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–
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RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE
DES COLLECTIVITES
TERRITORIALES
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
3
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
......................................................................................................................
5
INTRODUCTION
...........................................................................................................
8
1
UNE ASSURANCE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES EN
CRISE
.......................................................................................................................
9
1.1
L’assurance des collectivités territoriales
: de quoi parle-t-on ?
........................
9
1.1.1
Peu d’obligation de s’assurer, mais une couverture des risques,
indispensable au fonctionnement des collectivités
....................................
9
1.1.2
Le régime juridique spécifique des contrats d’assurance des
collectivités
..............................................................................................
10
1.1.3
Les acteurs du marché de l’assurance aux collectivités territoriales
.......
12
1.2
Une situation de crise aux causes essentiellement extérieures aux
collectivités
.......................................................................................................
14
1.2.1
L’année 2023 marque une rupture pour l’assurance des
collectivités territoriales
..........................................................................
14
1.2.2
Une crise aux causes multiples
................................................................
15
1.2.2.1
Un marché de niche pour les assureurs, très concentré, déstabilisé par les
difficultés financières d’un acteur historique
.........................................................
15
1.2.2.2
Des risques en évolution, dont la probabilité de survenance augmente
.................
16
2
L’IMPACT DE CETTE SI
TUATION DE CRISE SUR LES
COLLECTIVITES TERRITORIALES
.................................................................
18
2.1
Une forte augmentation des tarifs aggravée par le durcissement des
conditions contractuelles
..................................................................................
18
2.1.1
Une hausse des dépenses d’assurance tempérée par leur poids dans
les budgets locaux
...................................................................................
18
2.1.1.1
Une forte augmentation des primes d’assurance, souvent sans lien avec
l’évolution de la sinistralité
....................................................................................
18
2.1.1.2
Une part des primes d’assurances qui reste modérée dans les budgets locaux
.......
20
2.1.2
Un durcissement des conditions de garanties, facteur de
vulnérabilité pour les collectivités
...........................................................
21
2.1.2.1
La hausse des franchises et le plafonnement des indemnisations des sinistres
......
21
2.1.2.2
La multiplication des exclusions et des réserves
....................................................
23
2.1.2.3
L’introduction de clauses de prévention limitant le montant des indemnités
.........
24
2.2
Un impact différencié selon les risques assurés
...............................................
25
2.2.1
Des difficultés qui se concentrent sur l’assurance dommage aux
biens
........................................................................................................
25
2.2.2
Une assurance statutaire coûteuse, réinterrogée par les collectivités
......
28
2.2.3
Une assurance responsabilité civile en tension dans les
départements
............................................................................................
29
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
4
3
DES LEVIERS POUR FAV
ORISER L’ASSURABILIT
E DES
COLLECTIVITES TERRITORIALES
.................................................................
30
3.1
Une détente possible du marché de l’assurances des collectivités,
à des
prix durablement plus élevés
............................................................................
30
3.2
Des mesures en débat pour renforcer l’assurabilité des collectivités
territoriales
........................................................................................................
30
3.2.1
La réflexion nationale sur des mécanismes de solvabilisation
de
l’indemnisation des risques climatiques et sociaux
.................................
30
3.2.2
Une adaptation nécessaire du cadre juridique applicable aux
contrats d’assurance
?
..............................................................................
32
3.3
Une gestion des assurances qui doit se professionnaliser dans les
collectivités territoriales
...................................................................................
33
3.3.1
Allouer des moyens à la hauteur des enjeux
...........................................
33
3.3.1.1
Les composantes clés d'une « fonction assurances » en collectivités
territoriales
.............................................................................................................
33
3.3.1.2
Un socle de moyens minimum à consacrer au suivi des assurances
.......................
34
3.3.2
Mieux préparer la souscription des contrats
en améliorant l’analyse
de ses besoins d’assurance
......................................................................
36
3.3.2.1
Déterminer ses besoins prioritaires d’assurances
...................................................
36
3.3.2.2
Un effort d’adaptation des pièces contractuelles à réaliser
.....................................
38
3.3.3
Des politiques de prévention et de gestion des risques à consolider
.......
39
3.3.3.1
Progresser dans la connaissance du patrimoine et des risques associés
.................
40
3.3.3.2
La prévention des risques en collectivités, un engagement à mener au long
court
.................................................................................................................
41
ANNEXES
......................................................................................................................
44
Annexe n° 1. Liste de collectivités et établissements publics locaux faisant
partie de l’échantillon
.......................................................................................
45
Annexe n° 2. Liste des acteurs du marché de l’assurance des collectivités
territoriales audités par la chambre
..................................................................
46
Annexe n° 3. Glossaire
de l’assurance et des acteurs de l’assurance
des
collectivités
.......................................................................................................
47
Annexe n° 4.
L’assurance des risques climatiques
...............................................
50
Annexe n° 5.
Evolution du montant des principales primes 2018-2024
...............
51
Annexe n° 6. L’état du patrimoine, pièce indispensable pour rendre lisible
les biens à assurer
.............................................................................................
52
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
5
SYNTHÈSE
Une assurance indispensable au fonctionnement des services publics
locaux, en crise depuis 2023.
Comme les particuliers et les entreprises, les collectivités territoriales souscrivent des
contrats d'assurance pour couvrir les risques auxquels elles s'exposent dans la gestion des
compétences et des services publics dont elles ont la charge.
Il y a peu d’obligation d’assurance pour les collectiv
ités territoriales, mais l'impact
financier des sinistres potentiels les poussent à souscrire des contrats, pour couvrir les risques
de dégradation de leur patrimoine immobilier et mobilier, les risques de préjudice causés à des
tiers qui engageraient leur responsabilité ou encore les risques de préjudice subis par leurs élus
ou leurs agents.
Plusieurs facteurs jouent ces dernières années dans le sens d'un renchérissement du coût
de l'assurance. Fragilisés par la crise sanitaire et confrontés à la multiplication des sinistres
climatiques et à leur impact, les assureurs ont rééquilibré leurs comptes par une hausse de leurs
tarifs, quel que soit le secteur
d’activité. La récurrence des
événements sociaux violents portant
atteinte aux biens, sans être spécifique aux collectivités territoriales, les a touchées tout
particulièrement (200
M€
de sinistres indemnisés en faveur des collectivités sur un total de
730
M€
d’indemnisation
lors des émeutes urbaines de 2023). Les caractéristiques propres du
marché de l'assurance des collectivités, très concentré et porté essentiellement par deux acteurs
mutualistes,
Groupama et la Société Mutuelle d’Assurance des Collectivités Locales (SMACL),
constituent
le troisième et principal facteur à l’origine de la dégradat
ion des conditions
d’assurances du secteur public
local. Les acteurs de ce marché ont mené, ces 10 dernières
années, une politique commerciale de stabilité des prix à un niveau bas, déconnectée de
l’inflation
du coût et de la fréquence des sinistres. Il en a résulté de graves difficultés financières
de la SMACL, et à partir de 2023, une résiliation quasi-systématique des contrats,
ou
la signature d’
avenants intégrant une forte correction des prix à la hausse.
Dans ce contexte assurantiel dégradé, la chambre régionale des comptes Bourgogne-
Franche-Comté a réalisé un audit flash en associant 17 collectivités et organismes locaux
(13 communes, 2 intercommunalités, un département et un syndicat de traitement des déchets)
afin de mesurer l'impact de cette situation sur les comptes des collectivités et sur la qualité des
garanties obtenues,
et d’identifier leurs pratiques et les moyens employés pour y faire face.
Les observations de la chambre, objet du présent rapport, complètent et illustrent les travaux
menés à l’initiative du Sénat ou du Gouvernement, pour trouver des solutions
afin d'améliorer
l’assurabilité des collectivités territoriales.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
6
Un poids budgétaire qui reste soutenable pour les collectivités
territoriales malgré une forte augmentation des tarifs et une
dégradation des garanties, source de vulnérabilité
Dans l'échantillon régional étudié, la chambre observe une dégradation des conditions
d’assurance valable dans la quasi
-totalité des collectivités auditées : les primes d'assurance ont
été multipliées par près de deux en 2018 et 2024, la part des réparations restant à la charge de
la collectivité (franchises) progresse fortement et les montants maximaux d’indemnisation sont
réduits. En réponse aux consultations lancées pour trouver un assureur, une seule offre a été,
au mieux, formulée. Pire, certaines collectivités
ont été privées d’assurance
pour leurs biens en
2024 pendant plusieurs mois.
Ces évolutions sont d'abord liées aux dysfonctionnements
du marché de l’assurance des
collectivités locales : ainsi, la hausse des primes et des franchises touche presque tous les
17
organismes audités, indépendamment de la taille et des risques propres à chacun. L’existence
d’une sinistralité plus élevée, cependant, constitue toujours un élément aggravant. Ainsi, les
collectivités touchées par des événements climatiques (orages de grêle) ou des mouvements
sociaux impactant leur patrimoine (émeutes urbaines) connaissent des conditions d’assurance
plus défavorables.
L’assurance des dommages aux biens concentre ces difficultés. Malgré la raréfaction
générale de l’offre, l’assurance responsabilité civile n’est pas touchée, à l’exception des
départements, qui peinent à assurer les risques associés à leurs compétences sociales.
La forte augmentation des primes d'assurances intervient dans un contexte marqué par
l’inflation des charges de fon
ctionnement courantes des collectivités territoriales (énergie
notamment). Cependant, le poids budgétaire de l'assurance, parmi les charges de gestion des
collectivités, reste limité (1,7 % en moyenne), soit selon les collectivités de
l’échantillon étudié,
entre 2 et 10 fois moins que le coût de l'énergie, estimé à 5 % de leurs charges de
fonctionnement.
La spécificité du cycle engagé en 2022-2023 est de présenter à la fois une hausse des
prix supérieure aux précédents maximas et une forte restriction des garanties apportées,
qui a pour effet, dans certains cas, de neutraliser la couverture du risque.
Indépendamment de mesures structurelles débattues au niveau
national pour conforter l’assurabilité des collectivités, des actions
peuvent être engagées par les collectivités territoriales pour
professionnaliser leur gestion des assurances et favoriser l’obtention
d’une meilleure couverture assuran
tielle de leurs risques
Plusieurs pistes d’évolution ont été esquissées par le Sénat et le rapport
Chrétien-Dages,
pour améliorer l’assurabilité des collectivités locales
, tels que le projet
d’instaurer un régime de réassurance garanti par l’Etat pour les risques sociétaux (mouvements
sociaux violents) et celui de créer un mécanisme incitatif pour pérenniser la solidarité dans
l’assurance de tous les territoires, inégalement exposés aux risques.
De telles mesures, qui relèvent du niveau national, apparaissent nécessaires, au regard
du caractère inassurable de certains risques climatiques et sociétaux. Elles ne sauraient
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
7
cependant
exonérer les collectivités territoriales d’agir, à leur niveau, pour préserver leur
capacité à bénéficier de conditions d’assurance les plus favorables possibles. Car, à côté du
déséquilibre du marché de l’assurance, les difficultés auxquelles
elles sont confrontées révèlent
des fragilités dans la gestion de leurs risques,
qu’elles doivent s’employer à corriger.
La chambre donne dans ce rapport des pistes d’action et d’amélioration concrètes, illustrées par
les pratiques et les choix
d’organisation des 17 organismes qu’elle a audités, s’agissant du
dimensionnement des moyens alloués à la gestion des assurances, de la souscription des contrats
et de la prévention des risques.
Le bon dimensionnement des moyens dédiés à la gestion des assurances apparait,
tout d’abord,
central. En termes de compétences, la gestion des assurances nécessite
une expertise et une polyvalence pour être en capacité de conduire à la fois le processus de
passation, le suivi des sinistres et
l’exécution des cont
rats, mais également le pilotage des
actions de prévention. Le sujet des assurances, devenu stratégique, gagne à être porté par
l’exécutif et la direction générale
des services. Impliquant nécessairement plusieurs services
(commande publique, finances, tec
hniques…), le pilotage de
s assurances est, par ailleurs,
optimal lorsqu’il est confié à une personne ou un service formé au droit des assurances.
Le
tour d’horizon des 17 collectivités de l’échantillon a mis en exergue l’apport des assistants
à maitrise d
’ouvrage de par
leur maitrise de la technicité du domaine et de leur connaissance
fine du marché.
Enfin, la mutualisation de la gestion des risques et des assurances à l’échelle
des intercommunalités apparait pertinente au regard de la rareté de la compétence, des enjeux
financiers et de la technicité de la matière.
Ensuite, les collectivités disposent de marges de progrès dans la préparation de
la souscription des marchés d’assurance.
Cette progression passe, d
’une part
, par une
amélioration de
l’évaluation
des besoins en assurance. Les collectivités doivent analyser
finement
les risques auxquels elles sont exposées, puis déterminer ceux qu’elles sont en capacité
de couvrir elles-mêmes par leurs moyens financiers et opérationnels.
D’autre part, l’
adaptation
des pièces contractuelles et des procédures de consultation doit faciliter le dépôt et la
formalisation d’offres par les assureurs
: elle peut notamment se concrétiser par un
rallongement des délais de réponse ou l’élaboration de pièces de mar
ché normées, répondant
davantage aux pratiques des assureurs.
Enfin,
l
e
troisième
levier
d’actions
réside
pour
les
collectivités
dans
l’approfondissement et l’élargissement
de leurs démarches de prévention des risques. Cette
évolution implique une meilleure connaissance du patrimoine et des risques associés afin
d’
apporter une information complète et précise de la couverture sollicitée auprès des assureurs.
Ce diagnostic est, par ailleurs, un préalable nécessaire à la conception d’un
e stratégie
assurantielle.
Si certaines collectivités investissent d’ores et déjà d’importants moyens pour
déployer des dispositifs circonscrits de prévention, aucune d’entre elles n
e dispose déjà
d’u
ne
démarche de prévention globale pour l’ensemble de ses
risques.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
8
INTRODUCTION
La chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté a inscrit, dans le cadre
de sa programmation 2024, un audit flash relatif à l
’assurabilité d
es collectivités locales.
L
a question de l’assurance des
collectivités territoriales revêt une acuité particulière
depuis 2022 et surtout 2023, date à partir de laquelle les conditions de couverture de risque
offertes pour les services publics locaux se sont brutalement dégradées.
Ce contexte délicat, marqué à la fois par une forte progr
ession des primes d’assurances,
la dégradation des garanties apportées, voire l’impossibilité dans laquelle se trouvent ce
rtaines
collectivités de trouver un assureur, alimente actuellement les discussions entre le
gouvernement, le Sénat et les associations représentatives des collectivités territoriales sur les
mesures qui permettraient
d’améliorer l’assurabilité des collectivités.
L’
audit de la chambre a vocation à collecter et rendre publiques des données objectives
sur un sujet d’actualité, au périmètre délimité, dans un délai contenu, au plus proche des faits
analysés. Les objectifs sont :
-
de comprendre les causes de
la crise de l’assurance des collectivités territoriales
;
-
d
’analyser
des principales conséquences de la crise
du marché de l’assurance
sur les
finances des collectivités en 2023 et 2024 ;
-
e
t d’
étudier les
mesures prises par les collectivités pour gérer ou s’adapter à cette
crise.
