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PRÉSENTATION À LA PRESSE DU RAPPORT D’INITIATIVE CITOYENNE
SUR L’OFFICE NATIONAL DES FORÊTS
ET LE DÉFI DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
Jeudi 19 septembre 2024 – 11h45
Allocution de Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Mesdames et messieurs,
Bonjour et merci de votre présence. J’ai grand plaisir à vous accueillir aujourd’hui pour vous
présenter le rapport d’initiative citoyenne de la Cour des comptes l’office national des forêts et le
défi de la transition écologique.
Le thème de l’Office national des forêts a été sélectionné dans le cadre de la deuxième campagne
d’initiative citoyenne, lancée par la Cour des comptes en 2022 pour contribuer au programme de
travail des juridictions financières
. C’est un sujet fondamental, qui est directement lié aux enjeux
climatiques. Ce rapport est notre septième rapport d’initiative citoyenne ; c’est aussi le premier de la
deuxième vague de thèmes sélectionnés par les citoyens, soit en 2023.
Nous avons déjà publié les
rapports d’initiative citoyenne sur
Le recours par l’État aux cabinets de conseil
,
Les soutiens publics
aux fédérations de chasseurs
,
Les politiques en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes
,
La
détection de la fraude fiscale des particuliers
et
L’intérim médical
. Nous avons aussi publié, pas plus
tard que lundi, le dernier rapport d’initiative citoyenne de la vague de 2022, sur le thème de l’inclusion
scolaire.
Quelques mots sur le succès de ce dispositif qui m’est cher, et qui permet aux citoyens de déposer
des propositions de contrôle à destination de la Cour et des CRTC.
Nous nous devons de répondre à
la très forte demande de participation citoyenne que tous les sondages, toutes les enquêtes d’opinion
révèlent. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé la plateforme citoyenne en 2022 ; et les
résultats sont là !
Les juridictions financières ont renouvelé l’expérience en 2023, avec une dynamique amplifiée.
Deux
innovations ont été engagées : l’élargissement de ce dispositif aux chambres régionales et territoriales
des comptes, d’une part, ce qui a permis aux citoyens de proposer des thèmes de travail locaux ;
l’ouverture aux 15-18 ans grâce à une loi de juillet 2023 abaissant la majorité numérique à 15 ans,
d’autre part. Pas moins de 622 thèmes et 20 000 participants ont été recensés en 2023, et 28 rapports
d’initiative citoyenne ont été sélectionnés par la Cour et les CRTC ; ils sont en cours d’instruction ou
devraient bientôt l’être.
Fort de ce succès, je suis très heureux de vous annoncer que la campagne de participation citoyenne
pour 2024 est ouverte !
Les dépôts de sujets sur la plateforme sont ouverts jusqu’au 4 octobre 2024.
Je suis fier de voir que ce dispositif s’installe progressivement dans le paysage de la démocratie
participative, et j’espère qu’il sera tout aussi fructueux cette année.
Je vais aujourd’hui vous présenter les conclusions du rapport public thématique consacré à
l’Office
national des forêts et le défi de la transition écologique
, thème choisi par nos concitoyens et proposé
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à la Cour
via
notre plateforme citoyenne.
Je souhaite avant tout saluer le travail approfondi de l’ensemble des artisans de ce rapport
. Je
remercie
Inès-Claire Mercereau
, la présidente de la 2
ème
chambre,
Catherine Périn
, présidente de la
section environnement, agriculture et mer et contre-rapporteure, ainsi que
Michel Babeau,
Guillaume Bruneteau, Bruno Berthet et Valérie Girard
, les rapporteurs.
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L’ONF est un acteur public majeur créé en 1964, et il hérite des dispositifs multiséculaires créés par
une ordonnance royale de 1346.
Concrètement, c’est un établissement public chargé de la gestion
durable des forêts publiques. Pour la métropole, il s’agit de 1,7 millions d’hectares de forêts
domaniales, c’est-à-dire des forêts, qui appartiennent à l’État, et de 2,9 millions d’hectares
appartenant à d’autres propriétaires forestiers publics, notamment des collectivités territoriales. Les
principes qui encadrent la gestion de ces forêts sont définis dans le code forestier et constituent le «
régime forestier ». Son statut d’établissement public à caractère industriel et commercial permet à
l’ONF d’intervenir dans le domaine concurrentiel, en proposant des prestations de travaux, d’expertise
ou de maîtrise d’œuvre. L’ONF est également chargé de mener des missions d’intérêt général pour le
compte de l’État, en faveur de la préservation de la biodiversité ou de la prévention des incendies.
