COMMUNIQUÉ DE PRESSE
18 septembre 2024
Rapport public thématique
L’ACCUEIL DES FRANÇAIS EN SITUATION DE
HANDICAP EN WALLONIE
Le droit français relatif aux personnes handicapées ne conditionne pas le financement d’un
hébergement à sa localisation sur le territoire national. Un peu plus de 7 000 adultes étaient
hébergés en 2022 en Wallonie. Ce constat a conduit la Cour à y consacrer une enquête
spécifique. Le présent rapport rend compte des résultats de ces travaux, qui ont comporté
deux volets. Le premier, mené en France dans les trois régions principalement concernées,
a permis de décrire le parcours des Français hébergés en Wallonie et de déterminer leurs
caractéristiques communes. Le second volet a porté sur les conditions de développement
de l’offre d’accueil wallonne au cours des 20 dernières années et sur l’actuel dispositif de
contrôle des établissements wallons. Cette seconde phase de l’enquête a été conduite en
collaboration étroite avec la Cour des comptes de Belgique, constituant une première
expérience d’audit commun réalisé avec une institution supérieure de contrôle d’un autre
État membre de l’Union européenne.
Un accueil ancien et croissant que les autorités françaises ont cherché à contenir
L’accueil de ressortissants Français handicapés dans des établissements de Wallonie s'explique
principalement par une proximité géographique et linguistique avec la France, un cadre
juridique longtemps moins strict que celui des opérateurs français. La création d'établissements
en Belgique, facilitée par la certitude de pourvoir les places et de les savoir financées par la
France, a attiré de nouveaux entrepreneurs parfois très éloignés du champ médico-social, aux
côtés des opérateurs historiques. L’offre a crû continûment jusqu’à accueillir actuellement un
peu moins de 8 200 Français (environ 7 000 adultes et 1 200 enfants, adolescents et jeunes
adultes) représentant un coût pour les finances publiques françaises évalué par la Cour à
0,5 Md
€
par an. Afin de maitriser ces dépenses, les pouvoirs publics ont poursuivi un double
objectif : prévenir les départs en développant des réponses sur le territoire national ; contenir
le développement de l’offre en contingentant le nombre de places autorisées et en encadrant
le niveau des financements afférents. Le moratoire de 2021 a ainsi gelé l'offre au 28 février
2021 et permis le financement de plus de 1 800 solutions alternatives au départ en Belgique
grâce à la délégation de 90 M
€
aux agences régionales de santé (ARS) Grand Est, Hauts-de-
France et Île-de-France. Toutefois, la majorité des solutions proposées a consisté en des
services à domicile ou des places en hébergement temporaire. Ces solutions, conformes à la
politique publique d’inclusion et de développement d’alternatives à l’institutionnalisation, ne
sont toutefois pas adaptées aux situations des demandeurs d’une place en Belgique, qui
nécessitent des prises en charge en hébergement permanent.
La population accueillie en Belgique dessine en creux les manques de l’offre française
La Cour a cherché à décrire la population adulte accueillie en Wallonie pour déterminer à quels
besoins répondait l’offre belge qui ne trouvaient pas de réponse en France. L’analyse des
données de recensement et d’un échantillon de dossiers de personnes hébergées en Wallonie
permet d’en dresser une typologie. Si les publics accueillis en Belgique ne sont pas radicalement
différents de ceux restés en France, on note cependant une surreprésentation de ceux qui ont
le
moins
accès
aux
établissements
et
services
médico-sociaux
(ESMS)
français.
Un nombre important de personnes souffrant de troubles du comportement et de la conduite,
associés à un handicap psychique ou à une déficience intellectuelle, sont ainsi présentes en
Belgique. Leur accueil constitue une spécificité forte de l’offre belge. Les ruptures de parcours
qui ont amené des Français à partir vivre en Wallonie ont également pu être documentées :
passage à l’âge adulte sans place dans les ESMS français, présence depuis l’enfance en Belgique
ou encore exclusion du secteur médico-social français en raison de troubles graves du
comportement.
Des dispositifs de contrôle de l’utilisation des fonds publics français à renforcer
Dix ans après l’entrée en vigueur d’un accord-cadre entre les gouvernements français et wallon,
signé en 2011, la Cour a réalisé une revue des procédures et des contrôles des établissements
wallons accueillant des Français handicapés. Des manquements graves (maltraitance physique
ou verbale, privation de nourriture comme punition, défauts de soins ayant parfois conduit au
décès, denrées alimentaires avariées, rationnement des repas, bâtiments mal entretenus ou
vétustes, défauts de surveillance avec mise en danger de résidents, négligence dans la
distribution des médicaments, non-respect de l’intimité et de la vie privée, facturation indue
avec les cartes Vitale des résidents, fraudes financières, etc.) ont été constatés dans plus de 60
établissements depuis 2015. Selon les autorités compétentes, les contrôles réalisés montrent
que ces défaillances concernent chaque année une vingtaine de structures accueillant des
Français handicapés. La répétition et la gravité de ces constats nécessitent, selon la Cour, une
révision des modes de collaboration des autorités en charge de ce dossier de part et d’autre de
la frontière. La Cour appelle également les autorités françaises à faire preuve de plus grande
vigilance quant à la qualité et la sécurité de la prise en charge de ces résidents, qui doit être
comparable à celles des établissements placés sous leur tutelle directe. Enfin, alors que
plusieurs rapports d’audits ont mis en évidence des anomalies de gestion (versements de
dividendes et de rémunérations très élevés, montages financiers complexes, etc.), le cadre
juridique actuel ne permet pas aux autorités françaises de contrôler l’utilisation des fonds
publics qu’elles versent aux établissements wallons accueillant des Français handicapés.
« Malgré d’importants risques liés à l’existence d’une pluralité de financeurs et de régimes
juridiques applicables, ni la Cour des comptes française ni la Cour des comptes de Belgique ne
disposent de la compétence pour contrôler directement l’utilisation qui est faite des fonds versés
par les pouvoirs publics français et bénéficiant à des opérateurs privés accueillant des personnes
handicapées en Wallonie
», souligne Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des
comptes.
Lire le rapport
CONTACT PRESSE
Sarah Gay
■
Chargée des relations presse
■
T 06 50 86 91 83
■
sarah.gay@ccomptes.fr