L’échantillon, basé sur le volontariat, est
composé de 17 organismes publics locaux,
dont 13 communes et deux EPCI de toutes strates démographiques (- de 500 à
+ de 260 000 habitants) et un département. Un syndicat de traitement des déchets a également
été retenu
dans l’échantillon
, pour mieux appréhender la logique
spécifique de l’assurance des
risques industriels gérés par un organisme public local.
Cet échantillon a été défini afin de prendre en compte une grande hétérogénéité, tant
dans la répartition des strates démographiques (
voir la liste en annexe n° 1)
que dans la variété
des biens et des risques à assurer. Ces critères ont prévalu sur les positions géographiques,
même si l’échantillon se déploie sur l’ensemble des départements
de Bourgogne-Franche-
Comté.
Les ordonnateurs des 17 organismes de l’échantillon ont été destinataires d’un
courrier
formalisant l’ouverture de l’audit
, le 12 mars 2024. Un ou plusieurs entretiens ont été menés
avec chacune des collectivités pour analyser l
’évolution de leurs conditions d’assurance et le
urs
choix de gestion face aux difficultés rencontrées p
our s’assurer.
La chambre a, par ailleurs,
audité des associations représentatives des collectivités et diverses parties prenantes de
l’assurance des collectivités
, courtier
s, experts d’assurés, assistants à maîtrise d’ouvrage,
inspecteur de prévention (
voir liste en annexe n° 2
). Les entretiens de
fin d’audit se sont tenus
entre le 17 avril et le 24 mai 2024 avec les ordonnateurs.
Le
rapport d’
observations provisoires de la chambre, rapport commun aux
17 organismes
associés à l’audit, leur a été communiqué
le 24 juillet 2024. Cinq organismes
ont apporté une réponse à la chambre. Les observations définitives, objet de ce rapport, ont été
délibérées le 16 octobre 2024.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
9
1
UNE ASSURANCE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
EN CRISE
1.1
L’assurance des collectivités territoriales
: de quoi parle-t-on ?
1.1.1
Peu d’obligation de s’assurer, mais
une couverture des risques, indispensable
au fonctionnement des collectivités
Les collectivités territoriales sont
confrontées à des risques multiples
dans l’exercice
de leurs compétences et la gestion des services publics dont elles ont la charge :
celui de la dégradation de leur patrimoine immobilier et mobilier ; celui de préjudices subis par
des tiers (biens ou personnes) qui engageraient leur responsabilité et celui de préjudices subis
par leurs élus ou leurs agents (accident, maladie, agressions, etc.).
Le
périmètre de ces risques et le champ de la responsabilité des collectivités
territoriales
n’
ont cessé
de s’étendre
avec les transferts de compétences successifs de
l
’Etat
, intervenus au cours des dernières décennies (compétences sociales transférées aux
départements, gestion des collèges et lycées, patrimoine routier, gestion des milieux aquatiques
et prévention des inondations)
1
. Les biens et les personnels associés à ces compétences sont
intégrés dans leur spectre de risque. Le durcissement des normes, notamment en matière de
patrimoine immobilier, contribue également à cette évolution. Plus récemment, la récurrence
des événements climatiques ou des mouvements sociaux violents et les cyberattaques
s’imposent comme de nouveaux aléas auxquels les collectivités doivent faire face.
Comme tout agent économique, particulier ou entreprise, une
collectivité peut s’assurer
contre les risques qu’elle est amenée à subir.
Face à ces risques, les collectivités déterminent
leurs besoins assurantiels en identifiant les risques auxquels elles sont confrontées sur leur
territoire, la fréquence des sinistr
es potentiels liés à ces risques et l’ampleur de leurs
conséquences financières en regard de leurs moyens disponibles. A partir de cet état des lieux,
les collectivités
ont le choix d’être leur propre assureur
,
c’est
-à-dire de couvrir le coût du
dédommagement en cas de sinistre par leurs ressources propres. Elles peuvent également
transférer leur couverture à un assureur, qui les protègera des impacts financiers lors de la
survenance d’un sinistre.
Seuls
quelques-uns de ces risques doivent, de par la loi, être obligatoirement
assurés par les collectivités territoriales
. Les polices obligatoires concernent principalement
le champ de la responsabilité civile. En matière de flotte automobile, les collectivités
territoriales doivent souscrire
des contrats d’assu
rance visant à couvrir les dommages subis par
des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un
1
Les missions et compétences
exercées par l’Etat bénéficient de la garantie juridique et financière de ce
dernier en vertu du principe général selon lequel l’État est lui
-même son propre assureur. Toute compétence
transférée sort donc du périmètre
assuré par l’Etat pour son propre compte et nécessite, de
la part de la collectivité
qui la reçoit, de l’intégrer dans son spectre de risque et dans ses coûts d’assurance.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
10
véhicule est impliqué
2
.
Le code de l’action sociale prévoit
aussi que les collectivités territoriales
doivent assurer les assistants maternels et familiaux au titre des dommages causés ou subis par
les enfants dont ils ont la charge
3
.
Il impose également la souscription d’un contrat d’assurance
pour les collectivités organisant l’accueil de mineurs au sein de centres de va
cances, de loisirs
et de groupements de jeunesse
4
.
On peut encore citer l’obligation faite
aux collectivités depuis
2020 (article 2123-35 du CGCT) de souscrire une garantie pour couvrir le conseil juridique,
l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de l'obligation de protection à l'égard
des élus.
Cependant, en raison de
l’impact financier potentiellement très lourd d’un sinistre
pour
leurs budgets, la très grande majorité des collectivités, quelle que soit leur taille, couvrent les
principaux risques auxquelles elles sont exposées, bien au-delà des assurances obligatoires, en
souscrivant des contrats auprès d
’un assureur. Les trois p
olices
d’
assurance des risques
« dommages aux biens », « responsabilité civile » et « flotte automobile » ont été souscrites par
l’intégralité des 17 collectivités retenues dans l’échantillon pour l’audit.
Certains élargissent la
couverture de leurs risque
s en passant d’autres contrats d’assurance
notamment ceux liés aux
absences de leurs personnels
5
ou les contentieux (
voir en
annexe n°3
la liste et la définition
des différents risques assurables et des principaux contrats souscrits par les collectivités).
La commune de Prémanon : un
exemple d’assurance
« protection juridique »
La commune de Prémanon dans le Jura (1 200 habitants), couverte pour les risques
« protection juridique », « responsabilité civile » et « dommages aux biens »
au titre d’un
contrat
d’assurance global
a été confrontée à de nombreux
contentieux
suite à l’adoption de
son plan local d’urbanisme
- PLU en 2020.
Son PLU s’est notamment traduit par des
changements d’affectation de terrains, rendus non constructibles
, sur un territoire caractérisé
par une pression foncière importante. Ces contentieux se sont traduits par des montants
importants de
frais d’avocats qui ont été pris en charge par l’assurance
.
In fine, l’assureur
a résilié le contrat à son initiative. La commune, dans son nouveau contrat, a fait le choix de ne
plus couvrir le risque « protection juridique », au regard du renchérissement des tarifs.
1.1.2
Le régime juridique spécifique de
s contrats d’assurance
des collectivités
Un contrat d’assurance est une convention par laquell
e une partie
, l’assuré,
se fait promettre,
pour son compte ou celui d’un tiers
, par une autre partie,
l’assureur
,
une prestation généralement pécuniaire en cas de réalisation d’un risque, moyennant le
paiement d’une prime ou cotisation.
Il permet à une collectivité
, en transférant le risque d’un
événement incertain à un assureur, de se prémunir contre les conséquences financières liées à
la survenance de ce risque.
2
Article L. 211-1 du code des assurances.
3
Article L. 421-
13 du code de l’action
sociale.
4
L. 227-5 du CASF.
5
Une police d’assurance dite des «
risques statutaires du personnel » peut être souscrite pour la prise en
charge des conséquences financière du maintien des rémunérations en cas d’absences pour maladies,
accident du travail, congés de maternité, décès.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
11
Le
contrat d’assurance
détermine limitativement les risques couverts ainsi que les
conditi
ons de couverture de ces risques et d’indemnisation des sinistres.
A ce titre, il
prévoit le
niveau de la prime d’assurance, le niveau des franchises,
le plafond des garanties
apportées :
Schéma n° 1 :
Les composantes d’un contrat d’assurance
Source : CRC BFC
Le régime juridique des contrats
d’assurances d
es collectivités territoriales se caractérise
par leur soumission au code des assurances et à celui de la commande publique, pour ce qui
concerne les modalités de sélection d’un assureur,
ce depuis le décret n° 98-111 du
27 février 1998. L
a souscription d’un contrat d’assurance
doit donc garantir le respect des
grands principes de la commande publique : liberté
d’accès, l’
égalité de traitement et
transparence des procédures.
Si le contrat d’assurance d’un
acheteur public consiste en l’achat d’une prestation de
service, il n’est pas un marché public comme un autre
. Des aménagements et dérogations
s’imposent à l’acheteur public
et à
la compagnie d’assurance, dans l’application des deux codes
.
A titre d’
exemple, en matière de durée du contrat,
l’article L. 113
-12 du code des
assurances dispose que celle-ci est librement fixée par les parties avec reconduction annuelle
tacite. Tandis que
l’article L. 2112
-5 du code de la commande publique impose à la collectivité
de définir une durée de marché tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité
d’une remise en concurrence périodique.
Dès lors, la durée du contrat doit être ferme, connue
lors de la passation, et la tacite reconduction illimitée est prohibée
6
. Le même article du code
des assurances offre la possibilité aux assureurs de résilier unilatéralement le contrat à la seule
6
Article R. 2112-4 du code de la commande publique.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
12
condition d’en inform
er
l’assuré dans un
délai de deux mois
avant la fin de l’échéance du
contrat. A contrario,
l’article L. 6 du code de la commande publique
reconnait un droit de
résiliation
uniquement à l’autorité publique contractante
dans des cas limitativement énumérés
7
.
Sans remettre en cause le droit de résiliation unilatérale des assureurs, le juge administratif est
récemment venu l’encadrer en vertu du principe de continuité des services publics
8
.
1.1.3
Les acteurs du marché de l’assurance aux collectivités territoriales
Le marché de l
’assurance
des collectivités fait intervenir
une pluralité d’
acteurs
.
Les spécificités des collectivités assurées, une palette large de risques hétérogènes et des
sujétions liées aux missions de service public, peuvent pousser les
compagnies d’assurance à
recourir à un intermédiaire, le courtier. De leur côté, les collectivités territoriales se font souvent
accompagner par des
cabinets de conseil (assistants à maîtrise d’ouvrage)
, en raison de la
technicité de ce marché.
L’Etat intervient à plusieurs titres en faveur de l’assurabilité des collectivités. En tant
que normateur, il prescrit les plans de prévention que les collectivités doivent obligatoirement
adopter (voir infra §
3.3.3). Il contrôle par ailleurs les conditions d’exercice du marché à travers
l’autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR). Enfin, il appo
rte aux collectivités
territoriales des soutiens financiers et une offre de réassurance publique pour des risques qui ne
sont plus assurables
9
, notamment dans le cadre du régime des catastrophes naturelles.
Les collectivités territoriales présentent la par
ticularité d’avoir
une très grande
diversité de risques à couvrir
(biens, responsabilité) et un
besoin d’assurance
indispensable à
la continuité du service public local. Les assureurs répondent mal à ce spectre très large de
besoin
s, qu’ils jugent peu lis
ibles.
Le risque « collectivités locales » est par conséquent
peu prisé des compagnies d’assurance.
7
Articles L. 2195-1 et s. du CCP.
8
Décision du Conseil d’Etat du 12 juillet 2023
.
9
Gestion de l’assurance et de la réassurance des risques attentats et actes terrorisme (GA
REAT) et le
régime d’indemnisation des catastrophes naturelles dit «
Cat-Nat ». Cf. annexes 2 et 3.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
13
Schéma n° 2 :
Les acteurs du marché de l’assurance des collectivités territoriales
Source : CRC BFC
Le marché de l’assurance des collectivités territoriales se caractérise par
son poids très
modeste dans le marché global des assurances. Avec un
chiffre d’affaires
d’environ
200
M€
par an, il représente seulement 1,5 % à 2 %
du chiffre d’affaires
total des assureurs, hors
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
14
assurances vie
10
. Il se caractérise par ailleurs par une rentabilité moyenne inférieure de 11 points
à celle des cont
rats d’
assurances des entreprises
11
.
Le marché de l’assurance des collectivités territoriales est très concentré
.
Groupama e
t la Société Mutuelle d’Assurance des Collectivités Locales (SMACL),
groupes
mutualistes français
qui proposent directement des contrats d’assurance en répondant aux
appels d’offre des collectivités, se répartissent
à eux deux plus de 75 % des parts de ce marché
12
.
A titre secondaire, les collectivités ont accès à des offres d’assurances de grands groupes
d’assurance généralistes (Axa, Allian
z
, Generali, …), par l’intermédiaire d’agents généraux
d’assurances et de courtiers. Par ailleurs, le caractère
oligopolistique du marché est
périodiquement tempéré par l’action d’entreprises qui y interviennent pour une durée limitée
,
mais
sans s’y inscrire durablement
.
1.2
Une situation de crise aux causes essentiellement extérieures aux
collectivités
1.2.1
L
’année 2023 mar
que une rupture
pour l’assurance des collectivités
territoriales
Le marché des assurances aux collectivités territoriales a toujours été caractérisé
par une cyclicité marquée, mais il est entré depuis 2 ans dans une période inédite
.
Elle se traduit pour les collectivités
par une forte hausse des résiliations de contrats à l’initiative
des assureurs, par une raréfaction des offres et une hausse, parfois forte, des primes
d’assurances, mais également par
un durcissement des conditions de garanties, qui poussent les
collectivités à autoassurer un nombre de risques croissant. Ce constat est partagé par la plupart
des collectivités d’une certaine taille
, avec des variations qui peuvent être importantes en
fonction de leurs compétences, de leurs biens et de leur sinistralité.
Les observations de la chambre établies sur la base de son échantillon régional
rejoignent les constats formulés par le rapport de la commission des finances du Sénat, selon
lequel
les difficultés
d’assurabilité sont c
oncentrées sur
l’assura
nce dommage aux biens
et
a
ffectent l’ensemble des collectivités, qu’elles soient rurales ou urbaines, qu’elles aient été
touchées ou non par des émeutes ou par des phénomènes climatiques violents. Comme
l
’
a relevé la mission sénatoriale, le phénomène de retournement des prix concerne globalement
toutes les collectivités, mais les plus peuplées, en particulier celles de plus de 5 000 habitants,
subissent plus fortement la dégradation de leur relation avec les assureurs.
Les départements sont confrontés, de leur côté, à la difficulté
d’assurer leur risque
« responsabilité civile »
, en raison des responsabilités associées à l’exercice de leurs
compétences sociales : cette difficulté leur semble spécifique, les autres strates de collectivités
ne rencontrant pas ce problème (voir infra § 2.2.3).
10
Etat des lieux de
l’association des départements de France
.
11
Rapport de la mission gouvernementale conduite par Mrs Chrétien et Dagès.
12
Rapport de la mission sénatoriale.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
15
1.2.2
Une crise aux causes multiples
Les tensions sur le marché
de l’assurance des collectivités préexistai
ent avant 2023.
Elles résultent
d’abord
de dysfonctionnements structurels, plus que du niveau de sinistralité des
collectivités.