L’ONF est un organisme absolument essentiel de la filière forêt-bois.
Il est doté d’un budget de plus
de
900 M€
et d’un effectif de
8 043
agents fin 2023, pour gérer
25 %
de la surface forestière de
métropole et mettre sur le marché
40 %
des volumes de bois produits en France. En assurant la gestion
des forêts domaniales et des collectivités territoriales, l’office doit non seulement en extraire le bois,
qui sera ensuite utilisé dans la construction, mais aussi tout faire pour que les générations futures
puissent encore profiter de ces forêts dans les dizaines voire les centaines d’années à venir.
Sans prise en compte de l’enjeu du changement climatique, ce rapport aurait été un contrôle plutôt
« classique » des comptes et de la gestion de l’ONF
.
La Cour
aurait analysé son organisation, sa
gestion et ses moyens comme elle le fait régulièrement pour les opérateurs de l’État
.
Mais la question
posée par les citoyens va bien au-delà.
Elle demande à la Cour d’analyser les missions de l’ONF, dans
le passé et le présent, pour évaluer ses capacités à faire face au défi écologique. L’analyse des comptes
et de la gestion de l’opérateur a bien entendu été réalisée, mais elle a alimenté cette réflexion
.
La
transition écologique vise à renouveler nos façons de consommer, de produire, de travailler pour tenir
compte, réduire et, si possible, corriger les désordres nés du changement climatique, de la rareté des
ressources, de la perte accélérée de la biodiversité et de la multiplication des risques sanitaires et
environnementaux. Et de fait, les forêts subissent de plein fouet les effets de ces désordres. Elles
souffrent de sécheresses, de dépérissements, d’une moindre croissance des arbres, d’attaques
parasitaires et d’incendies. Ces effets entrainent avec eux des pertes de biodiversité et des
dégagements de carbone ; et bien sûr, les forêts publiques ne font pas exception.
Poser la question de la capacité de l’ONF à faire face à ce défi est donc très pertinent
.
Pour cette analyse, la Cour a choisi d’aller au-delà du périmètre strict de l’ONF.
L’équipe de contrôle
a recueilli les avis de
la fédération nationale des communes forestières et de plusieurs associations de
protection de la nature. Les tutelles de l’ONF, les ministères chargés de l’agriculture, et de
l’environnement et de la transition écologique ont évidemment été entendus. L’équipe s’est aussi
déplacée dans les directions territoriales métropolitaines de l’ONF. Au total, près de 150 personnes
ont été rencontrées.
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Le rapport que je vous présente aujourd’hui intervient dans le prolongement de l’enquête sur « la
structuration de la filière forêt-bois » (2020), réalisée par la Cour des comptes à la demande de la
commission des finances de l’Assemblée nationale
. Il suit aussi l’enquête intitulée « la gestion
durable de la forêt métropolitaine, quelle adaptation au changement climatique ? », objet d’un
chapitre du RPA 2024 de la Cour des comptes.
*
J’en viens à présent aux principaux messages de notre rapport
. D’abord, les forêts publiques sont
vulnérables et elles sont au cœur des enjeux de la transition écologique. Ensuite, deuxième message :
la situation financière de l’ONF s’améliore, notamment sous l’effet conjoncturel de la hausse du cours
du bois. Mais cela n’empêche pas la soutenabilité financière de l’ONF de rester fragile, avec des
ressources humaines sous tension ; c’est l’objet de notre troisième message. Enfin, la trajectoire
financière de l’ONF est à clarifier : à défaut de nouvelles sources de financement, les soutiens de l’État
devront augmenter.
Le premier message de notre rapport est le suivant : les forêts publiques sont vulnérables et sont
au cœur des enjeux de la transition écologique.
Le changement climatique affecte la forêt en profondeur : 50 000 hectares de forêt publiques ont
été détruits entre 2018 et 2021.
