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RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
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SYNTHÈSE
Une assurance indispensable au fonctionnement des services publics
locaux, en crise depuis 2023.
Comme les particuliers et les entreprises, les collectivités territoriales souscrivent des
contrats d'assurance pour couvrir les risques auxquels elles s'exposent dans la gestion des
compétences et des services publics dont elles ont la charge.
Il y a peu d’obligation d’assurance pour les collectiv
ités territoriales, mais l'impact
financier des sinistres potentiels les poussent à souscrire des contrats, pour couvrir les risques
de dégradation de leur patrimoine immobilier et mobilier, les risques de préjudice causés à des
tiers qui engageraient leur responsabilité ou encore les risques de préjudice subis par leurs élus
ou leurs agents.
Plusieurs facteurs jouent ces dernières années dans le sens d'un renchérissement du coût
de l'assurance. Fragilisés par la crise sanitaire et confrontés à la multiplication des sinistres
climatiques et à leur impact, les assureurs ont rééquilibré leurs comptes par une hausse de leurs
tarifs, quel que soit le secteur
d’activité. La récurrence des
événements sociaux violents portant
atteinte aux biens, sans être spécifique aux collectivités territoriales, les a touchées tout
particulièrement (200
M€
de sinistres indemnisés en faveur des collectivités sur un total de
730
M€
d’indemnisation
lors des émeutes urbaines de 2023). Les caractéristiques propres du
marché de l'assurance des collectivités, très concentré et porté essentiellement par deux acteurs
mutualistes,
Groupama et la Société Mutuelle d’Assurance des Collectivités Locales (SMACL),
constituent
le troisième et principal facteur à l’origine de la dégradat
ion des conditions
d’assurances du secteur public
local. Les acteurs de ce marché ont mené, ces 10 dernières
années, une politique commerciale de stabilité des prix à un niveau bas, déconnectée de
l’inflation
du coût et de la fréquence des sinistres. Il en a résulté de graves difficultés financières
de la SMACL, et à partir de 2023, une résiliation quasi-systématique des contrats,
ou
la signature d’
avenants intégrant une forte correction des prix à la hausse.
Dans ce contexte assurantiel dégradé, la chambre régionale des comptes Bourgogne-
Franche-Comté a réalisé un audit flash en associant 17 collectivités et organismes locaux
(13 communes, 2 intercommunalités, un département et un syndicat de traitement des déchets)
afin de mesurer l'impact de cette situation sur les comptes des collectivités et sur la qualité des
garanties obtenues,
et d’identifier leurs pratiques et les moyens employés pour y faire face.
Les observations de la chambre, objet du présent rapport, complètent et illustrent les travaux
menés à l’initiative du Sénat ou du Gouvernement, pour trouver des solutions
afin d'améliorer
l’assurabilité des collectivités territoriales.
AUDIT FLASH
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
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Un poids budgétaire qui reste soutenable pour les collectivités
territoriales malgré une forte augmentation des tarifs et une
dégradation des garanties, source de vulnérabilité
Dans l'échantillon régional étudié, la chambre observe une dégradation des conditions
d’assurance valable dans la quasi
-totalité des collectivités auditées : les primes d'assurance ont
été multipliées par près de deux en 2018 et 2024, la part des réparations restant à la charge de
la collectivité (franchises) progresse fortement et les montants maximaux d’indemnisation sont
réduits. En réponse aux consultations lancées pour trouver un assureur, une seule offre a été,
au mieux, formulée. Pire, certaines collectivités
ont été privées d’assurance
pour leurs biens en
2024 pendant plusieurs mois.
Ces évolutions sont d'abord liées aux dysfonctionnements
du marché de l’assurance des
collectivités locales : ainsi, la hausse des primes et des franchises touche presque tous les
17
organismes audités, indépendamment de la taille et des risques propres à chacun. L’existence
d’une sinistralité plus élevée, cependant, constitue toujours un élément aggravant. Ainsi, les
collectivités touchées par des événements climatiques (orages de grêle) ou des mouvements
sociaux impactant leur patrimoine (émeutes urbaines) connaissent des conditions d’assurance
plus défavorables.
L’assurance des dommages aux biens concentre ces difficultés. Malgré la raréfaction
générale de l’offre, l’assurance responsabilité civile n’est pas touchée, à l’exception des
départements, qui peinent à assurer les risques associés à leurs compétences sociales.
La forte augmentation des primes d'assurances intervient dans un contexte marqué par
l’inflation des charges de fon
ctionnement courantes des collectivités territoriales (énergie
notamment). Cependant, le poids budgétaire de l'assurance, parmi les charges de gestion des
collectivités, reste limité (1,7 % en moyenne), soit selon les collectivités de
l’échantillon étudié,
entre 2 et 10 fois moins que le coût de l'énergie, estimé à 5 % de leurs charges de
fonctionnement.