1.2.2.1
Un marché de niche pour les assureurs, très concentré, déstabilisé par les
difficultés financières
d’un acteur h
istorique
Dans la deuxième moitié de la décennie 2010, les tarifs associés aux contrats
d’assurance des
collectivités ont baissé et ont été maintenus pendant des années à un niveau
artificiellement bas, alors que la sinistralité des contrats se dégradait (du fait des risques
climatiques et sociétaux) et que les coûts de réparation des sinistres progressaient
(avec, par exemple, une croissance annuelle de 3 %
de l’indice
de la Fédération française du
bâtiment
13
). Selon le rapport du Sénat, la SMACL, acteur historique du marché et premier
assureur des collectivités territoriales,
s’est engagée dans une course a
ux parts de marché, sans
pour autant disposer d’une
situation financière suffisamment saine pour le lui permettre, dans
un contexte de guerre des prix influencée par des assureurs européens qui sont intervenus sur
ce marché avant de s’en désengager.
Après plusieurs exercices très déficitaires, la SMACL a été recapitalisée à plusieurs
reprises par la MAIF qui l’a rachetée. Elle a dû requestionner l’intégralité de son portefeuille
de contrats entre 2022 et 2023, en mettant en avant le contexte national dégradé, et a, soit résilié
ses contrats, soit menacé de les résilier si
son cocontractant n’acceptait pas une révision des
conditions tarifaires (en général forte majoration des primes). Groupama, acteur très présent sur
le segment des collectivités de plus petite taille
14
mais à l’activité très diversifiée
15
, a également
revu s
es conditions d’assurances au secteur public local.
Les collectivités, qui ont profité d’un contexte de prix très favorable pendant des
années,
sont aujourd’hui confronté
es à un rattrapage des prix des assurances
.
Pour l’assurance dommage
s aux biens, où se concentrent
les difficultés d’assurabilité, les
primes, dès 2022, étaient revenue
s sur les niveaux d’il y a dix ans, avant d’atteindre, en 2023,
des prix inédits (voir graphique ci-dessous). La dégradation de la sinistralité des collectivités
du fait d’
événements climatiques et sociétaux,
à l’impact financier majeur pour les assureurs,
a provoqué le retournement du marché intervenu en 2023 (voir § 1.2.2.2 ci-dessous). Le même
effet de cycle a également été observé par la chambre pour les assurances automobile et
responsabilité civile chez presque tous les organismes de l’échantillon régional (voir infra
§ 2.1.1).
13
L'indice Fédération Française du Bâtiment (FFB) est un index trimestriel qui sert de référence aux
assureurs pour déterminer le prix de l'assurance habitation d'un assuré. Cet indice du coût de la construction est
calculé à partir du p
rix de revient d’un immeuble, hors prix du terrain.
14
Groupama revendique une clientèle d’environ une commune sur deux (tous types de contrats
d’assurance confondus : biens, véhicules, locaux, ou encore responsabilité des élus) avec un portefeuille métier
et
de clientèle plus diversifié.
15
Son chiffre d’affaires issue du marché des collectivités ne représente qu’une faible part de son chiffre
d’affaires annuel.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
16
Ce rattrapage est d’autant plus brusque, qu
e les collectivités sont par ailleurs impactées
par l’inflation de leurs charges (coût de l’énergie,
masse salariale).
Graphique n° 1 :
Prix moyen au m
2
pratiqué par la SMACL pour l’assurance dommage aux biens
des collectivités
Source
: rapport d’information du Sénat sur les difficultés d’assurances des collectivités
1.2.2.2
Des risques en évolution, dont la probabilité de survenance augmente
Selon les données de France Assureurs, le coût des indemnités versées par les assureurs
au titre des sinistres climatiques a été multiplié par trois depuis le début des années 1980. Sur
la seule année 2022, sous l
’effet conjugué de phénomènes intenses de grêle et d’une sécheresse
d’ampleur inédite depuis 40 ans,
le coût des sinistres climatiques est estimé à 10 milliards
d’euros en France pour l’ensemble des acteurs économiques,
contre 3,6 milliar
ds d’euros en
moyenne annuelle sur la décennie 2011-2021.
D’après des études basées sur des projections
socio-démographiques et climatiques, les indemnisations pour la période 2020-2050 seraient
de 143 milliards d’euros
, soit 69 milliards de plus que sur la période 1989-2019 (74 milliards).
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
17
Graphique n° 2 :
Indemnisations liées aux dommages assurés causés par les catastrophes naturelles
depuis 1982
Source : France assurance
Les
conditions générales d’assurance
applicables au secteur privé n
’
étant plus rédigées
en adéquation avec les con
traintes et attentes de leurs réassureurs pour l’ensemble du marché
,
ces derniers ont fortement renchéri leurs conditions tarifaires. Impactés par les conséquences
de la crise Covid
16
et
par la fréquence et l’intensité croissante
des phénomènes climatiques, les
réassureurs sont devenus plus prudents pour réassurer des risques dont les conditions ne sont
pas jugées lisibles
. En 2021, l’ensemble des compagnies d’assurances
ont modifié en
conséquence
, par voie d’avenants,
leurs conditions de contrats avec les assurés du secteur privé.
Les collectivités territoriales ont été impactées avec un décalage de 2 ans.
Aux bouleversements climatiques s’ajoutent l
es mouvements sociaux violents
générant des dégâts sur le patrimoine public
, qui constituent un nouveau type de risque,
tendant à devenir structurel. Ainsi, les émeutes de juillet 2023 ont représenté un coût de 730
M€
pour l’ensemble des assurances
, dont 200
M€
pour les seules collectivités territoriales, 65
M€
pour la SMACL et 30
M€
pour Groupama. Contrairement aux catastrophes naturelles, les
collectivités exposées à ce risque ne bénéficient pas d’un mécanisme de réassurance publi
que
17
.
Enfin, dans ce contexte,
une culture de prévention et de gestion des risques
insuffisante et un cadre juridique et technique
des contrats d’assurance
pas toujours bien
maîtrisé
constituent, pour les collectivités, des éléments qui pénalisent le dialogue avec les
assureurs et ne contribuent pas à favoriser leur assurabilité (voir infra chapitre 3).
16
La police dommages aux biens a été mobilisés par des restaurateurs et des organisateurs de festival
dans le contexte du Covid car mal rédigée du point de vue des assureurs.
17
L’estimation du coût à venir de nouvelles émeutes est bien plus délicat à anticiper en raison d’une
absence de modélisation et d’un aléa moral important, qui permet difficilement d’anticiper la survenance et
l’ampleur de ces phénomènes dans les prochaines
années.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
18
2
L’IMPACT
DE CETTE SITUATION DE CRISE SUR LES
COLLECTIVITES TERRITORIALES
La situation de crise du marché de l’assurance
se traduit par une nette augmentation des
dépenses d’assurance à laquelle s’ajoute u
ne dégradation des conditions de couverture des
garanties.
2.1
Une forte augmentation des tarifs aggravée par le durcissement des
conditions contractuelles
2.1.1
Une hausse des dépenses d’assurance tempérée par leur poids dans les budgets
locaux
2.1.1.1
Une forte augmentation des primes d’assurance,
souvent sans lien avec
l’
évolution de la sinistralité
La crise du marché de l’assurance s
e traduit
d’a
bord par une hausse significative des
primes
d’assurance
(v
oir les chiffres détaillés de l’échantillon régional
en annexe n°5
)
Les dépenses d’assurance des collectivités de l’échantillon, au titre des quatre
principales polices, ont augmenté de 90 % entre 2018 et 2024
. Seules deux communes ont
enregistré une diminution de leurs dépenses, mais avec une réduction du périmètre des garanties
de l’assurance statutaire (cf. § 2.2.2). La hausse s’échelonne de
8 % à 258 %. Pour la commune
de Montceau-les-Mines, par exemple le montant total des primes est passé de 132
K€
en 2018
à 471
K€
en 2024, soit une multiplication par 3,5. La hausse des primes est supérieure à 50 %
pour douze des seize collectivités
de l’échantillon régional
.
L’augmentation est principalement le fait de l’assurance des dommages aux biens avec
une hausse de 147 % entre 2018 et 2024. Dans de moindres proportions, sur la même période,
l’assurance de la flotte automobile augmente
de 96 % et celle de la responsabilité civile de
75 %.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
19
Graphique n° 3 :
Evolution des dépenses
d’assurance
en 2018 et 2024
Source : données transmises par les collectivités.
Cette hausse de la tarification est intervenue, soit dans le cadre de nouveaux marchés
conclus à la suite d’une résiliation unilatérale
, soit suite à un avenant proposé par les
compagnies d’assurance sous peine de résiliation et accepté par les collectivités.
Dans 10 collectivités sur les 1
7 de l’échantillon
,
les modifications contractuelles
,
résiliations et avenants, sont intervenues en 2023 ou 2024, sans
qu’elle
s soient liées à
une aggravation de leur sinistralité.
Les compagnies d’assurance ont mis en avant
, pour justifier ces nouvelles conditions
contractuelles, le principe de solidarité vis-à-vis des collectivités les plus touchées par les
sinistres récents, la réorganisation des portefeuilles ou la fragilisation du modèle économique
de la compagnie.
Tableau n° 1 :
Modifications des conditions du contrat sans lien avec sinistralité
Résiliation unilatérale
Avenant de hausse tarifaire
Dommages aux biens
Besançon / Migennes / Dijon Métropole / ECLA /
Arc-les-Gray (refus avenant de hausse tarifaire)
Pontarlier / Département de la Côte d'Or /
Nevers
Flotte automobile
Sens
Besançon / Pontarlier / Valdoie / SYTEVOM
Source : données transmises par les 17 collectivités.
0
1
2
3
4
5
6
Dommages aux
Biens
Responsabilité
Civile
Flotte
automobile
Satutaire
Total
+ 83%
+ 75%
+ 65%
+ 8%
+ 59%
+ 37%
+ 0,2%
+ 18%
+ 5%
+ 20%
Millions €
2018
2023
2024
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
20
Pour les 8 autres organismes,
une sinistralité dégradée,
du fait de mouvements
populaires (gilets jaunes, émeutes urbaines de l’été 2023) ou d’
événements climatiques,
et le versement par l’assureur d’importantes indemnisations
détériorant la rentabilité du contrat,
a constitué un facteur aggravant de la hausse des tarifs.
Par exemple, la commune de
Belfort
a été
victime d’un orage de grêle
en 2022 qui a
fait l’objet d’une
proposition d'indemnisation pour un premier bâtiment à hauteur de 770
K€
.
La commune de
Chenôve
a subi un incendie de l’hôtel de ville et du CCAS en juillet 2022
,
indemnisé à 493,3
K€
après application d
’une
franchise de 300
K€
. La commune
de Migennes
a perçu, suite à un sinistre
durant l’épisode d’
émeutes urbaines en 2023, un début
d’indemnisation
à hauteur de 153,7
K€
pour des dommages évalués provisoirement à environ
250
K€
. Enfin, le coût des indemnités de la commune de
Valdoie
suite à un cumul de
sinistres (tempête avec un impact de 27
K€
, incendie de trois cellules commerciales en 2022
pour 1,4
M€
et dégradation de la maison pour tous pour 160
K€
), a
motivé d’importantes
modifications contractuelles.
La hausse des coûts de l’assurance de la flotte automobile s’explique
, elle, par ailleurs
par
l’in
dexation
18
des contrats, basée sur un indice très dynamique, avec une progression
annuelle moyenne autour de 8 % en moyenne depuis 2022. Cette évolution a été aggravée, en
2024, pour les organismes assurés par la SMACL qui a imposé des avenants à des taux
dépassant celui de l’indice contractuel, entre 15
à 26 %
pour les collectivités de l’échantillon.
2.1.1.2
Une part
des primes d’assurances
qui reste modérée dans les budgets locaux
Les dépenses relatives aux
quatre principales polices d’assurance
19
représentent,
en 2024,
1,7 % des charges de gestion 2023 des
collectivités de l’échantillon
.
Cette part est
en
légère augmentation par rapport 2018
, où elle représentait 1,33 % des charges de gestion.
Quelques collectivités, du fait de
spécificités, présentent un poids des dépenses
d’assurance qui s’écarte de la mo
yenne
. La commune de
Saint-Honoré-les-Bains
supporte
un montant plus important de charges assurantielles, lié à son statut de commune touristique,
du fait de la présence sur son territoire d
’
équipements publics
qu’elle gère en régie (piscine,
camping). De
la même manière, la part des primes d’assurance
de Dijon Métropole
est plus
élevée que celles des collectivités de même profil, en raison de la gestion en régie de
l’usine de valorisation énergétique des déchets et du centre de tri, par lesquelles l’EPCI
paye
en 2024 une prime de 716
K€
(sur un total de 1,24
M€
).
18
Indice Sécurité et Réparation Automobile
: cet indice est calculé à partir d’une moyenne de trois
indicateurs, les prix des pièces de rechange, de la main d’œuvre et des ingrédients peinture, indicateurs qui ont
tous connu une inflation marquée en période récente.
19
Assurances « dommages aux biens, responsabilité civile et risques annexes, flotte automobile, risques
statutaires.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
21
Graphique n° 4 :
Evolution du poids des dépenses des 4 principales polices d’assurance
dans les charges de gestion
20
Source : ANAFI pour les charges de gestion et données des collectivités
pour les dépenses d’assurance
* : collectivités en auto-assurance statutaire.
Dans le cas de Dijon Métropole et du Sytevom, l’assurance
DAB comprend également l’assurance des risques industriels.
Le poids limité
des charges d’assurance
dans le budget total de fonctionnement
relativise l’impact financier de la forte hausse des primes.
La
restriction des garanties
contractuelles
d
e l’
assurance dommages aux biens
,
qui s’est généralisée dans les contrats
signés en 2023 et 2024,
pourrait en revanche
,
en cas de
survenance d’un sinistre
,
avoir un
impact sur les finances des collectivités, bien supérieur
à la hausse des primes d’assurance
(cf. tableau n°2).
2.1.2
Un durcissement des conditions de garanties, facteur de vulnérabilité pour les
collectivités
2.1.2.1
La hausse des franchises et le plafonnement des indemnisations des sinistres
Globalement, l’ensemble des collectivités de l’échantillon ayant procédé à un marché
de renouvellement de leur contrat d’assurance de dommages aux biens en 2023 et 2022 ont vu
,
soit le
niveau de certaines franchises réhaussé, soit des plafonds de garanties abaissés
à
l’initiative des compagnies d’assurance. Ces dernières se sont affranchies des cahiers des
charges des collectivités en imposant des conditions contractuelles qui viennent fortement
limiter le montant d’indemnisation en cas de survenance d’un sinistre.
20
Le calcul a été fait en 2024 à partir des charges de gestion de gestion 2023.