La multiplication des épisodes de sécheresse ces dernières années
atteint durablement les peuplements forestiers. Ces épisodes s’accompagnent en outre de la
prolifération d’insectes qui s’attaquent aux arbres ; je pense notamment aux scolytes, qui détruisent
les résineux. Cela entraîne des dépérissements massifs, une moindre croissance des peuplements et
une réduction du volume de bois exploitable.
Cette situation exige un effort de reconstitution sans précédent, soutenu par l’État depuis 2020.
La
reconstitution des forêts publiques est confiée à l’ONF, et l’État la soutient en sa qualité de
propriétaire des forêts domaniales. Il est intervenu dans le cadre du plan de relance et de France 2030,
en versant 85 M€ cumulés entre 2021 et 2023.
Mais la protection et la reconstitution des forêts publiques ne dépendent pas seulement de moyens
financiers.
L’ONF doit aussi rendre les peuplements forestiers plus résistants.
Pour cela, il doit trouver de nouvelles essences, adapter ses modes d’intervention en forêt et réduire
au maximum les dégâts provoqués par le gibier, notamment sur les jeunes arbres. Il doit aussi trouver
des plants disponibles, et la main-d’œuvre capable d’en assurer la plantation. Or, leur disponibilité est
parfois limitée.
On constate également que, sans ces bouleversements, les « services environnementaux » que
rendent les forêts auraient peut-être continué de susciter moins d’intérêt que la seule production
de bois.
Quand une forêt disparaît ou dépérit, ce sont autant d’animaux, de plantes qui disparaissent
ou sont perturbés.
Ce sont des tonnes de carbone qui ne sont plus absorbées, ce sont autant de loisirs
que les citoyens ne peuvent plus y exercer. Le changement climatique a remis en lumière ces services
rendus par les forêts.
L’ONF prend de plus en plus en compte ces enjeux environnementaux dans sa gestion ; mais elle
n’en mesure pas assez l’impact.
L’Office tient compte de la préservation de la biodiversité dans ses
actions sur le terrain, mais les effets de cette prise en compte sont difficiles à mesurer, faute de
contrôle et d’indicateurs précis. À l’inverse, la contribution des forêts publiques au cycle du carbone
et à sa valorisation ne fait pas encore l’objet de déclinaisons opérationnelles dans la gestion de l’ONF
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– qu’il s’agisse de captation, de stockage ou de libération du carbone. Les connaissances scientifiques
ne sont pas encore suffisantes.
Pour toutes ces raisons, les fondamentaux de la gestion historique des forêts publiques par l’ONF
sont profondément remis en cause
. Jusqu’à la fin des années 2010, la planification des actions à
mener dans une forêt, comme des coupes ou, au contraire, l’absence d’intervention, pouvait encore
être réalisée sur 15 à 20 ans. Mais cela n’est plus possible aujourd’hui. C’est trop long, c’est inadapté
aux évolutions plus rapides et moins prévisibles qu’auparavant des forêts.
C’est pourquoi l’ONF s’est engagé, en lien avec ses tutelles et la fédération nationale des communes
forestières, dans un processus pour faire évoluer les documents de gestion et les rendre plus agiles,
plus adaptés à ces enjeux
. Mais ce processus n’a pas encore abouti. L’ONF expérimente aussi la
diversification des modes de sylviculture et des essences. Cela doit rendre les peuplements forestiers
plus résilients, et plus résistants aux épisodes de sécheresse.
*
J’en viens au deuxième message de ce rapport, qui est positif : la situation financière de l’ONF est
en cours d’amélioration.
Le financement de l’ONF repose historiquement sur quatre modèles économiques, qui
correspondent à chacune de ses missions statutaires
. La première ressource pour l’ONF, ce sont les
recettes des ventes de bois issus des forêts appartenant à l’État, soit 315 M€ en 2023, qui représentent
40 % de son chiffre d’affaires.
Mais ces recettes sont corrélées au marché du bois, qui est, nous le savons, international et surtout
volatil.
Ainsi, l’amélioration du résultat de l’établissement observé en 2022, avec 53 M€ de résultat,
et en 2023, avec 51 M€ de résultat, tient en grande partie à la flambée des cours du
bois. Les prix des
principales essences ont ainsi augmenté de 50%. Cela contraste avec la situation antérieure, marquée
par des résultats au mieux légèrement positifs, comme en 2013, mais le plus souvent déficitaires,
comme entre 2017 et 2021.