La spécificité du cycle engagé en 2022-2023 est de présenter à la fois une hausse des
prix supérieure aux précédents maximas et une forte restriction des garanties apportées,
qui a pour effet, dans certains cas, de neutraliser la couverture du risque.
Indépendamment de mesures structurelles débattues au niveau
national pour conforter l’assurabilité des collectivités, des actions
peuvent être engagées par les collectivités territoriales pour
professionnaliser leur gestion des assurances et favoriser l’obtention
d’une meilleure couverture assuran
tielle de leurs risques
Plusieurs pistes d’évolution ont été esquissées par le Sénat et le rapport
Chrétien-Dages,
pour améliorer l’assurabilité des collectivités locales
, tels que le projet
d’instaurer un régime de réassurance garanti par l’Etat pour les risques sociétaux (mouvements
sociaux violents) et celui de créer un mécanisme incitatif pour pérenniser la solidarité dans
l’assurance de tous les territoires, inégalement exposés aux risques.
De telles mesures, qui relèvent du niveau national, apparaissent nécessaires, au regard
du caractère inassurable de certains risques climatiques et sociétaux. Elles ne sauraient
RAPPORT D’OBSERVATIO
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cependant
exonérer les collectivités territoriales d’agir, à leur niveau, pour préserver leur
capacité à bénéficier de conditions d’assurance les plus favorables possibles. Car, à côté du
déséquilibre du marché de l’assurance, les difficultés auxquelles
elles sont confrontées révèlent
des fragilités dans la gestion de leurs risques,
qu’elles doivent s’employer à corriger.
La chambre donne dans ce rapport des pistes d’action et d’amélioration concrètes, illustrées par
les pratiques et les choix
d’organisation des 17 organismes qu’elle a audités, s’agissant du
dimensionnement des moyens alloués à la gestion des assurances, de la souscription des contrats
et de la prévention des risques.
Le bon dimensionnement des moyens dédiés à la gestion des assurances apparait,
tout d’abord,
central. En termes de compétences, la gestion des assurances nécessite
une expertise et une polyvalence pour être en capacité de conduire à la fois le processus de
passation, le suivi des sinistres et
l’exécution des cont
rats, mais également le pilotage des
actions de prévention. Le sujet des assurances, devenu stratégique, gagne à être porté par
l’exécutif et la direction générale
des services. Impliquant nécessairement plusieurs services
(commande publique, finances, tec
hniques…), le pilotage de
s assurances est, par ailleurs,
optimal lorsqu’il est confié à une personne ou un service formé au droit des assurances.
Le
tour d’horizon des 17 collectivités de l’échantillon a mis en exergue l’apport des assistants
à maitrise d
’ouvrage de par
leur maitrise de la technicité du domaine et de leur connaissance
fine du marché.
Enfin, la mutualisation de la gestion des risques et des assurances à l’échelle
des intercommunalités apparait pertinente au regard de la rareté de la compétence, des enjeux
financiers et de la technicité de la matière.
Ensuite, les collectivités disposent de marges de progrès dans la préparation de
la souscription des marchés d’assurance.
Cette progression passe, d
’une part
, par une
amélioration de
l’évaluation
des besoins en assurance. Les collectivités doivent analyser
finement
les risques auxquels elles sont exposées, puis déterminer ceux qu’elles sont en capacité
de couvrir elles-mêmes par leurs moyens financiers et opérationnels.
D’autre part, l’
adaptation
des pièces contractuelles et des procédures de consultation doit faciliter le dépôt et la
formalisation d’offres par les assureurs
: elle peut notamment se concrétiser par un
rallongement des délais de réponse ou l’élaboration de pièces de mar
ché normées, répondant
davantage aux pratiques des assureurs.
Enfin,
l
e
troisième
levier
d’actions
réside
pour
les
collectivités
dans
l’approfondissement et l’élargissement
de leurs démarches de prévention des risques. Cette
évolution implique une meilleure connaissance du patrimoine et des risques associés afin
d’
apporter une information complète et précise de la couverture sollicitée auprès des assureurs.
Ce diagnostic est, par ailleurs, un préalable nécessaire à la conception d’un
e stratégie
assurantielle.
Si certaines collectivités investissent d’ores et déjà d’importants moyens pour
déployer des dispositifs circonscrits de prévention, aucune d’entre elles n
e dispose déjà
d’u
ne
démarche de prévention globale pour l’ensemble de ses
risques.