0,00%
0,50%
1,00%
1,50%
2,00%
2,50%
3,00%
3,50%
4,00%
4,50%
2018
2023
2024
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
22
Tableau n° 2 :
L’explosion des franchises
: cas des sinistres « émeutes urbaines » et « climatiques »
21
Montant
franchise
précédent
contrat
Montant
franchise
actuelle
Catégorie
de la franchise
CAF brute
2023
Poids des
franchises/
CAF
Arc-les-Gray
Sans franchise
300 000 €
Emeutes et mouvements
populaires
504 557 €
59,5 %
Belfort
25
000 €
100 000 €
Tempête, neige, grêle
14 539 163 €
0,7 %
Besançon
500
000 €
1 000 000 €
Tempête, neige, grêle,
incendie
35 277 895 €
2,8 %
Besançon
50
000 €
2 000 000 €
Emeutes et mouvements
populaires
35 277 895 €
5,7 %
Département
de la Côte d'Or*
10 % Montant du
sinistre min
3 000
€
, max
15
000€
2 000 000 €
Emeutes et mouvements
populaires
62 029 930 €
3,2 %
Chenôve
300
000 €
750 000 €
Emeutes et mouvements
populaires
2 087 124 €
35,9 %
ECLA
1
500 €
100 000 €
Incendie
4 103 764 €
2,4 %
Migennes
7
600 €
300 000 €
Emeutes et mouvements
populaires
1 992 409 €
15,1 %
Valdoie
1
000 €
2 000 000 €
Emeutes et mouvements
populaires
845 547 €
236,5 %
Source : données ANAFI et des collectivités.
Jusqu’en 2023, les franchises
se bornaient le plus souvent à des franchises générales
d’un montant limité,
de l’ordre de quelques milliers d’euros.
Dans les contrats signés à
compter de 2023, une hausse des franchises générales est opérée. La
communauté
d’agglomération de
Lons-le-Saunier
a connu une multiplication par 33 de cette franchise lors
du renouvellement de son contrat en 2024. La franchise générale de
Dijon Métropole
a
également été multipliée par 10 entre 2018 et 2024.
Le durcissement
des niveaux de franchises dans les contrats les plus récents est
encore plus marqué pour les franchises spécifiques
aux sinistres « émeutes urbaines » et
« climatiques ».
Ces niveaux élevés de franchise sont susceptibles d’engager significativement
les finances des collectivités en cas de sinistre.
A titre d’exemple,
la commune de
Valdoie
pourrait devoir mobiliser entre 20 %
de sa capacité d’autofinancement, pour
rembourser un prêt
qu’elle
aurait à souscrire, si elle faisait face à un sinistre de 2
M€
sur un bâtiment endommagé
21
Orages, tempêtes, grêle, neiges.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
23
par une émeute ou un mouvement populaire,
l’assurance ne versant aucune indemnité dans cette
hypothèse (voir tableau ci-dessus).
Les compagnies d’assurance ont également
restreint l’indemnisation
des collectivités
en
abaissant les plafonds de garanties
.
A titre d’exemple, l
es communes de
Besançon,
Montceau-les-Mines, Valdoie et Arc-les-Gray
ont une limit
ation d’indemnité à hauteur de
6
M€
par sinistre et par an pour les événements tempête, neige et grêle
; l’
indemnisation des
dégâts liés à des mouvements populaires est par ailleurs limitée à 2
M€
par sinistre et
3
M€
par an. Cumulée à la franchise de 2
M€
, la couverture de ce risque est ainsi, pour ces
collectivités, fortement restreinte.
A titre d’exemple, pour un sinistre
sur un bâtiment
d’une de
ces collectivités, évalué à 7
M€
, après application de la franchise à 2
M€
, seuls 2
M€
d’indemnisation seraient perçus par l’assuré en raison de la limitation d’indemnité. Les finances
de la collectivité seraient ainsi mobilisées à hauteur de 5
M€
soit le montant de la franchise
ajouté aux montants des dégâts non couverts (schéma ci-dessous).
Schéma n° 3 :
Impact financier
d’un sinistre
« émeute urbaine »
Source : CRC, BFC
2.1.2.2
La multiplication des exclusions et des réserves
Les contrats d’assurance dommages aux biens les plus récents se caractérisent par
l’introduction de nouvelles exclusions ou réserves
.
Les collectivités ayant contractualisé avec la SMACL sont particulièrement concernées
par cette évolution des contrats. A titre d’exemple, les dommages subis et causés par
des
installations photovoltaïques
installées au sol, par celles ayant fait l’objet de rappels de
produi
t ou d’alertes en lien avec une sinistralité répétée et celles inscrites dans un processus
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
24
innovant en cours de validation ne sont pas couverts. Par ailleurs, la garantie tempête-grêle-
neige n'
est mise en œuvre
que dès lors que la vitesse du vent dépasse 100 km/h.
La SMACL a également introduit de nouvelles exclusions en énumérant limitativement,
pour certaines garanties, les biens couverts. Ainsi, certains
ouvrages d’art et de génie civil
comme les aires de stationnement, les digues, ne sont pas couvert
s par l’assurance dommages
aux biens. La même approche restrictive est appliquée au mobilier urbain et biens extérieurs
22
,
qui bénéficiait
jusqu’à présent
des mêmes garanties que les autres biens. La compagnie, en
listant à la fois les biens et les garanties couverts, exclut des événements qui constituent
l’essentiel de la sinistralité
, tels que les bris de glace subis par les abris des transports en
commun, les chocs d
’un
véhicule sur des feux de signalisation. Cumulée à
l’introduction d’un
plafond d’indemn
isation à 150
K€
,
l’assurance des dommages subis par le mobilier urbain
se voit privée, dans ces conditions,
d’effe
ctivité
.
L’automaticité de garantie
23
n’est plus, pour certains bâtiments, acceptée par la
compagnie d’assurance. Sont notamment visés les bâtiments liés à la gestion des déchets, ceux
de plus de 500 m
2
qui sont vacants, à l’état de friches ou voués à la démolition.
L’assurance responsabilité
civile peut aussi faire l’objet de réserves. La couverture du
contrat de la commune de
Belfort
a été progressivement restreinte au gré des renouvellements
successifs. Aux premières exclusions introduites en 2019, notamment relatives aux dommages
causés pa
r l’amiante et par des
émeutes urbaines
24
, sont venues s’ajouter
, en 2021, celles des
dommages résultant d’une pollution non accidentelle
. Le dernier contrat souscrit en 2024 a
confirmé ces exclusions.
2.1.2.3
L’introduction de clauses de prévention limitant le mo
ntant des indemnités
Un élément supplémentaire du durcissement des conditions
d’assurance
consiste en
l’introduction, par la SMACL, d’une
nouvelle clause de prévention annexée au contrat
d’assurance dommage aux biens
. Cette clause concerne
l’intégralité des contrats conclus en
2024. Pour les contrats antérieurs, ces engagements ont été introduits par
voie d’avenant
.
Cette nouvelle clause instaure une
réduction à hauteur de 20 %
de l’indemnisation
d’un sinistre
en cas de non-respect des obligations de prévention
imposées par le contrat
25
.
L’annexe
contractuelle correspondante recouvre environ une vingtaine de thématiques
d’une
grande diversité, dont les détections incendie et intrusion, les travaux par points chauds, la
prévention des incendies dûs aux fumeurs... Pour chaque engagement, elle détaille les
obligations à la charge des assurés et leur périmètre. Dans quelques cas, elle motive les
engagement
s attendus de l’assuré, à
travers
un retour d’expérien
ce.
22
Concernant la commune de Besançon, le nouveau contrat de dommages aux biens contracté avec la
SMACL à effet du 1
er
janvier 2024 exclut la garantie choc de véhicules terrestres non identifiés, la garantie vol et
vandalisme sur biens extérieurs et le vandalisme extérieur.
23
Extension automatique de la couverture assurantielle aux nouveaux biens acquis par l’assuré.
24
Le contrat de 2019 excluait également la responsabilité personnelle des médecins et personnels
paramédicaux, les dommages résultants de la pratique de certains actes médicaux (chirurgie, anesthésie, radiologie,
obstétrique et gynécologie) et ceux causés par les moisissures toxiques, les champs et ondes électromagnétiques.
25
Sauf s'il est établi que ces inobservations ont été sans incidence sur le sinistre et sauf cas de force
majeure.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
25
Dans certains contrats, la clause de prévention
s’applique à l’intégralité du patrimoine
de la collectivité alors que d
ans d’
autres, elle ne concerne que des bâtiments présentant un
risque identifié par la compagnie (équipements sportifs, bâtiments classés, équipements
techn
iques…
).
Cette nouvelle disposition contractuelle présente
le mérite d’éclairer les collectivités sur
la démarche à mener en matière de prévention. Elle les
contraint néanmoins à engager une
politique de prévention qui va bien au-
delà de ce qu’elles pouvaient faire jusqu’à présent
notamment dans le cadre des obligations réglementaires des établissements recevant du public.
Elle implique par ailleurs la
mobilisation de moyens humains et financiers supplémentaires
.
Imposée sans aucune négociation ni délai pour sa
mise en œuvre, elle constitue une restriction
supplémentaire des garanties couvertes par l’assurance des dommages aux biens.
2.2
Un impact différencié selon les risques assurés
2.2.1
Des
difficultés qui se concentrent sur l’assurance dommage aux biens
Bien que facultatif, le contrat d
’assurance
de dommages aux biens est majoritairement
souscrit par les collectivités.
L’ensemble des
organismes de
l’échantillon ont externalisé la
couverture de ces dommages.
Touchée par de nombreux sinistres, cette police est fortement
impactée par
la crise du marché de l’assurance
. En plus de la forte hausse de la tarification
et de la multiplication des modifications contractuelles unilatérales précédemment évoquées, la
couverture des dommages aux biens est confrontée à des difficultés supplémentaires.
L’assurance dommages aux biens a enregistré une très nette augmentation de
sa
tarification, avec un
prix moyen au m
2
relevé en 2024 de 1,8
€, contre 0,7
€
en 2018
, pour
les
13 organismes de l’échantillon
ayant un contrat individualisé.
L’évolution moyenne des taux
de cotisation au m
2
est ainsi de 211 %, soit un triplement de la tarification
Graphique n° 5 :
Evolution des taux de cotisation de la police dommages aux biens entre 2018 et 2024
Source : données transmises par 13 collectivités
de l’échantillon
ayant un contrat DAB distinct.
* : donnée 2020 et 2024
-100,0%
0,0%
100,0%
200,0%
300,0%
400,0%
500,0%
600,0%
700,0%
800,0%
0,000
1,000
2,000
3,000
4,000
5,000
6,000
7,000
Pourcentage d'évolution
Taux de cotisation €/m
2
Taux 2018
Taux 2024
Evolution 24/18
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
26
Compte tenu de cette forme progression, l
es primes de l’assurance dommages aux biens
ont rattrapé, en 2024,
des niveaux déjà élevés de primes d’assurance statutai
re pour les
12
organismes de l’échantillon concernés par cette couverture
statutaire. Pour les 4 autres
collectivités
26
, les
primes d’assurance dommages aux biens
représentent, en 2024, 62 % de
l’ensemble de leur
s
dépenses d’assuranc
e contre 55 % en 2018.
Graphique n° 6 :
Poids des différentes primes d’assurance
des collectivités en 2018 et 2024
Source : données des 12 collectivités
de l’échantillon
contractualisant 4 risques principaux.
Les marchés publics
d’assurance
de dommages aux biens se caractérisent,
d’une
part, par une raréfaction des offres
. Parmi les treize collectivités de l’échantillon ayant lancé
une consultation en 2022 et 2023, sept ont prononcé une infructuosité en raison de l’absence
d’offre. Parmi ces dernières
, cinq ont finalisé un contrat au ter
me d’une procédure négociée
27
.
Tableau n° 3 :
Issue des consultations lancées en 2022 et 2023
Absence d'offre
1 offre
Plusieurs offres
2023
Chenôve / Sens /Migennes /
ECLA / Gevrey-Chambertin
Besançon / Arc-les-Gray /
Montceau-les-Mines / Prémanon
Belfort
2022
Dijon Métropole /
SYTEVOM_Lot de la
plateforme de valorisation des
déchets triés
Département de la Côte d'Or
Source : données transmises par les collectivités.
26
Les communes de Besançon, Belfort, la métropole de Dijon et le département de Côte d’Or sont en
auto assurance pour leurs risques statutaires.
27
Les articles R. 2122-2 et R. 2124-3 du code de la commande publique ouvre la possibilité pour
l’acheteur public de passer un marché sans publicité ne mise en concurrence préalables lorsque soit aucune
candidature ou aucune offre n’a été déposée dans les d
élais prescrits, soit seules des candidatures irrecevables ou
des offres inappropriées, au sens des articles L. 2152-1 et s., ont été présentées.
38%
4%
18%
40%
2024
Dommages aux biens
Responsabilité civile
Flotte automobile
Statutaire
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
27
D’autre part
,
l’assurance dommages aux biens est la seule police pour laquelle quelques
collectivités de l’échantillon ont été en situation d’
auto-assurance contrainte. Les communes de
Migennes, Chenôve et Dijon Métropole ont été
sans couverture assurantielle durant une
courte période
, le temps de finaliser leur contrat. Le syndicat mixte de traitement des ordures
ménagères de la Haute-Saône
(Sytevom)
n’est pas arrivé à faire assurer son équipement de
valorisation des déchets triés en déchèterie
qu’il gère en régie, impasse qui
met en évidence la
difficulté d’assurer les risques industriels associés à un centre de tri ou à des équipements
assimilés.
Comme d’autres communes de France sinistrées à la suite d’émeutes urbaines ou
d’év
ènements climatiques, la commune de Sens a été privée de couverture assurantielle
entre janvier et août 2024.
Après deux consultations et une procédure de gré à gré
infructueuses, la collectivité a décidé de ne pas donner suite à des offres jugées inappropriées
au regard des conditions tarifaires et des garanties offertes
. A l’issue de la première phase de
négociations, deux offres avaient été formulées,
d’un montant respectif de 218
K€
et 290
K€
,
contre un montant de primes de 66
K€
auparavant, avec une hausse des franchises et un
abaissement du montant maximal d’indemnisation par sinis
tre. Pour
limiter l’augmentation de
sa prime d’assurance
, la commune a envisagé de ne plus
assurer l’intégralité de son patrimoine
en restreignant son parc assurable à 13 bâtiments sur 90, en retenant principalement son
patrimoine protégé, sans que cette démarche ne débouche sur une offre acceptable par la
collectivité au regard des besoins assurantiels. Une nouvelle consultation a finalement permis
à la collectivité de souscrire
un contrat d’assurance à effet du 1
er
septembre 2024, mais pour
une durée limitée à une seule année.
M
algré la forte dégradation des conditions d’assurance
, conjuguée à une nette
augmentation des tarifs, la contractualisation de la couverture des dommages aux biens
reste nécessaire.
L’impact
d’
un sinistre sur un bâtiment public peut être lourd de conséquences,
bien au-delà des dégâts matériels et du coût de la réparation du sinistre.
D’une part, parce que
la collectivité peut être contrainte d’engager des
dépenses urgentes pour assurer la continuité
de service public
(cas d’un sinistre touchant une école, par exemple). D’autre part, dans la
mesure où la réparation de dommages subis par des voisins et des tiers, dont la collectivité serait
responsable, serait susceptible d
’
avoir pour elle un impact budgétaire très significatif.
De même, le renchérissement des contrats « tous risques chantier » et « dommages
ouvrages » ne devrait pas amener les collectivités à renoncer à souscrire
ce type d’
assurances,
au moins pour les opérations aux enjeux financiers les plus importants. A défaut, la collectivité
«
maître d’ouvrage
»
s’expose,
en cas de sinistre et de défaillance des entreprises dans leur
couverture d’assurance du chantier, à
assumer financièrement des conséquences du sinistre
28
.