Cette dynamique positive est également due à une augmentation des subventions de l’État.
L’objectif poursuivi est double
.
D’une part, il s’agit d’équilibrer les charges que l’ONF engage pour la gestion des forêts des
collectivités territoriales,
et que ces dernières ne couvrent pas entièrement
.
L’État a ainsi augmenté ses subventions de 7,5 M€ en 2023 ; elles atteignent désormais 147,9 M€ pour
une année. La contribution aux charges des communes forestières s’élève pour sa part à 39,1 M€ en
2023.
D’autre part, l’augmentation des subventions de l’État vise à financer les missions d’intérêt général,
qui excèdent ce que doit faire l’ONF dans le cadre de sa mission « de base ».
Ces missions d’intérêt
général regroupent par exemple la lutte contre les incendies, la préservation de la biodiversité ou la
restauration des terrains en zones de montagne. Le financement par l’État des missions d’intérêt
général confiées à l’ONF était relativement constant entre 2013 et 2020, avec 32,8 M€ en moyenne
annuelle. Mais cela ne couvrait pas les charges de l’établissement, en dépit du principe d’équilibre des
coûts complets prévus dans les contrats État-ONF successifs. L’État a donc relevé le niveau de
financement depuis 2021, avec 51,5 M€ en 2022 puis 67,2 M€ en 2023. Cela n’a permis d’atteindre
l’équilibre des coûts complets qu’en 2023.
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Cependant, les modalités de gestion, de pilotage et de suivi des missions d’intérêt général sont
complexes et
leurs modalités de financement le sont tout autant
. Il faut pourtant pouvoir en mesurer
précisément les coûts et donc leur couverture par l’État, pour qu’elles n’amputent pas les capacités
financières de l’ONF.
La Cour recommande ainsi à l’ONF de fiabiliser l’estimation des coûts affectés aux missions d’intérêt
général.
L’amélioration de la situation financière de l’ONF tient également, depuis 2021, au relèvement des
tarifs de ses prestations commerciales comme les travaux, les études et les expertises, ainsi qu’à
l’abandon de celles qui étaient les moins rentables
. Cette stratégie a permis de remettre l’activité
concurrentielle de l’ONF dans une logique de profits, pour la première fois en 2023.
Pendant longtemps, l’établissement n’a pas dégagé suffisamment de ressources pour financer ses
investissements, d’où un recours récurrent à l’emprunt
. L’endettement a toujours été élevé et a
atteint un pic à près de 400 M€ en 2020 et 2021. La réduction de l’endettement est donc depuis
longtemps un objectif des tutelles et de l’ONF. En raison des bons résultats récents, cet endettement
a fortement baissé en 2022 et 2023 et s’établissait fin 2023 à un peu plus de 271 M€.
*
Le troisième message de notre rapport est le suivant : la soutenabilité financière de l’ONF reste
fragile et ses ressources humaines sont sous tension.
La Cour constate que, malgré cette dynamique positive, la soutenabilité financière de l’ONF et sa
capacité à poursuivre la mise en œuvre de ses missions restent fragiles.
Certaines stratégies
engagées depuis plusieurs années doivent, à cet égard, faire l’objet d’une attention particulière.
Tout d’abord, les impacts du développement de contrats d’approvisionnement entre les acteurs de
la filière ne sont pas suffisamment mesurés.
Ces contrats ont été développés depuis 2012, entre
l’État, l’ONF et la fédération nationale des communes forestières, pour amortir les effets des
fluctuations des cours, assurer un débouché pour les bois issus des forêts publiques et favoriser le
maintien des entreprises locales de transformation. Un objectif a été fixé : 75 % des volumes de bois
domaniaux et 35 % des volumes de bois issus des autres forêts publiques doivent être vendus selon
cette modalité d’ici 2025. L’objectif est en passe d’être atteint ; mais plus en raison de la baisse des
volumes de bois disponibles que de la croissance de la demande.
Toutefois, dans cette stratégie, des paramètres essentiels ne sont pas maîtrisés
, que ce soit le prix
des bois vendus ou les coûts de production.
La poursuite de cette stratégie appelle donc une vigilance particulière de l’ONF sur ces enjeux encore
insuffisamment évalués.
Une autre stratégie, poursuivie par le contrat État-ONF en vigueur, mérite d’être clarifiée : c’est
l’extension du régime forestier.
