du livret A (2,9 % en 2023, 3 %
en 2024, et 2 % à partir de 2027).
Elle présente une marge brute locative en hausse de 36 % sur la période. Cependant, les
ventes de logements apparaissent optimistes en considération du contexte inflationniste et des
données du marché immobilier.
La société prévoit une hausse de 16 % de sa CAF nette, pour atteindre 4,5 M€ en 2032,
contre 3,9 M€ en 2022, permettant d’assurer l’autofinancement nécessaire à la réhabilitation du
patrimoine et à son développement.
208
243
304
281
209
214
290
362
290
162
15 569 722 €
19 109 073 €
23 942 330 €
21 484 113 €
18 898 427 €
15 997 561 €
22 814 572 €
28 564 961 €
22 126 194 €
14 592 511 €
0 €
5000 000 €
10000 000 €
15000 000 €
20000 000 €
25000 000 €
30000 000 €
0
100
200
300
400
500
600
700
800
2019
2020
2021
2022
2023
Trésorerie nette en jours de charges courantes
FDR en jours de charges courantes
Trésorerie nette en montant
Fonds de roulement (FDR) en montant
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ
« LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES »
39
Toutefois, cette projection appellera des mises à jour des données macroéconomiques
(taux du livret A et d’inflation), et tenant compte des éventuelles mesures susceptibles de
contraindre la hausse des loyers, de l’augmentation des taxes foncières, et de leur dégrèvement.
Quelle que soit la pertinence de ces hypothèses prospectives, elles devront être mises au
service d’un plan stratégique du patrimoine actualisé, répondant aux exigences de la prochaine
convention d’utilité sociale, afin que cette entreprise sociale pour l’habitat remplisse pleinement
sa mission d’intérêt général.
______________________
CONCLUSION INTERMÉDIAIRE
______________________
La société a passé sans difficultés majeures la crise sanitaire, et s’est partiellement
protégée des risques liés au taux d’intérêt du livret A. Si sa situation financière globale est
saine, comme en atteste une capacité de désendettement proche de la moyenne nationale, la
volatilité de la situation macroéconomique (inflation, taux d’intérêt, marché immobilier), elle
doit mettre à jour sa stratégie, par l’actualisation de son plan stratégique du patrimoine et la
signature, avec le représentant de l’État, de la prochaine convention d’utilité sociale.
*
*
*
RÉPONSE AU RAPPORT
D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES
SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITAIONS À
LOYER MODÉRÉ « LE COTTAGE SOCIAL
DES FLANDRES »
(Nord)
Exercices 2019 et suivants
1 réponse reçue :
- Mme Nathalie Brocq, directrice générale de la société anonyme d’habitations à loyer modéré
« Le cottage social des Flandres ».
Article L. 243-5 du code des juridictions financières :
« Les destinataires du rapport d’observations disposent d’un délai d’un mois pour adresser au greffe
de la chambre régionale des comptes une réponse écrite. Dès lors qu’elles ont été adressées dans le
délai précité, ces réponses sont jointes au rapport.
Elles engagent la seule responsabilité de leurs
auteurs
».
Chambre régionale des comptes Hauts-de-France
14 rue du Marché au Filé - 62012 Arras cedex
hautsdefrance@ccomptes.fr
www.ccomptes.fr/fr/crc-hauts-de-france