28
Au cours des émeutes urbaines de l’été 2023, un bâtiment en cours de construction sur la
commune de
Sens,
destiné à accueillir un centre social, a été intégralement détruit par un incendie volontaire. Les dommages
estimés à 3,5
M€, correspondant aux sommes déjà engagées par la collectivité, n’ont pas été indemnisés au jour
de la fin de l’instruction, en raison notamment d’un défaut d’assurance de certaines entreprises et de l’absence de
souscription d’un contrat «
tous risques chantiers » par la commune.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
28
2.2.2
Une assurance statutaire coûteuse, réinterrogée par les collectivités
L’assurance statutaire
pèse fortement dans les dépenses d’assurance des collectivités
territoriales depuis de nombreuses années. Elle
constitue,
jusqu’
en 2023, le 1
er
poste de
dépenses d’assurance
pour une majorité de collectivités de l’échantillon ayant souscrit cette
police, soit 10 organismes sur 13. Cette hiérarchie
évolue en 2024 sous l’effet de la forte hausse
des primes de l’assurance dommages aux biens
, dont les montants viennent aggraver les charges
d’assurance des collectivités de l’échantillon en dépassant ceux des primes de l’assurance
statutaire. Alors que les parts respectives de ces primes étaient de 26 % et 55 % en moyenne
pour l’échantillon en
2018, elles sont de 40 % et 38 % en 2024.
Le coût élevé de cette police d’assurance a, entres autres, conduit les collectivités
les plus importantes
(
département de la
Côte d’Or,
Dijon Métropole, communes de
Besançon
et
de Belfort)
,
à
ne pas recourir à un prestataire pour couvrir les risques
statutaires
.
Outre qu’elles ont
une capacité financière suffisante pour faire face aux coûts
induits par l’absen
ce de leurs agents
, l’
auto-assurance apparaît possible dès lors que le volume
d’effectifs limite l’impact
de l’aléa.
En termes d’évolution, l’assurance statutaire se caractérise par une hausse moyenne de
33 % entre 2018 et 2024. Cette augmentation est tempérée par le fait que certaines collectivités
ont décidé de réduire le périmètre de leurs garanties. La hausse est le plus souvent induite par
des déterminants exogènes
. La réforme des retraites, en ce qu’elle implique le maintien en
activité d’agents avec une probabilité d’absentéisme plus marquée, a notamment été considérée
comme un facteur aggravant de la s
inistralité qui a justifié une hausse des cotisations d’un point.
Le plus souvent contractualisée par l’intermédiaire des centres de gestion dans le cadre de
groupements de commande, cette police n’est pas concernée par une raréfaction des offres.
Le poids financier croissant de
s primes d’
assurance statutaire a contraint des
collectivités à interroger le périmètre de leurs garanties. Cette analyse les amène le plus souvent
à réduire leur couverture par un prestataire
au profit de l’
auto-assurance. Deux collectivités de
l’échantillon ont déjà initié cette démarche
dans un but de maitrise des coûts.
L’
évolution
de l’assurance statutaire de la commune de Pontarlier
Lors du renouvellement
de son contrat d’assurance statutaire
en 2023, face à une hausse
prévisionnelle de 21 % de la cotisation à périmètre de couverture constant (montant de prime
prévisionnel de 295 280
€ contre 244
288
€ auparavant
), la commune de Pontarlier a décidé,
à la fois de
ne plus assurer la maladie ordinair
e
et d
’i
ntroduire des franchises importantes
pour les autres risques (60 jours pour les accidents du travail et les maladies professionnelles et
90 jours pour la longue maladie et la maladie de longue durée). La collectivité avait déjà décidé,
pour le même motif,
d’une premiè
re réduction de ses garanties en 2022, avec un remboursement
des indemnités journalières à hauteur de 75 % contre 100 % auparavant.
En parallèle
,
Pontarlier
déploie une politique de prévention
afin de lutter contre la survenance des accidents du travail,
qui
se concrétise par la création d’un service dédié
portant des actions de sensibilisation et de
formation à destination des agents.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
29
2.2.3
Une assurance responsabilité civile en tension dans les départements
L’association
Départements de France
a mis en évidence, dans un sondage réalisé
auprès de ses adhérents en 2024, les
difficultés rencontrées par les départements pour
l’
assurance de leurs risques.
Au même titre que les collectivités du bloc communal, les
départements sont touchés par les effets de la
raréfaction de l’offre
sur le coût et la qualité des
garanties offertes pour leurs assurances. Ils subissent des avenants intégrant une forte
majoration des primes, des résiliations de contrats et
n’obtiennent pas
toujours de réponse à
leurs appels d’offr
es.
Les contrats signés en 2023 et 2024 présentent des conditions de garanties dégradées
analogues au bloc communal pour les assurances des risques « dommage aux biens »
et « automobile ». Comme le département de la
Côte d’Or
, les départements souvent assurés
par la SMACL pour le risque dommage aux biens, se voient désormais appliquer la clause de
prévention qui conditionne
la prise en charge des sinistres assurés à la mise en œuvre de mesures
de prévention des risques applicables à l’ensemble du patrim
oine (cf. supra § 2.1.2).
L’association a relevé qu’à l’occasion du dernier
renouvellement des marchés
d’assurances
(en 2023 ou 2024),
les primes
d’assurances
avaient été multipliées
jusqu’à
un facteur 6,
le plus
souvent indépendamment de la sinistralité
des départements
concernés. Le département de la
Côte d’Or
, à titre d’exemple,
a vu le coût global de ses
assurances multiplié par 2,5, passant ainsi de 347
K€
en 2018 à 880
K€
en 2024.
Dans ce contexte défavorable, certains départements ont choisi
d’exclure certains de
leurs biens
du périmètre des garanties ou d’augmenter le montant des franchises pour limit
er
l’impact financier de ces nouveaux contrats.
En
avril 2024, un département
, face à la
résiliation de ses contrats, à
l’infructuosité de ses appels d’offre ou aux conditions jugées
prohibitives de certaines offres,
a
fait le choix de passer en auto-assurance sur les trois
risques « responsabilité civile », « bâtiments » et « collèges ».
Par ailleurs, les
départements font face à des risques spécifiques
, liés à leurs
compétences sociales
. Il s’agit principalement
de
l’aide sociale à l’enfance
, avec les dommages
matériels causés par les mineurs confiés, et les dégâts potentiels occasionnés dans les structures
de placement. Ainsi, c
ontrairement aux collectivités du bloc communal, qui n’ont pas eu de
difficulté à couvrir le risque « responsabilité civile » et pour qui les prix de cette assurance sont
restés globalement stables, les
conditions de l’assurance responsabilité civile des
départements se sont très nettement dégradées
lors du renouvellement de leur contrat.
En
Côte d’Or,
une seule offre a été formulée et le coût de la prime a été multiplié par 3,4,
entraînant une charge supplémentaire de 226
K€
.
Il est rappelé qu’un régime
de responsabilité sans faute des personnes publiques
s’applique en cas de dommages causés par un mineur placé, dans le cadre de l'assistance
éducative, auprès d'une institution relevant du droit public (
voir notamment l’arrêt
du CE
du 19/06/2015 n° 378293).
Au regard du nombre croissant d’enfants confiés aux services
départementaux de l’aide sociale à l’enfance,
ce risque est considéré comme le
principal sujet
de préoccupation assurantielle des départements,
qui estiment ne pas pouvoir
significativement influer sur leur niveau de sinistralité. Dans ce contexte, beaucoup de sinistres
ne sont pas déclarés
pour limiter l’
augmentation du montant des franchises.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
30
3
DES LEVIERS P
OUR FAVORISER L’A
SSURABILITE DES
COLLECTIVITES TERRITORIALES
3.1
Une détente possible du marché de l’assurances des collectivités,
à des prix durablement plus élevés
Comme il
a été vu plus haut dans le rapport, le prix de l’assurance dommage aux biens
des collectivités, après une période de prix bas, a fortement augmenté pour atteindre des niveaux
inédits en 2023 et 2024.
Cette évolution, valable pour l’ensemble des polices d’assurance
communément souscrites par les collectivités (dommage aux biens-DAB, Auto, responsabilité
civile-RC
), est surtout marquée pour l’assur
ance dommages aux biens. Avec plus de 1,8
€
par
m
2
assuré, le coût moyen de la prime de l’assurance DAB des collectivités de l’échantillon
régional est trois fois supérieur à celui observé lors du dernier point bas du cycle, en 2016.
A ces conditions de prix nettement plus favorables aux assureurs (ce prix moyen
constaté de l’assurance DAB est à peu près le même que celui de la DAB des bâtiments tertiaires
du privé, auquel il est assimilable), des assureurs devraient
revenir sur le marché de l’assurance
des collectivités.
Un retour à davantage d’offres et de concurrence est susceptible de
provoquer une détente de ce marché et
pourrait avoir un effet baissier, à terme, sur le
prix de l’assurance
des collectivités.
Mais un
retour à davantage d’offre
s
ne
résoudra pas les problèmes
d’assurabilité
des risques devenus sériels (climatiques, sociétaux
), que l’assurance traditionnelle ne prend
plus en charge. La forte dégradation des conditions de garantie constatée auprès de certains des
17 organismes de l’échantillo
n régional (voir supra §
2.1.2) montre la nécessité d’apporter des
réponses durables à la couverture de ces risques.
3.2
Des mesures en débat
pour renforcer l’assurabilité des collectiv
ités
territoriales
3.2.1
La réflexion nationale sur des mécanismes de solvabilisation
de l’indemnisation des risques climatiques et sociaux
Plusieurs rapports gouvernementaux ont examiné, début 2024 les voies et moyens de
conforter les mécanismes d’assurance et de réparation de
sinistres.
Le rapport de Thierry Langrenet, Goneri Le Cozannet et Myriam Merad, rendu en
décembre 2023, traite de
l’adaptation du système assurantiel français
à l’évolution des
risques climatiques
et formule des propositions pour assurer des capacités financières durables
au dispositif de réassurance publique pour faire face à la hausse de la sinistralité anticipée d’ici
à 2050. Le rapport relatif à
«
l’assurabilité des biens des collectivités locales et de leur
groupement
»
d’
Alain Chrétien, maire de Vesoul et Jean-Yves Dages, ancien président de
Groupama, et celui
rendu en mars 2024 par la commission des finances du Sénat
abordent
exclusivement la question des problèmes assurantiels des collectivités territoriales.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
31
Parmi les mesures structurelles esquissées par le Sénat et le rapport Chrétien-Dages,
pour améliorer l’assurabilité des collectivités locales
, figurent à la fois des mesures
pour
étendre les mécanismes de réassurance publique à
de nouveaux risques et pour
renforcer le
rôle de l’autorité de contrôle
prudentiel et de résolution (ACPR) dans la surveillance du
marché de l’assurance des collectivités territoriales.
Il est ainsi proposé
de créer
un régime de réassurance garanti par l’Etat pour
les
risques sociaux exceptionnels
sur le modèle du GAREAT ou du régime d’indemnisation des
victimes de catastrophes naturelles (« régime Cat Nat »). Dans un premier temps, il est envisagé
que la
dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de le
urs
groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC)
29
puisse
également bénéficier aux collectivités touchées par des risques sociaux exceptionnels. Pour cet
éventuel dispositif de mutualisation des risques sociétaux comme pour le régime Cat Nat,
il est
également préconisé de créer un mécanisme incitatif pour pérenniser la solidarité dans
l’assurance de tous les territoires, alors qu’ils sont inégalement exposés aux risques
.
Actuellement, s’agissant des phénomènes climatique
s exceptionnels, les collectivités
bénéficient de la couverture assurée par le régime d’indemnisation catastrophes naturelles
30
,
mais ce régime ne couvre pas jusqu’à présent tous les sinistres d’origine naturels qui pèsent sur
les collectivités (à titre d’e
xemple les sinistres induits par des orages de grêle ou des tempêtes
ne relèvent pas du dispositif Cat Nat)
31
. S’agissant par ailleurs des risques sociétaux (hormis le
risque attentat via le Gareat
), aucun dispositif de réassurance nationale ne joue pour l’
instant.
Ils restent, en principe, pris en charge par les assureurs.
Compte tenu de l’évolution des risques climatiques et sociaux
, de leur dimension
désormais structurelle et au regard de la mauvaise couverture que les assureurs apportent à ces
risques (voir supra § 2.1.2), de telles évolutions apparaissent nécessaires.
Si une réforme du
système assurantiel des collectivités devait interveni
r,
elle ne devrait pas exonérer les
collectivités d’engager une professionnalisation de la gestion de leurs risques
(voir infra § 3.3).
29
La DSCE est un dispositif de solidarité national
qui permet d’a
ccorder des aides aux collectivités
territoriales pour la réparation des biens non assurables de leur domaine publi
c (ouvrages d’art, digues, par
exemple).
30
Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles a été créé par la loi du 13 juillet 1982.
L’assurance catastrophe naturelle est une extension de garantie obligatoire pour tous les contrats d’assurance de
dommages (multirisque habitation, tous risques auto, local professionnel…). Selon l’article L125
-1 du code des
assurances, la garantie Cat-Nat prend en charge les « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour
cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir
ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises. »
31
Compte-tenu de leur assurabilité, les périls tempêtes (sauf vents cycloniques de grande ampleur), grêle,
neige et gel sont pris en charge par des garanties d’assurance, ce qui justifie leur exclusion du régime légal des
catastrophes naturelles.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
32
3.2.2
Une adaptation nécessaire du cadre juridique applicable aux contrats
d’assurance
?
Relevant les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales pour trouver des
offres d’assurances conformes à leurs appels d’offre (surtout
en dommage aux biens),
les deux rapports précités appellent à clarification du cadre juridique applicable aux contrats
d’assurance
, les
règles
de
la
commande
publique
étant
jugées
mal
adaptées.
Parmi les évolutions proposées, est évoquée l’introduction
de la possibilité de négocier les
contrats d’assurances, quel qu’en soit le montant
32
.
Ils demandent, a minima, que soit
clarifiée la faculté pour les collectivités de recourir aux dispositions d
e l’article R.
2124-3 du
code de la commande publique pour
passer leurs marchés d’assurance selon la procédure avec
négociation.
L
’assujetissement
des prestations d’assurance aux règles de la commande publique
,
à partir de 1998, souvent décrié comme trop rigide, a pourtant contribué à professionnaliser la
gestion des assurances des collectivités territoriales. Il
s’est
notamment traduit par un effort
d’
analyse des besoins et des risques, une extension de la couverture assurantielle (les contrats
« tous risques sauf » remplaçant le principe 1 risque = 1 contrat, qui prévalait) et par une forte
baisse des prix au début des années 2000.
L’application de la commande publique aux contrats
d’assurance
a eu, plus généralement, un impact structurel
sur le marché de l’assurance
des
collectivités : les agents généraux locaux ont été progressivement évincés (car moins à même
d
e répondre à des appels d’offre) et cantonnés aux contrats conclus de gré à gré (petites
collectivités) ; le marché s
’est concentré autour de deux acteurs dominants
, la SMACL et
Groupama.
Si la faculté de négocier permet en principe de rapprocher les positions de la collectivité
et celles de son assureur potentiel (notamment dans le cas où le besoin de la collectivité
n’est
pas bien défini ou pas adapté à l’état du marché),
sa mise en pratique ne se traduit pas
mécaniquement par
des offres plus favorables aux collectivités à la recherche d’une assurance.