Le régime forestier est le cadre juridique de la mission première de
l’ONF, à savoir,
établir des plans de gestion des forêts, proposer un plan annuel de coupes, et surveiller
et conserver le patrimoine forestier qui lui a été confié.
L’extension du régime forestier vise à étendre la gestion de l’ONF à 215 000 nouveaux hectares
de
forêts publiques
d’ici fin 2025.
Cela demande des moyens évalués par l’établissement à 70 agents et
à 7 M€ supplémentaires, par tranche de 100 000 hectares.
Or, les propriétaires forestiers publics
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autres que l’État sont réticents à contribuer davantage au financement de ces charges et l’effectif de
l’ONF ne s’accroit pas dans ces proportions. L’atteinte de cet objectif donc repose
in fine
sur la capacité
de l’établissement à redéployer ses effectifs et sur une contribution toujours plus importante de l’État.
En outre, les critères de rattachement d’une forêt au régime forestier ou de sa sortie de ce régime,
ne sont pas clairs.
Les textes prévoient que le régime forestier s’applique sans condition aux bois et
forêts qui appartiennent à l'État mais, pour les autres forêts publiques, il ne s’applique qu’aux «
bois
et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution
». Ces critères sont
imprécis. L’ONF n’a pas d’autre choix que de mobiliser des moyens pour gérer des forêts parfois
isolées, parfois de surface très limitée, non productives voire inaccessibles, et qui ne génèrent pas de
recettes.
Dans un tel contexte, et cela fait l’objet d’une deuxième recommandation, il est nécessaire de
clarifier les critères requis pour bénéficier du régime forestier. Cette clarification doit
s’accompagner d’une évaluation des conséquences financières des choix ainsi arbitrés
.
En parallèle, les ressources humaines de l’ONF restent sous tension
. Pendant de nombreuses années,
l’objectif fixé à l’ONF par ses tutelles a été de réduire ses effectifs, ce qui a été fait à hauteur de 12,3 %
depuis 2013, et par conséquent sa masse salariale. Il s’agissait de résoudre les déficits récurrents de
l’établissement.
Mais les moyens humains de l’établissement apparaissent désormais insuffisants pour répondre aux
missions croissantes assignées à l’ONF
. Pour cette raison, l’ONF a obtenu l’annulation des baisses
d’effectifs programmées pour 2023 et 2024, qui s’élevaient à 95 ETP par an. En outre, près de 270
nouveaux ETP pourraient être recrutés d’ici 2027, si les crédits étaient votés en ce sens.
Définir le nombre d’agents affectés à l’ONF ne suffit pas.
Il faut aussi avoir une approche par les
compétences. Il faut pouvoir déterminer lesquelles sont requises et comment redéployer, le cas
échéant, l’effectif actuel pour répondre aux nouvelles missions de l’ONF, dans le contexte de la
transition écologique. Or, les réductions d’effectifs ont eu des conséquences importantes sur le
maintien des compétences au sein de l’établissement. Ainsi, le nombre d’ouvriers forestiers a été
réduit alors que leurs compétences sont nécessaires pour assurer les travaux de renouvellement des
forêts publiques, surtout en l’absence d’alternatives suffisantes sur le marché privé. De même, l’ONF
doit mener des missions de police environnementale et celles-ci supposent, en l’état de la
réglementation, le maintien d’un effectif suffisant de fonctionnaires.
Pour autant, le nombre d’agents nécessaires aux missions de l’ONF et leur répartition par statut et
compétences – entre fonctionnaires, agents de droit privé et ouvriers forestiers – ne sont pas
aujourd’hui précisément mesurés.
Ils nécessiteraient d’être documentés, d’autant que des tensions sont apparues sur le marché des
emplois forestiers et que les relations sociales sont historiquement tendues dans l’établissement. Cela
dépend notamment des missions que devra remplir l’ONF à l’avenir.
*
J’en viens ainsi au dernier message de notre rapport : à défaut de nouvelles sources de financement
pour l’ONF, préserver la forêt publique ne pourra reposer que sur de nouveaux soutiens de l’État.
Notre rapport évalue la capacité de l’ONF à mener ses missions
et à faire face aux risques qui
menacent les forêts publiques à l’avenir.