Comme le montrent les exemples de négociation
relevés dans l’échantillon régional, la
collectivité ne sort pas, a priori, gagnant
e d’une négociation
,
l’assureur imposant ses conditions
,
dans un contexte de forte asymétrie entre offre et demande. Ainsi, les communes de Chenôve,
Gevrey-Chambertin et
la communauté d’agglomération de Lons
-le-Saunier (ECLA) ont finalisé
un contrat à l’issu d’une procédure négociée à des conditions fortement dégradées
par rapport
à leur précédent contrat : nette augmentation de la tarification, réhausse des niveaux de
franchise, abaissement des montants de limitation d’indemnité.
En outre, la mise en
œuvre
d’une démarche
de négociation
impose à l’acheteur public
une rigueur organisationnelle pour
garantir, à toutes les étapes, une transparence de la procédure et une égalité de traitement des
candidats. Et toutes les collectivités n’y sont pas rompues.
L
’inf
ructuosité des consultations de marché systématiquement constatée chez les
collectivités de l’échantillon régional
souligne en tout cas la nécessité d’une meilleure
préparation, par les collectivités de leurs consultations et une adaptation de leur cahier des
charges
à la réalité de l’offre en vigueur. L’exemple
de la commune de Besançon
l’illustre
(voir infra).
32
Actuellement, cette faculté est ouverte,
en procédure adaptée uniquement, soit en dessous d’un seuil de
221K€.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
33
3.3
Une gestion des assurances qui doit se professionnaliser dans les
collectivités territoriales
Indépendamment des mesures
susceptibles d’
être prises au niveau national pour
conforter
l’assurabilité des collectivités territoriales, ces dernières
peuvent agir, à leur niveau,
pour préserver leur capacité à bénéficier de conditions d’assurance les plus favorables possibles.
De la même manière qu’ell
es ont su adopter des stratégies de financement bancaire et de
trésorerie au début des années 2010, alors que la conjoncture du marché des prêts aux
collectivités était très dégradée, les collectivités locales doivent aujourd’hui s’emparer d
u sujet
de l’as
surance de leurs risques.
L’affectation à la
gestion des assurances de moyens dédiés et suffisamment
dimensionnés, la mise en place d’une analyse des besoins d’assurances et
des risques à confier
contractuellement à un assureur et le déploiement de mesures systématiques
de prévention
des
risques assurés sont les trois principaux leviers que les collectivités peuvent actionner.
Ils constituent
les bases d’une stratégie d’assurance qu’il
leur faut adopter,
en
passant
d’une
logique
de gestion des assurances basée sur un transfert mécanique des
risques à une politique de management du risque.
3.3.1
Allouer des moyens à la hauteur des enjeux
3.3.1.1
Les composantes clés d'une « fonction assurances » en collectivités
territoriales
La gestion des assurances requiert des moyens et une expertise, à la croisée du droit
privé et du droit public, qui doivent être dimensionnés à la hauteur des enjeux et des difficultés
mis en évidence plus haut dans le rapport.
Le champ des compétences nécessaires à un service (ou une personne) chargé des
assurances pour suivre la passation, l’exécution des contrats et l
a gestion des sinistres est très
large. Sans compter les actions de prévention des risques,
qui sont à l’interface entre
assurance
et la gestion mobilière et immobilière (assurances dommages aux biens, auto et responsabilité
civile) ou la gestion des ressources humaines (assurance statutaire).
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
34
Tableau n° 4 :
Les compétences mobilisées pour la gestion des assurances
Domaines d’intervention
Missions
Prévention des risques
Prévoir une
démarche de prévention pour l’ensemble des
risques assurés (voir infra § 3.3.3)
Analyse des besoins de couvertures
En fonction des capacités financières de la collectivité à
faire face à certains dommages cibler les besoins
prioritaires
33
de souscription et, parallèlement, le périmètre
de l’auto
-assurance (voir infra § 3.3.2)
Passation des contrats d’assurance
Analyser
l’état du marché à l’instant
T
34
et adapter les
cahiers des charges en conséquence.
Analyser les offres
d’assurance
(les réserves et les
conditions de garanties), en faire la pédagogie à destination
d’une commission d’appel d’offres (
voir infra § 3.3.2).
Exécution des contrats et gestion des sinistres
Contrôler la liquidation des factures
35
, la rédaction des
avenants, faire en sorte, en cas de sinistre que les
engagements contractuels de l’assureur soient tenus
.
Assurer un pilotage, en continu de
l’évolution de la
sinistralité des contrats, et notamment de celle du ratio
sinistre/prime .
Source : CRC BFC
3.3.1.2
Un socle de moyens minimum à consacrer au suivi des assurances
Si l
e
dimensionnement des moyens doit être adapté au profil
et aux enjeux de la
collectivité,
plusieurs choix d’organisation s’imposent
pour conforter la gestion des
assurances.
La première condition est que le management des risques
et les choix d’assurance
associés soient portés
par l’exécutif et la direction générale des services comme
un enjeu prioritaire.
En l’absence de difficultés particulières pour couvrir leurs risques, les
collecti
vités n’ont pas eu à considérer la question des assurances comme stratégique. De fait,
en 2024, comme la chambre a pu le relever, seules
quelques collectivités de l’échantillon
disposaient d’un service ou de compétences dédiées à la « fonction assurance
36
».
33
Y compris la question de la répartition de la couverture des risques entrant dans les contrats complexes
(DSP, Baux, …). C’est un enjeu financier pour la collectivité délégante à ce qu
e les clauses soient rédigées de
manière à ce que le délégataire/prestataire assume les responsabilités assurantielles qui lui reviennent, et à vérifier
si ces obligations sont bien respectées (contrôle des attestations d’assurance = grosse plus
-
value d’un
AMO).
34
Connaissance des conditions imposées par les assureurs (exclusions devenues systématiques, attentes
des assureurs en matière de prévention), des conditions économiques (tarifs, niveau des franchises pratiquées,
des LCI).
35
Avec le contrôle de l’application des clauses d’indexation ; la discussion sur les majorations
indemnitaires non contractuelles (ne découlant pas d’une évolution mécanique du contrat)
.
36
Ensemble des missions rattachées à la gestion des risques auquel un organisme fait face et q
u’il décide
de confier ou non à un assureur
: prévention des risques, analyses des besoins d’assurance, souscription et gestion
des contrats, suivi des sinistres.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
35
L
’implication de plusieurs services dans le suivi des assurances est inévitable
, avec un
service commande publique (ou un service juridique) qui intervient dans la préparation des
contrats, un service finance impliqué dans leur exécution et des services opérationnels qui
interviennent lorsque survient un sinistre
. Le pilotage des assurances doit cependant être
assuré par une personne dédiée
, à
défaut d’un service, identifiée comme tel
le par les assureurs
et par les services de la collectivité. Cette personne, idéalement secondée pour assurer une
continuité des dossiers, doit disposer d
’une formation au droit des assurances
, être en capacité
d
’
assurer une veille, être garante de la
fiabilité de l’information
et de la fluidité dans le partage
d’informat
ions avec les différents services opérationnels de la collectivité concernés.
Compte tenu de la
technicité et de la variété des sujets abordés
, et a fortiori dans le
contexte actuel très défavorable aux collectivités,
l’app
ui
d’un auditeur
(ou assistant à
maîtrise d’ouvrage
- AMO)
peut s’avérer
très pertinent
si la collectivité ne dispose pas de
l’
expertise nécessaire
37
. Parmi les 17
collectivités de l’échantillon régional,
12 ont recours à
une
prestation d’AMO (dont 4 uniquement pour la prép
aration et la passation des marchés
et 8 au titre d’une mission de conseil continue).
Les contrats
d’AMO
dans le domaine de
l’assurance peuvent comporter des prestations d’expert d’assurés
38
, permettant à la collectivité
de
défendre l’application des garanties contractuelles en faisant jeu égal avec l’assureur
:
le service commun
de Dijon
Métropole
,
à titre d’exemple, a pu
mobiliser cette expertise au
profit de la commune de Chenôve
, en lui faisant bénéficier d’une estimation technique
et
économique des dommages et en accélérant le règlement du sinistre et le versement de
l’indemnisation.
Très majoritairement dans les « petites collectivités », une personne identifiée comme
en charge des assurances, est rattachée à un service juridique, finances, avec le secrétaire de
mairie ou DGS en appui, et utilise q
uelques outils simples pour passer les contrats d’assurance
et les suivre (comme un tableau de recensement du patrimoine, des modèle DCE, un tableau de
suivi des sinistres). Parfois, il est fait un recours ponctuel à
une prestation d’
AMO lors de la
relance des contrats.
L’organisation d’une «
fonction assurance
», entendue comme la conjonction
d’un
service
chargé de piloter la stratégie d’
assurance
(avec l’ensemble des compétences précitées)
et
d’
un réseau de référents dans les services opérationnels de la collectivité, investis dans la
prévention des risques et la gestion des sinistres
, est le propre des grosses collectivités
.
Les organisations mises en place à
Dijon Métropole, Besançon, Belfort, au département de
la
Côte d’Or
ou au Sytevom
, bien que présentant des degrés divers de maturité,
s’inscrivent
toutes dans le développement
d’une démarche globale de
management des risques
(voir
infra § 3.3.3).
S’agissant de compétences rares (plusieurs collectivités de l’échantillon ont témoigné
de la difficulté de recruter et
de l’investissement
que représente
la formation d’un gestionnaire
d’assurance
39
), la
mise en commun d’une partie de l’expertise
nécessaire à la gestion des
risques et des assurances à
l’échelle intercommunale apparaît perti
nente
et souhaitable.
U
n service commun peut être constitué à l’échelle de l’EPCI, au profit non seulement de la ville
37
Le recours à ces conseils sont importants pour les services dédiés compte tenu de la technicité de la
matière (élaboration des DCE, analyse des offres, conseil permanent, aide sur dossiers de sinistre…)
.
38
Sur le rôle de l’expert d’assuré : son intervention doit permettre à l’assuré d’
être au même niveau de
compétence que l’assureur en termes d’expertise économique du dossier
. Leur intervention est pertinente pour des
gros dossier à plus de 1M€ ( les dossiers dits de masse à moins de 75K€ ne pose
en général pas de problème).
39
Plusieurs collectivités ont indiqué avoir financé une formation.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
36
centre, mais également des communes membres volontaires, notamment en faveur des
collectivités de petite taille.
L’EPCI, dans le cadre d’un service commun peut prendre
par
ailleurs une
prestation d’AMO à sa charge
.
Dans l
a plupart des communes de l’échantillon d’une certaine taille
, une mutualisation
de la fonction assurance entre la
commune centre et l’EPCI
est à l’œuvre
(
ECLA, Belfort,
Pontarlier, Montceau-les-Mines
) ou est en cours de structuration comme à Sens ou Nevers.
Parfois, la mise en commun de moyens est élargie pertinemment
à d’autres organismes, comme
dans le cas de
la commune
et de l’agglomération de
Besançon
où le service suit les assurances
du syndicat de traitement des déchets et du CCAS. Seule
Dijon Métropole
a créé un service
commun, ouvert à l’ensemble de ses communes membres qui le souhaite
nt.
L
’exemple du
service commun des assurance de Dijon Métropole
Après avoir mutualisé la gestion de la direction des assurances avec la ville de Dijon,
Dijon Métropole
a constitué en 2019 un service commun
des assurances au profit de
l’ensemble des communes de la métropole.
Le service commun des assurances gère actuellement les assurances de
la moitié des
communes de la métropole
dijonnaise, ce qui représente un portefeuille de
114 contrats
d'assurances.
La direction des assurances en charge de ce
service commun est composée de
7 agents
: 1 directrice, 1 assistante de direction, 4 gestionnaires des assurances et
1 assistante assurance.
Elle bénéficie par ailleurs du conseil continue d’un auditeur dans le cadre
d’un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage et de prestations d’un expert d’assuré prévu dans
le cadre de ce contrat d’assistance.
La direction des assurances définit et met en
œuvre
une stratégie de souscription
d'assurances adaptée aux besoins de la métropole et des 11 communes adhérentes, sur 23
membres de l’interc
ommunalité, au service commun des assurances, en appréciant les risques
et en analysant les données afin d'optimiser le portefeuille d'assurances. Elle assure la passation
des marchés d’assurance pour l’ensemble des contrats des communes adhérentes au serv
ice
commun. Chacun des 4 gestionnaires est dédié à une ou plusieurs communes : ils assurent la
gestion des sinistres et leur suivi, l'exécution des contrats, la vérification de l'ensemble des
primes, l'assistance à la commune pour toute problématique assurantielle.
Ce service commun permet de
mettre à disposition
une expertise sur l’ensemble du
champ des assurances à l’ensemble des
communes adhérentes, à un coût intéressant
pour
ces dernières.
3.3.2
Mieux préparer la souscription des contrats en améliorant
l’analyse de ses
besoins d’assurance
3.3.2.1
Déterminer ses
besoins prioritaires d’assurances
Face à la rareté et à cherté des offres d
’
assurance,
la réalisation d’une analyse des
besoins d’assurance de la collectivité
, basée sur celle de l’analyse
de leur exposition aux
risques, constitue une
première étape impérative
.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
37
Comme dans toute démarche de passation de marchés public, l’analyse des besoins
d’assurance et la
capacité à les prioriser est indispensable pour mieux contractualiser avec les
compagnies d’assuran
ce.
L’objectif
ne
peut pas
être de déléguer à l’assureur la prise en
charge de la réparation de tout sinistre, sans passer par une analyse coût/avantage
,
ce à quoi a pu se limiter la démarche de souscription des contrats dans une période où les
collectivités se trouvaient en position de force
à l’égard des assureurs.
Prioriser ses besoins d’assurance passe
en général, par la
définition du champ de
l’auto
-assurance,
c’est
-à-dire des sinistres que la collectivité a avantage à prendre en charge
elle-
même, dès lors qu’elle en a les capacités financières ou opérationnelles.
Dans le cas
particulier de l’assurance dommage
s aux biens, cette priorisation des besoins suppose au
préalable une connaissance fine du patrimoine de la collectivité et des risques associés
(voir infra § 3.3.3).
La collectivité peut être amenée, dans ce cadre, à cibler des natures de risques ou de
biens qu’elle va exclure du champ de l’assurance.
Le choix de l’auto
-assurance consiste
également à identifier les niveaux de franchises pertinents (montant des réparations restant à la
charge de l’assuré en cas de sinistre)
, en prévoyant par exemple, dans la consultation, des
options avec plusieurs niveaux de franchises, qui vont permettre de comparer ce que coûte
l’externalisation du risque
en fonction des différentes hypothèses retenues.
En fonction
des risques à assurer, certaines franchises apparaissent pertinentes par
nature ou, a contrario, à éviter absolument
.
L’
assurance automobile
apparaît comme le
domaine
où la pratique de l’
auto-
assurance est la plus répandue
, au regard des choix d’assurance observés parmi les
17 collectivités de l’échantillon régional.
C
’
est celui aussi où la détermination du bon niveau
de franchise, permettant de ne laisser à la charge de la collectivité que les sinistres dits
« de fréquence » (les sinistres petits par leur incidence financière, mais fréquents) est la plus
aisée.
Ainsi, la plupart des collectivités de l’échantillon limitent
strictement la couverture
« tous risques
» (à titre d’exemple, la commune de Belfort a revu ses besoins après
l’infructuosité d’une première consultation, en
excluant
du champ de l’assurance auto
les
accidents aux conséquences uniquement matérielles lors
qu’un tiers n’est pas identifié).
Comme il a pu être relevé plus haut dans le rapport, la
pratique de l’auto
-assurance
(exclusion de certains risques ou choix d’une franchise après analyse des coûts)
s’est développée pour l’assurance statutaire du personn
el
à l’o
ccasion du récent
renouvellement des contrats, (exemple de la commune de Pontarlier qui a exclu la prise en
charge de la maladie ordinaire dans son contrat d’assurance statutaire)
.
En matière
de responsabilité civile
,
l’absence de franchise
constitue la règle,
pour
éviter aux services de devoir assumer la très lourde gestion administrative
de l’indemnisation
des tiers à la place de
l’assureur
40
.
En matière d’assurance dommage
s aux biens, comme vu précédemment, le périmètre
de l’auto
-assurance (en raison des exclusions ou des franchises) est, dans le contexte actuel du
marché de l’assurance, presque toujours imposé par les assureurs et donc subi et non pas choisi
par la collectivité assurée (voir supra § 2.1 et 2.2). I
l n’en demeure pas moins es
sentiel, pour
40
L’existence d’une franchise
engendre mécaniquement un accroissement des sinistres devant être gérés
par les services de la collectivité
et une internalisation de certaines réparations ainsi que la nécessité d’allouer une
enveloppe budgétaire pour prendre en charge les sinistres inférieurs au montant de la franchise.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
38
les collectivités de
disposer de la connaissance la plus fine des caractéristiques de leur
patrimoine immobilier à assurer
pour pouvoir, en la portant à la connaissance des assureurs
à l’occasion des consultations de marché,
être assurées au prix le plus juste
. Une telle
connaissance est également la base de toute démarche de prévention des risques (voir infra
§ 3.3.3). Elle est en outre indispensable pour bien encadrer les besoins
41
d’assurance
de la
collectivité et choisir les limites contractuelles indemnitaires à retenir, en fonction de la valeur
économique des actifs assurés, quitte à prévoir plusieurs lignes
d’assurance
si nécessaire,
comme dans le cas de
Besançon ou de Dijon Métropole
42
.
En tout état de cause,
une collectivité ne devrai
t pas prendre le risque de l’
auto-
assurance si elle estime ne pas avoir la capacité d
’assumer
financièrement les dommages
restant à sa charg
e.
Ce qui suppose un niveau de capacité d’autofinancement suffisant pour
financer des réparations avec le reco
urs éventuel à l’emprunt et des disponibilités de crédits
pour faire face à d’éventuelles dépenses urgentes (aucun mécanisme de provisionnement n’est
actuellement prévu par la réglementation comptable). Les conséquences en termes de gestion
des dossiers
d’
assurance sous franchise doivent également bien être prises en compte
(
notamment s’agissant de la gestion des recours à l’égard des tiers
).
Comme cela a été dit plus haut dans le rapport (§ 2.2),
même dans des conditions
financières et de garanties dégradées, il reste préférable de continuer d'assurer ses
bâtiments
,
notamment lorsqu'ils sont imbriqués avec des bâtiments appartenant à des
tiers
. Ce, en raison des très importantes conséquences financières pour la collectivité qui
peuvent résulter en cas de dommages subis par des voisins et des tiers, dont la collectivité serait
responsable. En effet, si la collectivité peut choisir de renoncer à assurer son propre patrimoine,
elle reste redevable de l’indemnisation des dommages causés au patrimoin
e de personnes
privées au titre de sinistres dont elle serait responsable.
3.3.2.2
Un effort d’adaptation des pièces contractuelles à réaliser
Comme il a été relevé au § 2.2.1, l’infructuosité de la majorité des consultations relatives
à l’assurance dommage
s aux biens lancées en 2022 ou 2023 a poussé les collectivités à engager
une procédure négociée avec de potentiels assureurs, en adaptant leur cahier des charges pour
prendre mieux en compte l’état du marché (niveau de franchises, …) et en faisant un effort de
c
larification sur l’état du patrimoine à assurer.
La situation à laquelle les collectivités de l’échantillon régional ont été confrontées (le
cas de la
commune de Besançon
étant particulièrement symptomatique
43
) illustre les écueils
41
En principe, les LCI sont déterminées après estimation du montant des sinistres maximum possibles ou
SMP (impact financier en cas de sinistre
si rien n’est fait pour l’éviter et le combattre)
et des sinistres raisonnables
escomptables ou SRE (en partant
de l’hypothèse que tous les moyens de protection et de prévention sont
opérationnels).
42
Besançon dispose de deux contrats « dommage aux biens » : un contrat dit de première ligne qui permet
d’assurer l’ensemble des bâtiments, avec une indemnité maximale en cas de sinistre de 19 M€
; et un contrat dans
la limite d’une indemnité maximale de 39 M€, dit de seconde ligne, qui ne concerne que certains bâtiments
dont
les valeurs dépassent les capacité
s ordinaires d’un contrat de dommages aux biens.
43
Au 1
er
semestre 2023, l
a Maif a annoncé à la commune de manière anticipée sa volonté de résilier le contrat
DAB 1er avec une prise d’effet au 31/12/23 aux motifs d’une réorganisation des portefeuilles suit
e à la fusion avec la Smacl.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
39
auxquels se sont heurtées un grand nombre de collectivités ayant renouvelé leur contrat
dommages aux biens en 2022 et 2023.
Trop de cahiers des charges étaient éloignés des
pratiques des assureurs,
avec des franchises trop basses, des montants de garanties trop élevés,
des stipulations ne respectant pas les standards du marché (présence de garanties « parasites »
(Cyber notamment),
que l’ACPR a
vait demandé de bannir des polices dommages aux biens-
DAB post-COVID, exclusions standards non reprises) ou encore des définitions de garanties
inadaptées, etc.
Elle illustre le travail que le contexte atone du marché pousse les collectivités à réaliser,
notamment avec un important
travail de sourcing, pour adapter les cahiers des charges aux
pratiques des assureurs
et rendant le plus lisibles les risques à assurer, les garanties et les
franchises
attendues. Effort qui apparaît essentiel pour stimuler l’offre en facilitant le dialogue
entre collectivités et assureurs, a fortiori avec ceux qui ne sont pas familiers des règles de la
commande publique.
Pour répondre à cet enjeu de simplification, des acteurs du conseil en assurance
recommandent de normer les pièces
de marchés publics d’assurances, en s’approchant des
textes standards des assureurs, en créant un CCAG et un CCTG spécifiques aux prestations
d’assurances
(recommandation également formulée par la rapport Chrétien-Dages).
S’agissant par ailleurs
de
l’organisation
même des consultations, les collectivités
devraient systématiquement
anticiper leur lancement au 1
er
trimestre
pour permettre la
sélection d’un prestataire avant la fin du 1
er
semestre, période plus favorable pour obtenir des
conditions intéressantes, tout en se réservant la possibilité de relancer la procédure en cas
d’infructuosité. Elles devraient, en outre
allonger les délais minimum de réponse
pour
permettre aux soumissionnaires de traiter leur dossier.
La capacité pour une collectivité à réformer ainsi ses pratiques d’achat (du sourcing
jusqu’à l’analyse des offres), n’est crédible que si la collectivité dispose d’un minimum
d’expertise,
ce
qui
renvoie
à
la
nécessité
d’un
bon
dimensionnement
de
la
« fonction assurance ».
3.3.3
Des politiques de prévention et de gestion des risques à consolider
Diverses obligations sont faites aux collectivités territoriales en matière de prévention
des risques, comme l
’adoption d
es plans communaux (ou intercommunaux) de sauvegarde
(PCS) ou les
plans de continuité d’activité (
PCA), ou encore les plans de continuité
informatique (PCI), par exemple. Ces différentes démarches définissent des procédures de
gestion des situations de crise,
établies sur la base d’
une analyse des aléas auxquels une
collectivité peut être exposée (PCS), ou des processus visant à assurer la continuité du
fonctionnement en mode dégradé d’une organisation (PCA
ou PCI) en cas de sinistre majeur.
Par ailleurs, s’agissant de la prévention des risques professionnels, toutes les collectivités ont
L’AMO accompagnant Besançon a sensibilisé la collectivité sur la nécessité d’améliorer ses démarches de prévention et sa
connaissance des risques. Elle lui a également conseillé de lancer la nouvelle consultation avant l’été en
raison du
désengagement des compagnies et du nombre très élevé de collectivités se présentant sur le marché en 2023. La collectivité a
fait un travail d’adaptation de son cahier des charges en cherchant à rendre le plus lisible possible l’état de son patr
imoine et
les moyens mobilisés pour la prévention des risques
. La collectivité a pu, conclure un contrat, à la toute fin de l’année 2023,
avec la SMACL, qui s’est traduite par une réduction des garanties apportées.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
40
l’obligation de formaliser un document unique d’évaluation des risques professionnels
(DUERP).
L’ensemble de
ces démarches de prévention et les documents qui les formalisent
contribuent
au
développement
d’une
culture
de
la
prévention
des
risques
naturels, industriels, professionnels et à la gestion de leurs conséquences. Compte tenu des
moyens qu’elles investissent pour res
pecter les prescriptions réglementaires ERP, PCS, PCA
ou DUERP, les collectivités ont souvent la conviction d’être très impliquée
s dans la prévention
des risques associés à l’exercice de leur
s compétences.
Pourtant,
ces documents de prévention ne concernent pas toutes les communes
44
, et
ne concernent que certains des risques
couverts par les contrats d’assurances.
Ils ne permettent pas, en particulier,
aux collectivités d’attester auprès des assureurs
d’une
connaissance fine des risques couverts par les contrats : risque de vols, risque de dégradation
causée par des tiers, risques incendie (lié à l’état des installations électriques des bâtiments),
risque lié à la vétusté des bâtiments notamment.
D’où un décalage, qui peut être source d’incompréhension, av
ec les attentes des
assureurs, qui estiment aujourd’hui que les collectivités ne sont pas assez investies dans la
protection de leurs biens. Une majorité des acteurs locaux rencontrés par la chambre dans le
cadre de son audit, s’accordent néanmoins sur la
nécessité de professionnaliser la gestion et la
prévention de leurs risques.
3.3.3.1
Progresser dans la connaissance du patrimoine et des risques associés
La
première attente et exigence des assureurs à l’égard des collectivités, s’agissant de
l’assurance dommages
aux biens porte sur la
nécessité d
’un
e connaissance fine de leur
patrimoine et des risques associés
, destinés à être couverts par les contrats.
Or cette analyse des risque
s, bâtiment par bâtiment, si elle
est généralement
bien réalisée pour les équipements à risques industriels
,
reste une difficulté dans les
collectivités ayant un patrimoine d’une certaine taille
. Les équipements recevant du public-
ERP sont bien identifiés et leurs risques globalement cernés,
mais cela n’es
t souvent pas le cas
pour les autres bâtiments.
Les questionnaires de risques
déployés par des cabinets d’audit, dans le cadre de
missions d’expertise en amont à la souscription de contrat, constituent une première étape vers
une meilleure connaissance du patrimoine et analyse des risques associés (voir également en
annexe n° 6 un exemple de tableau simplifié
d’analyse des risques patrimoniaux utilisé par un
auditeur). Les tableaux
d’état des lieux patrimoniaux
dont la chambre a pu relever l’usage dans
plusieurs collectivités auditées (
Belfort, Dijon Métropole, Besançon
)
attestent des
démarches engagées par ces collectivités
dans le but
d’une
meilleure connaissance
des
risques associés à leur patrimoine.
L’enjeu pour la collectivité est d’être en mesure d’
identifier les faiblesses de son
patrimoine et les leviers pour les supprimer ou les limiter
.
Elle doit s’efforcer de
porter à la
44
Certaines communes ont l'obligation de réaliser un PCS si elles sont couvertes par un plan de prévention
des risques naturels (PPRN) ou un plan particulier d'intervention (PPI). Toutefois, il est recommandé à chaque
commune d'élaborer son PCS.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
41
connaissance des assureurs, dans les cahiers des charges des consultations, l’information la plus
précise possible du patrimoine de la collectivité, de ses caractéristiques et usages, de sa valeur,
des risques,
et des mesures de prévention mises en œuvre.
Disposer d’une connaissance fine des risques associés à son patrimoine et plus
généralement à l’exercice de ses compétences es
t aussi le
point de départ d’une stratégie
d’assurance.
C’est également
le
moyen d’être assuré au juste prix
. Dans ce but, la commune
de
Belfort
a réalisé, lors du dernier renouvellement de son contrat dommages aux biens, un
important travail de révision d
e l’assiette de son patrimoine à assurer, ce qui s’est traduit par
une baisse de 20 % des surfaces intégrées dans le contrat
45
et une économie substantielle,
estimée à 20 % par la commune. La commune de
Montceau-les-Mines
, propriétaire d’une
vingtaine de bâ
timents vacants sur un patrimoine d’une centaine au total,
projette de réviser le
périmètre de ses assurances de son contrat dommages aux biens, notamment
en sortant tout
ou partie des surfaces correspondantes de l’assiette assurée
46
.
En l’absence d’un tel
état des lieux, la pratique consiste, dans les cahiers des charges, à
déclarer une surface à assurer avec une tolérance de 10 %, imprécision que les assureurs
n’
apprécient guère
et qui joue en défaveur de l’assuré, qui se voit appliquer une majoration de
s
a prime d’assurance. A contrario, avant le retournement du marché, certains assureurs
accordaient une remise sur le prix du contrat en cas d’expertise préalable menée par l’assuré
sur son patrimoine
47
.
3.3.3.2
La prévention des risques en collectivités, un engagement à mener au long
court
L’analyse des pratiques des 17 collectivité de
l’échantillon, met en évidence
des
actions
de prévention d’abord basée
s sur la prévention des risques professionnels
, avec
des démarches particulièrement structurées dans des collectivités comme la commune de
Pontarlier, qui a déployé un service de prévention des accidents du travail, dans un contexte de
révision à la baisse de sa couverture assurantielle du risque statutaire.
Souvent à la tête de parcs automobiles très importants, la plupart des collectivités
auditées,
mènent également des actions de prévention des risques routiers
(actions de
sensibilisation des agents, règlement intérieur d’utilisation des véhicules, stage
s de conduite).
C’est le cas par exemple des communes de
Nevers ou de Sens. La ville de Belfort
, qui a fait
face à une sinistralité automobile recrudescente, a déployé un plan d’actions dans ce domaine,
après avoir réalisé un audit de prévention des risques automobile.
Mais c’est dans le domaine des risques couverts
par la police dommages aux biens
que l’investissement à consentir dans la prévention est le plus lourd
et que les actions
menées aujourd’hui apparaissent, logiquement les moins avancées. Elle constitue un
45
Les surfaces déclarées ont été réajustées afin de correspondre à la surface réelle des bâtiments et non à
celle de la parcelle d’emprise des bâtiments
.
D’autres facteurs influent sur la surface totale assurée, plusieurs
équipements (théâtres) sont sortis du patrimoine municipal, ayant été déclarés d’inté
rêt communautaire ou bien
vendus voire démolis.
46
L’objectif est en particulier que les bâtiments en l’état de friche industrielle ou squattés sont couverts
uniquement à hauteur des frais de démolition et de déblais.