L’évolution en cours des missions de l’ONF, pour mieux tenir
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compte des enjeux de la transition écologique, remet en effet en question le principe historique
voulant que « le bois paie la forêt », qui prévalait jusqu’à présent.
À horizon 2050, l’ONF évalue l’effort de reconstitution des peuplements des forêts domaniales
dépérissants, ou susceptibles de le devenir, à 21 000 hectares par an, contre 12 000 hectares
actuellement
. La moitié devra être reconstituée par plantation, contre un quart aujourd’hui si
l’objectif de régénération de la forêt perdure. En conséquence, le coût des reboisements est évalué
entre 100 et 120 M€ par an pour la seule forêt domaniale, contre 44,2 M€ aujourd’hui. L’État, en sa
qualité de propriétaire des forêts domaniales, pourrait donc devoir renforcer son soutien à l’ONF pour
lui permettre d’assurer le renouvellement de ces massifs, conformément au principe pluriséculaire de
gestion durable qui s’y applique.
L’effort financier à prévoir pour le renouvellement des autres forêts publiques est également estimé
à 120 M€ par an, à la charge de leurs propriétaires, avec l’appui de l’État.
Le surcroît de plantations
à mettre en œuvre aura nécessairement un effet sur l’activité de l’ONF dont les charges afférentes
devront être couvertes.
Permettez-moi quelques commentaires sur ces chiffres.
D’abord, il convient d’être prudent sur les scénarios retenus.
Le rapport montre que les prévisions
de risques et de dépérissements doivent être affinés et consolidés.
Ensuite, on ne parle pas ici que de moyens financiers.
En effet, il faudra suffisamment de graines,
puis de plants et des capacités humaines, internes et externes à l’ONF, pour faire les plantations
d’essences adaptées et assurer leur croissance dans de bonnes conditions. Ce n’est pas assuré.
En l’état actuel de ses capacités, financières et humaines, l’ONF ne pourra donc pas répondre seul
aux enjeux de la transition écologique, notamment ceux liés au changement climatique.
À défaut de
nouvelles sources de financement, et compte tenu du
statu quo
sur la contribution des collectivités
au financement du régime forestier, l’ONF restera tributaire des subventions de l’État pour poursuivre
sa mission de gestion durable des forêts publiques.
Quelles pourraient être ces nouvelles sources de financement ?
En premier lieu, le paiement des services environnementaux forestiers pourrait être envisagé.
Mais
la Cour montre en 2024, dans son suivi de la communication au Parlement sur la structuration de la
filière forêt-bois, que ces paiements demeuraient à mettre en œuvre – bien que leur développement
soit prévu par la stratégie nationale de la biodiversité 2030. En l’état, même si les données disponibles
mériteraient d’être affinées, ces services génèrent plus des charges que des ressources pour l’ONF.
En second lieu, la contribution des collectivités au financement du régime forestier pourrait
augmenter
. Cela n’est pas prévu, au moins à court terme ; le
statu quo
est préféré aujourd’hui par
l’État et les communes forestières.
Finalement
,
les principales conclusions de la Cour mènent à deux certitudes, qui fondent notre
dernière recommandation.
Premièrement, pour remplir ses missions à l’avenir, les moyens humains
et financiers de l’ONF devront être mieux évalués. Deuxièmement, les objectifs qui sont assignés à
l’Office devront être priorisés.
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Les discussions entre l’ONF et l’État vont débuter afin d’établir le futur contrat État-ONF qui
s’appliquera à compter de 2026. Ce nouveau contrat sera l’occasion de répondre, concrètement, à
notre recommandation.
***
Comme vous le voyez, les recommandations qui accompagnent notre rapport sont peu nombreuses
mais elles concernent des sujets stratégiques.
Elles sont essentielles, non seulement pour
l’établissement ONF, mais aussi, plus largement, pour ce bien commun que sont nos forêts publiques.
Seront-elles suffisantes pour faire prendre conscience à chacun que la santé et la perpétuation des
forêts méritent que l’on y consacre l’attention et les moyens nécessaires ? Il faut ici l’espérer.
Mesdames, messieurs, je vous remercie pour votre attention
. Je me tiens à votre disposition, ainsi
que l’équipe qui a instruit ce rapport et que je remercie à nouveau pour ce travail, pour répondre à
vos questions.