47
Un acteur britannique, AVIVA, proposa
it il n’y a pas si longtemps 10
% de remise sur le prix du contrat
DAB en cas d’expertise préalable menée
.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
42
investissement quotidien pour les collectivités, souvent perçu comme lourd et pas
nécessairement prioritaire
48
.
Dans la majorité des collectivités auditées, les démarches de prévention bâtimentaires
sont centrées sur les établissements recevant du public et, pour le reste, limitées à la sécurisation
de quelques sites (dispositif anti incendie, anti-intrusion) déployée progressivement dans le parc
bâti à l’occasion de travaux de restructuration ou de modernisation.
Certes, les collectivités les plus importantes
de l’échantillon régional, comme
Besançon, Dijon Métropole, la commune de Belfort, ou encore le département de la
Côte d’Or
sont plus avancées dans des démarches de prévention et y consacrent des
moyens importants.
Dijon Métropole
s’est dotée d’un service sécurité
-sureté de 6 agents au
sein de la direction bâtiments et énergie, qui veille à la conformité incendie du patrimoine bâti
de la collectivité, prépare les commissions de sécurité, réalise des audits réglementaires de
sécurité incendie des bâtiments, intervient dans la sécurisation des sites (squats, alertes-
attentat…), organise et gère les exercices d’évacuation sur l’ensemble des établissements
recevant du public
. Elle dispose d’un
PC sécurité en charge de la surveillance et de la sûreté
des bâtiments publics (incendie, intrusions, contrôle
d’accès…)
.
La commune de
Besançon
,
qui a formalisé les bases d’une stratégie de prévention des risques de son patrimoine
, dispose
également
d’un poste central sécurité sureté où 18 agents se relaient pour assurer la surveillance
des sites 24h/24.
Le Sytevom,
gestionnaire de risques industriels
dispose également
d’une
culture
préventionniste plus développée
, en raison du caractère très normé des règles de sécurité à
respecter dans ses équipements
49
. Un constat corroboré par la situation plus favorable de
l
’assurance
dommages aux biens industriels de Dijon Métropole, dont le renouvellement a posé
moins de difficultés que l
’
assurance « dommages aux biens » classique, malgré une
augmentation des primes : la raison en est, selon la collectivité, que les conditions de sécurité
étant très normées dans les équipements industriels, les risques correspondants sont donc mieux
définis et mieux cernés par les assureurs.
Pourtant, aucun des
17 organismes ne peut se prévaloir d’avoir déployé une
démarche
globale de prévention des risques
dans l’ensemble de son patrimoine bâti
. Aucun ne dispose
des moyens techniques (équipements de prévention
déployé dans l’ensemble des bâtiments),
d’une organisation doté
e
de l’ensemble des
procédures idoines (contrôle du bon fonctionnement
des équipements, règles de prévention tels que celles relatives aux stockages de matières
inflammables,
règlement d’utilisation des véhicules
, des dispositifs
d’information sur ces
règles
, …
) et des effectifs en capacité de
mettre en œuvre ces procédures
et de les faire respecter.
La
crise du marché de l’assurance
contraint les collectivités à engager des stratégies de
prévention des risques, bien au-
delà de ce qu’elles pouvaient faire jusqu’à présent
, notamment
dans le cadre des obligations réglementaires des établissements recevant du public.
Structurer
une démarche de prévention capable de répondre aux nouveaux référentiels de prévention
des assureurs
,
à l’image des nouvelles clauses de prévention de la SMACL
présentées supra
48
Le cabinet SEA chiffre à environ 100K€ sur un mandat le coût d’une démarche complète : recensement
des risques (10 à 20K€) ; définition du risque management adapté (15 à 20K€) ; et 10K€ par an pour faire vivre et
gérer le système mis en place.
49
La situat
ion du Sytevom n’est toutefois par représentative, dans la mesure où ses plus gros équipements
(usine d’incinération, centre de tri) sont gérés par un prestataire privé qui en assure les risques.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
43
au § 1.2.2.1
50
,
ne
peut s’env
isager que sur le moyen term
e (au moins la durée du contrat
d’assurance
). Une telle consolidation des démarches de prévention
va supposer la
mobilisation de moyens humains et financiers supplémentaires.
50
Les clauses de prévention imposées par la SMACL dans les nouveaux contrats mettent en évidence le
niveau d’attente des assureurs, qui corsent les règles de prévention des risques incendie prévue par la
règlementation ERP et les étendent à tous les bâtiments (ex : vérification extincteurs, des installation électriques,
entretien des dispositifs de compartimentage, travaux alarme détection incendie, intrusion, report d’alarme,
normes
spécifiques applicables aux bâtiments vacants, sécurisation des locaux de remisage des poubelles, travaux par
points chauds et permis de feu).
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
44
ANNEXES
Annexe n° 1. Liste de collectivités et établissements publics locaux faisant partie
de l’échantillon
...........................................................................................
45
Annexe n° 2. Liste des acteurs du marché de l’assurance des collectivités
territoriales audités par la chambre
............................................................
46
Annexe n° 3. Glossaire
de l’assurance et des acteurs de l’assurance
des
collectivités
.................................................................................................
47
Annexe n° 4.
L’assurance des risques climatiques
........................................................
50
Annexe n° 5.
Evolution du montant des principales primes 2018-2024
........................
51
Annexe n° 6. L’état du patrimoine, pièce indispensable pour rendre lisible les
biens à assurer
............................................................................................
52
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
45
Annexe n° 1. Liste de collectivités et établissements publics locaux faisant partie
de l’échantillon
Organisme
Département
Population
Commune de Chenôve
21
14 445
Commune de Besançon
25
119 198
Commune de Belfort
90
45 155
Commune de Gevrey-Chambertin
21
3 049
Commune de Prémanon
39
1 201
Commune de Pontarlier
25
17 849
Commune de Nevers
58
32 830
Commune d'Arc-lès-Gray
70
2 451
Commune de Sens
89
27 034
Commune de Montceau-les-Mines
71
16 831
Commune de Saint-Honoré-les-Bains
58
691
Commune de Migennes
89
7 068
Commune de Valdoie
90
5 236
Métropole de Dijon
21
257 193
Communauté d'agglomération
de Lons-le-Saunier (ECLA Jura)
39
34 189
Syndicat de valorisation des déchets
ménagers (Sytevom)
70
261 291
Département de la Côte d'Or
21
535 503
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
46
Annexe n° 2.
Liste des acteurs du marché de l’assurance des collectivités
territoriales auditionnés par la chambre
Secteur d’activité
Organisme
Personne rencontrée par la CRC
Assistant à maîtrise d’ouvrage
Acaop
M. Christian Tourrain, président
Assistant à maîtrise d’ouvrage
Protectas
M. Pierre Alexandre Royer, président
Assureur
Smacl
M. Jean-Luc de Boissieu, président
Courtier
Verspieren
M. Iven Bourrasseau, directeur du
département grands comptes publics
Expert d’assuré
Société d’
expertise et
d’
accompagnement (SEA)
M. Benoit Mathias
Inspectrice de prévention
Abeille
Mme Clémence Roger
Association représentative des
départements
Départements de France
Mme Nathalie Alazard
Association représentative des
territoires urbains
France urbaine
M. Christophe Amoretti-Hannequin,
M. Bastien Taloc
et M. Maxime Merlin
Au titre de la mission gouvernementale Chrétien - Dages
M. Alain Chrétien, maire de Vesoul
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
47
Annexe n° 3. Glossaire
de l’assurance et des acteurs de l’assurance
des collectivités
-
Assurance automobile :
couvre les dommages subis par des tiers
résultant d’atteintes
aux personnes ou aux biens,
dans la réalisation desquels un véhicule de la collectivité est impliqué.
L’obligation porte
uniquement sur la responsabilité civile automobile c’est
-à-dire les dommages corporels,
matériels ou immatériels causés aux tiers.
L’as
surance automobile peut également assurer
les dommages accidentels subis par le véhicule tels que ceux résultant de chocs, événements
naturels, dommages par collision, incendie, explosion, vol, bris de glaces... Il est possible
de moduler les garanties en
fonction du type, de la valeur ou de l’âge
du véhicule.
-
Assurance cyber :
vise à mettre à disposition de la collectivité les moyens humains et financiers pour identifier
et circonscrire les attaques contre ses données.
-
Assurance dommages aux biens :
a pour objet de couvrir les dommages subis par les biens dont la collectivité est propriétaire
ou dont elle a l’usage au moment de la survenance d’un sinistre ainsi que les frais annexes
.
-
Assurance dommages ouvrage :
cette garantie permet, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement des
travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les
constructeurs dans le cadre de la responsabilité décennale. Les dommages concernés sont
ceux qui compromettent la solidité
de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.
En
principe, elle doit être souscrite avant l’ouverture du chantier par le maîtr
e
d’ouvrage, et
court pendant 10 ans après la réception de l’ouvrage. Son but
est de préfinancer les
réparations des dommages avant toute recherche de responsabilité, et ce dans un délai
rapide.
Elle est obligatoire pour les collectivités dans le cas de travaux à usage d’habitation.
-
Assurance statutaire :
consiste à garantir à l'employeur public le versement ou le remboursement de charges qui
lui incombent dans le cadre des risques liés à l’indisponibilité physique de ses agents. Les
collectivités et établissements publics ont une obligation statutaire en matière de protection
sociale à l’égard de leurs agents et doivent en
assumer la charge financière, notamment en
continuant de verser les salaires lors des arrêts de travail ou de régler les praticiens en cas
d’accident
de service, de travail ou de maladie professionnelle. La
souscription d’un contrat
d’assurance statutaire permet donc
le remboursement des sommes engagées au titre de cette
obligation et de garantir ainsi la continuité du service en couvrant le coût du remplacement.
-
Assurance tous risques chantiers :
a pour ob
jet de couvrir l’ensemble des dommages matériels accidentels affectant le chantier
au cours de sa réalisation. Il permet une réparation rapide des dommages, limitant ainsi
l’impact d’un sinistre dans le déroulement du chantier.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
48
-
Assurance protection juridique :
a pour objet de couvrir tout différend ou litige opposant la collectivité à un tiers. Elle
consiste à mettre à la disposition de la collectivité les moyens juridiques et financiers
nécessaires pour lui permettre de trouver une solution à son litige.
-
Assurance « responsabilité et risques annexes » :
a pour objet de garantir les conséquences financières des dommages causés aux tiers par la
collectivité ou ses agents, ses élus, ses ouvrages ou ses biens.
-
Auto-assurance :
consiste pour les collectivités territoriales à prendre en charge directement par leurs propres
moyens humains et financiers, la réparation de dommages subis à l’occasion de la
survenance d’un risque.
-
Automaticité de garantie :
clause selon laquelle l’assureur accepte de
couvrir les nouveaux risques survenus et les
nouveaux biens acquis en cours de contrat.
-
Courtier :
intermédiaire qui met en contact un client qui
souhaite s’assurer et une compagnie
d’assurances, afin que les deux parties
concluent un contrat. Il fait partie de la catégorie
juridique des Intermédiaires en Assurances (IAS) qui relèvent de la profession des
intermédiaires financiers.
L’activité de courtier est réglementée par le Ministère de
l’Économie, des Finances
et de l’Industrie.
-
Garantie annulation de spectacle :
permet l’indemnisation des frais de la collectivité ayant été dans l’obligation d’annuler un
spectacle suite à la survenance d’un aléa. Les dépenses prises en charge par l’assureur
peuvent couvrir la billetterie, l’indemnisation de l’artiste, les frais de location de salle…
-
Gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme :
groupement d’intérêt
économique
qui a pour objet d’établir et de gérer pour compte
commun de ses membres les conventions de coréassurance et les traités de réassurance
destinés à la couverture des dommages consécutifs à des attentats et actes de terrorisme.
-
Multirisque exposition :
cette garantie vise à indemniser la collectivité ou le propriétaire des œuvres exposées de
manière permanente ou temporaire.
-
Protection fonctionnelle :
a pour objet d’organiser la protection des agents
ou élus de la collectivité publique lorsqu’ils
sont mis en cause
dans l’exercice de leur fonction ou de leur mandat. Cette garantie a
également pour objet de couvrir le fonctionnaire des condamnations civiles prononcées
contre lui en cas de faute de service.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
49
-
Rapport sinistre sur prime (ou cotisation) :
indicateur de résultats qui met en rapport les indemnisations versées par l’assureur lors de
la réali
sation de sinistres et les primes ou cotisations versées par l’assuré.
Les assureurs
assurent un suivi annuel attentif du taux de sinistralité, c’est
-à-dire du rapport entre les
indemnisations versées et/ou provisionnées et les primes perçues. Lorsque ce ratio est
supérieur à 0,6, le contrat est considéré en déséquilibre en défaveur de la compagnie.
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
50
Annexe n° 4.
L’assurance des risques climatiques
À l’échelle internationale, deux grands modèles d’assurance existent en matière de risques
climatiques, qui peuvent cohabiter en fonction des spécificités nationales :
•
Un modèle fondé sur la liberté de marché, dans lequel la concurrence entre acteurs
privés est la principale force d’influence des équilibres d’offre et de demande,
qui se traduit par une liberté de souscription de l’assuré, une tarification des risques en
fonction de l’exposi
tion et un signal-prix qui crée une incitation forte à la prévention et
à la protection.
•
Un
modèle fondé sur l’encadrement par l’État des conditions d’exercice du marché, à
travers des obligations d’assurance, un contrôle de la tarification et des ressour
ces en
réassurance /capital.
Le système assurantiel français fait coexister ces deux modèles :
•
Le
régime d’assurance récolte, réformé au 1er janvier 2023, est fondé sur
le principe de marché (pas d’obligation d’assurances et liberté tarifaire), adossé à
un
mécanisme de soutien public important pour subventionner la demande.
•
Le
cadre d’indemnisation des tempêtes (non tropicales), des
événements grêligènes et
de neige est également régi par les équilibres de marché, avec toutefois des obligations
d’assurance en multirisques habitation pour certaines catégories d’assurés.
•
L
’indemnisation des
conséquences des catastrophes naturelles est largement encadré par
l’Etat, qui apporte en corollaire une offre de réassurance publique permettant une
couverture large des périls climatiques adossée à une garantie illimitée de l’Etat.
RAPPORT D’OBSERVATIO
NS DÉFINITIVES
51
Annexe n° 5. Evolution du montant des principales primes 2018-2024
AUDIT FLASH
–
ASSURABILITE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
52
Annexe n° 6.
L’état du patrimoine, pièce indispensable pour rendre lisible les biens à assurer
Adresse
Activité - Usage du bâtiment
Surface développée
Propriétaire =
P Locataire =
L
Occupant = O.
Non Occupant =
NO
CO
Surface Utile
AUTRE
PROPRIETAIRE
Oui sans
certificat
oui avec
certificat
Q18
Oui sans
certificat
Oui avec
certificat
Q4
Oui sans
certificat
Oui avec
certificat
Q5
Hôtel de Ville
Piscine
Ecole
…
Détection
Incendie
Electricité controlée
Extincteurs Controlés
Robinets d'incendie Armés
Controlés
Détection
intrusion
Video surveillance
Sprinkler
Exposition aux
risques naturels
Inondations
Présence
panneaux
photo
voltaiques
Surface
Observations
Bâtiment
classé - inoccupé - démolition etc.
Chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté
28-30 rue Pasteur
–
CS 71199
–
21011 DIJON Cedex
bourgognefranchecomte@crtc.ccomptes.fr